CHAPITRE XX
Le 15 février 1946, à l’occasion d’une conversation avec
le Père Umberto, Alexandrina lui confiait :
« Je
me sens unie aux Salésiens et les Coopérateurs du monde entier. Combien de
fois en posant mes yeux sur mon diplôme de coopératrice j’offre mes
souffrances avec les leurs pour le salut de la jeunesse ! J’aime la
Congrégation ! Je l’aime beaucoup et je ne l’oublierai jamais, ni sur la
terre ni au ciel. »
Dans une petite lettre aux novices salésiens, elle
s’exprimait ainsi :
« Mes chers novices et salésiens de cette
sainte maison, je désire que vous occupiez dans le Cœur de Jésus la place
que vous occupez déjà dans le mien, car ainsi vous pourrez tout recevoir. Je
vous porte tous dans mon cœur. Je veux que tous vous soyez dans le Cœur de
Jésus et de Marie. »
Ces paroles résonnent comme celles de saint Paul :
« Je vous porte tous tendrement dans mon cœur ». La jeune fille,
souffrait de la même avidité que le fondateur Dom Bosco : « Seigneur,
donne-moi des âmes ! »
Il est impossible de fixer des limites. Elle commença, à
la fin de son enfance, à s’occuper de catéchèse en préparant les plus petits
pour la communion même quand, à partir de 1925, suite à sa paralysie qui
l’obligeait à garder le lit, les enfants y accouraient et suivaient ses
enseignements, assis sur le parquet. Sur l’une de ses “fleurettes” de mai,
on peut lire :
« Je prierai et je souffrirai afin que
l’innocence des petits soit préservée. »
En 1935 elle fonda dans la paroisse la “Croisade
Eucharistique” : qui comptait une centaine de garçons et de filles.
Mais son apostolat incorporait aussi les adultes. Un
certain Machado, le père de la fameuse Maria qui a tant fait souffrir
Alexandrina, ne fréquentait plus les sacrements depuis de nombreuses années.
Quand il venait la visiter, Alexandrina ne cessait de lui en parler. Un
jour, finalement, cet homme ce décida et exprima le désir de se confesser, à
Braga, au Père Pinho. La servante de Dieu lui remit un billet de
présentation, et il se mit en route. Il revînt joyeux la remercier, et sans
respect humain, il se rendit au banquet eucharistique.
Le mari d’une certaine Belmira Martins avait une aversion
certaine envers l’Église. Un jour il passa tout près d’Alexandrina et
celle-ci qui se traînait avec peine s’arrêta pour lui dire : « Allez vous
confesser ! » Surpris que la remarque lui ait été adressée par une
adolescente, il lui répondit d’un ton sec : « Dans d’autres temps les
parents donnaient des conseils aux enfants. Maintenant ce sont les jeunes
qui conseillent les plus âgés ! » Dans les dernières années de sa vie,
cet homme revînt à l’Église et mourut saintement.
En 1934 Alexandrina écrivit à un certain Joaquim
Rodrigues pour l’inviter à changer de vie. L’institutrice Maria Amélia
Fangueiro raconta au Père Umberto :
« Lors que je suis venue comme enseignante à Balasar
j’étais en pension chez Monsieur Rodrigues. Je sais qu’il visita, à une
certaine occasion Alexandrina, et il avait l’habitude de dire : « Dans cette
âme-là, combien est grand le pouvoir de Dieu. »
Il se confessa et devînt très respectueux des préceptes
de l’Église, aussi bien que son épouse.
Alexandrina promut plusieurs triduums avec sermon et deux
missions dans la paroisse et en supporta les frais.
Afin que tout le monde puisse bénéficier, y compris les
personnes malades ou empêchées, elle demanda que des haut-parleurs soient
installés sur le clocher de l’église, ce qui permit, même à ceux qui
habitaient loin, de ne rien perdre des cérémonies.
Lorsque la renommée de la malade se propagea dans le
diocèse et ailleurs, son apostolat prit des proportions insoupçonnées.
Venus de loin, se présentèrent un jour un jeune couple
accompagné de trois enfants. Ceux-ci étaient arrivés dans leur foyer les uns
après les autres avec très peu d’intervalle. La conversation d’Alexandrina,
à un certain moment, s’orienta délicatement sur le péché qui tâchait les
relations entre les deux. Ils l’écoutèrent sans rien laisser transparaître :
ils se montrèrent impassibles.
À peine partis, la malade entra dans une grande
agitation. Par bonheur le directeur spirituel arriva et elle lui demanda une
parole rassurante :
« Je ne sais pas pourquoi — dit-elle
— j’ai parlé sur ce ton à ce couple. Une force supérieure m’y
contraignit. »
Quelques jours plus tard, le mari revint pour remercier
Alexandrina de ses admonestations providentielles. Il la rassura que par le
Sacrement de pénitence, il avait mit en paix sa conscience, et se déclarait
résolu à ne plus offenser le Seigneur par le péché.
Près de ce lit où Alexandrina s’immolait pour le bien des
âmes, se consumant dans plus ardent amour pour son Jésus, et visitée par
tant de monde, le Père Umberto écrivit quelques phrases de la voyante qui
méritent de rester dans l’histoire. En voici une :
« J’aimerais disparaître sous l’amour de Dieu
de telle sorte que quand les hommes m’entoureraient, ils me trouvassent
point. »
Et c’est probablement à la chaleur de cet amour que
mûrirent, dans cette petite chambre, au moins six vocations à la vie
sacerdotale et religieuse. C’est le nombre que nous avons pu identifier. A
certaines, Alexandrina assura même le trousseau.
Celle-ci n’acceptait jamais quoi que ce soit pour
elle-même, mais elle ne refusait pas les dons qui lui étaient remis, car
elle en faisait bénéficier les pauvres et s’en servait pour d’autres œuvres
de bienfaisance. C’est ainsi qu’elle put accorder véritablement des sommes
considérables.
Elle n’oublia pas d’aider les œuvres missionnaires.
Plusieurs lettres de supérieurs de maisons de formation pour les vocations
en sont la preuve. Elle recevait aussi un certain nombre de revues qu’elle
distribuait aux personnes afin de faire connaître et de faire vivre l’ardeur
missionnaire propre à tout vrai chrétien.
Elle partagea, avec une rare sagesse, les problèmes
familiers de centaines de personnes qui avaient recours à elle, en venant,
ou en écrivant. Le document contenant ses 371 lettres
recueillies pour le procès sur les vertus, en est la preuve.
Nous ne pouvons passer sous silence les centaines d’images pieuses sur
lesquelles elle écrivait de sa main et avec beaucoup de sacrifice des
pensées spirituelles pour ses amis, bienfaiteurs et personnes chères.
Miettes qui, mises ensemble formeraient une merveilleuse mosaïque sur sa
grandeur spirituelle et apostolique.
Pour la moralisation des plages, elle écrivit une lettre
au cardinal Cerejeira y joignant une autre lettre pour le docteur Salazar,
président du Conseil, afin qu’une loi soit votée à cette fin ; requête qui a
été satisfaite.
De la lettre au cardinal, nous reproduisons juste le
commencement qui fait référence à son action pour la consécration du monde :
« Je sais que Votre Éminence me connaît car mon
directeur spirituel, le Père Pinho vous a parlé de moi lors qu’il a fallu
demander au Saint-Père de faire la demande de consécration du monde à Notre
Dame... »
Parmi les souvenirs chers à Alexandrina, nous avons
trouvé une clef qui a son histoire. Un jour un étranger fort élégant se
présenta à elle. nous ignorons ce qu’ils se racontèrent pendant le long
entretien : Alexandrina était très prudente lorsque quelqu’un lui confiait
quelque objet. Nous savons simplement que cette personne menait une vie
dissolue, et comme preuve, elle montra à la malade la clef de la porte d’une
dame sa complice dans le péché. Sous les instances d’Alexandrina il lui
promit qu’en passant sur le pont de la rivière Est,
tout près du village,
il la jetterait à l’eau. La malade le fixa avec un regard d’acquiescement.
Mais elle ajouta aussitôt :
« D’ici au pont il y a tout de même une
certaine distance. Chemin faisant, la tentation à faire le mal peut vous
faire changer d’avis. Il serait bien mieux que vous me la confiiez. »
Cet homme accepta et posa la clef sur la table de chevet,
tout près du lit. Il sortit ensuite de la chambre le visage radieux et avec
des paroles de remerciement pour le soulagement qu’il ressentait dans son
cœur.
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