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Retour au pays
La vie de la sainte
Famille continua ainsi, en Égypte, pendant des mois. Elle était
heureuse malgré l'éloignement du reste de la parenté. Puis un
jour, "Hérode étant mort, voici qu'un ange du Seigneur
apparut en songe à Joseph en Égypte, et lui dit: 'Lève-toi,
prends l'enfant et sa mère, et va dans la terre d'Israël, car
ceux qui en voulaient à la vie de l'enfant sont morts.' Et lui,
s'étant levé, prit l'enfant et sa
mère, et il vint dans la terre
d'Israël. Mais, appre-nant qu'Archélaüs régnait en Judée à la
place d'Hérode, son père, il eut peur d'y aller, et, ayant été
averti en songe, il gagna la région de la Galilée et vint
habiter dans une ville nommée Nazareth, afin que s'accomplît ce
qu'avaient dit les prophè-tes: Il sera appelé Nazaréen."
(Mat. 2, 19 à 23)
Tout d'abord il
convient de remarquer que les grandes décisions que Joseph eut à
prendre et qui bouleversèrent la vie de sa famille lui furent
deman-dées en songe. C'est souvent ainsi que Dieu parle à ses
saints...
Donc, il faut rentrer, mais où? À Jérusalem
ou à Nazareth?... Joseph en parle à Marie qui lui dit que la
volonté de Dieu se manifestera bientôt. Compte tenu des
relations qui s'étaient établies entre la Sainte Famille et les
gens du village, Marie et Joseph durent accomplir quelques
formalités: dire adieu à tous leurs amis sans donner les raisons
de leur départ, sinon de vagues raisons familiales. Joseph dut
aussi rencontrer ses employeurs et ache-ver quelques travaux que
lui seul était capable de faire. Il fallut aussi acheter trois
ânes solides et trouver une caravane pour se joindre à elle.
Puis le jour du départ arriva: Jésus devait avoir entre quatre
ou cinq ans: nous ne savons pas.
En homme prudent, et
compte tenu des avertissements de l'ange, Joseph décida que l'on
ne prendrait pas le chemin de l'aller. Bethléem et Jérusalem
risquaient d'être trop dangereux. On quitterait l'Égypte par la
côte de la Méditerranée, et l'on continuerait ensuite jusqu'à
Gaza. On atteindrait le Mont Carmel où l'on demanderait la
protection du prophète Elie, puis on bifurquerait pour aller
vers le Mont Thabor, et enfin Nazareth. La route sera beaucoup
plus longue, mais beaucoup plus sûre, et tellement belle. Et
Marie sera si contente d'admirer de beaux paysages. Quant au
Petit Jésus, lorsque ses petites jambes ne le porteront plus, on
l'installera confortablement sur le col d'un des trois ânes.
Selon Joseph, il fallait éviter Jérusalem, coûte que coûte.
Marie était un peu triste de ne pas pouvoir passer à Jérusalem
pour revoir Zacharie et sa famille, mais Joseph avait raison. Et
puis, il avait l'air si heureux à l'idée d'entreprendre un si
beau voyage... Et déjà son cœur murmurait:
"Mon cœur est
affermi, ô Dieu, mon cœur est affermi; je chanterai et ferai
retentir de joyeux instruments. Éveille-toi, ma gloire!
Éveillez-vous, ma lyre et ma harpe! Que j'éveille l'aurore!
Je te louerai parmi
les peuples, Seigneur, je te chanterai parmi les nations. Car ta
fidélité atteint jusqu'aux cieux, et ta vérité jusqu'aux nues.
Élève-toi au-dessus des cieux, ô Dieu, que ta gloire brille sur
toute la terre!" (Ps 57, 8 à 12)
Lorsque tout fut prêt,
Joseph et sa famille quittèrent le petit village qui les avait
si gentiment accueillis, puis ils avancèrent jusqu'à la
frontière et entrèrent sans encombre sur le territoire d'Israël:
la nuit tombait. Avant de sortir un peu de nourriture, Joseph et
Marie chantèrent:
"Seigneur, écoute la justice! Entends
ma plainte, accueille ma prière: mes lèvres ne mentent pas. J'ai
tenu mes pas sur tes traces, jamais mon pied n'a trébuché.
Je t'appelle, toi, le Dieu qui
répond: écoute-moi, entends ce que je dis.
À l'ombre de tes ailes, cache-moi, et
moi, par ta justice, je verrai ta face: au réveil, je me
rassasierai de ton visage.
(Ps 17)
Le voyage fut
merveilleux. Joseph et Marie découvraient la mer qu'ils
n'avaient jamais vue. Et l'Enfant put patauger à loisir dans
l'eau, sur une plage... Comment ne pas s'arrêter un moment pour
contempler Dieu, notre Père à tous et Créateur du monde, et Le
laisser profiter Lui-même d'un des plaisirs de sa création.
Jésus, Verbe Incarné s'en donna à cœur joie, puis il construisit
un petit château de sable: c'était le temple de Jérusalem. Mais
il fallut partir avec la caravane qui elle aussi s'était arrêtée
pour souffler un peu...
Le voyage reprit, tout
aussi merveilleux. Parfois il fallait gravir des montagnes ou
des collines escarpées, mais alors, les paysages étaient si
beaux que les juifs de la caravane, et même les non juifs,
s'arrêtaient pour louer le Seigneur:
"Dieu!... Ses voies
sont parfaites; la parole de Yahweh est éprouvée, il est un
bouclier pour tous ceux qui se confient en lui. Car qui est
Dieu, si ce n'est Yahweh et qui est un rocher, si ce n'est notre
Dieu? Le Dieu qui me ceint de force, qui rend ma voie parfaite;
qui rend mes pieds semblables à ceux des biches, et me fait
tenir debout sur mes hauteurs; qui forme mes mains au combat, et
mes bras tendent l'arc d'airain.
Tu m'as donné le
bouclier de ton salut, et ta droite me soutient, et ta douceur
me fait grandir." (Ps 18, 31 à 35)
Oui, ce voyage fut
merveilleux, et si sûr. Aucun bandit ne se manifesta pour voler
ou attaquer la caravane. Jamais les professionnels du voyage
n'avaient connu une telle paix; c'est sûr, et tout le monde le
reconnaissait, Dieu était avec eux.
Oui, "Vive Yahweh
et béni soit mon rocher! Que le Dieu de mon salut soit exalté;
Dieu qui m'accorde des vengeances, qui me soumet les peuples,
qui me délivre de mes ennemis! Oui, tu m'élèves au-dessus de mes
adversaires, tu me sauves de l'homme de violence. C'est pourquoi
je te louerai parmi les nations, ô Yahweh; je chanterai à la
gloire de ton nom. Il accorde de glorieuses délivrances à son
roi, il fait miséricorde à son oint, à David et à sa postérité
pour toujours." (Ps 18, 47 à 51)
Et c'était vrai:
l'oint du Seigneur était avec eux; oui le fils de David les
accompagnait. Mais seuls Joseph et Marie le savaient... |