Crispin de Viterbe eut pour parents
de pauvres ouvriers. Sa mère lui inspira, dès ses premières années, une
grande dévotion
à Marie: "Voilà ta vraie Mère," lui avait-elle dit, en le conduisant à Son
autel.
Le pieux enfant fut placé chez un
de ses oncles qui était cordonnier; le samedi soir, avec le petit salaire de la
semaine, Crispin allait acheter un bouquet pour la Sainte Vierge.
La vue de plusieurs Capucins décida
sa vocation: il avait vingt-cinq ans. Quoique faible de santé, Crispin, dans le
couvent où il fut admis, suffisait à tout: il bêchait le jardin, allait à la
quête, soignait les malades. Un religieux infirme, plein d'admiration pour lui,
disait: "Frère Crispin n'est pas un novice, mais un ange." Rien de plus naïf que
la piété de ce sublime ignorant.
Dans tous les couvents où il
passait, Crispin dressait à son usage un petit autel à Marie. Un jour qu'il y
avait placé deux belles fleurs, elles furent volées par deux petits espiègles.
Peu après, un religieux lui donna deux cierges; le bienheureux les alluma et
sortit pour cueillir des légumes dans le jardin; le religieux qui les avait
donnés les ôta, et se cacha pour voir ce qui arriverait. A son retour, Crispin,
attristé, se plaignit à Marie: "Comment! Hier les fleurs et aujourd'hui les
cierges! O ma Mère, Vous êtes trop bonne; bientôt on Vous prendra Votre Fils
dans les bras et Vous n'oserez rien dire!"
Quand on le plaignait de son excès
de travail, il disait en riant le mot de saint Philippe de Néri: "Le Paradis
n'est point fait pour les lâches!" Un jour, la maladie sévit dans un couvent:
"Voulez-vous risquer votre vie et aller soigner vos frères? lui dit son
supérieur. Voulez-vous? reprit Crispin; j'ai laissé ma volonté à Viterbe, en
entrant chez les Capucins." Il guérit tous les malades du couvent et revint
lui-même en parfaite santé.
Il aimait beaucoup les fonctions de
frère quêteur et se plaisait à s'appeler l'âne des Capucins. Si, pour
l'éprouver, on l'accablait d'injures: "Dieu soit loué! s'écriait-il; on me
traite ici comme je le mérite." Sa charmante humeur l'a fait appeler le Saint
joyeux.
Abbé L. Jaud
Vie des Saints pour tous les jours de l'année, Tours, Mame, 1950.
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