7 mars 1942
Mon bon Jésus,
J’ai passé presque toute la nuit à
Vous tenir compagnie ; je n’ai pas perdu l’union avec Vous. J’ai pleuré, car je
ne pouvais pas cacher davantage ma
douleur ;
mes larmes je vous les ai offertes. Les ténèbres ont atteint la hauteur qui
sépare la terre du ciel, elles m’ont caché le bleu du firmament. Et moi si
abandonnée, perdue dans l’obscurité : ma douleur était mortelle. Avant même
l’aurore Vous êtes venu dans ma chambre, Vous êtes venu dans mon cœur. Je suis
encore restée quelques instants dans la même douleur ; ensuite, dans mon âme,
votre soleil divin a brillé, j’ai alors joui de votre douce paix et entendu
votre divine voix :
— Ma fille, ô ma bien-aimée, mon
amour te consume. En toi il n’y a que de l’or très fin ; mon feu divin purifie
tout en toi. Quelle richesse que celle de ton cœur ! Je trouve en lui toute
consolation et mes délices. Tu m’as tout donné : j’ai tout reçu et gardé.
Je suis venu dans le jardin de mon
épouse, j’y ai cueilli beaucoup de fleurs ; j’ai gardé tout leur parfum. C’est
pour le distribuer aux âmes : c’est lui qui les attire vers Moi.
Dis, ma petite folle, à ton Père
spirituel, qu’il l’est et le restera toujours ; je n’ai pas consenti ni ne
consentirai à ce qu'on te l'enlève ; dis-lui que je lui envoie tout mon amour et
l'amour de ma Mère bénie également. Cela suffit, c’en est assez de l’expérience
des hommes. Le coup qui t’a été porté aurait pu être fatal si je ne veillais pas
sur toi, si je ne te soutenais pas et ne t’enveloppais de ma divine protection.
Je veux que bien vite, avec toute son attention, ton Père spirituel veille sur
ton âme.
Dis au Docteur Azevedo que tout ce
qu’il fait pour toi c’est à moi qu’il le fait et que par toi je le reçois. La
récompense est éternelle, je lui accorde tout mon amour : il recevra tout par
toi. Tous ses enfants restent sous ma protection ; aucun d’eux ne se perdra ;
tous auront dans le ciel une place de prédilection. Je veux qu’il soit toujours,
toujours attentif à la plante que je lui ai confiée, car celle-ci ne pourrait
pas vivre sans ses soins. La fin approche rapidement, toute la gloire et tout
triomphe sont pour Jésus.
J’ai cessé de vous entendre, mon
Amour, et presque aussitôt mon cœur a commencé à saigner de douleur. Toutefois,
votre divine force m’a raffermie ; je souffre mais j’ai davantage de vie. Je ne
veux pas douter de vos paroles, j’espère une résolution ferme, une
transformation complète des cœurs humains. Seul le pouvoir de Dieu peut
renouveler tant d’obstacles.
J’espère en Vous, mon Jésus : ne me
laissez pas mourir de faim, ne permettez pas que je sombre dans l’abattement.
Laissez-moi tout votre amour, toute votre confiance, un grand désir de souffrir
pour Vous.
Accordez-moi votre bénédiction, mon
Jésus,
je suis la pauvre Alexandrina.
13 mars 1942
Jésus, je me vengerai, et je me
vengerai fortement de ceux que me font tant souffrir. Savez-vous comment, mon
Amour ? Par des prières plus ferventes, par mes sacrifices afin qu’ils Vous
connaissent et Vous aiment. S’ils Vous aimaient comme vous le voulez, ils ne
procéderaient pas de la sorte. Pardonnez-leur, bon Jésus.
Tout ce qu’ils disent sur moi, moi,
sans Vous, sans votre grâce, je le serais et peut-être encore davantage. Si Vous
me laissiez seule ne fut-ce qu’un seul instant, cela serait suffisant pour que
je pratique de plus grands crimes encore. Une seule chose me reste à faire :
remercier ceux qui m’humilient et me blessent. Ils m’ont ouvert un nouveau
chemin afin que je vous suive de plus près, avec davantage de perfection et
d’amour.
Je veux sourire à tout et que ce
sourire soit en premier lieu pour Vous. Mon pauvre cœur est blessé, on ne cesse
pas de le piétiner et à rouvrir toujours la même plaie. Peu importe, car une
seule chose m’intéresse : votre amour ; celui-là me suffit ; celui-là je veux le
posséder même si pour cela je dois être piétinée et traitée par tous comme une
esclave.
À Vous, mon Jésus, je me suis déjà
offerte et je m’offre continuellement comme esclave. Je baisse la tête pour
recevoir de Vous le coup qui apporte toute la douleur et le sacrifice. Au plus
profond de mon cœur je répète toujours : que votre volonté soit faite, Jésus,
faites de moi ce que vous voudrez.
Jésus, la soif et la faim
dessèchent mes lèvres et mon âme elle-même se meurt de soif. La soif de mon
corps c’est Vous qui permettez que je ne puisse pas la satisfaire ;
je Vous offre ce sacrifice, je l’accepte par amour, afin que Vous puissiez
rassasier la soif de tous les cœurs.
La soif et la faim de mon âme est
causée par les hommes, ce sont eux qui me laissent mourir : ils ne permettent
pas que mon âme s’alimente et se rassasie à la source que Vous avez choisie
vous-même.
Ô mon Jésus, ô Jésus, ayez pitié de
moi, regardez mon âme qui ressemble à un petit oiseau perdu et désemparé, qui
faiblit.
Que serais-je sans Vous ! Quel
douleur, quelle souffrance, mon Jésus ! Quelles ténèbres ! Quelle obscurité
horrifiante ! Que de chemins si parsemés d’épines! Aveuglée j’y tombe et m’y
blesse, mon corps est meurtri de coups et mon sang coule. C’est pour les âmes !
Vous placez devant moi, devant mes
yeux mon énorme croix ; je la vois clairement et sur elle je suis
continuellement clouée. Et maintenant, mon Jésus, à chaque instant, mon agonie
devient de plus en plus douloureuse. De temps à autre, déjà presque sans vie, je
laisse échapper un gémissement ; mes yeux perdent leur éclat ; je meurs
abandonnée, envahie par la peur. La crucifixion approche ; soutenez-moi, veillez
sur moi, mon Jésus.
Après la crucifixion
Mon Jésus, lorsque les moments de
plus grande angoisse approchaient, avez-vous entendu, mon Jésus, ma faible voix
qui vous demandait de me ramener vers Vous, car je n’en pouvais plus ?
Pardonnez-moi, mon bon Jésus, pardonnez-moi, mon Amour. C’est vrai que mon
abattement était bien grand et mon corps n’avait plus de force, il était
incapable de se mouvoir. Ma volonté voulait Vous suivre, celle-là était ferme,
et Vous êtes venu la soutenir, vous êtes venu me redonner vie, me fortifier et
alors, j’ai entendu votre douce voix :
― Ma fille, ma bien-aimée, donne à
ton Jésus l'aumône que bien peu de fois te sera demandée.
Sans elle, les pécheurs, meurent de faim et tombent par milliers en enfer. Sans
elle, le Portugal n’aurait pas de paix et l’univers entier ne recevra pas la
paix désirée ; sans elle, mon divin Cœur serait absent de beaucoup de cœurs, de
beaucoup d’âmes.
Courage ! Ton Père spirituel te
soutient et te protège : Jésus et Marie te protègent aussi.
J’ai cheminé vers Gethsémani,
toujours dans la tristesse, les ténèbres et la douleur. Je vous ai senti, mon
Jésus, revêtu de moi, appeler les âmes. Vous leur parliez de l’agonie de votre
Cœur, vous leurs montriez combien il était blessé et blessé uniquement par
amour. Quelle ingratitude ! Je sentais les âmes Vous tourner le dos, Vous
mépriser. Pauvres âmes qui ne veulent pas vous écouter ! Elles Vous fuyaient,
comme folles, allant à leur perte.
Les âmes allaient d’un côté et le
Père éternel de l’autre, en colère contre Vous, Jésus, Vous laissant dans le
plus grand abandon. Je ne pouvais presque plus résister d’entendre votre
douleur, votre amertume : même les pierres semblaient s’en émouvoir. Je ne
pouvais pas Vous voir fuir vers la solitude, Vous mettre sous la terre, écrasé
par un univers de péchés. Je ne sais pas exprimer votre souffrance, mon Jésus ;
je n’ai pas de mots qui puissent expliquer l’infinité de votre Amour.
Je me suis relevée de Gethsémani
pour continuer d’être le même instrument en vos mains divines, dans tout le
parcours de votre Passion.
Mon abandon augmente de crucifixion
en crucifixion ; mais mon abattement est de plus en plus grand. Je ne peux
attendre l’aide du Ciel et, sur la terre on veut me priver de tout. Ô mon Jésus,
ô Jésus, à qui dois-je m’adresser ? Ce n’est que par obéissance, si mal comprise
pourtant, que je résiste à cette marée de souffrances.
Lors de la flagellation, je me suis
reposée sur Vous, votre divin Cœur fut mon abri, en lui j’ai reçu la vie qui
était presque perdue. Protégée par Vous, je regardais toutes les souffrances,
mais pendant que je m’y reposais, je ne les craignais pas. Votre divin abri me
donnait force, amenuisait ma douleur. Quand, sans état d’âme, on frappait ma
tête et on y plantait des épines très aigües, je me suis reposée auprès de la si
chère Mãezinha. Alors, comme le petit enfant qui joue dans les bras de sa mère,
je me lançais vers Elle, je m’agrippais à son cou, je l’embrassais, je
l’embrassais pendant qu’Elle aussi me caressait.
Je regardais d’un côté et de
l’autre, de partout des souffrances arrivaient ; je savais qu’elles étaient pour
moi ; mon cœur souriait à tout cela et je disais : je reçois tout cela par
amour.
Ô mon Jésus, ce sont là des
épanchements et non point des consolations. Que votre Cœur puisse avoir la
consolation que j’aurais pu avoir ! Brillez dans les âmes pendant que je souffre
dans les ténèbres.
Je suis montée vers le Calvaire, je
suis allée vers la croix ; mon épuisement était mortel et les insultes tombaient
sur moi. Mon corps et mon âme étaient pris par la peur et l’épouvante. Crier
vers le Ciel ne servait à rien. Mourir seule, mourir de douleur entre larmes et
soupirs, mourir pour donner vie, mourir pour que les ténèbres se transforment en
lumière, voila mes seuls désirs.
Ce martyre est terminé, mon Jésus,
et mon pauvre cœur n’a pas eu le moindre instant de soulagement ; il continua de
saigner : il ne pouvait pas s’attendre à des horizons joyeux. Tout ou presque
s’acharnait à creuser ma tombe. Je regarde en arrière, je regarde devant, je ne
vois personne en ma faveur : tout est révolte, tout est mépris.
Ma vie avec ses “illusions”
continue.
Me redonneront-ils mon Père spirituel ? Viendra-t-il aujourd’hui? Viendra-t-il
demain? Mon Jésus, je n’ai commis aucun crime ; je souffre innocente, je souffre
par amour pour Vous, je souffre pour Vous donner des âmes. Mieux vaut souffrir
toute une vie innocente que de souffrir un seul instant coupable !
Mon Jésus, les lettres de mon Père
spirituel m’ont été rendues. Pourquoi faire ? Le sacrifice était fait ! Ce fut
comme si on les avait placées sur un cadavre qui ne ressent plus rien.
L’obéissance le commande, je l’accepte.
Accordez-moi votre bénédiction et
votre pardon.
La pauvre Alexandrina.
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