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« Se souvenir de don Luigi Fiora c’est
parcourir une période de l’histoire salésienne depuis l’origine et
proposer une figure qui l’interprète formidablement bien et dans
laquelle sont configurées les valeurs qui nous sont si chères, que nous
considérons précieuses et à ne pas perdre. »
(Don Luigi Bosoni) |
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* * * * *
Voilà qui est clair et nous donne
une idée de la personne sur laquelle nous entendons dire quelques mots : le bon
et “saint” don Luigi Fiora, salésien de don Bosco, qui fut l’un des postulateurs
de la bienheureuse Alexandrina Maria da Costa et qui eut la joie d’assister à sa
glorification.
Naissance
Au contraire de ce que l’on
pourrait penser, à prime abord, Luigi Fiora ne naquit pas en Italie, comme ses
parents, mais à New York, aux États-Unis, le 9 juin 1914.
Ses parents, Joseph Fiora et Maria
Negro, italiens, étaient partis en Amérique du Nord, à la recherche d’un
meilleur travail et par la même occasion d’une rémunération plus conséquente qui
leur permettrait de vivre plus à l’aise, sans la peur du lendemain qui semblait
incertain dans leur propre pays.
Joseph y fut, pendant un certain
temps, le camerieri du grand ténor Tamagno, alors très connu et recherché dans
tous les États-Unis, et dans le monde.
La première guerre mondial était
terminée depuis trois ans, quand la famille prit la décision de revenir en
Europe et de s’installer de nouveau en Italie, leur pays d’origine. C’était en
1921, Luigi avait alors sept ans.
Le retour de sa famille en Italie
fut donc pour lui l’occasion d’une découverte en même temps que d’une nouvelle
manière de vivre, car, déjà à ce temps-là, la grande Nation américaine, et
particulièrement New York, la grande métropole, avait des mœurs que l’on ne
trouve pas dans la vieille Europe, même si, il est vrai, les émigrés italiens,
comme la plupart des émigrés, essaient toujours de maintenir leurs propres
façons de vivre et d’agir d’origine.
La famille s’installa à
Castell’Alfero, gentil petit village dans la région d’Asti.
Le jeune Luigi s’est bien intégré
dans ce nouveau “décor”, pour lui inconnu.
Comme tous les garçons de son âge,
il se fit vite des amis auxquels il racontait ses “souvenirs” d’Amérique, ce qui
le fit bientôt être gratifié du sobriquet d’« américano ».
Scolarité
S’il avait beaucoup de choses à
raconter, il avait également beaucoup d’autres à apprendre et, il fallut qu’il
aille à l’école pour se forger un bon “capital” linguistique dans la lingue de
Dante, et une bonne culture en général.
« Il fréquenta l’école
élémentaire sous la sage direction de maître Moriondo ― nous explique don
Giancarlo Isoardi ― renommé à cause de ses méthodes énergiques et sévères :
il fallait un effet une main sage et forte pour freiner l’excessive vivacité du
jeune étudiant. Une autre maîtresse, Emma Malandrone, perfectionne sa
préparation scolastique, l’encourageant à poursuivre ses études ».
La vocation d’un être dépend bien
souvent de peu de chose… de petits rien, selon nos esprits cartésiens, mais
surtout de “petites touches” de Dieu qui, quand Il veut se choisir quelqu’un
pour son service, prépare et aplanit le chemin qui conduira l’âme, là où Il
désire qu’elle aille, comme nous l’explique saint Paul dans l’épître aux
Romains :
« Et nous savons qu’avec ceux
qui l’aiment, Dieu collabore en tout pour leur bien, avec ceux qu’il a appelés
selon son dessein. Car ceux que d’avance il a discernés, il les a aussi
prédestinés à reproduire l’image de son Fils, afin qu’il soit l’aîné d’une
multitude de frères ; et ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés ; ceux
qu’il a appelés, ils les a justifiés ; ceux qu’il a justifiés, il les a aussi
glorifiés. »
Il en fut ainsi pour le jeune
Luigi.
En effet, raconte don Giancarlo
Isoardi, « don Bosco n’était pas un méconnu dans le village, surtout grâce à
la cousine sœur Provina Negro, (fma) qui, atteinte d’un cancer et en phase
terminale, fut miraculeusement guérie par l’intercession du saint Salésien en
1906. Ce miracle ouvrit la route de la béatification de don Bosco. Quelques
années plus tard, don Fiora accordera à sa cousine ce vibrant hommage de
reconnaissance : “Combien de prières et combien de bons conseils ne m’a pas
donnés cette sainte sœur, humble garde-robes à Valdocco !” »
Valdocco
Le jeune “américano” n’avait pas
encore trouvé sa vraie voie ; il avait surtout été très réceptif au désir de son
père qui le voulait cultivé et prédisposé à une bonne situation sociale.
Mais, laissons à don Fiora lui-même
nous le raconter :
« Je suis entré à Valdocco le 30
septembre 1926, comme étudiant, selon le désire de mon père, sans la moindre
intention de devenir prêtre et salésien ».
En ces temps-là, à Valdocco, on
vivait dans la expectative de la prochaine béatification du saint Fondateur, si
abondantes étaient les grâces obtenues par son intercession, dont celle dont
nous avons parlé plus haut.
Parmi les membres salésiens
présents à Valdocco, certains avaient connu le saint Homme et, lui rendant
témoignage, vivaient dans cette angoisse pleine d’espoir justifié de voir
bientôt Jean Bosco “anobli” du titre de bienheureux. Ils en étaient la “mémoire
vivante” et, leur enthousiasme et leur joie presque enfantine, procuraient à
tous ceux qui vivaient là, un même enthousiasme, une même communion pleine
d’espoir et de gratitude.
Il va de soi qu’une telle
atmosphère de liesse ne pouvait qu’influencer le jeune étudiant et lui faire
goûter des joies jusque là inconnues de lui.
En effet, qu’y a-t-il de plus
agréable à un cœur simple que de partager la joie de ceux qui l’entourent, de
vivre cette communion indicible qui met le cœur sens dessus dessous, qui vous
met les larmes aux yeux, des larmes d’une joie jusqu’alors inconnue : la joie
des enfants de Dieu ?
De cet état d’âme on ne sort pas
indemne… La joie comme la tristesse a des effets secondaires dévastateurs. Les
effets de cette joie profonde, de cette vie toute simple mais bien réglée, va
influencer le jeune homme, va lui montrer la voie à suivre, c’est-à-dire, la
voie choisie par Dieu : le sacerdoce.
Salésien
« J’ai été conquis à la vie
salésienne par un environnant idéal d’intense vie religieuse, de grande
familiarité, de joyeuse et constructive implication
des
jeunes. Il me paraissait impossible de m’en détacher et, je suis devenu
salésien. »
Voici l’aveu que fit plus tard don
Luigi lui-même : “Il me paraissait impossible de m’en détacher”, voilà
pourquoi il est devenu salésien de don Bosco.
Mais, cela ne s’est pas fait en un
tour de main : il fallut non pas le circonvenir ou l’obliger, mais le placer
dans le contexte dans lequel le Seigneur le voulait et, pour cela, les
supérieurs de Valdocco en furent les instruments.
Le jeune Luigi avait une bien belle
voix, et il lui arrivait d’être invité par ses supérieurs à mettre en évidence
cet organe délicat mais si propice à la prière et à la louange de Dieu. Il en
parle lui-même, sans le moindre sentiment d’autosatisfaction, mais comme d’un
“incident de parcours” où sa vanité fut mise à l’épreuve :
« J’avais une belle voix et les
Supérieurs mettaient ma vanité à l’épreuve à plusieurs occasions. C’était pour
eux un moyen d’exciter une vocation ! »
Il se souvient, bien des années
plus tard, et avec nostalgie, d’un autre épisode très particulier :
« Lors de la fête onomastique de
don Rinaldi, en 1930, j’ai lu le panégyrique. Le Directeur, don Colombo, lors du
baise main lui susurra : “Ce garçon a-t-il fait la demande pour le noviciat ?”
Don Rinaldi me regarda, découpa un morceau de tarte et en me le donnant, il me
dit : “Si tu vas en Noviciat, je t’en donnerai une plus grosse !”. Une chose est
sûre, c’est qu’après tant d’années, je me rends compte que j’ai eu droit à une
part bien plus grosse. »
En cette même année 1930 ― il
a alors 16 ans ― il entre au noviciat à Monte Olivetto,
alors sous la direction du sage don Luigi Terrone ; le premier pas décisif pour
devenir salésien était fait : il appartenait maintenant à la Famille de don
Bosco.
En 1937, à Valsalice, il
professera, concrétisant ainsi son appartenance définitive à cette “Sainte
Famille”.
L’ascension de don Luigi
Luigi Fiora était doté d’une belle
intelligence et, pour ses études de théologie, il fréquenta la bien connue
“Grégorienne” de Rome d’où il sortit avec sa Licence.
En même temps il poursuivait ses
études de lettres et, ceux-ci furent couronnés par une autre Licence, avec
mention, par l’Université de Turin, le 8 novembre 1941.
Le 20 mars 1943 il fut ordonné
prêtre, à Rome, dans la Basilique du Sacré-Cœur.
Le voila, le jeune “américano”,
prêtre de Jésus-Christ et fils de saint Jean Bosco. Sa joie fut certainement
immense !
Sa personnalité et la qualité de
ses connaissances en divers domaines de la culture attirèrent l’attention de ses
Supérieurs qui le nommèrent professeur d’italien à Fogliazzo. Il occupera cette
charge pendant cinq années avec succès et bonheur, car ses élèves ont fardé de
lui le meilleur souvenir.
« Je me rappelle de lui comme
professeur d’italien ; ses leçons étaient magistrales par leur limpidité
extraordinaire, propices à se passionner par la littérature », dira plus
tard l’un de ses élèves.
Se succès ne restera pas solitaire,
car le Père Luigi va “gravir” à d’autres responsabilités. En effet, ses dons
d’animateur ayant été reconnus, il va être choisi pour s’occuper de la Maison de
Rebaudengo, où il sera directeur pendant 6 ans, de 1948 à 1953.
L’un de ses dirigés se souvient de
cette période :
« Il était toujours joyeux mais
exigent animateur de la communauté, pédagogue dans le traitement et dans la
parole, il était aussi un passionné de don Bosco et de la Madone, sans oublier
son grand cœur et la compréhension qu’il avait envers tous. »
Ce que confirma don Luigi lui-même
dans une lettre à son Supérieur, le Père Giorgio Seriè :
« Je me suis proposé d'être
toujours gentil avec tous »
Mais il va plus loin dans son
jugement et n’hésite pas à se mettre en question. La suite de son aveu en est la
preuve, comme elle est aussi la preuve de son humilité. Lisons :
« La réalité nous rend souvent
rigides et discourtois. Quant à mon travail parmi les Confrères, je dois vous
faire un aveu : je le trouve beaucoup plus difficile maintenant que lorsque j'ai
été appelé à Rebaudengo. Mes paroles et mon exemple l'exemple, dont ils disent
se satisfaire, me semblent une chose très pauvre par rapport à la responsabilité
qui m'attend parmi nos étudiants. Trop souvent je dois avoir honte de moi-même
quand je me regarde en face. Ces humiliations sont souvent l'unique chose que je
peux offrir au Seigneur. »
Ce trait de caractère et cette
remise en question n’échappe pas à ses Supérieurs qui voient en lui un élément
fort et propice à d’autres tâches bien plus importantes au sein de la “Famille
Salésienne”. En effet, son ascension va continuer et le mener à de bien plus
hautes et importantes responsabilités.
Inspecteur à Rome
Après avoir été nommé Directeur le
l’œuvre historique du Sacré-Cœur, à Rome, rue Marsala, le voila nommé Inspecteur
à l’Inspectorat Romain. Il le
restera
de 1956 à 1962. « Il y démontre, auprès de ses Confrères, sa paternelle
sagesse et son intelligente patience, donnant à tous des preuves concrètes de
fidélité et de soutien », explique don Giancarlo Isoardi.
Il ne s’épargne rien, car son
exemple doit être motivant, « il ne se contente pas de demi mesures » : ce qu’il
choisi pour lui, il le demande également aux Confrères, avec persévérance et
patience, non pas pour se justifier lui-même, mais pour les faire avancer dans
une vie qui doit être avant tout spirituelle, toute tournée vers Dieu et le
prochain ; être en somme de vrais et bons salésiens de don Bosco.
C’est aussi un organisateur
intelligent et presque novateur : il organise, dès 1956, la “fête des Mères
et des Pères qui ont des fils Salésiens ou des Filles de Marie Auxiliatrice”.
Pour cette organisation, il prend comme prétexte le centenaire de la mort de
Maman Marguerite, la mère de don Bosco et invite ainsi, pour la célébrer, tous
les parents des membres Salésiens, “les vrais bienfaiteurs de notre
Congrégation”.
Mais, il ne s’arrête pas là. En
1957 il récidive et propose une journée d’action didactique et pédagogique : il
faut « attirer l’attention des Confrères sur leur très importante mission
éducative ». Ils leurs rappelle avec force : « Ne nous leurrons pas de
pouvoir conserver avec facilité notre renommée d’éducateurs que nous a procurée
don Bosco (…). Une certaine habitude de facilité n’est plus suffisante pour nous
procurer de la sympathie et de l’admiration devant les progrès fulgurants
atteints sur le point de vue pédagogique… »
Lorsqu’en 1958 la Famille
Salésienne fête le premier voyage de don Bosco à Rome, le Père Luigi profite de
cette occasion pour insister sur le nécessité de s’investir à fond dans la voie
de l’apostolat : « Suivre les traces de bon Bosco il y a 100 ans ― dit-il ― signifie
pour nous ressentir en nous, de plus en plus proche, sa personne ».
Un an plus tard, lors de la
consécration du temple dédié à leur saint Fondateur et que l’urne contenant les
restes mortels du Saint arrive de Turin, le Père Fiora se sent encore inspiré
par ce déploiement de souvenirs et clame à l’adresse de tous ceux qui vivent
autour de lui :
« Nous devons tout à don Bosco : ― s’exclame-t-il ― la
vocation, un exemple de sainteté, la conduite de notre apostolat, la bonne
réputation qui facilité tant notre travail et en cache les déficiences. Venant
en son Temple pour vénérer son urne, cherchons à ressentir l’appel à la sainteté
et la passion ardente envers les jeunes. Plus encore que de son triomphe, don
Bosco se réjouira de notre rencontre et du don de notre cœur ».
« En septembre 1962 ― explique
don Giancarlo Isoardi ― don Fiora termine son sextennat
en tant qu’Inspecteur. Il prend congé de ses confrères, avec lesquels il avait
partagé espoirs, angoisses et victoires, par des paroles d’affection : « Le
souvenir est riche de tant de joies, de tant de nostalgie, de tant de
reconnaissance… Je suis sûr que don Bosco peut compter sur vous ».
Conseiller général
En 1965 don Luigi Fiora a 51 ans ;
il a atteint la pleine maturité dans les expériences vécues tout le long de sa
carrière déjà bien remplie, mais d’autres
tâches,
bien plus importantes encore, l’attendent. Il était dit que “l’américano”
d’antan deviendrait, au sein de la Famille Salésienne, une pièce maîtresse, un
maillon incontournable de cette chaîne incassable des enfants de don Bosco.
Lors du Chapitre Général de 1965 il
fut élu Conseiller Général pour l’apostolat social, qui comprenait également
l’animation des Coopérateurs, des ex-élèves et aussi l’imprimerie, grand atout
d’apostolat dont les salésiens sont devenus experts.
Mais, la carrière de don Luigi
n’allait pas s’arrêter là, car d’autres occupations l’attendaient. En effet,
lors du Chapitre Général spécial, celui de 1971, il fut nommé Conseiller
Régional pour l’Italie et le Moyen-Orient.
C’était la période post-conciliaire
et, il fallait remettre toute la Congrégation de don Bosco sur les chemins
tracés par le grand concile du Vatican II. C’était donc une période charnière,
où la moindre faille aurait pu porté atteinte au bon déroulement de
l’“aggiornamento salesiano”. Don Fiora y travailla avec cœur et armé de son
expérience acquise au cours des années.
Un témoignage vaut bien mieux,
quelquefois, qu’un long discours. Voici celui de don Francesco Maraccani,
Procurateur Général :
« Lors du Chapitre Général
Spécial de 1971 don Fiora disposait d’une riche expérience salésienne. J’ai pu
m’en rendre compte pendant ce Chapitre Spécial, qui a mis notre Congrégation
dans les sillons du renouvellement conciliaire. Moi ― qui
étais alors délégué de l’Inspectorat de Lombardie ― je me
souviens la riche contribution de salésianité donnée par don Fiora ».
Postulateur Général
On aurait pu penser qu’une telle
carrière prendrait ainsi fin, ou deviendrait plus paisible pour un homme de
soixante ans, mais il n’en est rien : le père Luigi a encore beaucoup à donner
et à partager, c’est pourquoi, à la fin de son exercice de Conseiller, il est
encore nommé, par le Recteur Majeur, don Egidio Viganò, Procurateur Général de
la Congrégation près du Saint-Siège : il avait alors 64 ans. Il devient par la
même occasion Postulateur Général pour les causes des Saints. Il y déploie toute
son énergie, tout son savoir faire et tout son amour envers la Congrégation de
don Bosco, par son sens de l’exactitude et sa disponibilité, ce qui provoqua, de
la part de son Supérieur, don Francesco Maraccani un commentaire élogieux, mais
sincère :
« Il déployait son travail avec
un véritable esprit de service, expression d’un amour profond qu’il avait pour
don Bosco et pour la Congrégation ».
Don Luigi Fiora sera Postulateur
pendant 14 ans.
Mais, qu’est-ce que la Postulation
et quel est le rôle du Postulateur dans les causes de béatification et
canonisation ?
Nous empruntons à Monseigneur
Maurice Bouvier l’explication de ces deux mots : “Postulation” et “Postulateur”.
La
Postulation
« La postulation d'une cause de
béatification et canonisation est l'organisme établi par celui ou ceux qui
demandent la béatification d'un serviteur ou d'une servante de Dieu. Selon les
cas il y aura un seul postulateur ou un postulateur et des vice-postulateurs,
voire d'autres collaborateurs comme un archiviste. »
La postulation est donc une sorte
d’association de personnes en vue de la glorification, par l’Église, d’une autre
personne, ici nommée “serviteur ou servante de Dieu”, encadrés par un
responsable appelé Postulateur.
Le
Postulateur
Du postulateur on pourrait dire,
dans un premier temps, que c’est la personne “nommée pour faire une recherche
de tous les documents décrivant les pensées et actions de la personne dont la
cause doit être introduite. Il enquête auprès des témoins directs et indirects.
Il reçoit les déclarations de miracles attribués au ou à la candidate à la
béatification et canonisation”.
Mais, revenons aux explications
plus approfondies données par Monseigneur Maurice Bouvier :
« Le postulateur ― explique-t-il ― est
tenu tout d'abord d'adresser une requête en vue de l'ouverture de l'enquête
diocésaine à l'Évêque compétent pour l'entreprendre, c'est-à-dire celui du
diocèse sur le territoire duquel est décédé le serviteur ou la servante de Dieu.
A l'appui de sa requête il doit fournir une liste de témoins ayant bien connu le
serviteur de Dieu, qui seront à interroger par le tribunal diocésain (ou la
commission d'enquête) que met en place l'évêque compétent.
Le postulateur doit aussi
présenter à l'évêque les écrits déjà imprimés du serviteur de Dieu et rechercher
tous les livres et articles où il est parlé du serviteur de Dieu ; il
recueillera aussi par la suite tous les écrits du serviteur de Dieu même non
imprimés et devra en établir des copies authentiques. Il peut lui-même suggérer
à l'évêque diocésain le nom de tel ou tel théologien qui pourra être chargé de
l'examen de ces écrits, étant entendu que le promoteur de justice aura lui aussi
son mot à dire pour cette désignation.
En fait, c'est une collaboration
loyale entre le postulateur et le promoteur de justice qui permet de faire
avancer l'enquête diocésaine. Habituellement, le postulateur est chargé de
transmettre tout le dossier d'enquête diocésaine à la Congrégation pour les
causes des saints à Rome. Jusqu'aux réformes de Paul VI et de Jean Paul II le
postulateur devait se faire assister d'un avocat (consistorial ou rotal) dès que
le dossier parvenait à Rome. Aujourd'hui il lui est seulement demandé d'apporter
son aide (ou de trouver quelqu'un qui apporte son aide) au rapporteur spécial
nommé par la Congrégation pour les causes des saints dans la phase apostolique
ou romaine de la procédure.
Aujourd'hui encore, c'est au
postulateur qu'il appartiendra ensuite de demander la désignation de ce
rapporteur spécial, sous la direction duquel il rédigera, le moment venu, un
rapport sur la vie, la renommée de sainteté et les vertus du serviteur de Dieu (Positio
super vita et virtutibus). Ce rapport contient nécessairement deux parties : une
biographie critique du serviteur de Dieu et un exposé tendant à montrer que le
serviteur de Dieu a pratiqué de façon héroïque les principales vertus
chrétiennes (tant théologales que morales) et celles qui lui sont plus
particulières, par exemple la pauvreté.
Tout au long de la procédure le
postulateur est chargé de trouver, avec ses mandants, le financement des
diverses enquêtes. Il lui est demandé de tenir régulièrement les comptes de la
cause.
Le postulateur doit prendre soin
de tenir une liste des faveurs qui lui sont signalées comme ayant été obtenues
par l'intercession du serviteur de Dieu. Une fois obtenu le décret sur
l'héroïcité des vertus, ou même avant, il s'efforcera de trouver parmi les
faveurs signalées une guérison que des témoins sérieux présentent comme
miraculeuse. Il devra adresser à l'évêque compétent une demande d'examen
approfondi de cette guérison par audition de témoins et consultation d'experts.
Une fois l'enquête diocésaine
terminée, il la déposera à la Congrégation pour les causes des saints qui
demandera l'avis d'experts médicaux. Si cet avis est favorable, le postulateur
demandera la constitution d'une commission théologique en vue d'examiner si
cette guérison est bien miraculeuse et si elle peut être attribuée à
l'intercession du serviteur de Dieu. A cet effet il rédigera une "positio super
miraculo". Si l'avis de la commission théologique est favorable, il revient à la
Congrégation de se prononcer à son tour. Si la Congrégation confirme l'avis des
théologiens, elle propose au Saint Père la reconnaissance de ce miracle. Si le
Saint Père est d'accord avec les conclusions de la Congrégation il reconnaîtra
le miracle et pourra décréter la béatification du serviteur de Dieu.
Pour les martyrs, qui ne
méritent ce titre de "martyrs" que si leur mort-martyre est dûment établie à la
suite d’un Procès particulier, nommé Procès sur le martyre, la procédure veut
que, pour ces témoins privilégiés de l’Evangile, il n’est pas nécessaire de
prouver l’existence d’une faveur "miraculeuse" accordée par leur intercession,
leur mort violente pour le Nom de Jésus ayant toujours été considérée comme leur
entrée dans la gloire de la Résurrection.
Quand tous ces procès, qui tous
ensemble constituent une "Cause de canonisation", ont été menés validement et
sont reconnus tels, et quand tous ont reçu une conclusion positive, la Cause est
achevée.
Alors l’Autorité suprême de l’Eglise
catholique, qui se réserve dans un cas de canonisation le jugement définitif,
peut affirmer solennellement que la réputation de sainteté qui entoure le nom de
tel serviteur ou de telle servante de Dieu est justifiée, que le peuple de Dieu
peut en toute vérité continuer à le vénérer et que le témoignage laissé par ce
chrétien ou cette chrétienne est bien l’expression d’une "parole de Dieu" pour
aujourd’hui. »
Même si un peu longues, nous
pensons que ces explications étaient utiles, car il est bon de connaître le
cheminement d’une âme choisie par Dieu pour accéder aux “honneurs de l’autel”.
Ceci donne également une meilleure
idée sur le rôle confié à don Luigi Fiora lors de sa nomination en tant que
Postulateur Général pour les causes des Saints de la Famille Salésienne.
La
“Voie lactée”
Pendant les 14 années où le Père
Luigi fut Postulateur, les causes suivies par lui furent nombreuses, une vraie
“constellation” qui éclaire de mille feux
la
“voie lactée” de la Famille Salésienne.
Pour avoir une idée plus précise,
citons-en quelques-unes :
Artemide Zatti en 1980. Il est
maintenant canonisé. Sœur Eusebia Palomino, en 1982 ; sœur Laura Meozzi en
1986 ; sœur Maria Troncati, en 1986 ; don Vincenzo Cimatti et sœur Maria Romero
Menezes, en 1988 ; don Giuseppe Quadrio, en 1991, Mgr Octave Ortiz, en 1992 et
le Cardinal Auguste Hlond en 1992 également.
« Don Fiora — explique don
Giancarlo Isoardi — a suivi tous ces procès en toutes ses phases successives
avec toujours la même méthodologie constante et passionnée qui l’ont toujours
animé. En outre, il recueillit également une impressionnante documentation sur
Maman Marguerite et promu la cause alors qu’il n’était déjà plus Postulateur. »
Mais l’activité du Père Fiora ne se
limita pas aux seules causes salésiennes : il fut sollicité par d’autres
Congrégations religieuses qui trouvaient en lui un interlocuteur toujours
attentif et travailleur.
Il travailla avec enthousiasme pour
la cause d’Albert Marvelli et de Salvo D’Acquisto, ainsi que pour la cause de la
Fondatrice des Sœurs du Sacré-Cœur de Vische, Mère Louise Marguerite Claret de
la Touche.
Une autre cause à laquelle il
apporta son précieux concours et dont il avait une certaine fierté, ce fut celle
du bienheureux Luigi Variara, salésien missionnaire en Colombie.
Une autre cause à laquelle
participa don Luigi Fiora et qui nous touche beaucoup, fut celle de la
bienheureuse Alexandrina Maria da Costa, laïque portugaise, Coopératrice
salésienne, que le serviteur de Dieu, Jean-Paul II béatifia le 25 avril 2004.
Don Fiora y travailla beaucoup,
aidé par le plus éminent spécialiste de la bienheureuse de Balasar, don Umberto
Maria Pasquale, salésien lui aussi et deuxième directeur spirituel
d’Alexandrina, ainsi que par le couple milanais Chiaffredo et Eugenia Signorille.
Le Père Pasquale, pour aider son
collègue et ami, traduisit en italien une partie important des écrits de son
ancienne dirigée et lui fournit, tant que cela lui fut possible, tous les
renseignements dont il disposait.
Don Fiora, ne put assurer sa
mission jusqu’au bout dans la cause d’Alexandrina, car l’âge étant venu il céda
sa place de Postulateur à un autre de ses collègues, que le Seigneur appela à
lui bientôt — don Pasquale Liberatore — et qui fut lui-même remplacé par don
Enrico dal Covolo, l’actuel (2006) Postulateur Général des causes des Saints de
la Famille Salésienne.
Mais, pour son bonheur, il a put
assister à sa béatification et, comme si la bonne Alexandrina voulait le
remercier pour les efforts faits pour sa cause, elle a certainement obtenu de
Dieu que le bon Père Luigi la rejoigne dans l’éternité, deux ans plus tard, la
veille de la date anniversaire de la béatification.
Cette même “coïncidence” s’était
déjà vérifiée avec le décès du professeur Chiaffredo Signorile, grand
spécialiste d’Alexandrina : il est parti vers la maison du Père un 13 octobre,
date anniversaire du décès de la bienheureuse Alexandrina.
Retour à Valdocco
Ayant accomplit avec bonheur toutes
les tâches qui lui avaient été confiées, don Luigi Fiora, alors âgé de 75 ans,
quitta Rome pour retourner à Valdocco — où il gardait bon nombre de souvenirs
personnels —, là où tout avait commencé, lorsqu’il n’était encore que le
petit “américano” plein d’entrain et des rêves plein la tête.
Il s’y installa humblement et aida,
autant que son âge et sa santé le permettaient, ses collègues, en toutes sortes
d’apostolat.
Il s’y éteint dans le Seigneur à
l’aurore du 24 avril 2006, veille du premier anniversaire de la béatification de
la “petite malade” de Balasar, Alexandrina Maria, laissant dans la peine
toute la Communauté turinoise.
Alphonse Rocha
NOTA : Nous tenons à
remercier ici Don Pier Luigi Cameroni qui nous a fourni le matériel
permettant d'établir cette biographie résumée du Père Luigi Fiora, pour
lequel nous avons une tendresse toute particulière.
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