Ce Saint
naquit à Chaussy, village du Vexin, situé sur la rivière d'Epte.
Son père, nommé Siwin, qui était un-homme de qualité, le fit
élever avec soin dans la
connaissance des lettres divines et humaines. Ses progrès
furent
rapides, parce qu'il était doué d'une grande vivacité d'esprit.
Dieu, qui avait des vues sur lui, le dégoûta de bonne heure de
toutes les choses de la terre. Son père, alarmé des suites que
pourrait avoir sa piété, mit tout en œuvre pour lui faire aimer
le monde, et pensa à l'y fixer irrévocablement, par les liens du
mariage ; mais l'alliance qu'il projetait ne put avoir lieu, par
un de ces événements où les yeux de la foi découvrent une
disposition particulière de la Providence. Angadrême, fille de
Robert, chancelier de Clotaire III, qu'il devait épouser, se
trouva tout-à-coup frappée de la lèpre; elle se fit depuis
religieuse à Rouen, et fut ensuite chargée de la conduite
du monastère d'Oroir, près de Beauvais. Pour Ansbert, il fut
conduit à la cour de Clotaire, où son mérite le fit bientôt
universellement estimer, et substituer à Robert, dans la dignité
de chancelier. Il connaissait trop le néant des grandeurs
humaines, pour s'y attacher. Les maximes de l'évangile étaient
la seule, règle de toute sa conduite. Il alliait aux devoirs de
son état l'exercice d'une prière fervente, et la méditation des
choses divines. Il trouvait des motifs de s'élever à Dieu dans
les objets mêmes qui paraissent n'être propres qu'à dissiper
l'esprit et à flatter les sens.
Cependant le
désir qu'il avait pour la vie solitaire augmentait de jour en
jour. Il craignait qu'à force de différer, Dieu ne lui retirât
ses grâces ; il résolut donc de quitter secrètement la cour,
pour aller s'enfermer dans l'abbaye de Fontenelle. Après les
épreuves ordinaires, saint Vandrille le reçut au nombre de ses
religieux. Il devint bientôt un modèle accompli de toutes les
vertus. On remarquait surtout en lui une humilité profonde, une
obéissance sans réserve et une patience admirable. Son abbé lui
ayant ordonné de se préparer à la réception du sacerdoce, il
se rendit à Rouen, où il fut ordonné prêtre par saint Ouen ; il
s'appliqua ensuite avec ardeur à l'étude des livres sacrés, sans
se dispenser toutefois du travail des mains. Un jour qu'il
travaillait à une vigne plantée à quelque distance du monastère,
le prince Thierry, qui prenait de ce côté-là le divertissement
de la chasse, s'avança pour avoir la satisfaction de le voir. Le
Saint lui donna quelques avis, lui prédit qu'il régnerait, mais
après avoir eu beaucoup à souffrir de la part de ses ennemis.
Ayant été élu abbé
de Fontenelle, il marcha sur les traces de saint Vandrille et de
saint Lambert, ses prédécesseurs. Pour s'exciter à remplir ses
devoirs, il en considérait sans cesse l'étendue et la
difficulté. Ses exemples ajoutaient une nouvelle force aux
instructions qu'il donnait à ses disciples. Il avait pour les
pauvres une charité singulière : il bâtit trois hôpitaux, où il
en nourrissait un grand nombre. Son exactitude à maintenir la
règle n'avait rien d'austère ni de dur, et sa grande maxime
était qu'un supérieur doit moins chercher à se faire craindre
qu'à se faire aimer. Les fidèles des environs venaient en foule
le consulter sur l'affaire de leur salut ; il entendait la
confession de leurs péchés, et leur prescrivait de sages
réglements pour la conduite de leur vie.
Après la mort de
saint Ouen, arrivée en 683, il fut élevé sur le siège épiscopal
de Rouen, et sacré par saint Lambert à Clichy, où Thierry III
avait convoqué les états du royaume. Son élection fut fort
agréable au Roi, qui l'estimait singulièrement à cause de son
éminente sainteté, et qui l'avait choisi pour son confesseur. Le
nouvel évêque s'appliqua tout entier à la prédication de la
parole de Dieu, au soulagement des pauvres et à la réparation
des églises. Il faisait souvent la visite de son diocèse. Il
transféra le corps de saint Ouen, qui avait été enterré dans
l'église abbatiale de Saint-Pierre, et le plaça dans un lieu
plus honorable. La cérémonie de cette translation se fit avec
beaucoup de magnificence. Il permit aux religieux de Fontenelle
d'élire un, d'entre eux pour abbé, et ce privilège fut confirmé
dans un concile de plusieurs évêques, qui se tint à Rouen en
689. Saint Ansbert fut arraché de son église quelque temps après
; Pépin, maire du palais, aux yeux duquel la calomnie
l'avait noirci, le relégua dans le monastère de Haumont en
Hainaut. Le saint évêque édifia les religieux de cette maison
par l'austérité de ses jeûnes, par sa ferveur et son assiduité à
la prière. Sa mort, arrivée en 698, l'empêcha de profiter de la
permission qu'on lui avait accordée de retourner dans son
diocèse. Son corps fut transporté à l'abbaye de Fontenelle,
où il avait choisi sa sépulture.
SOURCE :
Alban Butler : Vie des Pères, Martyrs et autres principaux
Saints… – Traduction : Jean-François Godescard. |