Élisabeth Canori Mora

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Élisabeth Canori Mora

Épouse, Mère, Bienheureuse
1774-1825

SIGNE DE CONTRADICTION

La société s'autodétruit en détruisant la famille, qui est, selon la volonté du Créateur, sa cellule de base. « Le salut de la personne et de la Société [...] est étroitement lié à la prospérité de la communauté conjugale et familiale » (Vatican II, Gaudium et spes, 47). Les enfants d'aujourd'hui ne seront-ils pas les citoyens de demain ? Or, c'est au sein de la famille que l'enfant connaît les premières expériences de vie en société, qu'il acquiert le sens de l'autorité, de la responsabilité, du service désintéressé  À l'inverse, quels exemples d'amour, de fidélité, de pardon les enfants peuvent-ils trouver dans des modèles fondés sur l'individualisme et l'instabilité ?

Aujourd'hui, l'Église catholique est violemment critiquée en raison de son enseignement sur la famille. On l'accuse de ne pas être "de son temps", de faire obstacle par ses “interdits” au progrès des nations et des individus. Ces attaques ne doivent ni nous surprendre, ni nous décourager : Jésus-Christ, notre Seigneur, n'a-t-il pas prévenu ses disciples: Si le monde vous hait, sachez qu'il m'a haï avant vous. Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui est à lui. Vous aurez des tribulations dans le monde. Mais courage! j'ai vaincu le monde (Jn 15, 18-19; 16, 33) ? À la suite du Sauveur, l'Église nous avertit : « Ne vous modelez pas sur le monde présent » (Jean-Paul II, Veritatis splendor, 6 août 1993, ch. 2), et à son image, elle ne craint pas d'être un “signe de contradiction”.

Par ce procès intenté à l'Église, ses adversaires, bien malgré eux, mettent en relief sa sainteté ; ils confessent qu'elle s'oppose efficacement au culte effréné de la jouissance et à la perte éternelle des âmes. En défendant la vie humaine, dont la famille est le sanctuaire, l'Église se montre fidèle au Christ, venu en ce monde non pour imposer aux hommes un fardeau insupportable, mais au contraire pour les délivrer de l'esclavage du péché. De plus, en rappelant « la nécessaire conformité des lois civiles à la loi morale » (Jean-Paul II, Evangelium vitæ, 25 mars 1995, n. 72), c'est-à-dire à la loi naturelle énoncée dans les Commandements de Dieu, l'Église se fait l'avocate des vraies valeurs de la personne humaine et défend les principes qui peuvent seuls rendre la vie sociale juste et paisible. Elle pose ainsi les fondements d'une heureuse reconstruction du corps social. À ce progrès authentique de l'humanité, l'Église contribue par son enseignement et plus encore par l'exemple des saints.

Ceux-ci, par leur vie, illustrent la doctrine de l'Église et lui donnent une force et un attrait incomparables. Ils attestent, en outre, qu'il est possible, avec la grâce divine, de vivre en parfait accord avec elle. À l'occasion de l'Année de la Famille, le Pape Jean-Paul II a béatifié Elisabetta Canori Mora. Cette épouse et mère de famille, « au milieu de nombreuses difficultés conjugales, a montré une totale fidélité à l'engagement pris par le sacrement du mariage et aux responsabilités qui en découlent » (Homélie du 24 avril 1994). L'enseignement de l'Église sur la famille, lu à la lumière de cet exemple de vie chrétienne, nous guidera sur la voie que le Christ nous a tracée, et qui conduit à la vie bienheureuse du Ciel.

UNE PRÉPARATION IMPORTANTE

C'est le 21 novembre 1774 qu'Elisabetta vient au monde. Ses parents possèdent une propriété près de Rome (Italie). Elle est la treizième d'une famille de quatorze enfants, dont six sont déjà morts en bas âge. C'est au sein de cette grande famille qu'elle reçoit sa première éducation. « La famille est la première école, école fondamentale de la vie sociale ; comme communauté d'amour, elle trouve dans le don de soi la loi qui la guide et la fait croître. Le don de soi qui anime les époux entre eux se présente comme le modèle et la norme de celui qui doit se réaliser dans les rapports entre frères et soeurs, et entre les diverses générations qui partagent la vie familiale » (Jean-Paul II, Exhortation apostolique Familiaris consortio, FC, 37).

Dans ce foyer profondément chrétien, attentif à l'éducation des enfants, Elisabetta est heureuse et trouve un parfait équilibre. En 1796, elle épouse un jeune avocat, Cristoforo Mora, le fils d'un médecin riche et estimé. Elisabetta s'est préparée avec soin à cet engagement et a suivi pour cela une retraite spirituelle. « De nos jours, la préparation des jeunes au mariage et à la vie familiale est plus nécessaire que jamais. Beaucoup de phénomènes négatifs que l'on déplore aujourd'hui dans la vie familiale viennent du fait que, dans les nouvelles situations, les jeunes ont perdu de vue la juste hiérarchie des valeurs et que, ne possédant plus de critères sûrs de comportement, ils ne savent plus comment affronter et résoudre les nouvelles difficultés. L'expérience enseigne pourtant que les jeunes bien préparés à la vie familiale réussissent mieux que les autres » (FC, 66).

Elisabetta a le désir de fonder avec son époux une famille vraiment chrétienne. Elle sait que par l'engagement solennel pris devant Dieu et devant l'Église, tous deux vont se promettre de « rester fidèles dans le bonheur et dans l'épreuve, dans la maladie et la bonne santé, pour s'aimer et se respecter tous les jours de leur vie » (cf. Rituel). Pour mettre en évidence les éléments essentiels qui constituent le bien commun des époux (l'amour, le respect, la fidélité jusqu'à la mort), l'Église, au cours de la cérémonie, leur demande s'ils sont disposés à accueillir et à élever chrétiennement les enfants que Dieu voudra leur donner. « Selon le dessein de Dieu, le mariage est le fondement de cette communauté plus large qu'est la famille, puisque l'institution même du mariage et l'amour conjugal sont ordonnés à la procréation et à l'éducation des enfants dans lesquels ils trouvent leur couronnement » (FC, 14). Habituellement, l'union des époux perdure et se consolide grâce à la naissance et à l'éducation des enfants, qui sont le plus beau fruit de leur amour conjugal.

AMOUR BLESSÉ

Les premiers temps du mariage sont très heureux. Mais bientôt, la vie commune se trouve compromise par la fragilité psychologique de Cristoforo. D'abord ce sont des accès de jalousie inexplicables, puis le jeune avocat s'éprend d'une autre femme et trompe son épouse. Blessée profondément dans son amour, Elisabetta ne fait cependant aucun reproche à son mari. Elle continue à lui manifester toute sa tendresse, espérant le conquérir de nouveau. L'épreuve est d'autant plus pénible qu'elle a perdu coup sur coup deux enfants, morts peu après la naissance.

À la fin de l'année 1799, elle met au monde une petite fille, Marianna, pleine de vitalité. Hélas, la situation du foyer se dégrade : l'avocat se désintéresse de son étude et s'adonne à des spéculations irréfléchies qui le conduisent bientôt à la faillite. Elisabetta n'hésite pas : elle vend tous ses bijoux pour payer les dettes de son époux, sans toutefois y parvenir tant elles sont considérables. Loin de lui en être reconnaissant, Cristoforo, humilié de ses échecs, devient grossier et de plus en plus ombrageux. Francesco et Agatha Mora, ses parents, lui suggèrent, pour des raisons d'économie, de quitter le bel appartement où il est installé depuis son mariage, et de venir avec Elisabetta habiter chez eux. Ce déménagement constitue pour celle-ci une nouvelle épreuve, car elle perd l'intimité de sa vie conjugale et familiale. La jeune femme accepte cependant volontiers ce sacrifice pour la conversion de son mari infidèle.

Le péché d'adultère est en effet un désordre grave. Le Catéchisme de l'Église Catholique l'a rappelé en ces termes : « Le mot “adultère” désigne l'infidélité conjugale. L'adultère est une injustice. Celui qui le commet manque à ses engagements. Il blesse le signe de l'alliance qu'est le lien matrimonial, lèse le droit de l'autre conjoint et porte atteinte à l'institution du mariage, en violant le contrat qui le fonde. Il compromet le bien de la génération humaine et des enfants, qui ont besoin de l'union stable des parents » (CEC, 2380-2381). Elisabetta sait surtout que celui qui se rend coupable du péché d'adultère ne peut hériter du Royaume de Dieu (cf. 1 Co 6, 9; Mt 19, 18). Son amour pour Cristoforo, fondé sur la foi et la charité surnaturelles, lui fait craindre pour le salut éternel de son époux. Aussi multiplie-t-elle les sacrifices et les prières. Sa confiance en Dieu et sa persévérance dans la prière ne seront pas déçues.

En juillet 1801, une quatrième grossesse vient adoucir la vie éprouvée de cette femme admirable. Mais peu après l'accouchement, une maladie terrasse la maman et la conduit à l'agonie. Humainement, Elisabetta est condamnée. Toutefois, une guérison miraculeuse, comme elle l'avouera elle-même, lui rend la santé. Cette maladie est l'occasion d'un progrès spirituel important. Sa vie d'union à Dieu et sa pratique religieuse s'intensifient; la confession et la communion fréquentes deviennent les deux pôles de sa vie spirituelle. En 1804, sous l'inspiration de Dieu, elle prend trois résolutions: 1) pratiquer la douceur, la patience, et ne jamais se fâcher; 2) accomplir en tout la volonté de Dieu; 3) s'exercer aux vertus de mortification et de pénitence.

Elle puisera dans cette vie spirituelle intense la force de supporter sa situation familiale difficile. Car des humiliations cuisantes continuent à pleuvoir sur elle. Ses belles-sœurs, dont elle aurait pu attendre affection et soutien, la rendent responsable des échecs financiers de Cristoforo, et lui reprochent d'être la cause de son adultère : « Avec une femme différente, disent-elles, Cristoforo serait différent ! » Suivant l'exemple de Jésus, Elisabetta répond à tout par la douceur, la patience et le pardon. Mais l'épreuve la plus douloureuse vient des pressions physiques et psychologiques de son époux et de sa belle-famille pour lui arracher un consentement inadmissible : « Ce lion furieux (Cristoforo l'avait menacée d'un couteau) voulait à tout prix la permission écrite de fréquenter son amie, lit-on dans son journal. Il est bon pour moi d'avoir passé deux heures en prière! Dieu me communiqua tant de force que j'étais prête à donner ma vie plutôt que d'offenser mon Seigneur ».

POUR LA VIE

Elisabetta ne peut, sans pécher gravement, consentir à l'adultère de Cristoforo, même pour sauver la situation et se réconcilier avec lui. Il n'est jamais permis de faire un mal même en vue d'un bien (cf. Rm 3, 8). Le lien matrimonial est établi par Dieu Lui-même, de sorte que le mariage conclu et consommé entre baptisés ne peut jamais être dissous.

Le Pape Jean-Paul II a rappelé l'enseignement de l'Église sur ce point essentiel : « La communion conjugale se caractérise non seulement par son unité, mais encore par son indissolubilité. Le caractère définitif de cet amour conjugal trouve en Jésus-Christ son fondement et sa force. Enracinée dans le don plénier et personnel des époux et requise pour le bien des enfants, l'indissolubilité du mariage trouve sa vérité définitive dans le dessein que Dieu a manifesté dans sa Révélation : c'est Lui qui veut et qui donne l'indissolubilité du mariage comme fruit, signe et exigence de l'amour absolument fidèle que Dieu a pour l'homme et que le Seigneur Jésus manifeste à l'égard de son Église.

« Le don du sacrement est pour les époux chrétiens une vocation ― en même temps qu'un commandement ― à rester fidèles pour toujours, par-delà les épreuves et les difficultés, dans une généreuse obéissance à la volonté du Seigneur: Ce que Dieu a uni, l'homme ne doit pas le séparer (Mt 19, 6). De nos jours, témoigner de la valeur inestimable de l'indissolubilité du mariage et de la fidélité conjugale est, pour les époux chrétiens, un des devoirs les plus importants et les plus pressants » (FC, 20).

Forte de sa foi en l'enseignement évangélique, Elisabetta résiste donc courageusement aux menaces qui lui sont faites. Elle est par ailleurs convaincue que si la réconciliation avec son mari a lieu un jour, celle-ci sera le fruit de sa fidélité à la loi divine.

TÉMOIGNAGE IRREMPLAÇABLE

Avec la mort du docteur Francesco Mora, qui survient en 1812, Elisabetta perd son dernier appui. Ses belles-sœurs lui font alors comprendre qu'avec ses deux filles, elle constitue une charge pour la famille. Il lui faut donc se procurer un appartement dans Rome. Avec ce déménagement, une période plus paisible s'ouvre devant elle, malgré une extrême pauvreté. Elle en profite pour suivre plus attentivement l'éducation de ses filles, qu'elle a toujours considérée comme l'une de ses tâches principales. Son premier soin est de leur donner une formation spirituelle sérieuse. Sa maisonnée devient une heureuse “Église domestique”, où le Seigneur est aimé, où il fait bon vivre. « Dès leur plus jeune âge les enfants doivent apprendre à découvrir Dieu et à l'honorer ainsi qu'à aimer le prochain. L'exemple concret des parents est un témoignage fondamental et irremplaçable de l'éducation à la prière: c'est seulement en priant avec leurs enfants qu'ils pénètrent profondément le cœur de leurs enfants, en y laissant des traces que les événements de la vie ne réussiront pas à effacer. » Écoutons l'appel que le Pape Paul VI a adressé aux parents : “Mamans, apprenez-vous à vos petits la prière du chrétien ? Les préparez-vous, en collaboration avec les prêtres, aux sacrements du premier âge: la confession, la communion, la confirmation ? Les habituez-vous, s'ils sont malades, à penser aux souffrances du Christ, à invoquer l'aide de la Sainte Vierge et des saints ? Et vous, papas, savez-vous prier avec vos enfants?  Vous apporterez ainsi la paix entre les membres de votre foyer”.

« Outre les prières du matin et du soir, sont à conseiller expressément la lecture et la méditation de la Parole de Dieu, la dévotion et la consécration au Cœur de Jésus, les différentes formes de piété envers la Vierge Marie, la bénédiction de la table, les pratiques de dévotion populaire » (FC, 60 et 61). La récitation du chapelet en famille est vivement recommandée: «Il n'y a pas de doute que le chapelet de la Vierge Marie doive être considéré comme une des plus excellentes et des plus efficaces “prières en commun” que la famille chrétienne soit invitée à réciter» (id.).

« TU REVIENDRAS À DIEU... »

Oublieuse d'elle-même, rayonnant de plus en plus l'amour de la Très Sainte Trinité à qui elle s'était consacrée en entrant dans le Tiers-Ordre Trinitaire, Elisabetta fait de sa maison le rendez-vous de toutes les personnes qui cherchent un soulagement matériel ou spirituel, réservant une attention particulière aux familles en difficulté. Son âme, purifiée par l'épreuve, est mûre pour le Ciel. À Noël 1824, un oedème, qui l'a déjà frappée quelques mois plus tôt, se manifeste de nouveau. Elisabetta déclare à ses filles que ce sera sa dernière maladie. Elle a la joie de voir son mari reprendre sa place à la maison et passer de longues heures à son chevet. La malade ne lui fait aucun reproche concernant le triste passé dont elle a tant souffert. Au contraire, en épouse aimante, elle l'encourage et prophétise son retour à Dieu : « Tu reviendras à Dieu après ma mort, lui dit-elle, tu reviendras à Dieu pour rendre gloire ».

Au soir du 5 février 1825, Elisabetta, entourée de ses filles, s'éteint doucement avec la joyeuse expression de quelqu'un qui part rejoindre un être cher. Cristoforo, comme à son habitude, rentra à l'aube. Surpris de trouver la porte ouverte, il se précipite dans la chambre de son épouse, qu'il trouve étendue sans vie. En présence de cette femme qui lui était restée fidèle jusqu'au bout, il est pris d'un violent remords de toute une vie de négligence, d'ingratitude et d'infidélité, et laisse libre court à ses larmes. Ces larmes purificatrices sont le prélude de la conversion qu'Elisabetta a prédite. En 1834, il entre chez les Frères Mineurs Conventuels et sera même ordonné prêtre. Il meurt saintement le 8 septembre 1845, jour de la Nativité de Notre-Dame, une fête particulièrement chère à son épouse.

L'exemple d'Elisabetta est un encouragement puissant pour les foyers en difficulté. Il rappelle « qu'on ne doit jamais désespérer de la miséricorde de Dieu » (Règle de saint Benoît, chap. 4), et témoigne de la fidélité du Seigneur “Auteur et Gardien du mariage” qui, dans les situations les plus difficiles, donne à chacun la grâce dont il a besoin. Quant aux familles vivant dans la concorde, elles sont invitées à rendre grâces à Dieu pour le don de la paix (un des fruits de la dévotion au Sacré-Cœur). Ce don, précieux entre tous, a besoin pour durer et grandir du pardon mutuel et de la prière. La patience surtout, qui est l'expression et le soutien de l'amour, est au centre de toute relation humaine durable. L'Amour est patient, assure saint Paul (1 Co 13, 4).

Achevant son Exhortation Apostolique sur la Famille, le Pape Jean-Paul II invite les foyers à se mettre sous la protection de la Sainte Famille “modèle de toutes les familles” : « Regardons cette Famille unique au monde qui a glorifié Dieu d'une manière incomparablement élevée et pure. Elle ne manquera pas d'assister toutes les familles du monde, dans la fidélité à leurs devoirs quotidiens, dans la façon de supporter les inquiétudes et les tribulations de la vie, dans l'ouverture généreuse aux besoins des autres, dans l'accomplissement du plan de Dieu sur elles ». La Sainte Vierge et saint Joseph, qui furent unis par un véritable mariage, traversé de difficultés et d'épreuves, soutiendront et encourageront ceux qui les invoquent avec confiance.

C'est à la Sainte Famille que nous vous confions ainsi que tous ceux qui vous sont chers, vivants et défunts.

Dom Antoine Marie osb, abbé

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