Les saints Martyrs de l'Ouganda

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Les saints
Martyrs de l’Ouganda

Le pays de l’Ouganda se situe en Afrique du centre-est, au sud du Soudan, à l’est du Zaïre et du Rwanda, bordé par une grappe de grands lacs, dont l’immense Lac Victoria, qui touche l’Ouganda, le Kenya, la Tanzanie. Ce beau pays est à peu près grand comme la moitié de la France, et compte actuellement une trentaine de millions d’habitants. Pays agricole essentiellement, grâce à un climat tempéré qui ne connaît pas de températures en-dessous de 13° ni au-dessus de 30°, on y vit d’élevage et de cultures diverses : banane, patate, manioc, café, thé, canne à sucre, tabac.

Les premiers missionnaires y arrivèrent en 1879 et furent très bien reçus. Mais le kabaka (le roi) en prit ensuite ombrage ; son successeur, Mouanga, rappela les missionnaires, et soutint ouvertement le travail des missionnaires, nommant aux charges les meilleurs des néophytes.

Ceux-ci avertirent le roi qu’une conspiration se tramait contre lui ; il arrêta son katikiro (premier ministre), qui lui mentit en protestant de sa fidélité ; pardonné, ce dernier jura la mort des chrétiens et s’ingénia à les faire mépriser du roi comme dangereux, conspirateurs, etc. La toute première victime fut le conseiller intime du roi, Joseph Mkasa, qui était aimé de tous. Même le bourreau cherchait à retarder de l’exécuter, mais il reçut l’ordre du katikiro de le tuer sur place ; il fut ainsi décapité, avec deux ou trois pages de la cour.

Auparavant, Joseph, très calmement, confia au bourreau cette commission : “Tu diras de ma part à Mouanga qu’il m’a condamné injustement, mais que je lui pardonne de bon cœur. Tu ajouteras que je lui conseille fort de se repentir, car, s’il ne se repent, il aura à plaider avec moi au tribunal de Dieu”.

Quelques mois plus tard, le roi transperce de sa lance le jeune Denis Sebuggwawo, qui était en train d’instruire un compagnon. Ce fut le signal de la persécution proprement dite : désormais devront être massacrés “tous ceux qui prient”. C’était le 25 mai 1886. Un chrétien courut de nuit avertir les missionnaires de ce qui s’était passé et qui allait se produire, de sorte que l’un d’eux, le père Lourdel, vite accouru, fut lui-même témoin des faits suivants,  à l’intérieur de la résidence royale.

Charles Lwanga, chef du groupe des pages, est appelé le premier avec sa bande ; ils reçoivent une pluie de reproches sur leur religion, puis sont enlacés de grosses cordes, d’un côté le groupe des jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans, de l’autre les enfants. Charles et Kizito se tiennent par la main, pour s’encourager l’un l’autre à ne pas faiblir ; Kizito, quatorze ans, demande le baptême depuis longtemps, et le père Lourdel lui avait enfin promis de le baptiser dans un mois ; en fait, il sera baptisé en prison, la veille de son martyre. C’est le plus jeune de tous ces martyrs.

Après les employés de la cour, on convoque un jeune soldat, Jacques Buzabaliawo. Le roi ironise sur lui et ajoute : “C’est celui-là qui a voulu autrefois me faire embrasser la religion ! … Bourreaux, enlevez-le et tuez-le bien vite. C’est par lui que je veux commencer.” A quoi Jacques répond sans s’émouvoir : “Adieu ! je m’en vais là-haut, au paradis, prier Dieu pour toi.” Passant devant le père, il lève ses mains enchaînées vers le ciel, souriant comme s’il allait à une fête.

Inquiet pour la mission, le père revient sur ses pas ; apercevant une source où se désaltérer, il s’entend dire : “Le cadavre d’une des victimes de la nuit a été traîné dans cette eau.” Car des pillards avaient été lancés dans toute la contrée pour saccager les villages où se trouvaient des chrétiens.

André Kaggwa était un chef parmi les plus influents et les plus fidèles au roi. C’était l’un des trois qui l’avaient en effet averti de la conspiration qui le menaçait. Il devait devenir le général en chef de toute l’armée, car le roi avait en lui une confiance absolue, le gardant toujours à ses côtés. Le premier ministre le dénonça bientôt comme le plus dangereux de tous, et, de guerre lasse, le roi finit par le laisser faire ce qu’il voulait. Immédiatement garrotté, André est “interrogé” et le premier ministre insiste auprès du bourreau : “Je ne mangerai pas que tu ne m’aies apporté sa main coupée, comme preuve de sa mort”. Et André, au bourreau : “Hâte-toi d’accomplir les ordres que tu viens de recevoir… Tue-moi donc vite, pour t’épargner les reproches du ministre. Tu lui porteras ma main, puisqu’il ne peut manger avant de l’avoir vue.”

Charles Lwanga fut séparé des autres, sans doute dans le but de les impressionner davantage. Le bourreau le fit brûler lentement, en commençant par les pieds et en le méprisant : “Que Dieu vienne et te retire du brasier !”. Mais Charles lui répondit bravement : “Pauvre insensé ! Tu ne sais pas ce que tu dis. En ce moment c’est de l’eau que tu verses sur mon corps, mais pour toi, le Dieu que tu insultes te plongera un jour dans le véritable feu.” Après quoi, recueilli en prière, il supporta son long supplice sans proférer aucune plainte.

Il y avait là aussi trois jeunes pages, qu’on fit assister au supplice des autres, dans l’espoir de les voir apostasier. Non seulement ils ne cédèrent pas, mais l’un deux protesta de ne pas être enfermé dans un fagot comme les autres pour être brûlé ; puis quand on les reconduisit tous trois en prison sans les torturer, ils demandèrent : “Pourquoi ne pas nous tuer ? Nous sommes chrétiens aussi bien que ceux que vous venez de brûler ; nous n’avons pas renoncé à notre religion, nous n’y renoncerons jamais. Inutile de nous remettre à plus tard.” Mais le bourreau fut sourd à leurs plaintes, sans doute par permission de Dieu, pour que ces trois-là nous fournissent ensuite les détails du martyre de tous les autres.

Parmi les condamnés se trouvait le propre fils du bourreau, le jeune catéchumène Mbaga. Son père était désespéré et cherchait par tous les moyens de le faire changer d’avis, ou de lui extorquer un mot qu’on aurait pu interpréter comme une apostasie ; inutile. L’enfant ajoute même : “Père, tu n’es que l’esclave du roi. Il t’a ordonné de me tuer : si tu ne me tues pas, tu t’attireras des désagréments et je veux te les épargner. Je connais la cause de ma mort : c’est la religion. Père, tue-moi !” Alors le père ordonne à un de ses hommes de lui accorder la mort des “amis”, en lui assénant un fort coup de bâton à la nuque. Puis le corps fut enfermé dans un fagot de roseaux, au milieu des autres.
On enferma donc chacun des condamnés dans un fagot, et l’on y mit le feu du côté des pieds, pour faire durer plus longtemps le supplice, et aussi pour tenter de faire apostasier ces garçons. En fait, s’ils ouvrent la bouche, c’est pour prier. Une demi-heure après, les roseaux étaient consumés, laissant à terre une rangée de cadavres à moitié brûlés et couverts de cendres.

Un autre chrétien qui fut arrêté, fut le juge de paix Mathias Mulumba ; il avait connu l’Islam puis le protestantisme ; devenu catholique, c’était un homme très pieux qui vivait paisiblement avec son épouse et ses enfants. Amené devant le premier ministre, il répondait calmement aux vilaines questions qu’il lui posait. Furieux, le ministre crie : “Emmenez-le, tuez-le. Vous lui couperez les pieds et les mains, et lui enlèverez des lanières de chair sur le dos. Vous les ferez griller sous ses yeux. Dieu le délivrera !” Mathias, blessé par cette injure faite à Dieu, répond : “Oui, Dieu me délivrera, mais vous ne verrez pas comment il le fera ; car il prendra avec lui mon être raisonnable, et ne vous laissera entre les mains que l’enveloppe mortelle.” Le bourreau accomplit scrupuleusement les ordres reçus : de sa hache, il coupe les pieds et les mains de Mathias, les fait griller sous ses yeux ; l’ayant fait coucher face contre terre, il lui fait enlever des lanières de chair qu’ils grillent ensuite, usant de tout leur art pour empêcher l’écoulement du sang, et prolonger ainsi l’agonie de leur victime, qui ne proféra mot. Effectivement, trois jours après, d’autres esclaves passaient par là et entendirent des gémissements : c’était Mathias qui demandait un peu d’eau à boire ; mais épouvantés par l’horrible spectacle, ils s’enfuirent, le laissant consommer atrocement son martyre.

Avec lui fut aussi conduit au supplice un de ses amis, Luc Banabakintu, qui eut “seulement” la tête tranchée.

Pendant ces exécutions, des pillards allèrent s’emparer du peu qu’il y avait à voler chez Mathias et voulurent ravir son épouse et ses enfants. Il y avait là un serviteur très fidèle et pieux, Noé Mawaggali. Son chef n’eut pas le courage de le refuser aux pillards, qui le percèrent de leurs lances.

La sœur de ce dernier fallit être ravie par le chef des pillards, mais elle leur parla très fermement : “Vous avez tué mon frère parce qu’il priait ; je prie comme lui, tuez-moi donc aussi.” Au contraire, ils l’épargnèrent et la conduisirent en cachette chez les missionnaires, où elle s’occupa maternellement des enfants de Mathias, dont l’un n’avait que deux ans.

Il y eut aussi Jean-Marie, surnommé Muzéï, “vieillard”, à cause de la maturité de son caractère. Baptisé à la Toussaint de 1885, on disait qu’il avait appris tout le catéchisme en un jour. Il donnait aux pauvres, s’occupait des malades, rachetait des captifs. Confirmé le 3 juin 1886, il fut noyé dans un étang le 27 janvier 1887.

Tels sont les plus marquants des vingt-deux martyrs ougandais, qui furent béatifiés en 1920, et canonisés en 1964. Ils sont fêtés le 3 juin, jour du martyre de la majeure partie d’entre eux. Voici maintenant les noms de ces vaillants soldats du Christ, avec l’indication de leur prénom dans leur langue propre et la date respective de leur martyre :

Joseph (Yosefu) Mukasa Balikuddembe, chef des pages, décapité puis brûlé, martyrisé le 15 novembre 1885

Denis Ssebuggwawo Wasswa, première victime de la grande persécution, martyrisé le 25 mai 1886

André (Anderea) Kaggwa, page, celui qui devait être le général en chef du roi ; le bourreau lui trancha le poignet et la tête ; martyrisé le 26 mai 1886

Pontien (Ponsiano) Ngondwé, page, mis en prison, percé de coups de lance, martyrisé le 26 mai 1886

Gonzague Gonza, page du roi, percé d’une lance après avoir forcé l’admiration du bourreau lui-même, martyrisé le 27 mai 1886

Athanase (Antanansio) Bazzekuketta, page, accablé de coups, martyrisé le 27 mai 1886

Mathias (Matiya) Kalemba Mulumba Wante, dont on a parlé plus haut, martyrisé le 30 mai 1886

Noé (Nowa) Mawaggali, martyrisé le 31 mai 1886

Les treize suivants sont tous martyrisés le 3 juin 1886, tous brûlés vifs :

Charles (Karoli) Lwanga
Bruno Serunkuma, soldat du roi, roué de coups de bâton
Mugagga Lubowa, qui s’est offert spontanément aux bourreaux
Jacques (Yakobo) Buzabaliawo, soldat, qu’on entendit prier pour ses persécuteurs
Kizito, le benjamin de quatorze ans
Ambroise (Ambrosio) Kibuka, page
Gyavira Musoke, page, catéchumène, jeté en prison le jour même où Charles le baptiza
Achille (Achileo) Kiwanuka, page
Adolphe (Adolofu) Mukasa Ludigo, page
Mukasa Kiriwawanvu, page et catéchumène
Anatole (Anatoli) Kiriggwajjo, page, qui refusa la charge honorifique proposée par le roi
Mbaga Tuzinde, page, fils du bourreau, baptisé par Charles juste avant d’être enchaîné avec lui, roué de coups, assommé avant d’être brûlé.
Luc (Lukka) Banabakintu, décapité puis brûlé

Enfin :

Jean-Marie (Yohana Maria) Muzeyi, saint homme, longtemps recherché, arrêté, décapité le 27 janvier 1887. C’est la dernière victime de la persécution.

On aurait pu croire que le christianisme aurait été ainsi dangereusement menacé d’extinction. Il n’en fut rien. Trente ans après, l’évêque du lieu pouvait compter sur 88 prêtres, 11 frères coadjuteurs, 38 Religieuses et 1244 (!) catéchistes.

Actuellement, la religion catholique y est majoritaire à 45 %, suivie de l’anglicanisme (39 %) et de l’Islam (10%).

Bruno Kiefer

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