Lettres 1943

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— 1943 —

2 janvier

« Mon cœur bat de moins en moins... »

(...) Ma fin n’est pas encore pour tout de suite : c’est là un sacrifice supplémentaire. Que cela soit pour la gloire de Jésus et le salut des âmes.

Dois-je encore attendre longtemps avant que les hommes ne se soumettent à la volonté de Dieu ? Je suis impatiente et je dis à Jésus :

Mon cœur bat de moins en moins. Je ne peux plus attendre. Je n’ai commis aucun délit, pour qu’il me soit appliqué un aussi grave châtiment.

Pauvre de moi, si je devais être jugée par les gens ! En vérité ils ont raison de mal me juger : sans le Seigneur je serais capable de faire ce qu’ils disent et encore pire.

D’après les paroles de Jésus, auxquelles je crois aveuglément, il me semble que ma vraie vie soit proche : le ciel, oh le ciel ! Je vais être heureuse au ciel !

Le 13 décembre, de bon matin — ce ne fut pas un rêve, non plus une illusion — j’ai vu la Notre-Dame de Fatima élevée —  je ne sais pas sur quoi elle posait — à une grande hauteur. Autours d’Elle, en bas, une grande foule Qu’elle regardait avec tendresse. Je me suis trouvée hors de moi-même: il me semblait avoir été transportée dans une autre région.

(...)

Mon âme souffre beaucoup après la consécration du monde à la Maman chérie...

(...)

Ma fièvre continue... mes sueurs ne s’expliquent pas ; je ne sais pas comment je peux vivre ; cela seulement devrait arriver à donner lumière...

2 février

« Rendez-moi mon Père spirituel... »

Révérend Père Provincial,

Cette nuit, vers deux heures et demi, j’ai demandé à ma sœur de bouger mon corps couver de sueur. La vie semblait me quitter, les forces me manquaient. Mon âme, toujours désireuse de s’envoler vers Dieu, était dans une douloureuse agonie. J’avais besoin de soutien: elle voulait de la lumière, cette lumière que peux de prêtres savent donner aux âmes. Toute seule avec Jésus, intérieurement, je Lui disais:

— Donnez-moi le Père spirituel, donnez-le-moi de nouveau, bien que vous l’ayez éloigné de moi, grâce à cette union qui n’est pas toute à fait, ou presque, comprise. Mais maintenant, mon Jésus, celle-ci ne suffit pas, je ne peux pas vivre ainsi.

La paix m’a envahie et l’idée de vous écrire m’est venue, pour vous demander, par l’amour de Jésus et des douleurs de Marie, de permettre au Père Mariano Pinho de venir et de reprendre la direction de mon âme, pendant le peu de jours qui me restent à vivre.

Très souvent j’ai eu l’idée de m’adresser à vous, mais aussitôt mon idée était étouffée par la crainte et par quelque chose d’autre qui ne me permettait de l’écrire. Mais, cette fois-ci elle a été durable et menée à bien.

Ce n’est pas moi qui l’ai choisi [comme directeur spirituel]. Il y a dix ans, j’étais seule, sans guide, et très éprouvée entre quatre murs depuis huit ans. Le Seigneur a eu pitié de moi, il me l’a choisit et me l’envoya. Ce fut alors, qu’en suivant ses saints conseils, que j’ai connu alors davantage le Seigneur. Depuis treize mois déjà il est interdit de venir ici. Jésus seul sait combien cela m’a coûté, aussi j’ai tout souffert par amour pour Lui. Maintenant, toutefois, j’ai besoin de quelqu’un qui me soutienne; je ne peux plus vivre dans un martyr pareil. Si vous pouviez voir, rien que quelques instants ce que je souffre dans mon corps et dans mon âme, et combien j’ai souffert pendant cette période, je suis sûre que vous auriez pitié de moi. Ma fièvre est montée à 40° et plus ; des douleurs horribles agitent et font trembler mon corps, comme une tempête qui voudrait tout détruire.

Je me suis vengée et, ma vengeance continuera au ciel, à l’égard de ceux qui ont été la cause de ma souffrance. Savez-vous quelle sera ma vengeance ? Je prierai et je demanderai pour eux le pardon. J’implorerai pour eux la lumière afin qu’il vivent de la vie intérieure de Jésus et ne soient plus des obstacles pour d’autres âmes éprises de Dieu et ayant besoin des lumières et du soutien de saints directeurs.

Êtes-vous fâché contre moi ? Ne le soyez pas! Je sais que je suis méchante, et la créature la plus misérable, la fille la plus indigne de Jésus, mais pour cette raison même digne de compassion. Moi, sans la grâce de Dieu, je me crois capable de faire et d’être tout ce de quoi on m’accuse auprès de vous; toutefois, avec la grâce et toute la force du Seigneur, mon innocence sera reconnue.

Permettez-moi, Révérend Père Provincial, de vous demander, une fois encore, pour l’amour de ce qui vous est le plus cher au ciel et sur la terre: permettez à mon Père spirituel de venir m’assister pendant mes derniers jours; qu’il apporte les dernières lumières, les derniers conseils à cette pauvre qui espère aller bientôt au ciel.

Je fais confiance à Jésus et à la Maman du ciel pour que je ne sois plus un motif de honte pour votre Ordre.

Adieu, Révérend Père. Veuillez me pardonner. Je n’ai rien fait dans l’idée de vous offenser. Je ne veux offenser personne et encore moins les disciples de Jésus. Ayez la bonté de me pardonner. A nous revoir au ciel.

27 mai

« Je me suis soumise à un contrôle médical... »

Selon le désir de Monseigneur l'Archevêque, le 27 mai 1943, je me suis soumise à un contrôle médical.

Le jour fixé, mon médecin traitant, le docteur Henrique Gomes de Araujo, et le professeur Carlos Lima, sont venus chez nous. Je suis restée calme et sereine; le Seigneur m'avait exaucée.

L'un des médecins m'a demandé si je souffrais beaucoup, pour qui j'offrais mes souffrances et si je souffrais volontairement. Il m'a demandé si je serais contente si le Seigneur, d'un moment à l'autre me libérait de mes douleurs.

Je lui ai répondu qu'en vérité je souffrais beaucoup, que j'endurais celles-ci pour l'amour de Dieu et pour la conversion des pécheurs.

Ils m'ont demandé quel était mon désir le plus grand. J'ai répondu :

Le Ciel.

Ils m'ont demandé si je voulais être sainte, comme sainte Thérèse, comme sainte Claire, etc., et arriver sur les autels, laissant comme elles un nom célèbre dans le monde. J'ai répondu :

Célébrité ?... C'est ce qui m'intéresse le moins !

— Si pour sauver les pécheurs il était nécessaire de perdre ton âme, que ferais-tu ?

J'ai confiance que la mienne aussi sera sauvée. Si je devais la perdre, je dirais non; mais le Seigneur ne me demanderait pas une chose pareille

— Et pourquoi ne manges-tu pas ?

Je ne mange pas parce que je ne le peux point; je me sens rassasiée, je n'en ressens pas le besoin. Malgré cela, j'ai la nostalgie des aliments.

Après cet entretien, les médecins commencèrent la visite, que j'ai sereinement supportée. Ils ont été très rigoureux, mais en même temps ils ont usé de délicatesse et égard envers mon corps.

27 septembre

« Cœur de Jésus, j’ai confiance en vous!... »

(...) J’ai dicté du mieux que j’ai pu les grandes souffrances vécues au “Refuge”, mais ce que j’ai pu dire n’est rien, comparé à ce que j’ai vécu, en réalité. J’ai su le ressentir, mais je ne sais que bien mal l’expliquer. Je suis toujours confiante d’avoir obéi. Jésus est digne de tout, n’est-ce pas ?

Mon corps a souffert une grande secousse; aujourd’hui encore les douleurs sont presque insupportables, et souvent il me semble ne plus pouvoir m’en sortir. Mais lors des moments de plus grande douleur, fixant le Cœur de Jésus, je lui dis avec toute la ferveur de mon cœur :

Cœur très saint de Jésus, j’ai confiance en vous, j’ai confiance !

17 octobre

« Consacrez le monde à Marie... »

Très Saint-Père,

Je sais qu’en ces heures tragiques pour l’humanité, le cœur qui souffre davantage, après celui de Jésus, c’est celui de votre Sainteté. Jésus souffre de voir le monde en guerre, rempli de haine, couvert de crimes.

Oh combien souffre aussi le cœur de la plus pauvre, de la plus misérable et indigne de vos filles, de ne point pouvoir défendre le Cœur de Jésus contre les crimes de l’humanité, et empêcher qu’il soit blessé; mon cœur souffre de ne pouvoir alléger le votre de la douleur si cruelle et profonde qui transperce le cœur de mon Père spirituel et celui du monde entier !

Oh mon bien-aimé Saint-Père, je ne compte pour rien, je n’ai aucun pouvoir, je ne suis que pauvreté et misère, mais Jésus peut me rendre forte et puissante, et c’est avec Jésus et la Maman du Ciel que je me mets à côté de votre Sainteté pour vous aider, par mes souffrances, à porter votre croix si pesante !

J’aimerais embrasser la terre où votre Sainteté pose ses pieds; j’aimerais marcher à plat ventre partout où vous êtes contraint de passer : ceci comme preuve de ma douleur de vous voir souffrir et de mon profond respect envers vous.

Courage, courage, très Saint-Père, Jésus ne manque jamais! La force vient d’en-Haut, la guerre se termine; la paix régnera de nouveau parmi les hommes, mais toujours au prix de la douleur et du sacrifice. Le règne de votre Sainteté continuera toujours entouré d’épines, mais la grâce et l’amour de Jésus ne vous feront pas défaut, afin que vous puissiez vous en sortir serein de votre si douloureux calvaire.

Ce fut lui qui se choisit un aussi aimable fils pour père de nous tous, pour répandre la sainte lumière du divin Esprit.

Votre pontificat sur la terre est triste, à cause de la malice des hommes, mais il sera heureux et glorieux au ciel, comme prix de tant de souffrances et de tant d’amour pour Jésus.

Très Saint-Père, je suis l’une de vos filles, malade depuis 26 ans et paralysée depuis presque 19. Cette lettre me coûte un énorme sacrifice, étant donné que je suis étendue sur mon lit, mon pauvre corps traversé par d’aiguës douleurs; mais c’est une preuve d’amour, d’un saint amour envers mon cher Saint-Père. Ah mon Saint-Père, s’il m’était possible de dire combien je souffre dans mon corps et dans mon âme! Elle ne s’égaye que quand je fixe mes yeux en Jésus.

Père, mon Saint-Père, accordez-moi votre bénédiction apostolique afin que mes souffrances soient davantage supportables et pardonné mon hardiesse.

Je n’ai pas demandé l’autorisation de qui que ce soit, parce que depuis deux ans, je n’ai plus mon directeur: commande qui peut, obéi qui doit! La bénédiction, la bénédiction, mon Saint-Père, et le pardon pour mon écrit, mais je ne sais pas mieux le faire. Je ne vous oublierai plus sur la terre, et encore moins au ciel. Je ne sais pas trouver des paroles adéquates pour mon Saint-Père: pardon, pardon!

       Je suis la pauvre Alexandrina Maria da Costa.

   

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