Bertin de Luxeuil Abbé

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Bertin de Luxeuil
Abbé, Saint
† 709

Saint Bertin, issu d'une famille noble, établie dans le territoire de Constance en Suisse, naquit vers le commencement du septième siècle. Il apprit dès son enfance à n'aimer et à n'estimer que la vertu, et à mépriser le monde, ainsi que tout ce qui ne tendait pas directement à l'unir à Dieu d'une manière parfaite. Touché de l'exemple de saint Omer son parent, qui fit profession de la règle de saint Colomban à Luxeuil, en Bourgogne, il alla se consacrer au Seigneur dans la même maison avec deux de ses amis, Mommolin et Ebertran ou Bertran. Il était alors fort jeune ; mais il ne s'en distingua pas moins par sa ferveur dans tous ses exercices.

Il y avait alors à Luxeuil cinq cents religieux. Ils étaient gouvernés par saint Eustase, qui succéda à saint Colomban lorsque celui-ci fut obligé, en 610, de se retirer à Bobio, en Lombardie. Cette abbaye , fondée peu de temps auparavant , était une excellente école , où l'on enseignait tout ce qui a rapport à l'étude de la religion. On en vit bientôt sortir un grand nombre d'évêques célèbres par leur vertu et leur savoir. Saint Omer , saint Mommolin et saint Bertin en furent les principaux ornements. Ils firent de rapides progrès dans l'étude , et se rendirent tous trois fort habiles dans la connaissance de la discipline ecclésiastique et de l'Écriture Sainte. Ils sanctifièrent leur travail par l'esprit de pénitence et de prière, et le rapportèrent toujours à la même fin que celle vers laquelle ils dirigeaient toutes leurs actions.

Vers l'an 637, saint Omer fut fait évêque de Térouanne ou Tarvanne , en Artois. C'était l'ancienne métropole des Morins. Saint Walbert, alors abbé de Luxeuil, sentant de quelle importance il était d'associer au nouvel évêque quelques ouvriers apostoliques, lui envoya, vers l'an 639, saint Bertin, saint Mommolin et Ebertran. Le pays des Morins avait été anciennement éclairé de la lumière de la foi : mais son influence avait été bien faible ; et depuis près d'un siècle , Jésus-Christ était presque universellement méconnu. Il ne serait pas facile de comprendre ce que nos saints missionnaires eurent à souffrir pour déraciner l'idolâtrie , avec les vices qui en sont la suite, et pour civiliser un peuple qui était alors presque entièrement barbare. Ils se montrèrent puissants en paroles et en œuvres ; et Dieu bénissant leurs travaux, ils firent une moisson abondante dans une terre ingrate et stérile.

Mommolin, Bertin et Ebertran se bâtirent un monastère sur une petite montagne, à une lieue de Sithiu , aujourd'hui Saint-Omer. C'était une solitude d'un accès difficile, et qui était environnée de marais, et par la rivière d'Aa. Saint Omer désirait établir saint Bertin premier abbé de ce monastère ; mais celui-ci ne voulut jamais y consentir , et l'on pense que sa jeunesse fut une des principales raisons qu'il allégua pour justifier sa résistance. La conduite de la nouvelle communauté fut donc confiée à saint Mommolin, qui était plus âgé. Les choses restèrent en cet état pendant environ huit ans. Le nombre des religieux devenant de jour en jour plus considérable , on manqua bientôt de terrain pour construire des cellules. Ainsi on fut obligé de s'occuper des moyens de former un nouvel établissement.

Les îles et les solitudes situées au milieu des rochers et d'un accès difficile, étaient les lieux auxquels les anciens fondateurs de monastères donnaient la préférence. Us s'y trouvaient moins exposés aux distractions , et plus libres de converser avec Dieu. Nos Saints ne quittèrent leur solitude que pour en chercher une autre. S'étant mis dans un bateau , ils remontèrent la rivière en chantant des psaumes , et entrèrent dans des marais qui étaient à côté. A une lieue de distance, ils trouvèrent l'île de Sithiu, qu'ils choisirent pour leur demeure. Adroald, seigneur du pays , et un des principaux de ceux que saint Omer avait convertis, avait donné à ce saint évêque une de ses terres, nommée Sithiu ou Sitdiu. Il y avait une colline , et au bas de la vallée , une île formée par les eaux du marais. La rivière passait alors à quelque distance de là. Omer fit bâtir une église sur l'éminence. La solitude qui régnait en ce lieu le lui rendait très-agréable , et l'on pense qu'il s'y retirait souvent, lorsque, les fonctions de son ministère l'appelaient dans cette partie de son diocèse. Il se félicitait du nouvel établissement formé par nos saints religieux, puisque toutes les fois qu'il irait à son église de Sithiu, il se trouverait à portée de jouir de leur conversation, et de profiter de leurs conseils.

L'île de Sithiu était alors remplie de fondrières et environnée de marais. Le sol actuel a été haussé de dix-sept pieds, par les terres qu'on y a rapportées à chaque fois que l'on a rebâti l'abbaye. C'est ce que les architectes ont remarqué aux différentes couches de terre que l'on a trouvées lorsqu'ils ont fait creuser les fondations pour placer dans l'église ces deux magnifiques piliers de marbre , qui chacun sont d'un seul bloc. On ne conçoit pas comment un pareil lieu est devenu habitable, ni comment l'industrie humaine a pu le rendre aussi uni, aussi beau et aussi commode qu'il l'est aujourd'hui.

Saint Mommolin fut le premier supérieur, non-seulement de l'ancien monastère , mais encore de celui qui fut bâti dans l'île de Sithiu, sous l'invocation de saint Pierre , et que l'on appelle présentement saint Bertin. Il est nommé conjointement avec ses deux compagnons inséparables qui se retirèrent en même temps à Sithiu. Le nom de saint Bertin est communément placé le premier ; ce qui vient peut-être de ce que saint Mommolin résidait souvent dans l'ancien monastère avec les religieux qui y étaient restés. Il peut se faire aussi que ce rang lui ait été donné à cause de la grande célébrité qu'acquit le monastère de Sithiu sous son gouvernement.

Achaire[1], évêque de Noyon et de Tournai, étant mort vers l'an 659, saint Mommolin fut élu pour lui succéder. Il gouverna ce diocèse avec une grande sainteté, jusqu'au 16 Octobre 685, qu'il alla dans le ciel recevoir la récompense de ses vertus. Il mena Ebertran avec lui, et l'établit premier abbé du monastère de Saint-Quentiu, qui depuis a été changé en un chapitre de chanoines séculiers.

Saint Bertin fut fait abbé de Sithiu en l'île. Ce monastère , sous son gouvernement, n'eut pas moins de célébrité que celui de Luxeuil. On y pratiquait de longs jeûnes et une abstinence rigoureuse. On n'y vivait que de racines , d'herbes et de pain, et l'on n'y buvait que de l'eau. La prière qui était presque continuelle , y sanctifiait le travail et les autres actions extérieures. Les moines , qui se relevaient les uns les autres, chantaient nuit et jour à l'église les louanges du Seigneur. Les travaux les plus pénibles ne dispensaient personne des veilles et de la prière publique.

Plusieurs personnes de qualité, touchées de la vie édifiante de ces pieux solitaires, leur firent des donations considérables , déposant leurs biens entre leurs mains , pour qu'ils fussent le patrimoine des pauvres. Bertin entra parfaitement dans les vues des donateurs. La vie austère que menaient les moines, renfermait leurs besoins dans des bornes étroites.

Les religieux de cette abbaye et plusieurs savants critiques soutiennent que le lieu où Bertin et ses compagnons s'étaient retirés , étant trop humide pour qu'on pût y construire un cimetière suffisant pour leur monastère , saint Omer leur fit transférer par Adroald la donation de Sithiu et de ses dépendances, qui lui était destinée ; qu'il leur céda lui-même l'église de Notre-Dame qu'il faisait achever conjointement avec les moines , et que ceux-ci ajoutèrent à l'église un cimetière et des cellules. Le chapitre de la cathédrale de Saint-Omer prétend au contraire que son église, qui est la même que celle dont on vient de parler, n'a jamais appartenu ni à saint Bertin, ni à ses disciples.

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Le comte Walbert, seigneur d'Arques, près de Saint- Omer, et de Poperingue près d'Ipres , ayant embrassé la foi, fit aussi des donations considérables à notre Saint. On dit que le manoir d'Arques fut compris dans ces donations. Au moins est-il certain que cette terre appartient depuis bien des siècles à l'abbaye de Saint-Bertin. Quant à la terre de Poperingue, elle fut certainement donnée à la même abbaye , qui y possède un prieuré. L'auteur de la plus ancienne vie de saint Bertin dit que ce Saint était le directeur du comte Walbert et de Regentrude sa femme, et que le comte venait souvent le visiter. Le fils unique de Walbert reçut au baptême le nom de Bertin. Il embrassa fort jeune l'état monastique, et mena une vie sainte sous la conduite de celui dont il portait le nom. On garde ses reliques dans l'église de Saint-Omer. Elles ont été déposées sous le grand autel, avec celles de saint Erkembodon et de plusieurs autres Saints. Un grand nombre de seigneurs , nouvellement convertis du paganisme , renoncèrent au monde pour vivre dans les exercices de la contemplation et de la pénitence , sous les lois et la discipline de saint Bertin. Ce saint abbé eut la consolation de voir son monastère rempli de religieux qui retraçaient dans leur conduite les merveilles que l'histoire rapporte des solitaires qui peuplèrent les déserts de l'Égypte. Se sentant accablé par le poids des années, il se fit remplacer en 700 par Rigobert un de ses disciples , afin de passer le reste de sa vie dans l'état de simple religieux , il alla se renfermer dans un petit hermitage, dédié sous l'invocation de la Sainte-Vierge , et situé près du cimetière de ses moines. Il y passait les jours et les nuits dans une prière presque continuelle, et y vaquait aux exercices de la discipline régulière avec l'humilité et la fidélité du novice le plus fervent.

Saint Bertin, à l'exemple de saint Colomban, de saint Fursy, de saint Fiacre, etc., ne permettait point aux femmes d'entrer dans la clôture de son monastère, ni dans son église. Cette loi fut religieusement observée jusqu'en 938 , que l'on fit une exception en faveur d'Adèle ou Alice, femme d'Arnulphe, comte souverain de Flandre. Cette pieuse princesse , attaquée d'une maladie longue et incurable , désirait ardemment d'aller prier dans l'église de Saint-Bertin, non-seulement pour implorer l'intercession de ce Saint, mais encore pour goûter les douceurs de la solitude dans un lieu qui n'était pas éloigné de son palais. Wicfrid , évêque de Térouanne , et Folbert, évêque de Cambrai, après avoir pris l'avis de l'abbé du monastère, lui accordèrent la dispense dont elle avait besoin, et la conduisirent eux-mêmes dans l'église chacun par un bras. C'était le Lundi de Pâques de l'année 988. Lorsqu'elle fut devant la châsse de saint Bertin , elle se prosterna , et pria avec une crainte mêlée de respect et de confiance. Une guérison parfaite fut le fruit de sa foi et de sa piété. En reconnaissance de cette grâce, elle enrichit la châsse du Saint, et fit à l'église des présents considérables. On voit au fond du chœur ce miracle représenté dans un groupe de figures de marbre , qui sont d'un travail achevé.

Saint Bertin, qui avait toujours eu une dévotion singulière pour saint Martin , voulut que Rigobert, son successeur, érigeât une chapelle sous l'invocation de ce Saint. Elle fut bâtie dans le lieu de l'église le plus honorable ; en sorte qu'on la regardait comme une des parties les plus respectables de l'abbaye. Aussi a-t-elle été rétablie toutes les fois qu'on a fait des réparations à l'église ; elle est maintenant au chevet du grand autel.

Rigobert se démit aussi du gouvernement de son abbaye, et saint Bertin le confia à Erlefride, qu'il avait élevé dès l'enfance. C'était un religieux d'une grande vertu, qui consacrait les jours et les nuits à la prière, et qui était favorisé du don des miracles.

Saint Bertin doit avoir vécu plus de cent ans; il en avait trente lorsqu'il vint pour la première fois à Saint-Omer.

Les auteurs modernes de sa vie disent qu'il mourut à la cent douzième année de son âge. Sa mort, selon le calcul du P. Stilting, arriva le 9 Septembre 709 ; il fut enterré dans la chapelle de saint Martin, que saint Rigobert avait fait bâtir par son ordre, mais qui ne fut achevée et ornée qu'après sa mort.


[1] Saint Achaire mourut en 639, et eut S. Eloi pour successeur, comme Butler le dit lui-même dans les notices de ces deux Saints, sous le 27 Novembre et sous le 1 Décembre. Saint Mommolin ne fut donc pas élu pour succéder à S. Achaire, mais bien pour succéder à saint Eloi qui en effet mourut le 1 Décembre 659.

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