Le Christ fut engendré
avant toute créature,
premier-né de ceux qui ressuscitent d'entre les morts
Lecture: Col
1, 3.12.15.17-18
1. Nous nous
sommes déjà arrêtés précédemment sur la fresque grandiose du Christ,
Seigneur de l'univers et de l'histoire, qui domine l'hymne placé au
début de la Lettre de saint Paul aux Colossiens. En
effet, ce cantique rythme chacune des quatre semaines autour
desquelles s'articule la Liturgie des Vêpres.
Le cœur de
l'hymne est constitué par les versets 15-20, dans lesquels le Christ
entre en scène de manière directe et solennelle, défini comme
"image" du "Dieu invisible" (v. 15). Le terme grec eikon,
"icône", est cher à l'Apôtre: dans ses Lettres, il l'utilise neuf
fois en l'appliquant aussi bien au Christ, icône parfaite de Dieu
(cf. 2 Co 4, 4), qu'à l'homme, image et gloire de Dieu (cf. 1 Co 11,
7). Toutefois, avec le péché, celui-ci "a changé la gloire du Dieu
incorruptible, contre une représentation, simple image d'hommes
corruptibles" (Rm 1, 23), choisissant d'adorer les idoles et
devenant semblable à elles.
Nous devons donc
continuellement modeler notre être et notre vie sur l'image du Fils
de Dieu (cf. 2 Co 3, 18), car nous avons été "arrachés à l'empire
des ténèbres", "transférés dans le Royaume de son Fils bien-aimé"
(Col 1, 13). Et cela est le premier impératif de cet hymne: modeler
notre vie sur l'image du Fils de Dieu, pénétrant dans ses sentiments
et dans sa volonté, dans sa pensée.
2. Ensuite, le
Christ est proclamé "premier-né (engendré le premier) de toutes
créatures" (v. 15). Le Christ précède toute la création (cf. v. 17),
étant engendré de toute éternité: car "c'est en lui qu'ont été
créées toutes choses [...] par lui et pour lui" (v. 16). Même dans
l'antique tradition juive, l'on affirmait que "tout le monde a été
créé en vue du Messie" (Sanhédrin 98b).
Pour l'Apôtre, le
Christ est aussi bien le principe de cohésion ("tout subsiste en
lui"), que le médiateur ("par lui"), et la destination finale vers
laquelle converge toute la création. Il est l'"aîné d'une multitude
de frères" (Rm 8, 29), c'est-à-dire qu'il est le Fils par excellence
dans la grande famille des fils de Dieu, dans laquelle le Baptême
nous insère.
3. A ce point, le
regard passe du monde de la création à celui de l'histoire: le
Christ est "la Tête du Corps, c'est-à-dire de l'Eglise" (Col 1, 18)
et il l'est déjà à travers son Incarnation. En effet, Il est entré
dans la communauté humaine, pour la diriger et la composer en un
"corps"; c'est-à-dire en une unité harmonieuse et féconde. La
consistance et la croissance de l'humanité possèdent dans le Christ
la racine, l'axe vital, "le principe".
C'est précisément
avec ce primat que le Christ peut devenir le principe de la
résurrection de tous, "le premier-né d'entre les morts", car "tous
revivront dans le Christ... Comme prémices, le Christ, ensuite ceux
qui seront au Christ" (1 Co 15, 22-23).
4. L'hymne touche
à sa conclusion en célébrant la "plénitude", en grec "pleroma",
que le Christ possède en lui comme don d'amour du Père. C'est la
plénitude de la divinité qui rayonne sur l'univers et sur
l'humanité, devenant source de paix, d'unité, d'harmonie parfaite
(Col 1, 19-20).
Cette
"réconciliation" et "pacification" est effectuée à travers "le sang
de la croix", par lequel nous sommes justifiés et sanctifiés. En
versant son sang et en se donnant lui-même, le Christ a répandu la
paix qui, dans le langage biblique, est le résumé des biens
messianiques et de la plénitude salvifique étendue à toute la
réalité créée.
L'hymne se
termine donc sur un horizon lumineux de réconciliation, d'unité,
d'harmonie et de paix, sur lequel se lève de manière solennelle la
figure de celui qui en est l'auteur, le Christ, "Fils bien-aimé" du
Père.
5. Les écrivains
de l'antique tradition chrétienne ont réfléchi sur ce passage
intense. Saint Cyrille de Jérusalem, dans un de ses dialogues, cite
le cantique de la Lettre aux Colossiens pour répondre à un
interlocuteur anonyme qui lui avait demandé: "Nous disons donc que
le Verbe engendré par Dieu le Père a souffert pour nous dans sa
chair?". La réponse, dans le sillage du Cantique, est affirmative.
En effet, affirme Cyrille, "l'image du Dieu invisible, le premier-né
de toutes créatures, visible et invisible, pour qui et en qui tout
existe, a été donné - dit Paul - pour chef à l'Eglise: il est, en
outre, le premier-né d'entre les morts", c'est-à-dire le premier de
la série des morts qui ressuscitent. Cyrille poursuit: "Il a fait
sien tout ce qui est propre à la chair de l'homme" et "endura une
croix, dont il méprisa l'infamie" (He 12, 2). Nous disons que ce
n'est pas un simple homme, comblé d'honneurs, je ne sais comment,
qui en raison de son lien avec lui a été sacrifié pour nous, mais
que c'est le Seigneur de la gloire lui-même qui a été crucifié"
(Perché Cristo è uno: Collection de Textes patristiques, XXXVII,
Rome 1983, p. 101).
Devant ce
Seigneur de la gloire, signe de l'amour suprême du Père, nous
élevons nous aussi notre chant de louange et nous nous prosternons
en adoration et en action de grâce.
SOURCE:
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