Puisqu'ils étaient frères et que
les circonstances les avaient amenés à entreprendre la même
tâche — l'évangélisation des pays slaves — les biographies de saint Cyrille et
de saint Méthode ne peuvent être dissociés.
Les Francs s'étant rendus maîtres
des territoires Croates et Slavons, après que Charlemagne eut soumis les
Avars (vers 790), atteignirent ceux des Bulgares. C'est à l'évêque de Salzbourg que
Charlemagne confia la juridiction sur les pays slaves auxquels il imposa le
latin.
Le prince Rastislav qui régnait
sur la Moravie, accrut sa puissance de telle façon que ses voisins Francs et
Bulgares, Louis le Germanique et le prince Boris, s'allièrent contre lui et les
Bulgares reçurent des missionnaires francs. Menacé par l'empire d'Occident,
Rastislav s'allia avec l'empereur byzantin, Michel III, et lui demanda des
missionnaires sachant la langue slave car le peuple de Moravie ne connaissait
pas le grec :
Notre pays est baptisé et
nous n'avons pas de maître pour nous prêcher, nous instruire et nous expliquer
les livres saints. Nous ne comprenons ni la langue grecque, ni la langue latine
: les uns nous instruisent d'une façon et les autres d'une autre ; aussi ne
comprenons-nous pas le sens des livres sacrés et leur énergie. Envoyez-nous dons
des maîtres qui soient capables de nous expliquer la lettre des livres sacrés et
leur esprit. Nous autres Slaves, nous sommes un peuple simple et nous n'avons
personne pour nous enseigner la vérité. Désigne-nous donc, généreux monarque, un
homme capable de nous parler.
Michel III fit appel à deux
frères, Cyrille et Méthode, qui avaient fait leurs études à Constantinople, et
les envoya en Moravie (861). Cyrille, né à Salonique en 827, polyglotte et
grammairien, connaissait bien le dialecte slave.
Peu après, les Slaves de Moravie,
alliés aux Byzantins, entrent en guerre contre les Bulgares, alliés aux Francs.
Les Bulgares sont vite battus par les Byzantins et doivent renoncer à l'alliance
franque, mais Louis le Germanique impose sa suzeraineté à la Moravie.
Cyrille et Méthode, en territoire
slave, à la demande d'un prince slave, prêchant et écrivant en slavon, sont
cependant isolés au milieu de l'Empire franc qui n'admettait que la liturgie
latine. Le pape Nicolas I°, homme droit, simple et énergique, soucieux de
l'évangélisation profonde des peuples slaves, encourage les Bulgares au point
que le prince Boris renvoie les missionnaires grecs et francs pour les remplacer
par des missionnaires romains. Cyrille et Méthode sont invités à se rendre à
Rome où ils apportent les reliques du saint pape et martyr Clément qu'ils ont
découvertes en Crimée.
On rapporte que, passant à
Venise, Cyrille est pris à partie par des gens qui prétendent que Dieu ne peut
être loué qu'en hébreu, en grec ou en latin ; il leur rétorque que depuis
longtemps les Arméniens, les Éthiopiens, les Égyptiens, les Persans, les Syriens
et bien d'autres encore emploient leur langue nationale tant pour la liturgie
que pour la traduction des livres saints.
Lorsqu'ils arrivent à Rome,
Nicolas I° est mort, mais son successeur, Adrien II, approuve entièrement leur
action et les fait, dit-on, sacrer évêques. Le pape approuve l'usage de la
liturgie slavonne dans l'Église de Moravie et fait déposer l'évangéliaire slavon
sur l'autel de Sainte Marie Majeure.
Quelque temps plus tard, Cyrille
fait sa profession monastique mais meurt cinquante jours plus tard, le 14
février 869, sans avoir pu rejoindre sa mission. Son tombeau est à Rome, dans
l'Église Saint Clément.
Méthode part pour la Pannonie où
il est évêque, puis archevêque de Sirmium. Or, à peine est-il arrivé dans son
diocèse qu'il est arrêté par des troupes bavaroises ; accusé d'hérésie et
d'imposture il comparaît devant un tribunal présidé par l'archevêque de
Salzbourg où il est condamné à la captivité dans un monastère bavarois. Lorsque,
deux et demi plus tard, le nouveau pape, Jean VIII, apprend l'incarcération de
Méthode, il envoie un évêque et exige en termes violents que Méthode soit libéré
(873). Provisoirement, jusqu'à être plus amplement informé, suspend l'emploi du
slavon dans la liturgie, mais, deux ans plus tard, il écrit (880) : Ce n'est
pas contraire à la foi, ni à la doctrine, de chanter la messe en langue slavonne
ou de lire le saint Évangile, les leçons divines du Nouveau et de l'Ancien
Testament ou encore de chanter les diverses parties de la liturgie en langue
slavonne.
Méthode se rend près de
l'empereur Basile I° pour rendre compte de sa juridiction spirituelle sur la
Bulgarie et la Serbie qui dépendent alors de Byzance où il reçoit un accueil
triomphal. De retour en Moravie, Méthode désigne son successeur, Gorazd, puis,
le 6 avril 885, meurt, probablement à Velehrad.
De nos jours, l'alphabet dit
cyrillique, en hommage au génie des deux frères, est utilisé par plus de 250
millions de personnes réparties entre le groupe oriental (russe et ukrainien) et
le groupe méridional (bulgare et serbe) ; le groupe occidental (tchèque et
polonais) emploie les caractères latins avec cependant quelques lettres
modifiées par des signes destinés à préciser la prononciation.
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