UM HOMME QUE
J’AIMAIS
J’ai connu Monsieur
André Castella dans les années 80. J’ai été conquis par sa
gentillesse, par sa réserve et son semblant de timidité.
Il donnait l’impression
de quelqu’un de timide, mais ce n’était là, je pense, qu’une façon
toute à lui de
continuer
son “tête-à-tête” avec Dieu, une façon de préserver son jardin
secret vis-à-vis de tous ceux — et ils étaient très nombreux — qui
cherchaient ses conseils avisés, son aide, la publication d’un livre
que d’autres avaient refusé ou encore de ceux qui surveillaient ses
allées et venues, afin de découvrir une faille, un point de départ à
une diffamation gratuite motivée souvent par la jalousie.
Pour sa revue Stella
Maris — excellente, il faut le dire —, il m’est arrivé d’écrire, à
sa demande, plusieurs articles ayant trait au Portugal. J’ai écrit
trois ou quatre articles sur la bienheureuse Alexandrina de Balasar,
à un moment où elle n’était encore que Servante de Dieu ; j’ai écrit
un autre sur le miracle qui a permis la béatification des enfants de
Fatima, Francisco et Jacinta ; un autre encore sur un cas de
“miracle eucharistique” à Moure, village peu éloigné de Barcelos et
de Balasar — le pays d’Alexandrina — “miracle” que l’évêque du
diocèse, après deux enquêtes a déclaré “n’ayant rien de
surnaturel”.
Il m’a un jour demandé
si je serais capable de traduire un livre italien en portugais. Je
lui ai promis d’essayer… Ce n’est certes pas la meilleure traduction
que j’ai pu faire d’un document italien, mais, comme il m’avait dit
que cela resterait uniquement à l’intérieur d’un monastère, j’ai
considéré que ma traduction pouvait leurs être utile, même si elle
contenait quelques fautes de portugais — cela faisait bien trente
années ou plus que je n’utilisais plus ma langue maternelle.
Depuis des années, je
ne suis plus jamais retourné à San Damiano, en Italie, et, nous nous
sommes un peu perdus de vue : lui il continuait son cheminement vers
Dieu et dirigeait de main de maître les Éditions du Parvis et la
Revue Stella Maris ; moi, de mon côté, je continuais mon petit
chemin entre un métier que j’aimais et la propagation de la vie et
des écrits de la bienheureuse Alexandrina Maria da Costa, que le
“saint” Pape Jean-Paul II béatifia le 25 avril 2044.
Mais, revenons à
Monsieur André Castella, qui est la “cause” de ces quelques lignes…
Je pense pouvoir dire,
sans me tromper, que l’on peut l’invoquer dans nos prières, car
c’était un “saint homme” qui pouvait, lui aussi, dire chaque jour en
se levant : “Je veux voir Dieu”.
Mais il est judicieux
que quelqu’un qui l’a connu bien mieux que moi, vous en trace un
portrait bien plus intéressant et bien plus détaillé, que je ne
saurais le faire. Je laisse donc le soin à son fils Étienne Castella
de nous le décrire, de nous le raconter.
Alphonse Rocha
* * * * *
André Castella a rejoint la maison du
Père
André Castella,
fondateur des Editions du Parvis et du mensuel Stella Maris, est
décédé subitement le dimanche 20 juin, suite à un malaise cardiaque.
Il était âgé de 77 ans. Sa famille, toute la rédaction de Stella
Maris et tous les collaborateurs des Editions du Parvis sont dans la
peine de ce départ soudain, mais aussi dans la joie de le savoir
aujourd’hui si près de Dieu et de Marie. D’avance merci de vos
prières pour lui et pour nous qui avons à continuer son œuvre. Que
Dieu, la Vierge Marie et les saints Anges soient à nos côtés dans
cette difficile mission.
Naissance d’une vocation
André Castella, mon
père, est né en 1933 dans une famille modeste de la Gruyère (canton
de Fribourg). Sa formation commerciale le conduira à travailler dans
la banque et les assurances avant de collaborer comme commercial et
journaliste dans un journal régional. En 1960, étant donné les
conditions économiques difficiles, il décide de s’engager au service
des ventes dans une grande fabrique de papier de la région
alémanique (germanophone) de la Suisse. Il y déménage avec son
épouse, Marie-Anne, et ses fils, Jean-Marie et moi-même. Revenant
souvent le week-end dans sa région natale, il participe, avec des
amis, à la formation d’un groupe de réflexion sur la doctrine
sociale de l’Eglise. C’est lors de ces rencontres qu’il entend
parler des apparitions de San Damiano en Italie. Il s’y rend pour la
première fois en 1967, pendant ses vacances en famille. Voici son
témoignage:
«Nous envisagions de
nous y arrêter deux à trois jours sur le chemin de nos vacances
balnéaires entre La Spezia et Pise. Nous n’avions pas réservé
d’hôtel, de sorte que nous pouvions disposer librement. Nous sommes
restés à San Damiano du 22 au 25 septembre, puis nous avons
poursuivi notre route en direction de la mer. Très fortement
impressionnés par ce que nous avions vu, entendu et ressenti, nous
revenions à San Damiano pour la Saint-Michel, le 29 septembre, avec
le projet de passer le reste de nos vacances, non plus sur la côte
méditerranéenne mais sur celle de l’Adriatique, dans la région de
Rimini. Toutefois, le Ciel disposa autrement.
A tour de rôle, mes
deux fils puis moi-même avons eu de la température, de sorte que
nous sommes finalement restés à San Damiano jusqu’à la fin des
vacances, soit du 29 septembre au 8 octobre. Ainsi, nous avons pu
observer la voyante lors de plusieurs apparitions, prendre
connaissance de messages célestes et nous entretenir avec
l’instrument du Ciel, par l’intermédiaire duquel je reçus un premier
message personnel de N.-D. des Roses, qui me demandait — comme elle
le demandait dans les messages officiels et sans doute à d’autres
personnes en privé — de faire connaître sa présence en ce lieu.
Intérieurement convaincu de l’authenticité de ces apparitions, je
suis retourné fréquemment à San Damiano. Quinze mois plus tard, soit
fin décembre 1968, je quittais mon emploi pour fonder, avec mon
épouse, les Editions du Parvis.»
Une grande aventure au service du Ciel
et de l’Eglise
C’est le point de
départ d’une grande aventure au service du Ciel et de l’Eglise. En
fondant les Editions du Parvis, André Castella a deux idées
directrices: le lancement d’un mensuel «Stella Maris» pour
promouvoir les messages, et la publication de livres et brochures
pour faire connaître les apparitions et raviver la foi chrétienne.
Voici ce qu’il en dit lui-même: «Si je dois ma vocation d’éditeur
aux événements de San Damiano, d’emblée et pour diverses raisons
notre activité éditoriale fut programmée sur une base plus large.
Voici comment je présentais les objectifs de la revue «Stella Maris»
dans le numéro 1 du 31 mai 1969: “Cette revue mensuelle... dédiée à
la T.S. Vierge, veut être un trait d’union pour tous ceux qui
propagent les paroles que le Ciel a données et donne encore en de
nombreux endroits du monde, sans engager en cela la Sainte Eglise,
dont elle approuve la prudence en cette matière... Elle veut
contribuer au renouveau marial... Elle fera connaître l’exemple des
saints et les innombrables faits surnaturels qui ont rempli leur vie
terrestre... Stella Maris sélectionnera pour vous les livres que
vous pourrez vous procurer à notre service de librairie...
Finalement, elle restera à l’écoute de S.S. le Pape Paul VI, dont
elle donnera régulièrement la substance de nombreux discours.”»
Cette ligne de conduite, André Castella, avec ses deux fils aînés,
Jean-Marie et moi, qui collaborons depuis près de trente ans avec
lui au développement des Editions, nous l’avons toujours suivi. En
1971 la famille accueille comme un cadeau du ciel, Philippe, le
troisième fils. Ses très nombreuses rencontres avec Rosa Quattrini,
la voyante de San Damiano font de lui tout naturellement le grand
défenseur de Notre-Dame des Roses, dont une statue se trouvait sur
son bureau. Mais après 1970 et l’interdiction faite à Rosa par
l’évêque de rendre public les messages qu’elle recevait, André
Castella écrit: «Stella Maris continua à alimenter la rubrique San
Damiano tout en s’intéressant à d’autres manifestations célestes,
car si la T.S. Vierge ne pouvait plus s’exprimer à San Damiano,
Stella Maris devait lui servir de plate-forme d’informations pour
ses autres interventions sur la terre, comme cela me fut d’ailleurs
suggéré par la voyante de San Damiano, Rosa Quattrini.»
Rencontres et amitiés
Par la suite et avec le
développement de Stella Maris, André Castella est amené à rencontrer
de très nombreux prophètes ou âmes charismatiques et à faire un
discernement entre les messages qui venaient du Ciel, ceux qui
n’étaient que purement humains ou ceux qui venaient des forces du
mal. Et il y passait beaucoup de temps en priant l’Esprit Saint et
son Ange gardien, en qui il avait une grande confiance, de
l’éclairer pour ne pas se tromper et ainsi induire en erreur les
lectrices et lecteurs de Stella Maris. Il avait coutume de dire: «Il
vaut mieux être le dernier à parler d’une chose vraie, que le
premier à diffuser quelque chose de faux.» Il n’y avait donc aucune
envie de sensationnel, de scoop, mais une recherche sincère et
profonde de la vérité. Mgr René Laurentin, dans son «Dictionnaire
des apparitions de la Vierge Marie» affirme: «André Castella suit et
discerne les événements avec une pénétration courageuse, doublée de
diplomatie et du respect des autorités de l’Eglise.»
La réputation de Stella
Maris et des Editions du Parvis ne s’est pas réalisée qu’avec la
personne de mon père. Il a eu la grâce et le bonheur de s’entourer
de rédacteurs réguliers ou occasionnels, dont beaucoup sont aussi
devenus des amis. Au premier rang de ceux-ci, il faut citer René
Lejeune, disparu en octobre 2008. Ces deux hommes au demeurant fort
différents, par la personnalité et la formation, se sont retrouvés
très proche dans leur conviction de chrétiens à vouloir défendre la
foi par l’écrit. Mgr Hafouri, ancien évêque en Syrie, pour qui il
avait un immense respect et qui a soutenu en permanence l’action de
mon père par ses conseils et ses prières. Mgr René Laurentin, dont
André Castella écrira: «Ce que je tiens particulièrement à relever,
c’est l’esprit d’humilité exemplaire de ce spécialiste de la
théologie mariale, dont la compétence, mondialement reconnue, lui
valut d’être appelé comme expert au Concile Vatican II. Dès le
début, il m’a fait confiance et s’est comporté envers moi comme un
père, comme un ami, jamais comme le savant qu’il est en réalité.»
Marcel Farine, en tant
qu’ancien président d’Emmaüs International et ancien président de la
Fédération internationale des associations de lutte contre la lèpre
apporta, avec des qualités humaines extraordinaires, un volet social
qui complétait bien le contenu de Stella Maris. Nous ne saurions
citer tous ses amis, qu’ils nous pardonnent et sachent qu’André
Castella savait ce qu’il devait à tous ceux qui participent, sous
une forme ou une autre, à son apostolat.
Stella Maris, un mensuel marial fidèle
à l’Eglise
La qualité et la
profondeur chrétienne et mariale de Stella Maris a été son souci
constant. L’équilibre entre la partie apparitions et messages et
celle de la formation doctrinale ou catéchétique ou encore celle de
la vie de l’Eglise était aussi sa préoccupation. Nous continuerons,
avec son aide et celle de Notre-Dame des Roses, dans la même
direction.
Ses très nombreuses
rencontres avec des messagers de Dieu faisaient d’André Castella un
des grands spécialistes des phénomènes mystiques. Il a joué un rôle
non négligeable dans la défense des interventions du Ciel à une
époque où une grande partie des autorités de l’Eglise ne voulait pas
en entendre parler et intervenait négativement sans avoir examiné
tous les faits et les fruits. Il se réjouissait du changement
d’orientation de bon nombre d’évêques aujourd’hui, qui favorisent
une prise en charge pastorale des pèlerins dans les lieux
d’apparitions, tout en examinant les faits avec prudence et sérieux.
Son combat dans ce sens n’aura pas été vain.
Une croix lourde à porter
Mon père était un homme
au tempérament positif. Atteint de la maladie de Parkinson depuis
près de vingt ans, une maladie progressivement invalidante et
humiliante, il a accepté cette croix avec beaucoup de courage, sans
jamais se plaindre ni se révolter. Offrant ses souffrances au
Seigneur, il a continué, fidèle à son engagement et toujours
soucieux de la pérennité de l’œuvre de sa vie, à travailler jusqu’au
dernier jour, autant que le lui permettaient ses forces déclinantes.
Il recherchait constamment les solutions et évitait la polémique,
content de pouvoir travailler pour Dieu tous les jours jusqu’au
dernier. Il écrivait à ce propos:
«Notre principale joie
— elle est permanente — c’est de consacrer notre temps et nos forces
au service du Seigneur et de la Vierge Marie. Vient immédiatement
après, pour mon épouse et moi-même, la rencontre avec le Saint-Père
à Rome, au cœur même de l’Eglise, le 21 février 1990. C’est aussi la
bienveillante attention que les évêques de notre diocèse et les
curés de notre paroisse ont constamment porté à notre activité
éditoriale.»
Rencontre avec Jean Paul II
Je voudrais conclure
par ce que mon père considérait comme le point d’orgue de sa vie
terrestre: sa rencontre avec Jean Paul II. C’était à l’occasion de
la publication au Parvis du «Petit Journal de Sœur Faustine» en
langue allemande. Jean Paul II, alors Cardinal Wojtila et archevêque
de Craovie, avait initié la cause de béatification de Sœur Faustine.
C’est lui qui la canonisera en l’an 2000. Voici la relation qu’il a
faite de cette rencontre:
«Lorsque l’abbé
Swidzinski, d’origine polonaise mais curé depuis vingt ans en
Allemagne, me proposa d’éditer la traduction allemande des
révélations accordées à Sœur Faustina, je n’ai pas hésité longtemps.
Quand le livre sortit de presse, il me demanda de faire relier un
exemplaire dans une exécution digne d’être offerte au Saint-Père et
il prit contact avec le secrétaire privé de Jean Paul II. Il obtint
une audience, qui eut lieu le 21 février 1990. Ce jour est à jamais
marqué d’une pierre blanche tant pour les Editions du Parvis que
pour mon épouse et moi-même…
Invités à participer à
la messe privée du pape, nous l’étions donc à la fois par le
Seigneur et par le Successeur de Pierre… Quand nous avons pénétré
dans la chapelle, Jean-Paul II était assis en face du tabernacle,
plongé dans une profonde méditation. Il nous est apparu accablé sous
le poids de sa charge, impression que nous avons aussi ressentie
lorsqu’il s’est longuement recueilli après la Communion qu’il a
distribuée aux religieuses, ainsi qu’à mon épouse et à moi-même.
Par contre, lorsqu’à
l’issue de la célébration liturgique il se trouva au milieu de ses
invités, nous avons remarqué le plaisir qu’il éprouvait à être
entouré de personnes qui étaient de cœur avec lui. Son secrétaire,
Mgr Stanislaw Dziwisz (aujourd’hui Cardinal Archevêque de Cracovie),
nous avait placés en fin de file, afin que le pape puisse rester
plus longtemps avec nous. De fait, Jean Paul II passa autant de
temps avec notre groupe de trois qu’il en avait consacré aux
quarante prêtres, lesquels finirent par se demander ce qu’il pouvait
y avoir de tellement important entre le pape, l’abbé Swidzinsky, mon
épouse et moi-même.
Je lui avais remis
quelques autres livres parus à nos éditions, notamment celui de René
Lejeune consacré à Carl Leisner et celui que j’ai écrit sur San
Damiano, disant simplement: “Très Saint Père, c’est un livre que
j’ai écrit.” Le prenant en main, le pape s’exclama: “Ah, San Damiano
di Piacenza!”, manifestant une réelle joie. Finalement, je lui
confiai quelques revues Stella Maris et Maria heute (version
allemande de Stella Maris) — revues qu’il connaissait pour les avoir
reçues plusieurs années durant à Cracovie.
Il aurait volontiers
prolongé cette rencontre avec nous si son secrétaire ne lui avait
pas rappelé la suite de son lourd programme journalier. Il nous
quitta, après nous avoir offert un chapelet, en disant: “Que Dieu
bénisse vos éditions!”»
A Dieu
L’émotion et les larmes
m’ont contraint à faire des pauses durant la rédaction de cet
article. Je voudrais dire à mon père tout l’amour et l’admiration
que nous, sa famille, lui portons et remercier tous ceux qui l’ont
aidé, suivi, encouragé dans son apostolat. Laissons le dernier mot à
Notre-Dame des Roses, pour qui André Castella avait une très
fervente dévotion.
«Vous ne trouverez
jamais un jour si heureux que celui où vous verrez la splendeur de
Dieu. Quand vous verrez son visage et que je vous étreindrai pour
vous donner le baiser de l’amour, pour tout ce que vous aurez fait
et souffert, quelle joie vous éprouverez, mes enfants.» (Notre-Dame
des Roses à San Damiano, le 14 avril 1968)
Étienne Castella |