Jérôme de Stridon
Père et
Docteur de l’Église, Saint
v 345-419
Catéchèse de Benoît XVI
Chers frères et sœurs !
Nous porterons
aujourd'hui notre attention sur saint Jérôme, un Père de l'Église
qui a placé la Bible au centre de sa vie : il l'a
traduite
en langue latine, il l'a commentée dans ses œuvres, et il s'est
surtout engagé à la vivre concrètement au cours de sa longue
existence terrestre, malgré le célèbre caractère difficile et
fougueux qu'il avait reçu de la nature...
Jérôme naquit à Stridon
vers 347 dans une famille chrétienne, qui lui assura une formation
soignée, l'envoyant également à Rome pour perfectionner ses études.
Dès sa jeunesse, il ressentit l'attrait de la vie dans le monde (cf.
Ep 22, 7), mais en lui prévalut le désir et l'intérêt pour la
religion chrétienne. Après avoir reçu le Baptême vers 366, il
s'orienta vers la vie ascétique et, s'étant rendu à Aquilée, il
s'inséra dans un groupe de fervents chrétiens, qu'il définit comme
un « chœur de bienheureux » (Chron. ad ann. 374) réuni autour de
l'évêque Valérien. Il partit ensuite pour l'Orient et vécut en
ermite dans le désert de Calcide, au sud d'Alep (cf. Ep 14, 10), se
consacrant sérieusement aux études. Il perfectionna sa connaissance
du grec, commença l'étude de l'hébreu (cf. Ep 125, 12), transcrivit
des codex et des œuvres patristiques (cf. Ep 5, 2). La méditation,
la solitude, le contact avec la Parole de Dieu firent mûrir sa
sensibilité chrétienne. Il sentit de manière plus aiguë le poids de
ses expériences de jeunesse (cf. Ep 22, 7), et il ressentit vivement
l'opposition entre la mentalité païenne et la vie chrétienne : une
opposition rendue célèbre par la « vision » dramatique et vivante
dont il nous a laissé le récit. Dans celle-ci, il lui sembla être
flagellé devant Dieu, car « cicéronien et non chrétien » (Ep 22,
30).
En 382, il se transféra
à Rome : là, le pape Damase, connaissant sa réputation d'ascète et
sa compétence d'érudit, l'engagea comme secrétaire et conseiller ;
il l'encouragea à entreprendre une nouvelle traduction latine des
textes bibliques pour des raisons pastorales et culturelles.
Quelques personnes de l'aristocratie romaine, en particulier des
nobles dames comme Paola, Marcella, Asella, Lea et d'autres,
souhaitant s'engager sur la voie de la perfection chrétienne et
approfondir leur connaissance de la Parole de Dieu, le choisirent
comme guide spirituel et maître dans l'approche méthodique des
textes sacrés. Ces nobles dames apprirent également le grec et
l'hébreu.
Après la mort du pape
Damase, Jérôme quitta Rome en 385 et entreprit un pèlerinage, tout
d'abord en Terre Sainte, témoin silencieux de la vie terrestre du
Christ, puis en Égypte, terre d'élection de nombreux moines (cf.
Contra Rufinum 3, 22 ; Ep. 108, 6-14). En 386, il s'arrêta à
Bethléem, où, grâce à la générosité de la noble dame Paola, furent
construits un monastère masculin, un monastère féminin et un hospice
pour les pèlerins qui se rendaient en Terre Sainte, « pensant que
Marie et Joseph n'avaient pas trouvé où faire halte » (Ep 108, 14).
Il resta à Bethléem jusqu'à sa mort, en continuant à exercer une
intense activité : il commenta la Parole de Dieu ; défendit la foi,
s'opposant avec vigueur à différentes hérésies ; il exhorta les
moines à la perfection ; il enseigna la culture classique et
chrétienne à de jeunes élèves ; il accueillit avec une âme pastorale
les pèlerins qui visitaient la Terre Sainte. Il s'éteignit dans sa
cellule, près de la grotte de la Nativité, le 30 septembre 419/420.
Sa préparation
littéraire et sa vaste érudition permirent à Jérôme la révision et
la traduction de nombreux textes bibliques : un travail précieux
pour l'Église latine et pour la culture occidentale. Sur la base des
textes originaux en grec et en hébreu et grâce à la confrontation
avec les versions précédentes, il effectua la révision des quatre
Évangiles en langue latine, puis du Psautier et d'une grande partie
de l'Ancien Testament. En tenant compte de l'original hébreu et
grec, des Septante et de la version grecque classique de l'Ancien
Testament remontant à l'époque pré-chrétienne, et des précédentes
versions latines, Jérôme, ensuite assisté par d'autres
collaborateurs, a pu offrir une meilleure traduction : elle
constitue ce qu'on appelle la « Vulgate », le texte « officiel » de
l'Église latine, qui a été reconnu comme tel par le Concile de
Trente et qui, après la récente révision, demeure le texte «
officiel » de l'Église de langue latine. Il est intéressant de
souligner les critères auxquels ce grand bibliste s'est tenu dans
son œuvre de traducteur. Il le révèle lui-même quand il affirme
respecter jusqu'à l'ordre des mots dans les Saintes Écritures, car
dans celles-ci, dit-il, « l'ordre des mots est aussi un mystère »
(Ep. 57, 5), c'est-à-dire une révélation. Il réaffirme en outre la
nécessité d'avoir recours aux textes originaux : « S'il devait
surgir une discussion entre les Latins sur le Nouveau Testament, en
raison des leçons discordantes des manuscrits, ayons recours à
l'original, c'est-à-dire au texte grec, langue dans laquelle a été
écrit le Nouveau Pacte. De la même manière pour l'Ancien Testament,
s'il existe des divergences entre les textes grecs et latins, nous
devons faire appel au texte original, l'hébreu ; de manière à ce que
nous puissions retrouver tout ce qui naît de la source dans les
ruisseaux » (Ep 106, 2). En outre, Jérôme commenta également de
nombreux textes bibliques. Il pensait que les commentaires devaient
offrir de nombreuses opinions, « de manière à ce que le lecteur
avisé, après avoir lu les différentes explications et après avoir
connu de nombreuses opinions — à accepter ou à refuser —, juge celle
qui était la plus crédible et, comme un expert en monnaies, refuse
la fausse monnaie » (Contra Rufinum 1, 16).
Il réfuta avec énergie
et vigueur les hérétiques qui contestaient la tradition et la foi de
l'Église. Il démontra également l'importance et la validité de la
littérature chrétienne, désormais digne d'être comparée avec la
littérature classique : il le fit en composant le De viris
illustribus, une œuvre dans laquelle Jérôme présente les
biographies de plus d'une centaine d'auteurs chrétiens. Il écrivit
également des biographies de moines, illustrant à côté d'autres
itinéraires spirituels également l'idéal monastique ; en outre, il
traduisit diverses œuvres d'auteurs grecs. Enfin, dans le fameux
Epistolario, un chef-d'œuvre de la littérature latine, Jérôme
apparaît avec ses caractéristiques d'homme cultivé, d'ascète et de
guide des âmes.
Que pouvons-nous
apprendre de saint Jérôme ? Je pense en particulier ceci : aimer la
parole de Dieu dans l'Écriture Sainte. Saint Jérôme dit : « Ignorer
les Écritures, c'est ignorer le Christ ». C'est pourquoi, il est
très important que chaque chrétien vive en contact et en dialogue
personnel avec la Parole de Dieu qui nous a été donnée dans
l'Écriture Sainte. Notre dialogue avec elle doit toujours revêtir
deux dimensions : d'une part, il doit être un dialogue réellement
personnel, car Dieu parle avec chacun de nous à travers l'Écriture
Sainte et possède un message pour chacun. Nous devons lire
l'Écriture Sainte non pas comme une parole du passé, mais comme une
Parole de Dieu qui s'adresse également à nous et nous efforcer de
comprendre ce que le Seigneur veut nous dire. Mais pour ne pas
tomber dans l'individualisme, nous devons tenir compte du fait que
la Parole de Dieu nous est donnée précisément pour construire la
communion, pour nous unir dans la vérité de notre chemin vers Dieu.
C'est pourquoi, tout en étant une Parole personnelle, elle est
également une Parole qui construit la communauté, qui construit
l'Église. C'est pourquoi nous devons la lire en communion avec
l'Église vivante. Le lieu privilégié de la lecture et de l'écoute de
la Parole de Dieu est la liturgie, dans laquelle, en célébrant la
parole et en rendant présent dans le Sacrement le Corps du Christ,
nous réalisons la parole dans notre vie et la rendons présente parmi
nous. Nous ne devons jamais oublier que la Parole de Dieu transcende
les temps. Les opinions humaines vont et viennent. Ce qui est très
moderne aujourd'hui sera très vieux demain. La Parole de Dieu, au
contraire, est une Parole de vie éternelle, elle porte en elle
l'éternité, ce qui vaut pour toujours. En portant en nous la Parole
de Dieu, nous portons donc en nous l'éternel, la vie éternelle.
Et ainsi, je conclus
par une parole de saint Jérôme à saint Paulin de Nola, dans laquelle
le grand expert exprime précisément cette réalité, c'est-à-dire que
dans la Parole de Dieu, nous recevons l'éternité, la vie éternelle.
Saint Jérôme dit : « Cherchons à apprendre sur la terre les vérités
dont la consistance persistera également au ciel » (Ep. 53, 10).
*****
Nous poursuivons
aujourd'hui la présentation de la figure de saint Jérôme. Comme nous
l'avons dit mercredi dernier, il consacra sa vie à l'étude de la
Bible, au point d'être reconnu par l'un de mes prédécesseurs, le
pape Benoît XV, comme « docteur éminent dans l'interprétation des
Saintes Écritures ». Jérôme soulignait la joie et l'importance de se
familiariser avec les textes bibliques : « Ne te semble-t-il pas
habiter — déjà ici, sur terre — dans le royaume des cieux, lorsqu'on
vit parmi ces textes, lorsqu'on les médite, lorsqu'on ne connaît ni
ne recherche rien d'autre ? » (Ep 53, 10). En réalité, dialoguer
avec Dieu, avec sa Parole, est dans un certain sens une présence du
Ciel, c'est-à-dire une présence de Dieu. S'approcher des textes
bibliques, surtout du Nouveau Testament, est essentiel pour le
croyant, car « ignorer l'Écriture, c'est ignorer le Christ ». C'est
à lui qu'appartient cette phrase célèbre, également citée par le
Concile Vatican II dans la Constitution
Dei Verbum (n. 25)
Réellement « amoureux »
de la Parole de Dieu, il se demandait : « Comment pourrait-on vivre
sans la science des Écritures, à travers lesquelles on apprend à
connaître le Christ lui-même, qui est la vie des croyants » (Ep 30,
7). La Bible, instrument « avec lequel Dieu parle chaque jour aux
fidèles » (Ep 133, 13), devient ainsi un encouragement et la source
de la vie chrétienne pour toutes les situations et pour chaque
personne. Lire l'Écriture signifie converser avec Dieu : « Si tu
pries, — écrit-il à une noble jeune fille de Rome — tu parles avec
l'Époux ; si tu lis, c'est Lui qui te parle » (Ep 22, 25). L'étude
et la méditation de l'Écriture rendent l'homme sage et serein (cf.
In Eph., prol.). Assurément, pour entrer toujours plus profondément
dans la Parole de Dieu, une application constante et progressive est
nécessaire. Jérôme recommandait ainsi au prêtre Népotien : « Lis
avec une grande fréquence les divines Écritures ; ou mieux, que le
Livre Saint reste toujours entre tes mains. Apprends-là ce que tu
dois enseigner » (Ep 52, 7). Il donnait les conseils suivants à la
matrone romaine Leta pour l'éducation chrétienne de sa fille : «
Assure-toi qu'elle étudie chaque jour un passage de l'Écriture...
Qu'à la prière elle fasse suivre la lecture, et à la lecture la
prière... Au lieu des bijoux et des vêtements de soie, qu'elle aime
les Livres divins » (Ep 107, 9.12). Avec la méditation et la science
des Écritures se « conserve l'équilibre de l'âme » (Ad Eph., prol.).
Seul un profond esprit de prière et l'assistance de l'Esprit Saint
peuvent nous introduire à la compréhension de la Bible : « Dans
l'interprétation des Saintes Écritures, nous avons toujours besoin
de l'assistance de l'Esprit Saint » (In Mich. 1, 1, 10, 15).
Un amour passionné pour
les Écritures imprégna donc toute la vie de Jérôme, un amour qu'il
chercha toujours à susciter également chez les fidèles. Il
recommandait à l'une de ses filles spirituelles : « Aime l'Écriture
Sainte et la sagesse t'aimera ; aime-la tendrement, et celle-ci te
préservera ; honore-la et tu recevras ses caresses. Qu'elle soit
pour toi comme tes colliers et tes boucles d'oreille » (Ep 130, 20).
Et encore : « Aime la science de l'Écriture, et tu n'aimeras pas les
vices de la chair » (Ep 125, 11).
Pour Jérôme, un critère
de méthode fondamental dans l'interprétation des Écritures était
l'harmonie avec le magistère de l'Église. Nous ne pouvons jamais
lire l'Écriture seuls. Nous trouvons trop de portes fermées et nous
glissons facilement dans l'erreur. La Bible a été écrite par le
Peuple de Dieu et pour le Peuple de Dieu, sous l'inspiration de
l'Esprit Saint. Ce n'est que dans cette communion avec le Peuple de
Dieu que nous pouvons réellement entrer avec le « nous » au centre
de la vérité que Dieu lui-même veut nous dire. Pour lui, une
interprétation authentique de la Bible devait toujours être en
harmonieuse concordance avec la foi de l'Église catholique. Il ne
s'agit pas d'une exigence imposée à ce Livre de l'extérieur ; le
Livre est précisément la voix du Peuple de Dieu en pèlerinage et ce
n'est que dans la foi de ce Peuple que nous sommes, pour ainsi dire,
dans la juste tonalité pour comprendre l'Écriture Sainte. Il
admonestait donc : « Reste fermement attaché à la doctrine
traditionnelle qui t'a été enseignée, afin que tu puisses exhorter
selon la saine doctrine et réfuter ceux qui la contredisent » (Ep
52, 7). En particulier, étant donné que Jésus Christ a fondé son
Église sur Pierre, chaque chrétien — concluait-il — doit être en
communion « avec la Chaire de saint Pierre. Je sais que sur cette
pierre l'Église est édifiée » (Ep 15, 2). Par conséquent, et de
façon directe, il déclarait : « Je suis avec quiconque est uni à la
Chaire de saint Pierre » (Ep 16).
Jérôme ne néglige pas,
bien sûr, l'aspect éthique. Il rappelle au contraire souvent le
devoir d'accorder la vie avec la Parole divine et ce n'est qu'en la
vivant que nous trouvons également la capacité de la comprendre.
Cette cohérence est indispensable pour chaque chrétien, et en
particulier pour le prédicateur, afin que ses actions, si elles
étaient discordantes par rapport au discours, ne le mettent pas dans
l'embarras. Ainsi exhorte-t-il le prêtre Népotien : « Que tes
actions ne démentent pas tes paroles, afin que, lorsque tu prêches à
l'église, il n'arrive pas que quelqu'un commente en son for
intérieur : Pourquoi n'agis-tu pas précisément ainsi ? Cela est
vraiment plaisant de voir ce maître qui, le ventre plein, disserte
sur le jeûne ; même un voleur peut blâmer l'avarice ; mais dans le
prêtre du Christ, l'esprit et la parole doivent s'accorder » (Ep 52,
7). Dans une autre lettre, Jérôme réaffirme : « Même si elle possède
une doctrine splendide, la personne qui se sent condamnée par sa
propre conscience se sent honteuse » (Ep 127, 4). Toujours sur le
thème de la cohérence, il observe : l'Évangile doit se traduire par
des attitudes de charité véritable, car en chaque être humain, la
Personne même du Christ est présente. En s'adressant, par exemple,
au prêtre Paulin (qui devint ensuite Évêque de Nola et saint),
Jérôme le conseillait ainsi : « Le véritable temple du Christ est
l'âme du fidèle : orne-le, ce sanctuaire, embellis-le, dépose en lui
tes offrandes et reçois le Christ. Dans quel but revêtir les murs de
pierres précieuses, si le Christ meurt de faim dans la personne d'un
pauvre ? » (Ep 58, 7). Jérôme concrétise : il faut « vêtir le Christ
chez les pauvres, lui rendre visite chez les personnes qui
souffrent, le nourrir chez les affamés, le loger chez les sans abri
» (Ep 130, 14). L'amour pour le Christ, nourri par l'étude et la
méditation, nous fait surmonter chaque difficulté : « Aimons nous
aussi Jésus Christ, recherchons toujours l'union avec lui : alors,
même ce qui est difficile nous semblera facile » (Ep 22, 40).
Jérôme, défini par
Prospère d'Aquitaine « modèle de conduite et maître du genre humain
» (Carmen de ingratis, 57), nous a également laissé un enseignement
riche et varié sur l'ascétisme chrétien. Il rappelle qu'un courageux
engagement vers la perfection demande une vigilance constante, de
fréquentes mortifications toutefois, avec modération et prudence, un
travail intellectuel ou manuel assidu pour éviter l'oisiveté (cf.
Epp 125, 11 et 130, 15), et surtout l'obéissance à Dieu : « Rien...
ne plaît autant à Dieu que l'obéissance..., qui est la plus
excellente et l'unique vertu» (Hom. de oboedientia : CCL 78,552). La
pratique des pèlerinages peut également appartenir au chemin
ascétique. Jérôme donna en particulier une impulsion à ceux en Terre
Sainte, où les pèlerins étaient accueillis et logés dans des
édifices élevés à côté du monastère de Bethléem, grâce à la
générosité de la noble dame Paola, fille spirituelle de Jérôme (cf.
Ep 108, 14).
Enfin, on ne peut pas
oublier la contribution apportée par Jérôme dans le domaine de la
pédagogie chrétienne (cf. Epp 107 et 128). Il se propose de former
«une âme qui doit devenir le temple du Seigneur» (Ep 107, 4), une
«pierre très précieuse» aux yeux de Dieu (Ep 107, 13). Avec une
profonde intuition, il conseille de la préserver du mal et des
occasions de pêcher, d'exclure les amitiés équivoques ou débauchées
(cf. Ep 107, 4 et 8-9 ; cf. également Ep 128, 3-4). Il exhorte
surtout les parents pour qu'ils créent un environnement serein et
joyeux autour des enfants, pour qu'ils les incitent à l'étude et au
travail, également par la louange et l'émulation (cf. Epp 107, 4 et
128, 1), qu'ils les encouragent à surmonter les difficultés, qu'ils
favorisent entre eux les bonnes habitudes et qu'ils les préservent
d'en prendre de mauvaises car — et il cite là une phrase de
Publiulius Syrus entendue à l'école — « difficilement tu réussiras à
te corriger de ces choses dont tu prends tranquillement l'habitude »
(Ep. 107, 8). Les parents sont les principaux éducateurs des
enfants, les premiers maîtres de vie. Avec une grande clarté,
Jérôme, s'adressant à la mère d'une jeune fille et mentionnant
ensuite le père, admoneste, comme en exprimant une exigence
fondamentale de chaque créature humaine qui commence son existence :
« Qu'elle trouve en toi sa maîtresse, et que sa jeunesse
inexpérimentée regarde vers toi avec émerveillement. Que ni en toi,
ni en son père elle ne voie jamais d'attitudes qui la conduisent au
péché, si elles devaient être imitées. Rappelez-vous que... vous
pouvez davantage l'éduquer par l'exemple que par la parole » (Ep
107, 9). Parmi les principales intuitions de Jérôme comme pédagogue,
on doit souligner l'importance attribuée à une éducation saine et
complète dès la prime enfance, la responsabilité particulière
reconnue aux parents, l'urgence d'une sérieuse formation morale et
religieuse, l'exigence de l'étude pour une formation humaine plus
complète. En outre, un aspect assez négligé à l'époque antique, mais
considéré vital par notre auteur, est la promotion de la femme, à
laquelle il reconnaît le droit à une formation complète : humaine,
scolaire, religieuse, professionnelle. Et nous voyons précisément
aujourd'hui que l'éducation de la personnalité dans son intégralité,
l'éducation à la responsabilité devant Dieu et devant l'homme, est
la véritable condition de tout progrès, de toute paix, de toute
réconciliation et d'exclusion de la violence. L'éducation devant
Dieu et devant l'homme : c'est l'Écriture Sainte qui nous indique la
direction de l'éducation et ainsi, du véritable humanisme.
Nous ne pouvons pas
conclure ces rapides annotations sur le grand Père de l'Église sans
mentionner la contribution efficace qu'il apporta à la préservation
d'éléments positifs et valables des antiques cultures juive, grecque
et romaine au sein de la civilisation chrétienne naissante. Jérôme a
reconnu et assimilé les valeurs artistiques, la richesse des
sentiments et l'harmonie des images présentes chez les classiques,
qui éduquent le cœur et l'imagination à de nobles sentiments. Il a
en particulier placé au centre de sa vie et de son activité la
Parole de Dieu, qui indique à l'homme les chemins de la vie, et lui
révèle les secrets de la sainteté. Nous ne pouvons que lui être
profondément reconnaissants pour tout cela, précisément dans le
monde d'aujourd'hui.
SOURCE:
www.vatican.va
|