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Donnez à mes lèvres un sourire
trompeur...
Jésus, mon
agonie se prolonge, mon calvaire n'a pas de fin. Les noires
ténèbres de la nuit ne peuvent jamais finir pour moi.
Je ne vois pas le chemin, je ne peux pas poursuivre ni
revenir en arrière ; je n'ai pas de guide, je n'ai plus de
vie. Je sens que mon cœur et mon âme sont réduits en petits
morceaux. Par amour de qui ai-je accepté tout ceci ? Pour
Vous, mon Jésus, seulement pour Vous et pour les âmes.
Servez-Vous de ma tristesse et de mon agonie, servez-Vous du
sacrifice qui m'a mené à l'extrême, pour donner la paix au
monde, mon Jésus, pour que votre divin Cœur puisse recevoir
de moi toute la joie, la consolation et l'amour possibles,
afin que soient réalisés tous vos désirs, pour que les âmes
soient sauvées. Si je ne vis pas pour les sauver, si mes
souffrances ne suffisent pas pour leur éviter l'enfer,
rapidement, mon amour, rapidement, prenez-moi alors avec
Vous ; il n’est pas possible de vivre ainsi ; qu’au moins me
reste cet espoir : que mon agonie console votre divin Cœur.
Dépêchez-vous, Jésus, de me secourir ; faites que je reste
ferme dans mes promesses. Donnez à mes lèvres un sourire
trompeur
dans lequel je puisse cacher tout le martyre de mon âme ; il
suffit que vous seul ayez connaissance de toutes mes
souffrances. Parcourez, mon Jésus, tout mon corps, mon cœur
et mon âme ; voyez s’il y reste quelque chose que je puisse
Vous donner ; je veux tout vous offrir. L'interdiction faite
à mon Père spirituel de s’occuper de moi et tous les
sacrifices qui s’en sont suivis, m'ont amenée à une
souffrance extrême. Et maintenant, mon Jésus, le savoir si
près de moi
et moi restant là comme le petit oiseau triste pendant les
jours d'hiver, mourant de faim, sans pouvoir lui parler,
sans pouvoir recevoir de lui aliment et vie pour mon âme,
c'est mourir de douleur.
Que règne pour
toujours votre amour, lui seul peut vaincre.
Je vous ai
promis, mon Jésus, de souffrir en silence, de ne pas laisser
échapper une plainte, tant
que ma poitrine
pourra contenir la douleur de ma triste souffrance. Je n’en
peux plus maintenant, Jésus, je me sens complètement
écrasée. Les humiliations, les dédains et les abandons
m’écrasent. J'ai perdu la vie de la terre, j’ai perdu la vie
du Ciel ; je suis inutile pour Vous.
Pauvre âme, qui
ne ressent rien d'autre que peur et terreur ! Triste cœur
soucieux de posséder le sang du monde entier afin d’écrire
sur les pavés de tous les chemins du calvaire, avec des
lettres de sang : amour, amour, amour de Jésus !
Mais elle n’a
rien ; elle ne sert même pas à Le consoler et à L’aimer.
Jésus, écoutez
le cri de mon âme ; je veux seulement vous aimer, et ne
jamais pécher. Je ne suis que misère, je suis un néant ; je
me sens honteuse, je me sens faiblir. Mais ma volonté veut
suivre tous les chemins tracés par Vous.
Mon corps est
sur la croix. Je sens ma tête entourée d'épines sans pouvoir
la tourner de côté et d'autre, ces épines la blessent de
façon lancinante. Dans ma poitrine est gravé le calvaire ;
la souffrance de ce calvaire est très douloureuse,
indicible. Mais mes lèvres ne désirent balbutier qu’une
seule phrase : encore, encore, mon Jésus, toujours davantage
de souffrances. La volonté devient folle à l'approche de la
crucifixion ; le corps, la pauvre nature s’épouvante et veut
s'en détacher, il n'a plus de courage pour une telle
souffrance. L'heure approche. Soyez Vous-même, ô mon Jésus,
toute la force de votre petite fille qui apparemment se sent
abandonnée de tout et de tous.
Bse.
Alexandrina Maria da Costa :
Sentiments de l'âme du 6 mars 1942.
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