Martyrs de Gorkum 1572

SOYEZ LES BIENVENUS SUR LE SITE D'ALEXANDRINA

Martyrs de Gorkum
1572

La nuit du 8 au 9 Juin 1572, les dix-neuf martyrs de Gorkum, qui étaient tous ou religieux ou prêtres séculiers, furent pendus à une poutre du couvent, alors en ruines, de sainte Elisabeth, près de La Brille.

Parmi les nombreux confesseurs , qui , durant la déplorable hérésie du seizième siècle , laquelle s'étendit aussi jusque dans les Pays-Bas, restèrent fidèlement attachés à la foi de leurs pères , qui supportèrent , pour la foi catholique , toutes sortes d'outrages , d'insultes et de tourments , et souffrirent courageusement la mort la plus cruelle, ces héros de la foi méritent une place particulière, à cause de leur fermeté, de leur patience , de leur douceur et de leur charité en pardonnant à leurs ennemis.

Ce n'est pas dans une émeute qu'ils furent massacrés, ni dans un moment d'effervescence populaire. Après avoir supporté une longue captivité et des tourments affreux, ils furent envoyés, malgré les ordres du prince d'Orange, de Gorkum à La Brille pour repaître la haine que le comte de Lumey avait jurée au catholicisme. Ce perfide fit de tant d’efforts pour leur faire abandonner la religion catholique, ce fut en vain qu'il leur promit à cette condition la liberté et la vie. Il les envoya à la mort, après les avoir fait tourmenter cruellement, et par des supplices qu'on n'ose même rapporter, afin qu'ils reniassent la présence réelle du corps de Jésus-Christ dans l'Eucharistie et la primauté du Pape. C'est avec une sainte vénération que nous citons ici les noms de ces illustres martyrs, parmi lesquels on compte onze Récollets.

I

Le Père Nicolas Pieck, gardien du couvent des Récollets de Gorkum, issu d'une famille très-ancienne et très-considérable de cette ville, naquit le 29 Août 1534. Ses parents Jean et Henriette Calue étaient de bons et fidèles catholiques, et leur fils marcha de bonne heure sur leurs traces, méprisa les vanités du monde et se rendit à Bois-le-Duc, pour y entrer dans l'ordre de saint François. Comme il inspirait de grandes espérances, ses supérieurs l'envoyèrent à Louvain, pour se perfectionner sons la direction du savant P. Adam Sasbout. Ordonné prêtre, il fut envoyé en divers endroits, où il se rendit célèbre par les fruits de ses prédications.

L'humilité, qui est le fondement et le soutien de toutes les vertus, brillait dans toutes ses paroles et ses actions. Le curé Léonard Vechelius, qui a souffert avec lui, lui ayant représenté que les novateurs, qui avaient le dessus en beaucoup d'endroits et qui mettaient à mort beaucoup de prêtres et de religieux, finiraient par les pendre aussi, il répondit : « Je n'en suis pas encore digne ; la grâce du » martyre n'est accordée qu'à ceux qui la méritent. »

On admirait surtout en lui l'amour de la pauvreté et de la mortification. Il craignait excessivement la superfluité en toutes choses, et principalement dans la nourriture, u Je crains, disait-il souvent, que si S. François revenait » sur la terre, il n'approuvât pas telle ou telle chose. » Son obéissance était sans bornes, et sa chasteté sans tache. Ces vertus ne pouvaient aller sans la charité. Même où il avait le droit de commander, il ajoutait les mots : par charité. Il faisait taire souvent la sévérité des lois en faveur des apostats qui désiraient sincèrement se convertir.

Il blâmait sévèrement tous les abus et tout relâchement de la discipline monastique. Il bannit de son couvent plusieurs mauvaises habitudes qui s'y étaient glissées, non sans avoir à combattre la résistance de quelques-uns de ses subordonnés; et il est digne de remarque qu'aucun de ceux qui ont contrarié ses pieux desseins, n'a obtenu la palme du martyre. Sévère envers lui-même, mais amical et affable envers les autres, sa maxime était : « Nous devons servir Dieu avec joie. »

Dans ses derniers sermons il exhorta les fidèles avec ardeur et énergie à ne pas se départir, dans leurs instructions, de la voie de la vérité, et il leur en donnait lui- même un courageux exemple. Il ne tarda pas à être arrêté, horriblement torturé, pendu deux fois, et reçut ainsi la couronne du martyre, n'ayant pas encore atteint l'âge de trente-huit ans.

II

Le Père Jérôme, vicaire, né à Weerd, près de Ruremonde. Après s'être fait Récollet, il parcourut la Terre-Sainte et s'arrêta quelque temps au couvent de Jérusalem. De retour dans sa patrie, on le vit plein de zèle pour le salut des âmes; il se livra sans crainte à ces saintes fonctions. En prison, il encouragea continuellement ses compagnons à terminer glorieusement la lutte qu'ils avaient commencée, afin d'obtenir la brillante couronne, qu'il conquit en effet, à l'âge de cinquante ans.

III

Le Père Thierbi d’Emden, homme de beaucoup de piété et de savoir, né à Amersfort, d'une famille catholique, riche et très-nombreuse. En vain ses amis cherchèrent à le déterminer à accepter un bénéfice avantageux et commode d'une riche abbaye ; il aima mieux suivre la pauvreté évangélique de S. François, et se fit recevoir dans son ordre. Ses supérieurs l'avaient nommé confesseur des religieuses du couvent de Sainte-Agnès. Il s'acquitta avec zèle de ces fonctions, jusqu'à un âge très avancé, où Dieu le trouva digne de partager le sort de ses frères, et d'orner ses cheveux blancs de la couronne du martyre.

IV

Le Père Nicaise d’Heeze, ainsi nommé du village d'Heeze, où il est né. Il fit ses études théologiques à Louvain, au collège du Pape Adrien VI, et fut fait bachelier en théologie. Il était très-versé dans l'Ecriture, qu'il savait presque toute par cœur. Cette connaissance éveilla en lui le désir d'arriver à la perfection évangélique, c'est pourquoi il entra dans l'ordre des Franciscains. Il paraissait avoir l'esprit de prophétie; car lorsque les catholiques, après les premiers troubles de 1566, croyaient pouvoir se livrer en paix à l'exercice de leur religion, il prédit que l'orage ne tarderait pas à éclater de nouveau, et qu'on ne saurait où se cacher ; ce qui se réalisa en 1572, Nicaise se trouvant dans le couvent de son ordre à Gorkum, lors de la prise de cette ville, fut aussitôt emprisonné ; il consola ses amis affligés, par ces paroles  : « Que la volonté de Dieu soit faite ! »

Sa tranquillité d'âme et sa résignation ne le quittèrent pas un moment durant les souffrances qu'il endura avec ses compagnons. Il avait au-delà de cinquante-six ans lorsqu'il reçut le martyre.

V

Le Père Wilhade, né dans le royaume de Danemarck, avait quitté sa patrie, pour se soustraire aux persécutions des novateurs. A peine avait-il été reçu comme religieux au couvent de Gorkum, qu'il se vit arraché à son asile et traîné en prison. On le trouvait toujours à genoux, ainsi que le P. Nicaise, priant pour la paix de l'Eglise, et ne paraissant pas sentir les misères des cachots, et c'est en oraison qu'il a rendu l'âme pour sa foi. Il avait presque atteint sa quatre-vingt-dixième année.

VI

Le Père Godefroi, né à Mervel, village près de Saint-Trond avait, en qualité de sacristain, la surveillance des choses sacrées. Il n'en possédait pas moins de talents, et rendit surtout de grands services dans le tribunal de la pénitence. Il consacrait ses loisirs à imprimer et à colorier des images en l'honneur de Jésus-Christ et des Saints, qu'il distribuait pour rien, jusqu'à ce que par le martyre il participât à la béatitude des Saints.

VII

Le Père Antoine, compatriote du Père Jérôme, était un prédicateur très-zélé. Ses supérieurs l'envoyaient souvent d'un village à l'autre prêcher l'Évangile. Il exerçait la plus grande sévérité envers lui-même, quoiqu'il fût très-affable et d'un caractère très-gai. Dans son dernier sermon il exhorta ses auditeurs de la manière la plus énergique à persévérer dans la foi, prédisant, comme par inspiration divine, la prochaine persécution de l'Eglise, dans laquelle il reçut la palme des martyrs.

VIII

Le Père Antoine d’Hornaer, ainsi nommé de son village natal, situé près de Gorkum. Ses parents étaient pauvres, mais craignant Dieu et bons catholiques, de sorte que le Seigneur les trouva dignes d'avoir un fils martyr.

IX

Le Père François de Roy, né a. Bruxelles, venait de se faire recevoir dans l'ordre, lorsqu'il fut envoyé au couvent de Gorkum, pour prendre part, à la fleur de son âge, au triomphe de ses frères.

X

Le frère Pierre d’Assche, village célèbre situé entre Bruxelles et Alost. Frère lai de l'ordre de Saint-François, il était très-exact à remplir ses devoirs. Dans les derniers temps ses supérieurs l'envoyèrent à Gorkum, où la Providence lui destinait la récompense la plus insigne des fidèles confesseurs.

XI

Le frère Corneille van Wyk, né à Duurstede, près d'Utrecht, fut reçu chez les Franciscains comme familier (celui qui sort au service du couvent). Il était extrêmement humble et avait la simplicité d'un enfant, de même qu'il en avait l'obéissance. Le Seigneur, qui a dit que c'est à eux qu'appartient le royaume des cieux, l'y a élevé au haut rang de martyr.

XII

Léonard Vechelius, le plus ancien curé de Gorkum, naquit, en 1527, à Bois-le-Duc, de parents distingués. Après avoir fait ses humanités, il fut envoyé à Louvain, où il fut reçu au collège du Pape Adrien VI : il y étudia pendant neuf ans la théologie et se plaça au rang des premiers théologiens.

Nommé curé de Gorkum, il se rendit à son poste, non seulement avec crainte, mais ses amis durent le forcer de l'accepter. Ruard Tapper, le professeur le plus distingué de son temps, et chancelier de l'université, influa aussi sur sa détermination. Il avait dit plusieurs fois dans ses leçons publiques, auxquelles Vechelius assistait : « Il y en a parmi vous, qui donneront leur vie pour Jésus-Christ et la foi catholique. » Cette prédiction s'accomplit par le martyre de son digne disciple.

Il brilla comme curé, par ses connaissances théologiques et par son éloquence, tant en chaire que dans la vie sociale, et sa réputation était si grande, que beaucoup de chrétiens faibles se rendirent à Gorkum pour être fortifiés par lui dans la foi. La conduite qu'il tenait dans les circonstances difficiles, servait de règle aux curés du pays, et ses décisions étaient regardées comme des oracles.

Sa profonde humilité et sa prévenante affabilité ne lui firent pas négliger la dignité de son caractère. Sa charité envers les pauvres était très grande, il les nourrissait de ses revenus et donna ainsi un exemple aux riches. Il aimait tant la chasteté, que même la médisante envie ne sut soupçonner la sévérité de ses mœurs.

Quand ses fonctions l'exigeaient, que son amour pour Jésus-Christ l'y forçaient, il ne craignait personne et censurait les défauts avec la plus grande franchise. Il était malgré cela la douceur même, et ne se démentait pas vis- à-vis des novateurs, qui l'offensèrent souvent de paroles ou d'actions, au point qu'ils brisèrent plus d'une fois ses vitres pendant la nuit. Il les faisait réparer aussitôt pour que le fait ne fût pas connu. Ses ennemis en furent souvent touchés, vinrent implorer son pardon et rentrèrent ' dans le sein de l'Eglise. Il instruisait avec zèle ses paroissiens dans la science du salut, il fortifiait ceux qui chancelaient, et cherchait à ramener les brebis égarées dans le véritable bercail.

Lorsque les prédicateurs des nouvelles doctrines vinrent à Gorkum, le curé Vechelius leur demanda aussitôt quelle était leur mission, ce qui leur causa le plus grand embarras. La populace, qu'on avait excitée, loin de s'en laisser émouvoir, n'en devint que plus furieuse et voulut forcer le curé de prêcher comme les autres l'entendaient. Elle se rendit à main armée à l’église, et menaça d'en venir à des voies de fait. Le fidèle pasteur n'en fut pas ébranlé, et après avoir prié, il monta en chaire, annonça la doctrine chrétienne et démontra la faiblesse des objections des novateurs, et le Tout-Puissant protégea son serviteur, qui retourna en paix chez lui.

Lorsqu'on vit la nouvelle secte s'accroître de plus en plus, lorsqu'on vit la haine que ses partisans avaient conçue contre le clergé , devenir de plus en plus violente , et qu'ils eurent déjà trempé leurs mains dans le sang des prêtres et des religieuses, les amis et surtout la sœur de Vechelius le sollicitèrent de se soustraire au danger, mais toutes leurs prières furent inutiles. Il savait qu'un bon pasteur donne sa vie pour ses brebis et il consacra la sienne à son troupeau. Il avait 45 ans lorsque, après une lutte héroïque, il remporta la palme d'un triomphe immortel.

XIII

Nicolas Poppel, second curé de Gorkum, était ne à Welde, village de la Campine, de parents pauvres mais vertueux. Il avait fait ses études à Louvain au collège de Saint Andonck, et avait été déjà depuis quelque temps curé à Gorkum, lorsque la cure de Vechelius ayant été divisée, il devint son collègue. Il était presque toujours en méditation, et remplissait avec une ardeur infatigable ses devoirs pastoraux. Sa solide piété le faisait soupirer après un plus haut degré de perfection, et il forma le projet de se faire recevoir dans la société de Jésus, qui se propageait à cette époque. Mais le curé Vechelius ayant jugé que son ministère était indispensable a Gorkum et en même temps agréable à Dieu, il renonça à son projet.

Ce fut en vain que son père vint le prier de se retirer pour quelque temps du danger. Il aurait cru irriter par là son Père céleste, et ni les prières ni les larmes de ses parents ne purent l'y déterminer. Dans son dernier sermon, qu'il tint le jour de saint Jean, il exhorta vivement le peuple à rester fidèle à Dieu et au Roi, quoique les confédérés fussent déjà aux portes de la ville.

Le lendemain il dit la messe de grand matin, s'offrant lui-même à son Seigneur, jusqu'à la mort. Après s'être revêtu de ses meilleurs habits, il fut conduit au château avec les autres. On lui demanda s'il allait à la noce. «C'est » comme si j'y allais, répondit-il, oh ! si je pouvais répandre mon sang pour la foi catholique! » Le Seigneur, qui lui inspirait ce désir généreux l'accomplit, lui donna des forces pour combattre, lui accorda la grâce de la persévérance, et orna sa tête de la couronne des martyrs. Il avait environ quarante ans.

XIV

Godefroi Van Duynen, était né à Gorkum. Après avoir fait ses humanités dans cette ville, il fut envoyé à Paris, où il avait un oncle maternel. Il s'y appliqua aux arts libéraux, mais sa plus grande étude fut celle de la vertu. Il ne choisissait ses amis que parmi les personnes pieuses, et leur manière de vivre ressemblait plus à celle de reclus que d'étudiants. On avait une si haute idée de sa vertu et de ses talents, qu'on le nomma recteur de l'université de Paris où il avait été reçu docteur en théologie et donné des leçons publiques.

Son humilité l'avait éloigné pendant longtemps de la dignité du sacerdoce ; il finit cependant par recevoir les ordres et fut nommé curé d'une ville située sur les frontières des Pays-Bas. Méditant sans cesse sur l'élévation de l'état de prêtre, il était devenu si scrupuleux, qu'il fut obligé de quitter les fonctions pastorales. Il résigna sa cure et retourna à Gorkum, où il se contenta d'un petit bénéfice.

Il y mena, comme ci-devant, une vie irréprochable. Il avait l'habitude de jeûner les mercredis et les vendredis. Il passa presque toujours une grande partie de la journée à l’église, priant ou se livrant à d'autres exercices de piété.

Le Seigneur finit par lui accorder la grâce de devoir supporter avec courage et patience les outrages des novateurs, les horreurs des cachots et même une mort cruelle. ii souffrit à l'âge de soixante-dix ans.

XV

Jean d’Oosterwyck, né dans le village de ce nom près de Bois-le-Duc, était chanoine régulier de l'ordre de Saint-Augustin, et passa du couvent dit Ten Rugge, près de La Brille, à Gorkum, pour y diriger un couvent de religieuses du même ordre, lequel était très-déchu par la négligence et la profusion de quelques supérieures. Cette pauvreté cependant fut cause qu'on y introduisit une discipline régulière, et les religieuses, encouragées parles admonitions paternelles de Jean, y restèrent fidèles jusqu'à la fin de leurs jours.

Cependant les soldats de Lumey, nommés les gueux de mer, avaient pris La Brille et pillé et dévasté le couvent de Ten Rugge, Jean ayant appris qu'un de ses frères était mort en martyr, s'écria : « Si Dieu voulait m'accorder la grâce de mourir de même ! » Une vieille religieuse qui Valait entendu, dit tout effrayée : « Que Dieu vous en garde mon père, de perdre la vie par la corde ! Cette mort est si honteuse ! » Mais comme il ne craignait pas plus la honte que la mort, il répéta plusieurs fois : « Oh, si Dieu voulait m'accorder cette faveur ! » Dieu exauça sa sainte prière. Le bon vieillard avait mérité le martyre par la ferveur de ses vœux, et il reçut la couronne triomphale sur les ruines de son couvent.

Les quinze martyrs que nous venons de citer se trouvaient déjà réunis depuis quelque temps au château de Gorkum, lorsque le Seigneur augmenta leur nombre des quatre suivants.

XVI

Le Père Jean, de l'ordre des Dominicains, de la province de Cologne, fut envoyé par ses supérieurs à Hornaer, pour y desservir la paroisse. Il exerçait ses fonctions portant le costume d'un prêtre séculier, parce qu'il craignait la fureur des hérétiques. Lorsque ces derniers se furent emparés de Gorkum et eurent fait prisonnier le clergé de cette ville, ce zélé serviteur de Dieu s'y rendit plusieurs fois, pour administrer les saints Sacrements aux catholiques. Ayant été appelé un soir pour baptiser un enfant, il fut arrêté et enfermé avec les autres, dont il partagea le sort.

XVII

Adrien Becait de l'ordre de Saint-Norbert, né à Hilvarenbeék vers l'an 1532, prit l'habit en 1547 dans l'abbaye de Middelbourg, où il vécut en paix pendant vingt-cinq ans. En 1572, il fut envoyé en Hollande, en qualité de curé de Munster, non loin de La Haye. Une forte tempête s'éleva pendant son voyage, mais Dieu l'y fit échapper, pour le glorifier, trois mois plus tard, de la couronne des martyrs.

Le 7 Juillet, les vagabonds de La Brille l'attaquèrent dans son presbytère, et l'emmenèrent prisonnier, ainsi que son vicaire Jacques Lacops. Ils furent mis dans la prison où se trouvaient les ecclésiastiques de Gorkum, et pendus avec eux. .

XVIII

Jacques Lacops, né en 1541 à Audenarde en Flandre, était, dès sa jeunesse, très-versé dans plusieurs langues, et se fit religieux dans l'abbaye de Middelbourg, dont nous venons de parler. Lié avec quelques novateurs, il se laissa prendre dans leurs filets lors des premières fureurs des iconoclastes, en 1566. Il quitta son couvent, renonça à sa foi, et se fit même prédicant de la prétendue réforme. Mais il déplora bientôt sa chute, revint au couvent, demanda pardon à ses frères affligés, détesta ses erreurs, livra aux flammes un petit livre envenimé qu'il avait écrit, et se montra prêt à se soumettre à la plus rigoureuse pénitence.

Peu de temps après il fut envoyé, comme pénitent, à l'abbaye de Marienweerd en Gueldre, où il consacra une grande partie de son temps à écrire contre les hérésies, pour réparer autant qu'il était en lui le scandale qu'il avait causé par son apostasie. Lorsqu'on eut suffisamment éprouvé sa constance, on l'envoya à Munster, où son frère, Adrien Lacops, était curé pour le seconder dans l'exercice de ses fonctions. Après la mort de son frère, il y demeura comme vicaire d'Adrien Bécan. Quelques brigands du parti du comte de Lumey allèrent prendre le curé de Munster dans sa maison pastorale le 5 ou 6 juillet de l'année 1572, et se saisirent en même temps de son vicaire. Conduits à La Brille, ils y furent examinés sur leur croyance et en particulier sur la Présence réelle. Jacques Lacops ayant confondu sur ce point les deux ministres contre qui il disputait, le comte de Lumey, frappé de son savoir, de son éloquence, de sa jeunesse et de sa bonne mine, entreprit de le séduire par des caresses, et lui reprocha d'être retourné dans son monastère après l'avoir abandonné. Le digne religieux lui répliqua qu'il avait reconnu sa faute, et que les plus cruels supplices ne l'y feraient pas retomber. Ayant persévéré jusqu'au bout dans la confession de la foi catholique, il fut pendu à une échelle, et étranglé par ses bourreaux à l'âge de trente ans.

XIX

André Wouters, dont on ne connaît pas le lieu de naissance, était curé de Heynort, près de Dortrecht. Il fut enlevé par les novateurs et conduit à La Brille. On prétend que sa conduite n'était pas des plus édifiantes, et qu'il remplissait d'abord avec beaucoup de négligence les devoirs de sa place ; mais la miséricorde infinie de Dieu lui accorda la grâce spéciale d'effacer toutes les taches de sa conduite antérieure et de gagner la couronne impérissable des martyrs par la courageuse fermeté qu'il montra dans sa confession de foi et par le sacrifice de sa vie.

Jésus-Christ était hier, il est aujourd'hui et il sera le même dans tous les siècles. Il Couvrit de gloire nos martyrs, comme il avait honoré ceux du premier siècle, par les miracles qui s'opérèrent sur leurs tombeaux.

Leurs reliques, plus précieuses que l'or elles joyaux, auraient sans doute été respectueusement enlevées par les catholiques, et placées dans un lieu convenable, pour célébrer le jour de leur bienheureuse naissance, c'est-à- dire celui de leur martyre, si la vigilance des novateurs et les guerres continuelles n'y eussent mis obstacle. Cependant beaucoup de catholiques célébrèrent ce jour mémorable, en jeûnant la veille et en priant humblement Je Seigneur pendant ces deux jours, de protéger la religion catholique et de la rétablir dans leur patrie. Us implorèrent à cet effet l'intercession des nouveaux martyrs, et leur prière fut exaucée. Une partie des Pays-Bas fut purgée des erreurs, et dans l'autre la religion catholique se conserva dans toute sa pureté au milieu d'une oppression qui dura plus de deux siècles.

Beaucoup de fidèles visitaient secrètement le tombeau des martyrs, quelques-uns s'y rendaient plusieurs fois par an, et s'en revenaient toujours fortifiés et consolés. Enfin le pieux archiduc Albert et son épouse Isabelle, conçurent le désir de faire transférer en un lieu convenable les reliques de nos martyrs. Quelques personnes de confiance furent envoyées, en Septembre 1615, de Bruxelles à La Brille. Elles se rendirent à l'endroit où avait été le couvent de Ten Rugge, et prirent une grande partie de leurs ossements, et les apportèrent, au milieu de grands dangers, à Bruxelles. Elles y furent placées dans des châsses précieuses et exposées à la vénération publique dans l'église des révérends pères Récollets, après avoir été solennellement levées de terre, ce qui arriva le 18 Octobre 1618. L'enquête au sujet de leur authenticité avait duré jusqu'à ce jour. Le même jour, l'archevêque de Malines, Matthias Hovius, célébra une messe solennelle, les reliques furent processionnellement promenées dans la ville, et une maladie contagieuse, qui régnait alors à Bruxelles et y causait beaucoup de ravages, fut soudain arrêté dans ses progrès.

Des parties de ces saintes reliques furent envoyées aux Récollets de Louvain, de Malines, d'Anvers, de Tirlemont, de Saint-Trond, de Cambrai, d'Ath, de Binche, de Tournai, de Lille, de Douai, de Valenciennes, de Mons, de Nivelles , de Namur , de Cologne et en plusieurs autres endroits , où l'anniversaire de la mort des martyrs de Gorkum fut célébré avec pompe tous les ans.

En 1772, le second jubilé séculaire de leur mort fut solennellement célébré dans toutes les églises des Récollets des Pays-Bas catholiques. A Louvain, ce jubilé fut célébré par une fête de quinze jours.

Ils furent tous déclarés martyrs par Clément X, et le décret solennel de leur béatification fut publié le 24 Novembre 1675. La célébration de leur fête dans tout le diocèse de Malines a été accordée en 1721, par le Pape Innocent XIII. Les Bollandistes ont publié plusieurs miracles opérés par leur intercession : cette relation avait été envoyée à Rome pour travailler au procès de leur béatification.

Pour toute demande de renseignements, pour tout témoignage ou toute suggestion,
veuillez adresser vos courriers à
 :

alexandrina.balasar@free.fr