S’il n’y avait pas
encore de saint à vénérer pour les chercheurs – les ‘fouineurs’ – de
manuscrit, en voici un : Joseph-Marie
Tomasi. Il naît en 1649 à Alicata en Sicile. Fils aîné de Jules
Tomasi, duc de Palma et prince de Lampedusa, il doit hériter d’une
immense fortune, mais ce n’est pas cela qui l’attire. Il reçoit une
éducation très chrétienne et se sent porté vers les choses de Dieu.
Son frère en faveur de qui il a renoncé à tous ses biens, mourra
saintement après un bref temps de mariage. Ses quatre sœurs seront
bénédictines. L’une d’elle, en religion sœur Marie Crucifiée sera sa
grande confidente. Elle a été déclarée vénérable. Leur mère finira
aussi sous l’habit religieux.
Sans délai, Joseph
Marie entre dans la vie religieuse, car il comprend que c’est le
meilleur moyen de se consacrer d’une façon stable au service de
Dieu. Il choisit les Théatins où se trouvait déjà un de ses oncles.
Il fait ses vœux à Palerme en 1666. Très doué pour les études, il
sait déjà l’espagnol et apprend, comme naturellement, le grec et le
latin. Mais il a une mauvaise santé provoquée par un abattement
d’esprit qui le poursuivra jusqu’à la fin. Aussi doit-il changer de
lieu pour trouver un climat qui lui convienne. Après Messine, il
étudie à Rome, Ferrare et Modène. Il est ordonné prêtre à Rome en
1675. Ses supérieurs le déchargent des devoirs de la prédication et
du confessionnal. Comme il se livre à la recherche de manuscrits
anciens, il ne tarde pas à se fixer presque définitivement à Rome
où, grâce à lui beaucoup de manuscrits de valeur sont exhumés ; en
particulier les manuscrits liturgiques l’attirent, lui qui dès son
enfance aimait les mélodies grégoriennes. Il fait de nombreuses
publications, appréciées des savants de l’époque (comme Mabillon) et
même de certains protestants. Pour comprendre ces sources
liturgiques dans leur langue originale, il est amené à apprendre
d’autres langues encore : syriaque, chaldéen, grec moderne, arabe,
et bien sûr l’hébreu, et cette dernière grâce à un savant rabbin de
Rome : Moïse de Cave. L’élève, en retour, dit à son maître qu’il se
doit d’étudier la religion chrétienne, ce qui est plus important que
la connaissance d’une langue. Le rabbin, contrarié, parfois irrité,
oppose de longues résistances, mais, gagné par la vie exemplaire de
son élève, il finit par se convertir sur le tard à l’âge de septante
ans, ajoutant à son nom celui de Tomasi, pour marquer sa joyeuse
reconnaissance envers lui. Lorsqu’il s’agit de publier ses propres
œuvres, Joseph-Marie craint de céder à une tentation de vanité ;
aussi le fait-il souvent sous le pseudonyme de ‘Joseph Marie Caro’.
Son ouvrage le plus important est le “Recueil des sacramentaires des
9 premiers siècles” (Codices sacramentorum nongentis annis
antiquiores). Pastoralement, Joseph Marie a le souci de faire
participer les gens activement au sacrifice de la messe ; il
souhaite qu’ils puissent davantage prier dans leur langue, là où
c’est possible. Son premier souci est de rendre un culte à Dieu et
la journée du chrétien sera un prolongement de l’action liturgique.
On lui confie en outre
des tâches délicates. Il est théologien expert et consulteur dans
plusieurs Congrégations romaines. « En donnant son opinion – dit un
cardinal contemporain – il était toujours modeste, ne s’opposant à
personne à moins que l’autorité des conciles ou le sentiment des
saints Pères ne le rendit nécessaire ; et telle était son admirable
douceur, qu’il ramenait infailliblement l’esprit de ses auditeurs à
l’opinion qu’il défendait. » Il est confesseur du cardinal Albani,
et lorsqu’en 1700 celui-ci est élu pape et hésite à accepter, il lui
fait un devoir de conscience sous peine de péché grave d’accepter
son élection, ce qu’il fait malgré lui. Il prend le nom de Clément
XI. Douze ans plus tard (le 18 mai 1712), sans préavis, il nomme
Joseph-Marie cardinal. Effrayé, comme si le tonnerre lui était tombé
sur la tête, il se récrie : « Toutes sortes de raison m’empêchent
d’accepter cette dignité, mes péchés, mes passions mal domptées, mon
ignorance (sic), mes vœux et mes serments de n’accepter aucune
dignité. » Mais, à son tour, il est bien forcé d’accepter. Sa sœur
lui avait prédit cette élévation quand il était jeune, en ajoutant :
« Souvenez-vous qu’un cheval bien harnaché reste toujours un
cheval ». Le cardinal Tomasi, qui a hérité du titre romain du saint
cardinal Charles Borromée, Saint-Martin-aux-Monts, se propose
d’imiter son prédécesseur, notamment en catéchisant les pauvres.
Après huit mois de cardinalat seulement, sentant approcher sa fin,
il veut chercher lui-même dans le Rituel les prières des agonisants.
Il ne tarde pas à les trouver ; la joie se répand sur ses traits et
il meurt dans le plus grand calme le 1er janvier 1713. Il
avait prédit lui-même cette date. Son corps, resté intact après la
mort, est exposé à l’église de Saint-Martin-aux-Monts.
Ajoutons que, lorsqu’en
1707 le Père de Montfort vient à Rome chercher appui auprès du pape,
c’est grâce à Joseph-Marie qu’il est introduit. L’ardent
évangélisateur de l’ouest de la France obtient du Saint Père un
crucifix et le titre de Missionnaire apostolique.
Enfin Jean Paul II,
lors de sa canonisation, caractérise ainsi Saint Joseph-Marie :
« La motivation principale de sa canonisation vient de l’importance
que revêt la figure de saint Joseph Marie dans le domaine du culte
liturgique, qu’il a grandement contribué à promouvoir par sa vie et
ses écrits scientifiques. »
SOURCE :
http://www.abbaye-saint-benoit.ch/ |