1941
Le Docteur Azevedo
Courage, ma fille, courage, épouse si chère !
Offre-moi ta douleur, offre-moi
ton
martyre, ta croix sans
pareille. Tu n'es pas seule sur celle-ci, comme je te
le fais sentir : Je suis avec toi et veille sur toi, ainsi que ma Mère bien-aimée. Te souviens-tu comment Elle t'est apparue dans la nuit du 16 au 17 en
Immaculée Conception, titre que toi tu aimes tout particulièrement ? Elle
est venue te réconforter, sans que tu le voies, Elle est venue veiller sur
toi, comme une mère empressée veille auprès de son enfant endormi. Elle est
venue te câliner et te couvrir de son manteau. Et toi, tu n'en as pas parlé
dans le Journal que tu as dicté : je ne veux pas que tu agisses ainsi.
Avec une grande tristesse je lui ai dit :
— Pardonnez-moi, mon Jésus : j’ai douté de moi-même,
je craignais qu'il ne s'agisse que d'un rêve. O combien j'en suis attristée
! Si vous me réprimandiez pour mes péchés, je ne serais pas davantage
attristée.
— Je ne te réprimande pas pour tes manquements :
ceux-ci sont permis par moi mais je te réprimande parce que je veux que tu
dises tout ce qui se passe en toi: c'est pour le bien des âmes.
—
Ton Calvaire finira bientôt, mais pas avant que mes desseins se soient
réalisés. Courage ! Tu bénéficies de l’aide de ton Directeur, de ton Jésus
et de ta Mère bénie !
— Je te promets, en ce samedi qui lui est consacré (à
la Sainte Vierge), que ta vie sur terre ne durera pas bien longtemps.
Je te promets aussi de t’accorder dans le ciel, par tes demandes et ton
amour, ce que déjà maintenant je t’accorde sur la terre par ta douleur. Mais
pour cela, ma fille, il faut que tu demandes au Saint-Père qu’il ait pitié
de ton martyre et qu’il donne satisfaction aux sollicitations de Jésus,
c’est-à-dire, qu'il consacre le monde à ma Mère bénie.
(...)
Mon père, l’aurore de cette journée m’est apparue toute
gaie et souriante.Je sentais la douleur, mais celle-ci était rendue suave par
la Maman qui veillait sur moi... De nouveau j’ai senti son Manteau se
déployer sur moi et sur beaucoup d'âmes qu'Elle étreignait et unissait comme
en une seule : à toutes Elle dispensait sa tendresse, son amour. Mon cœur en
reste encore tout enflammé.
Jésus m’a préparée à la souffrance de mardi dernier. Je
n’en connais pas le motif. Sans doute parce que cette âme-là décidée à se
réconcilier avec le Seigneur est partie d’ici pour Braga ? Jésus le sait
pour qui j’ai offert mes souffrances et mes sacrifices afin que ce
pécheur-là fasse une bonne confession. La souffrance fut telle que je n’en
pouvais plus. Je n’ai pas ressenti de joie pour le retour de cette brebis.
Mercredi, jour de saint Joseph, j’ai reçu les couronnes que vous m’avez
envoyées par l’intermédiaire de cet homme.Certaines personnes ont éprouvé une grande émotion en le voyant faire
la communion devant tous. A cette nouvelle, je suis encore restée dans la
tristesse et dans la mort: je n’ai pas eu un seul moment de satisfaction...
(...)
J’ai passé la fête de saint Joseph dans les ténèbres,
sans pouvoir voir le ciel mais toujours dans l’anxiété de donner des âmes à
mon Jésus et de parcourir le pays entier à leur recherche...
Mon pressentiment au sujet de
l’examen du docteur Abel Pacheco est en train de se concrétiser. J’ai parlé
au docteur Azevedo et il m’a dit que celui-ci était presque indispensable,
mais que je réfléchisse à la chose devant le Seigneur. Si après cela je
pensais ne pas devoir le faire, on ne le ferait pas. Mais le Seigneur m’a
donné ces sentiments “de me remettre entre les mains des médecins comme
Lui Il s’est remis jusqu’à la mort
entre les mains de Son Père ;
ce ne serait que comme cela que mon sacrifice serait complet”.
— Que pouvez-vous me dire à ce sujet ?
La journée d’aujourd’hui ne s’est pas écoulée sans qu’il
tombe sur moi une
souffrance de l’âme et du cœur bien difficile à supporter.
À la tombée de la nuit s’est déchaînée une des plus terribles tempêtes. J’ai
commencé à ressentir une révolte et un très fort désir de m’imposer car les
médecins ne venaient pas pour leur examen, pour que je sois libérée de
beaucoup d’humiliations et de désagréments. Je sentais en moi une forte
résistance, je ne voulais pas me soumettre à la douleur ; je voulais tout
souffrir à condition de ne rien ressentir. C’est alors qu’est tombée sur moi
toute la rage infernale: j’ai compris que c’était là, l’œuvre du malin. Les
démons étaient enragés, ils voulaient engloutir mon corps tout entier.
J’en voulais surtout au docteur Azevedo ; j’avais
l’impression de ressentir contre lui une haine de mort et c’était moi-même à
vouloir le mordre pour le mettre en morceaux et le broyer. Quelle tempête
terrible ! Ce n’est que dans les bras de Jésus et de la Maman du ciel que je
pouvais être sûre de ne pas offenser mon Dieu.
Si le monde connaissait les embûches du démon, les pièges
qu’il prépare aux âmes pour les conduire au péché !... Je pense ne pas avoir
causé de peine à Jésus, parce que je ne veux que ce qu’il veut et ne jamais
l’offenser...
— Dis au Pape que Jésus, demande et ordonne de consacrer
le monde à sa Mère. Qu’il le lui consacre rapidement, s’il veut que la
guerre se termine, rapidement s’il veut que le monde ait la paix.
(...)
Le médecin m’a écrit pour me dire qu’il était allé à
Braga mais qu’il ne vous a pas trouvé; mais qu’il vous écrira pour vous
informer sur ce qui se passe. Il a déjà parlé au docteur Abel Pacheco lequel
est prêt à venir pour l’examen. Le médecin des maladies nerveuses ne vient
pas et n’a pas assuré non plus de venir par la suite. Je ne connais pas
encore le jour où je serai examinée. Me le communiquerez-vous ? Priez pour
moi afin que Jésus me donne du courage...
Mon Père, si seulement vous me donniez l’autorisation de
demander à Jésus le paradis au plus vite !... Ce n’est pas pour fuir la
douleur, mais parce que ma souffrance et ma crucifixion sont en train de
devenir trop connues. Je voudrais fuir le monde afin que personne d’autre ne
me connaisse. Oh, combien de tourments ma crucifixion m'a apportés ! J’ai
tant de nostalgie du temps où Jésus me parlait souvent et personne n’en
savait rien de ma vie sinon celui qui en avait le droit...
Vers le soir pour combler ma souffrance, j’ai reçu du
digne docteur Azevedo la
nouvelle que jeudi, premier mai, le docteur Abel
Pacheco, de Porto, allait venir pour pratiquer l’examen. Ce fut comme une
lance qui m’aurait traversé le cœur et, cruellement le clouant sur la terre
nue. Et c’était contre cette même terre que celui-ci saignait de douleur. Le
lundi est arrivé et je l’ai passé dans la même souffrance. Je voulais
m’épancher de façon à chasser hors de moi la crainte et la honte qui me
tourmentaient. Je me suis souvenue que c’était là une bonne occasion pour
consoler et réparer pour mon Jésus, souffrant en silence avec Lui ; je Lui
ai offert le sacrifice du silence et je Lui ai promis de ne pas en parler.
Cela m’a été douloureux, mais avec Jésus j’ai vaincu... J’ai préparé avec
soin et joie le petit autel de la Maman chérie... Je lui ai écrit une lettre
et l’ai déposée à ses pieds pour le premier jour de son mois. Je suis
confiante qu’elle me fera tout ce que je lui ai demandé...
Le jeudi est arrivé ; ce fut bien triste: j’attendais les
médecins. Quel tourment ! J’ai dit trois fois : “Premier mai, comme tu es
pénible ! Qu’arrivera-t-il encore avant la fin ?”
À la Communion j’ai offert le sacrifice que je devais
affronter ; je l’ai offert pour ces âmes qui s’en vont chez les médecins
pour pêcher et offenser Jésus. J’ai imploré la force du Ciel ; j’ai demandé
la lumière et l’amour de l’Esprit Saint, le secours de la très Sainte
Trinité, celle de Jésus Eucharistique, celle de la Petite-Maman, ainsi que
celles de saint Joseph, de sainte Thérèse,de sainte Gemma,etc..
L’heure est arrivée et j’ai été examinée. Les souffrances
du corps m'ont été douloureuses, mais celles de l’âme aussi. Quelle
humiliation ! Aussitôt que les médecins sont partis, je voulais pleurer;
exprès, j’ai caché mes larmes. J’ai dit à Jésus que je ne pleurerai pas
pour que Lui non plus, ne pleure pas les péchés du monde.
J’ai levé mon regard vers la Maman du ciel et je lui ai
dit :
— Je suis prête pour un autre sacrifice... Dites-le à
Jésus pour moi. Faites que je souffre ! Faites que j’aime ! Je veux mourir
d’amour.
Pendant toute la journée, mon corps et mon âme étaient
plongés dans une mer de douleur !...
Il est triste que le monde ne connaisse pas l’amour de
Jésus pour les âmes! Nous le verrions davantage aimé et moins offensé. À la
fin, Jésus m’a éclairée. Nous sommes partis à Porto. C’est sa volonté afin
d’augmenter ma souffrance.
Que cela soit pour sa
plus grande gloire. Comme j'ai honte et comme j'ai peur!...
— Unis ta douleur à la mienne,
ton amour au mien ; ce n’est que de cette manière que le chemin de ton
Calvaire pourra être plus suave ; ce n’est que de cette manière que les
pécheurs pourront être sauvés ; ce n’est que de cette manière que la paix
pourra venir dans le monde, et elle viendra vite. Ensuite, le monde entier
se réjouira d’être consacré au Cœur de Ma Mère bénie qui est aussi latienne...
Je me trouve dans une nuit obscure, sans la moindre
goutte de rosée.
Il n’y a pas de baume
pour les douleurs de mon âme. Je vois de loin les coups qui blessent mon
cœur. J’ai du mal à respirer sous le poids des humiliations. À l’idée des
souffrances que me procurera mon voyage à Porto, je me dis à moi-même :
— Je vais en jugement.
Opprimée et anéantie par cette douleur, je pense :
— C’est pour Jésus et pour les âmes !
Et alors tout mon être se transforme en une seule
pensée :
— Dieu en tout et avant tout.
Je passerai toute ma vie ne pensant qu’à Dieu seul. Tout
passe : Dieu seul reste. La pensée de Dieu enveloppe ciel et terre. Je
m’abîme en Lui. Je peux l’aimer et penser à Lui pendant toute l’éternité.
Cette pensée me soulage ; cependant c’est ainsi que j’adoucis ma douleur et
que je peux sourire au tableau triste et douloureux qui se présente à moi.
Je fais semblant d’avoir une grande joie de mon voyage à Porto, afin de
rasséréner les miens et qu’ils ne comprennent pas la douleur qui habite mon
cœur...
Le 29 janvier 1941 j’ai eu la visite d’un prêtre connu et
de diverses autres
personnes
de la paroisse. Après une longue conversation, j’ai appris que parmi eux il
y avait un médecin. J’ai rougi, non pas que j'ai menti au sujet de mes
douleurs, mais parce que je ne m’y attendais pas. Il m’a parlé et est resté
souriant. Je ne sais pas ce que j’ai éprouvé à son égard. J’étais bien loin
de penser que peu de temps après il serait devenu mon médecin traitant.
Il [le Dr Azevedo] a commencé [son œuvre] en m’examinant
minutieusement, avec beaucoup de délicatesse et de charité. À la fin de son
examen, il a jugé opportun d’inviter le docteur Abel Pacheco
et mon médecin traitant de l’époque.
Je suis restée très triste parce que j’étais saturée
d’examens médicaux, mais j’ai accepté la nouvelle épreuve comme étant la
volonté de Dieu et pour le bien des âmes.
Le premier mai de la même année j’ai été examinée par le
docteur Pacheco. L’examen
n'a duré que
quelques minutes, mais il a été
source de
grandes souffrances pour le corps ainsi que pour l’âme : pour le corps parce que
ses mains semblaient de fer ; pour l’âme parce que je ressentais déjà les
humiliations et les conséquences de cet examen.
Malgré tout cela, j’étais encore loin d’en voir le bout !
J’ai été informée par le docteur Azevedo qu’il serait
mieux que je retourne à Porto afin de consulter le docteur Gomes de Araujo.
Pendant un mois j’ai prié pour savoir si c’était bien là
la volonté de Dieu. Plus je demandais de la lumière et plus les ténèbres
augmentaient et plus profonde devenait la souffrance de l’âme, car je ne
savais pas quoi faire. Finalement, le Seigneur m’a dit qu’Il voulait que je
parte.
Mon état physique est assez grave. Ils craignaient de
m’enlever de mon lit pour un
aussi grand voyage. Moi même je craignais
beaucoup: si rien que le fait de me toucher était cause de grandes
souffrances, comment pouvais-je aller aussi loin ?... Encouragée par les
paroles du Seigneur, je m’en suis remise à Sa divine Protection, et me suis
préparée pour partir à l’aube du 15 juillet 1941.
À quatre heures, j’avais déjà fait mes prières. Pour
montrer que j’en étais contente, j’ai appelé ma sœur pour lui dire que
“nous allions en ville”: rien que pour cacher ma douleur. Pendant que je
lui disais cela, j’ai entendu la voiture qui arrivait chez nous.
Le docteur Azevedo et une personne amie
sont entrés dans ma chambre. Après une courte conversation,
pendant que ma sœur s’habillait, nous nous sommes préparés pour partir. Nous
sommes partis à 4h30, afin de ne pas alarmer la population ; il
faisait encore nuit. En effet, nous sommes sortis du pays sans rencontrer
personne.
Mon âme était encore dans un plus grand silence !
Plongée dans un abîme de tristesse, sans interrompre mon union intime avec
Jésus, je voyageais en Lui demandant toujours davantage de courage pour les
examens qui m’attendaient et en les offrant en sacrifice afin que Jésus
accorde son divin Amour à toutes les âmes. J’invoquais aussi la Maman du ciel et les saints qui
m’étaient les plus chers.
Rien ne m’attirait et, tout ce que je voyais me causait
une profonde tristesse. De temps à autre ils interrompaient mon silence pour
me demander si j’allais bien ; je les en remerciais sans même sortir de
l’abîme dans lequel j’étais plongée.
Il faisait jour quand nous sommes arrivés à Trofa, chez
la personne qui nous accompagnait: là je devais me reposer et recevoir mon
Jésus, en attendant de repartir pour Porto.
Avant de reprendre le voyage,
on m'a portée dans le
jardin et, soutenue par l’action divine, je me suis approchée de quelques
petites fleurs que j’ai cueillies en pensant :
— Le Seigneur, quand Il les a créées, savait déjà
qu’aujourd’hui je serais venue les cueillir.
J’ai été photographiée
dans deux
endroits différents et, je me suis déplacée toute seule, pour aller de l'un
à l'autre, ce qui ne m'était plus arrivé depuis que j'étais allitée,
de la même
façon que je ne pouvais plus me retourner dans mon lit sans l'aide de
quelqu'un. Ce fut un miracle de Dieu, car sans
Lui, je n’aurais pas pu le faire.
Nous avons repris le voyage: mon âme souffrait
horriblement.
À quelques kilomètres de Porto, Jésus a retiré son action
divine. J’ai commencé à ressentir les souffrances physiques habituelles qui
m’ont tourmentée jusqu’à la fin du voyage. J’ai dit alors, non parce que
je connaissais la distance, mais parce que mon état me l’a fait dire :
— Nous sommes déjà proches de Porto.
Quelqu’un a répondu :
— Nous y sommes, nous y sommes !
En effet, j’ai pu voir qu’il ne
nous restait plus que six
kilomètres à parcourir.
La sortie vers le cabinet a été douloureuse, autrement
dit : martyre pour le corps, agonie pour l’âme; il me semblait que j’allais
mourir.
Avant d’entrer dans la salle de visites, j’ai dit à celui
qui me portait dans ses bras :
— Posez-moi, posez-moi, même si c’est sur le
carrelage !
Au même moment le médecin est arrivé et il me fit
allonger sur un brancard, où je suis restée en attendant la consultation. Quelques
instants avant que je ne rentre dans le cabinet du docteur, Jésus m’a libérée de
l’agonie de l’âme, ne me laissant que les souffrances physiques, afin que je
puisse mieux résister.
La consultation a été assez longue et douloureuse. Pendant que
l’on me déshabillait, on m’encourageait et moi, me souvenant ce que l’on
avait fait à Jésus, je me disait en moi-même :
— Même Jésus a été déshabillé.
Et je n’ai pensé à rien d’autre.
Le docteur Gomes de Araujo, même s'il
avait des gestes un peu brusques, a été
prudent et attentionné.
Pendant le retour à la maison, Jésus a exercé sur moi son
action divine, afin que je résiste au voyage, mais il m’a laissée de nouveau
l’âme angoissée.
Arrivés à Ribeirão on m’a fait reposer chez le docteur
Azevedo afin d’attendre la nuit et de pouvoir rentrer au pays sans que
personne ne s’en rende compte.
Que ce soit chez Monsieur Sampaio
ou chez le médecin
j’ai été traitée avec beaucoup d’égards, mais nul ne parvenait à me
réconforter, alors même que je souriais pour cacher le plus possible ma
douleur.
Il faisait déjà nuit quand nous avons repris le voyage.
Tout m’invitait à un silence de plus en plus profond. J’étais indifférente à
tout. Pendant le trajet, je n’ai rien vu d’autre que les fleurs du jardin de
Famalicão parce que quelqu’un me les avait signalées.
Nous sommes arrivés à la maison à minuit, obtenant ainsi,
que personne ne se soit rendu compte de notre absence.
Après ce voyage, mes souffrances physiques ont assez
augmenté.
Mon voyage à Porto et la publication de ma vie ont alarmé
les supérieurs de mon directeur spirituel à un point tel que peut-être il
lui sera interdit de venir vers moi, de me porter l'assistance religieuse
dont j’ai besoin et enfin, de m’écrire et de recevoir de mes nouvelles !
Depuis lors, j’ai commencé à vivre d’illusions :
— Viendra-t-il aujourd’hui, viendra-t-il demain ?
Combien de choses me venaient à l’esprit ! L'idée de
perdre du temps en divagations inutiles me tourmentait, mais je n’ai pas
réussi à détourner ma pensée de ce qui me faisait tant souffrir.
Ma vie est devenue un sacrifice total. Je peux même
affirmer que je ne sais pas ce que c’est que d’être heureuse, cela aussi me
peine. Je me sens à la fin de ma vie: j’attends l’éternité. Là seulement je
pourrai remercier Jésus de m’avoir choisie pour cette vie de sacrifice
continu, pour n’aimer que Lui, pour Lui sauver des âmes.
Préoccupée par ces événements
je ne faisais que prier. Quand
je suis arrivée dans ma pauvre maison aussitôt j'ai enduré des douleurs
atroces qui me consumaient le corps, qui résultaient peut-être de l'examen
et du voyage... Dans les heures de plus grande angoisse, Jésus me disait :
— Voici, ma fille, tes souffrances pour les prêtres.
Souffre pour eux. La souffrance répare. Les ardeurs qui te brûlent, ce sont
les ardeurs de leurs passions. Je me suis servi de l’examen médical pour te
faire souffrir pour eux...
Mes douleurs, augmentées à cause de l’examen, continuent.
Mais peu importe. Je peux ainsi en donner davantage à Jésus et Lui, Il peut
les distribuer aux âmes. Je veux consoler son divin Cœur tellement blessé.
Je veux que ma souffrance soit comme l’encens très fin qui s’envole
continuellement vers le ciel.
Le poids des humiliations pèse sur moi et, savoir que
j’ai pu être la cause d’humiliations pour vous et pour mon Père spirituel,
m’afflige beaucoup. Veuillez me le pardonner. Je ne voudrais pas vous faire
souffrir...
Hier je n’ai pas eu la force de décrire les sentiments
de mon âme et tout ce que j’ai souffert... L’heure de la crucifixion est
arrivée. Jésus est venu me soutenir, comme d'habitude, afin d'atténuer ma
douleur et me donner courage pour monter au Calvaire.
— Viens, ma fille, monte au Calvaire avec douceur et
amour. Ta souffrance a pour moi la douceur du miel ; ta souffrance me donne
beaucoup de consolation et sauve beaucoup de pécheurs. Courage ! Appuie-toi
sur ton Directeur, sur ton Jésus et sur ta Petite-Maman.
Je suis alors partie au Jardin des Oliviers, remplie de
paix et de courage. Cette jouissance a été de courte durée. Soudain, Jésus
m’a appelée :
— Ma fille, il y a à Lisbonne un prêtre qui est tout
près de tomber en enfer. Il m’offense très gravement. Appelle ton Père
spirituel, et demande-lui l’autorisation pour que je fasse souffrir, pendant
la passion, d’une façon bien plus atroce, pour ce prêtre.
C’est ce que j’ai fait.
Comme mon Père spirituel m’y a autorisée, je suis de
nouveau tombée au Jardin des Oliviers, afin d’y souffrir bien atrocement. Je
sentais avec quelle gravité ce prêtre offensait Notre-Seigneur. Je sentais
pareillement l’indignation de Notre-Seigneur contre lui. Jésus me disait :
— L’enfer ! L’enfer !...
Et j’avais l’impression que ce prêtre allait vraiment y
tomber. Alors, moi, je disais :
— Non, non, mon Jésus ! Pas en enfer ! Il pèche, mais
je serai sa victime ; non pas uniquement lorsqu’il commet le péché, mais
pendant tout le temps que vous voudrez.
Notre-Seigneur m’a dit alors :
— Il trompe les gens. Tous pensent qu’il est bon, mais
il m’offense beaucoup.
Et moi, je disais :
— Il trompe les gens, mais vous, il ne vous trompe pas
; oubliez, mon Jésus; ayez compassion de lui.
Jésus m’a dit son nom : c’est le Père X...
Pendant presque tout le temps qu’a duré la Passion, j’ai
ressenti son péché. Et Jésus était toujours très en colère contre lui, et me
disait :
— En enfer ! En enfer !...
— Pas en enfer, mon Jésus ; je souffre pour lui.
Immolez mon corps, mais épargnez-le des peines éternelles.
Et pendant toute la Passion je sentais la blessure qu’il
produisait dans le Cœur de Jésus. Une blessure si douloureuse ! C’était
comme des épées qui, continuellement, blessaient mon pauvre cœur.
Mon corps a été horriblement maltraité, mais le prêtre
n’est pas tombé en enfer ; bénies souffrances !
Lors des premiers moments de mon épuisement,j’ai senti que Jésus et la Maman me caressaient. Elle s’est
placée à ma gauche et prenant ma tête, l’a posée sur son très saint Cœur et
d'une voix très tendre m’a dit :
— Ma fille, aie courage : c'est pour mon amour,
pour l’amour de mon Jésus...
La Petite-Maman m'a embrassée et m’a serrée très fort
contre son Cœur, m’a fait voir la lumière qui pénétrait les âmes et son
triomphe à Elle...
Les visites de la Maman du Ciel
se sont répétées: Elle me caressait, me prenait dans ses
bras, me couvrait de sa douce tendresse.
Hier, jeudi, j'étais envahie par la douleur et par la
peur, et aveuglée par les ténèbres... Je voguais dans les airs, perdue comme
l'oiseau qui dans la tempête cherche une branche où se poser. Je n'ai pas
trouvé où me reposer.
Je me suis lancée entre les bras de la Maman et je Lui ai
dit que j'offrais ma douleur afin que la paix revienne dans le monde.
J’ai ressenti quelques moments de soulagement.
Pauvre de moi, si à ces moments-là la Petite-Maman ne
m'avait pas secourue! Je n'en pouvais déjà plus !
Je suis alors partie vers le couronnement d'épines. Mes
souffrances augmentèrent. Je suis restée pour quelque temps dans le refuge
du Cœur de la chère Petite-Maman: j’ai reçu de ses lèvres célestes un tendre
réconfort et beaucoup d'amour, comme s'il s'agissait de l'eau d'une source
pure et cristalline.
— Je t'aime parce que tu m'aimes et aimes mon Fils
Jésus. Je t'aime parce que je vois en toi la candeur du lys et de l'iris, et
leur parfum t'embaume.
J'aime tous ceux qui t'aiment et qui te soutiennent.
Ils recevront tout de moi et de Jésus.
Le 27 août 1941 j’ai eu la visite de Monsieur le curé
accompagné du Père Terças et d’un autre prêtre. Cette visite fut pour moi
très agaçante, parce que j’ai dû faire le sacrifice de répondre devant tous
à une série de questions du Père Terças. J’ai répondu consciencieusement à
toutes les questions, car j’ai pensé qu’il était venu pour faire une étude,
comme d’autres l’avaient fait. Cependant, le Seigneur seul sait combien cela
m’a coûté de devoir parler de la “Passion” ; et c’est surtout sur celle-ci
qu’il m’interrogea.
Monsieur le Curé m’a dit que le Révérend désirait revenir
le vendredi 29 août.
Je ne voulais pas y
consentir sans consulter mon directeur mais, m’ayant dit qu’il devait
repartir à Lisbonne ce jour-là,j’ai cédé à sa demande, lui disant :
— Je pense que vous ne venez pas ici par curiosité,
n’est-ce pas ?
Ayant été rassurée sur ce point, j’ai accepté, même si
sa visite un vendredi me déplaisait assez.
Il est venu, mais accompagné de trois prêtres. J’étais
bien loin de penser que cette visite me préparait un nouveau calvaire : peu
après il publia tout ce qu’il avait vu et tout ce qu’il avait appris sur
moi.
Que le Seigneur accepte les souffrances qui m’ont été
causées par cette publication qui étala sur la place publique mes secrets
cachés pendant de longues années.
De temps à autre, les commentaires
à mon sujet, me parvenaient aux oreilles : c’étaient comme des épines que les gens
m’enfonçaient involontairement dans l’âme. Ceux qui lisaient cette revue là
ou écoutaient ce qui se disait sur moi, en recevaient des sensations
diverses.
(...)
Je sais que peu personnes me comprendront, mais en ce qui me concerne, une seule chose me suffit: Jésus comprend tout.
J’ai su qu'hier déjà on s’informait sur une certaine
Alexandrina de Balasar et que des gens du village réclamaient la revue dans
laquelle on parlait de moi. J’ai beaucoup pleuré. Tournée vers le Tabernacle
de l’église j’ai dit à Jésus :
— Vous avez permis que j’arrive à ce stade et Vous ne
venez pas me chercher pour aller au ciel !
Tout à coup il m'est venu à l’esprit que je pouvais
faire plaisir à Jésus et je me suis dit :
— Je ne pleure plus, parce que Jésus ne le veut pas.
Je veux tout souffrir pour le salut des âmes et par amour pour Jésus et la
Maman du ciel.
En effet, j’ai toujours le sourire, même si dans mon
for intérieur je pleure, parce que dans mon cœur seule la souffrance règne. La
publication de ma vie est comme une épine qui ne cessera jamais de me
blesser...
NOTES
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