Etienne-Théodore Cuenot,
vicaire apostolique de la Cochinchine orientale, confesseur de la
foi, béatifié en 1909, vint au monde le 8 février 1802 au Bélieu
(Doubs). Il étudia à Ouvans, à Cerneux-Monnot, à Ornans, à
Luxeuil,
au grand séminaire de
Besançon, et à dater de 1823, dans l'une des maisons de la Retraite
chrétienne, à Aix-en-Provence. C'est là qu'il reçut la prêtrise le
24 septembre 1825. Après y avoir professé pendant dix-huit mois
environ, il entra au Séminaire des M.-E. le 23 juin 1827, et le 27
janvier 1828 il partit pour Macao, d'où, le 2 mai de l'année
suivante, il passa en Cochinchine, au petit séminaire de Lai-thieu.
Ensuite, il commença l'adminis-tration des chrétiens ; la maladie
entrava ses efforts, et quand il revint à la santé au début de 1833,
la persécution éclatait. Il se réfugia au Siam, et dirigea pendant
quelque temps la chrétienté de Chantaboun, 1833-1834 ; puis, comme
les prêtres européens devenaient suspects à Bangkok, il ne tarda pas
à se retirer à Singapore avec les séminaristes annamites. Son
évêque, Mgr Taberd, le rejoignit dans cette ville, et, l'ayant
choisi pour coadjuteur, il le sacra évêque de Métellopolis le 3 mai
1835.
Le 21 juin suivant,
Cuenot repassa en Cochinchine. En l'absence du vicaire
apostolique, qui ne put jamais rentrer dans ce pays, il gouverna la
mission, tout en se dissimulant de son mieux dans les chrétientés
les plus sûres, principalement à Go-thi et à Gia-huu. Il s'occupa
particulièrement du clergé indigène et fit rétablir deux séminaires
; en quelques années, il augmenta notablement le nombre de ses
prêtres.
En 1839, le Souverain
Pontife lui envoya deux brefs : le premier, Quod nuncia (Jus Pont.
de Prop. Fid., v, p. 219), du 4 août, qui louait les chrétiens de
Cochinchine de leur courage à supporter la persécution ; le second,
Apostolatus officium (Jus Pont. de Prop. Fid., v, p. 225), du 10
décembre, qui lui donnait le droit de se choisir un coadjuteur.
Taberd étant mort le 31
juillet 1840, Cuenot devint vicaire apostolique. Pour
faciliter l'instruction des prêtres indigènes, il composa à leur
intention, en 1841, un précis des principales lois de l'Eglise
telles qu'elles devaient être appliquées en Cochinchine. La même
année, en mai, il tint un synode à Go-thi, où furent établies des
règles uniformes de conduite. Le 1er août suivant, il sacra Mgr
Lefebvre, qui devait être son coadjuteur jusqu'en 1844.
Quoiqu'il ne sortît
guère des deux chrétientés qui l'abritaient, il exerça une influence
considérable dans son vicariat ; par de nombreuses lettres, il
stimula le courage de ses collaborateurs, et les incita à ne pas
négliger les travaux de théologie ; il raffermit les fidèles dans
leur foi et les poussa au prosélytisme ; enfin, il fit commencer
l'évangélisation des sauvages des montagnes de l'ouest. En même
temps, il rédigea avec un très grand soin les actes des confesseurs
et des martyrs de la Cochinchine.
Le 11 mars 1844, par la
bulle Exponendum Nobis curavit, son vicariat fut divisé en deux,
sous les noms de Cochinchine orientale et Cochinchine occidentale.
Par le bref Exponendum Nobis curasti, du même jour, il fut nommé
vicaire apostolique de la Cochinchine orientale, qui comptait neuf
provinces depuis le Binh-thuan jusqu'au Quang-binh inclusivement. Ce
bref lui donnait également le droit de prendre un coadjuteur, ce
qu'il fit en 1846, en choisissant et en sacrant Mgr Pellerin. Deux
autres brefs : Curasti Nobis (Jus Pont. de Prop. Fid., vi, 1re
part., p. 5), du 14 juillet 1846, et Exponendum Nobis (Jus Pont. de
Prop. Fid., vi, 1re part., p. 85), du 28 août 1849, lui accordèrent
le même droit, dont il n'usa pas. En ces temps de persécution
sanglante, où évêques et missionnaires étaient exposés à disparaître
si rapidement, Rome prenait les plus minutieuses précautions pour
assurer la perpétuité de l'autorité.
Un autre bref, Postulat
apostolici (Jus Pont. de Prop. Fid., vi, 1re part., p. 103), du 27
août 1850, divisa la Cochinchine orientale en deux vicariats, comme
il l'avait demandé : il conserva les six provinces du centre :
Quang-nam, Quang-ngai, Binh-dinh, Phu-yen, Khanh-hoa, Binh-thuan,
qui formèrent, avec le pays des Sauvages, la mission de Cochinchine
orientale dont il fut le vicaire apostolique jusqu'à sa mort.
L'autre vicariat reçut le nom de Cochinchine septentrionale, avec
Mgr Pellerin à sa tête.
Quoique très occupé par
les affaires de son vicariat, toujours sous le coup de la
persécution, il étudiait et donnait fréquemment son opinion sur la
marche de la Société des M.-E. ; et comme, à cette époque, il était
question de la revision du Règlement général, il exposa à plusieurs
reprises ses vues sur ce sujet.
En 1854, il faillit
être arrêté ; le dévouement des chrétiens le sauva. Peu à peu ses
forces déclinèrent, il ressentit les premiers symptômes de l'anémie
cérébrale ; mais sa volonté de rester à son poste ne fléchit pas, et
à toutes les instances faites par ses missionnaires pour qu'il
s'éloignât, il répondait : "Le bon Pasteur donne sa vie pour ses
brebis." Quand il apprit l'occupation de Saïgon par les
Français, et le redoublement de persécution qui s'en suivit dans les
pays annamites, il voulut que son provicaire, Herrengt, quittât la
mission pour se mettre en sûreté ; lui demeura à Go-thi.
En 1861, sur la
nouvelle que des perquisitions devaient être effectuées dans cette
paroisse, il se réfugia à Go-boi, chez une chrétienne ; il y fut
presque aussitôt recherché par le sous-préfet, et, après être
demeuré dans une étroite cachette pendant un jour et demi, sans
nourriture, il se livra lui-même. C'était le 28 octobre. Il fut
emmené à Binh-dinh avec plusieurs fidèles, et enfermé dans l'écurie
des éléphants de guerre, où bientôt il tomba gravement malade. Il
succomba le 14 novembre 1861, vers minuit. Il venait d'expirer,
quand arriva l'ordre du roi Tu-duc de le décapiter, " pour avoir
commis le crime de prêcher la religion chrétienne ". Cet ordre ne
fut pas exécuté. Le confesseur de la foi fut enterré, sans cercueil,
non loin de la citadelle.
En 1862, Tu-duc
prescrivit de jeter à la mer les cadavres des catholiques morts en
prison, et porta par un décret spécial la même sentence contre
l'évêque. Le corps de Mgr Cuenot fut exhumé ; quoique dans un
terrain humide depuis plusieurs mois, il était resté frais et
souple, les cheveux et la barbe étaient intacts ; il fut jeté au
fleuve près du hameau de Phong ; il n'a jamais pu être retrouvé,
malgré les recherches des chrétiens.
Le décret introduisant
la Cause du confesseur de la foi est du 13 février 1879, le bref de
sa Béatification du 11 avril 1909, et les solennités de cette
Béatification ont été célébrées à Saint-Pierre de Rome le 2 mai
1909. Au Séminaire des M.-E., la Salle des Bienheureux renferme
plusieurs objets, entre autres un calice ayant appartenu au martyr.
Dans la mission des Sauvages dont il fut l'inspirateur, la
principale école porte son nom ; elle est établie à Kon-tum.
Source :
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