Le Magnificat: Cantique
de la Bienheureuse Vierge Marie
Lecture: Lc. 1, 46-50.54-55
Chers frères
et sœurs,
1. Nous sommes
désormais parvenus au terme du long itinéraire commencé il y a
précisément cinq ans, au printemps 2001, par mon bien-aimé
Prédécesseur, l'inoubliable Pape Jean-Paul II. En effet, le grand
Pape avait voulu parcourir dans ses catéchèses toute la séquence des
Psaumes et des Cantiques qui constituent le tissu de prière
fondamental de la Liturgie des Laudes et des Vêpres. Désormais
parvenus à la fin de ce pèlerinage à travers les textes, semblable à
un voyage dans le jardin fleuri de la louange, de l'invocation, de
la prière et de la contemplation, nous laissons à présent la place à
ce Cantique qui scelle de manière idéale chaque célébration des
Vêpres, le Magnificat (Lc 1, 46-55).
C'est un chant
qui révèle en filigrane la spiritualité des anawim bibliques,
c'est-à-dire de ces fidèles qui se reconnaissaient "pauvres" non
seulement en vertu de leur détachement de toute idolâtrie de la
richesse et du pouvoir, mais également en vertu de l'humilité
profonde de leur cœur, dépouillé de la tentation de l'orgueil,
ouvert à l'irruption de la grâce divine salvatrice. En effet, tout
le Magnificat que nous avons écouté à présent, exécuté par le Chœur
de la Chapelle Sixtine est marqué par cette "humilité", en grec
tapeinosis, qui indique une situation concrète de pauvreté et
d'humilité.
2. Le premier
mouvement du cantique marial (cf. Lc 1, 46-50) est une sorte de voix
soliste qui s'élève vers le ciel pour atteindre le Seigneur. On peut
en effet noter la répétition constante de la première personne: »Mon
âme... mon esprit... mon Sauveur... me diront bienheureuse... fit
pour moi des merveilles...". L'âme de la prière est donc la
célébration de la grâce divine qui a fait irruption dans le cœur et
l'existence de Marie, faisant d'elle la Mère du Seigneur. Nous
entendons vraiment la voix de la Madone, qui parle ainsi de son
Sauveur, qui a fait de grandes choses dans son âme et dans son
corps.
La structure
profonde de son chant de prière est donc la louange, l'action de
grâce, la joie reconnaissante. Mais ce témoignage personnel n'est
pas solitaire et intimiste, purement individualiste, car la Vierge
Marie est consciente d'avoir une mission à accomplir pour l'humanité
et son histoire s'inscrit à l'intérieur de l'histoire du salut. Et
ainsi, elle peut dire: »Son amour s'étend d'âge en âge sur ceux qui
le craignent" (v. 50). Avec cette louange du Seigneur, la Madone
donne voix à toutes les créatures rachetées qui, dans son Fiat, et
ainsi dans la figure de Jésus né de la Vierge, trouvent la
miséricorde de Dieu.
3. C'est à ce
point que se déroule le deuxième mouvement poétique et spirituel du
Magnificat (cf. vv. 51-55). Celui-ci fait davantage penser à un
chœur, comme si, à la voix de Marie, s'associait celle de toute la
communauté des fidèles qui célèbrent les choix surprenants de Dieu.
Dans l'original grec de l'Evangile de Luc, on trouve sept verbes à
l'aoriste, qui indiquent tout autant d'actions que le Seigneur
accomplit de manière permanente dans l'histoire: »Déployant la force
de son bras... il disperse les superbes... il renverse les
puissants... il élève les humbles... il comble de biens les
affamés... renvoie les riches... il relève Israël".
Dans ces sept
œuvres divines, le "style" dont s'inspire le comportement du
Seigneur de l'histoire est évident: il se range du côté des
derniers. Il possède un projet qui est souvent caché sous
l'apparence terne des événements humains, qui voient triompher "les
superbes, les puissants et les riches". Et pourtant, sa force
secrète est destinée à se révéler à la fin, pour montrer qui sont
les véritables préférés de Dieu: »Ceux qui le craignent", fidèles à
sa parole; "les humbles, les affamés, Israël son serviteur",
c'est-à-dire la communauté du Peuple de Dieu qui, comme Marie, est
constituée par ceux qui sont "pauvres", purs et simples de cœur.
C'est ce "petit troupeau" qui est invité à ne pas avoir peur, car le
Père a trouvé bon de lui donner son royaume (cf. Lc 12, 32). Et
ainsi, ce chant nous invite à nous associer à ce petit troupeau, à
être réellement membres du Peuple de Dieu, dans la pureté et dans la
simplicité du cœur, dans l'amour de Dieu.
4. Recueillons
alors l'invitation que saint Ambroise nous adresse dans son
commentaire au texte du Magnificat. Le grand docteur de l'Eglise
dit: »Que se trouve en chacun l'âme de Marie pour exalter le
Seigneur, que se trouve en chacun l'esprit de Marie qui exulte en
Dieu; si, selon la chair, la mère du Christ est une, selon la foi,
toutes les âmes engendrent le Christ; chacune, en effet, accueille
en elle le Verbe de Dieu... L'âme de Marie exalte le Seigneur, et
son esprit exulte en Dieu, car, consacrée en âme et en esprit au
Père et au Fils, celle-ci adore avec une pieuse affection un seul
Dieu, dont tout provient, et un seul Seigneur, en vertu duquel
existent toutes les choses" (Discours sur l'Evangile selon Luc,
2, 26-27: SAEMO, XI, Milan-Rome 1978, p. 169). Dans ce merveilleux
commentaire du Magnificat de saint Ambroise, cette phrase
surprenante me touche toujours de façon particulière: »Si, selon la
chair, la mère du Christ est une, selon la foi, toutes les âmes
engendrent le Christ; chacune, en effet, accueille en elle le Verbe
de Dieu". Ainsi, le saint Docteur, interprétant la parole de la
Madone elle-même, nous invite à faire en sorte que dans notre âme et
dans notre vie, le Seigneur trouve une demeure. Nous ne devons pas
seulement le porter dans le cœur, mais nous devons l'apporter au
monde, afin que nous aussi, nous puissions engendrer le Christ pour
notre temps. Prions le Seigneur afin qu'il nous aide à l'exalter
avec l'esprit et l'âme de Marie, et à apporter à nouveau le Christ à
notre monde.
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