Entre
les
agréables
fruits
que
saint
Germain,
évêque
d'Auxerre,
recueillit
en
l'île
de
la
Grande Bretagne,
lorsqu'il
y
fut
envoyé
comme
légat
apostolique,
pour
exterminer
l'hérésie
de
Pelage,
on
peut
compter
avec
justice
un
autre
saint
Germain,
dont
je
vais
rapporter
les
plus
belles
actions.
Ce
saint
prélat,,
étant
en
cette
île,
fit
connaissance
avec
un
seigneur
écossais,
appelé
Audin,
qui
y
était
passé
avec
Aquila,
sa
femme.
Ils
avaient
un
fils
parfaitement beau et qui
charmait toutes les personnes qui le voyaient. Saint Germain fut si
touché de compassion de les voir ensevelis dans les ténèbres de
l'idolâtrie, qu'il demanda à Notre-Seigneur leur conversion pour la
récompense de ses travaux. Sa prière eut son effet ; car ce
seigneur, pénétré des lumières de l'Évangile que ce saint évêque
prêchait, se fit chrétien avec sa femme, son fils et toute sa
famille. Comme saint Germain avait une tendresse particulière pour
leur fils il voulut, à son baptême, lui servir lui-même de parrain
et lui donner son nom. Ce fut par une providence du ciel que ce
jeune néophyte fut effectivement, par son zèle et son courage, un
autre saint Germain.
A près son
baptême, ses parents le firent élever avec tant de soin dans la
piété et dans les sciences, qu'il fut comme le prodige de son
siècle. Personne, de quelque condition et qualité qu'il fût, ne
rapprochait sans en être parfaitement satisfait ses paroles
portaient une certaine onction qui ravissait tout le monde
néanmoins, les pauvres et les malheureux y étaient les mieux venus
il ne les pouvait voir sans découvrir, sous leurs misères, la
majesté de son Rédempteur, qui s'est caché en leurs personnes. Quand
il se vit en âge de faire le choix d'un genre de vie, il renonça
généreusement à tous les avantages que le droit de sa naissance lui
pouvait faire espérer dans le monde, pour se mettre dans les Ordres
sacrés.
Étant prêtre, il
voulut faire un voyage en France, pour y voir son père en la foi,
saint Germain, évêque d'Auxerre c'est pourquoi il résolut, comme
Abraham, de quitter sa patrie, ses parents et tous ses biens, pour
se, donner entièrement à la vie apostolique et porter partout la
gloire et le nom de Jésus-Christ. Mais, étant arrivé sur le bord de
la Manche, où l'Océan sépare l'Angleterre de la France, il n'y
trouva pas de vaisseau pour traverser ce bras de mer n'en pouvant
pas espérer de sitôt, il s'adressa au souverain Maître des eaux, et
le pria de lui donner de quoi faire ce trajet, si le dessein qu'il
avait formé venait de l'Esprit-Saint. Chose étonnante sa prière ne
fut pas plus tôt achevée, qu'il vit paraître sur les eaux un chariot
qui vint à lui, l'enleva de terre et le transporta en un moment de
la côte d'Angleterre à celle de France, aux environs de Flammenville,
près de Dieppe. Les habitants de cette contrée, qui vivaient encore
dans les ténèbres du paganisme, le voyant arriver sur cette nouvelle
barque, le prirent, les uns pour Neptune, dieu des eaux, les autres
pour un magicien qui faisait paraître ce fantôme à leurs yeux. Mais
ils changèrent bien de sentiment à la mort tragique du juge de ce
lieu, qui expira dans d'horribles douleurs pour avoir blasphémé
contre la doctrine de saint Germain. Sa sainteté fut encore reconnue
par un autre miracle. Un serpent, d'une prodigieuse grandeur,
ravageait tout le pays et avait nouvellement étouffé un enfant. Le
Saint ressuscita d'abord cet innocent puis, se faisant conduire à
l'entrée de la caverne, où ce monstre se retirait, il lui jeta son
étole sur le cou, et, en cet état, il le mena fort paisiblement
jusqu'à une citerne très profonde, l'y précipita et fit ensuite
combler le trou ce qui étonna tellement ces idolâtres que cinq cents
se convertirent. L'histoire ne dit point si notre Saint rencontra
saint Germain d'Auxerre ; mais elle dit qu'il passa jusqu'à Trèves,
où il trouva l'évoque saint Sévère, qui l'avait accompagné dans son
second voyage d'outre-mer, et qui avait aussi connu celui dont nous
parlons, dans sa jeunesse. Ce prélat, voyant les talents que Dieu
lui avait donnés, lui conféra, en vertu de pouvoirs spéciaux, le
caractère épiscopal, mais sans lui assigner de siège, afin qu'il pût
donner un plus large essor à son zèle. Étant autorisé par cette
nouvelle dignité, il alla prêcher l'Évangile en Frise, et
généralement dans toutes les provinces de la Basse Allemagne,
confirmant sa doctrine par beaucoup de miracles. Il était si affable
dans sa conversation, et si charitable à secourir les malades, que
les idolâtres mêmes le chérissaient et couraient après lui comme
après un souverain médecin. Voilà, en substance, tout ce que nous
avons pu recueillir des fruits de la prédication de saint Germain
dans les Allemagnes. Il alla ensuite à Rome visiter les sépulcres
des bienheureux apôtres saint Pierre et saint Paul; et, priant une.
nuit dans l'église de Saint-Pierre, il reçut lui-même la visite de
cet Apôtre qui, approuvant ses travaux pour la prédication de l'Evangile,
l'exhorta à continuer, avec promesse expresse que, pour sa
récompense, il recevrait enfin la couronne du martyre. Saint
Germain, ravi de ces bonnes nouvelles, et fortifié par cette voix du
ciel, n'eut plus de repos dans son cœur qu'il n'eût trouvé
l'occasion de recevoir cette palme qu'on lui faisait espérer. Il
passa d'abord d'Italie en Espagne, pour voir si, parmi les idolâtres
qui y étaient encore, ou parmi les Ariens qui persécutaient les
catholiques, il ne trouverait pas de quoi satisfaire ses désirs. Il
y prêcha partout l'Évangile, baptisa plusieurs personnes, renversa
les temples, fit bâtir de nouvelles églises au vrai Dieu enfin, il y
fit tant de miracles, que la ville de Tolosa en a conservé longtemps
le souvenir.
Mais ce zélé
prédicateur, voyant que, au lieu de la persécution qu'il cherchait
dans les pays étrangers, il trouvait de l'honneur et des
applaudissements, crut qu'il serait plus heureux dans sa patrie.
C'est pourquoi il passa en Écosse, et se mit à y prêcher sans se
faire connaître, afin que ses parents et ses amis n'empêchassent
point qu'il ne fût persécuté. Mais le moyen de cacher celui que le
ciel voulait faire connaître à tout le monde ? L'amour divin
embrasait tellement son cœur, qu'il faisait rejaillir l'éclat de ses
saintes flammes jusque sur son visage, de sorte que les prêtres
mêmes des idoles lui portaient du respect. Cependant, comme il ne
désirait rien de plus que la dissolution de son corps pour vivre
avec Jésus-Christ, il passa une seconde fois en France, pour y
chercher l'accomplissement des promesses du ciel. Lorsqu'il fut sur
mer, le démon, qui ne lui avait pu nuire sur la terre, essaya de le
perdre dans les eaux pendant que le Saint dormait sur le pont, il
monta sur la poupe, et appesantit tellement le vaisseau, que les
matelots n'attendaient plus que de faire naufrage. Mais le Saint
s'étant éveillé, aperçut bientôt l'auteur de ce désordre, et,
faisant le signe de la croix, le renvoya lui-même dans les abîmes de
l'enfer.
Cette tempête
ainsi apaisée, le vaisseau arriva heureusement, au port de la
Hougue, entre Barfleur et Carentan, dans le Cotentin, partie de la
Basse-Normandie. Dieu rendit son entrée célèbre car la fille du
gouverneur de Montebourg, paralytique et aveugle de naissance, ayant
appris, par révélation, la venue de saint Germain, n'eut point de
repos qu'on ne l'eût portée devant lui elle lui demanda le baptême
et il le lui administra, la nomma Pétronille, en l'honneur de saint
Pierre, et, en même temps, lui donna la vue et le parfait usage de
ses membres. Un miracle si éclatant, en une personne si considérable
dans le pays, fut cause de la conversion générale de toute la
province. Il s'avança ensuite vers la ville de Bayeux et, comme il
en approchait, il fit supplier le gouverneur de lui envoyer quelques
rafraîchissements pour ses gens, qui en avaient un extrême besoin
mais cet homme incivil, lui ayant refusé cette grâce, reçut bientôt
la punition de son avarice. à l'instant même, tous ses tonneaux se
trouvèrent épuisés jusqu'à la dernière goutte. Le contraire arriva à
un honorable habitant de la ville, appelé Gantius ayant fait cette
charité au serviteur de Dieu, il reçut, pour sa récompense, une
abondante bénédiction sur toute sa famille.
Saint Germain,
entrant dans Bayeux, pria pour la délivrance de certains prisonniers
mais, ayant essuyé un refus, il en sortit aussitôt, et, dans une
sainte colère, frappant du pied contre les murs du rempart, il en
fit tomber une partie notable, dans le fossé son histoire dit que
l'on s'en souvient encore dans le pays. Néanmoins, voulant faire
paraître à ce peuple que sa colère était de la nature de celles des
colombes qui n'ont point de fiel, il ressuscita un mort que l'on
portait en terre, et qu'il rencontra aux portes de la ville cela
obligea le magistrat de lui donner les prisonniers qu'il avait
demandés, et qui se trouvèrent au nombre de vingt-quatre.
Saint Germain, au
sortir de Bayeux, prêcha partout le nom de Jésus-Christ, le long de
la côte jusqu'à Mortemer, village au pays de Caux, sur la rivière d'Eaulne.
Près de Dieppe, il eut révélation que le lendemain serait le dernier
jour de sa vie, et qu'il y recevrait la couronne du martyre, qu'il
avait cherchée avec tant d'empressement. Il fit part de ces
agréables nouvelles à ses chers compagnons, qu'il éveilla exprès et,
s'étant mis en chemin dès la pointe du jour, il passa près de la
commune des Essarts, et y fit désaltérer sa monture (c'était un âne
que Gantius lui avait donné pour ses courses apostoliques). Il
baptisa ensuite des néophytes dans un étang qui porte encore
aujourd'hui (1871) le nom de “Saint-Germain” et reprit sa route. Il
se trouva vers le soir sur la pente d'une montagne, appelée le Vieux
Rouen, entre Aumale et Senarpont là demeurait un tyran, nommé
Hubault, grand fauteur des idoles. Ce barbare, sachant l'arrivée du
serviteur de Dieu, par le bruit que sa renommée faisait de tout
côté, vint au-devant de lui, armé de rage et de fureur, et, l'ayant
trouvé près d'une petite chapelle de Notre-Dame, sur le bord de la
Bresle, autrement dit la rivière d'Eu, qui sépare la Normandie de la
Picardie, lui déchargea un coup de cimeterre sur le cou avec tant de
violence, qu'il lui trancha la tête. Son âme, laissant son corps,
parut visiblement s'envoler au ciel, sous la forme d'une colombe
plus blanche que la neige. Ce fut le second jour de mai. Les auteurs
ne s'accordent point touchant l'année néanmoins, puisqu'il a été
baptisé par saint Germain d'Auxerre, qui mourut vers le Ve
siècle, l'on peut conclure qu'il a souffert le martyre vers l'année
480.
Son corps demeura
en pleine campagne, sans que personne osât lui donner sépulture,
parce que le tyran, extrêmement redouté dans le pays, l'avait
défendu mais, le lendemain, une jeune fille allant faire sa prière
dans cette chapelle de Notre-Dame, entendit distinctement la voix du
Saint, qui lui commandait d'avertir le seigneur de Senarpont de lui
faire rendre les derniers devoirs, comme à celui dont il avait reçu
plusieurs faveurs durant qu'il était en vie.
Senard, prévenu
aussitôt par la jeune fille, s'empressa d'accourir avec des clercs
de tous les Ordres pour procéder aux funérailles. Il ne trouva plus
le corps au lieu même où il avait été martyrisé, mais un peu plus
loin, là où il avait été transporté par des anges. Senard
l'enveloppa d'aromates et l'ensevelit dans un beau sarcophage à
l'endroit où il l'avait rencontré. Plus tard il érigea une église
sur le tombeau où s'accomplirent divers miracles ce fut l'origine du
village de Saint-Germain-sur-Bresle.
Le
corps
de
saint Germain
resta
jusqu'au IXe
siècle
dans
son
tombeau de
Saint-Germain-sur-Bresle,
sous
la
garde des
Bénédictins
qui
avaient établi
là
un prieuré.
Les
ravages des
Danois
les
déterminèrent à
mettre
ce
précieux trésor
en
lieu de
sûreté.
En
850 deux
religieux,
chargés
de
ces reliques,
se
dirigèrent vers
le
Vermandois et
arrivèrent
le
soir du
13
novembre à
Ribemont
où
ils virent
s'ouvrir
subitement
devant
eux
les portes
de
la chapelle
de
Sainte-Anne, située
dans
le
faubourg de
Sazencourt,
et
qui devait
plus
tard
prendre
le
vocable de
notre
Saint.
Ils
y passèrent
la
nuit. Le
lendemain,
faisant
de
vains efforts
pour
lever
le
corps du
Saint,
ils
comprirent qu'il
était fixé
à
tout jamais
dans
cet
asile par
la
volonté de
Dieu.
Peu
de
temps après,
un
comte de
Ribemont
fit
ériger une
église
collégiale
dans
son
château fort,
en
l'honneur du
Saint
dont
les
reliques y
furent
bientôt
transférées.
SOURCE : P. Giry : Les
petits Bollandistes : vies des saints. T. V. Source :
http://gallica.bnf.fr/ Bibliothèque nationale de France. |