Oliver Plunket était né
en 1629 à Lougherew (Lough signifie “lac” ; l’Irlande est constellée
de lacs où le ciel se reflète), dans le
comté de Meath (centre est de l’île). La famille était ancienne et
brillamment apparentée
dans un passé prestigieux. 1629 : c’est le
temps de l’émigration méthodiquement organisée par Jacques Ier
(1603-1625) de la grande île vers l’île émeraude, la verte Érin ; en
1619, huit mille familles constituent la population coloniale de
l’Ulster, au nord de l’île. Mais ailleurs la colonisation échoue ;
on dépossède simplement les grands propriétaires au profit des
britanniques. Cette révolution, accomplie partiellement sous la
république, hâtée en 1633-1654 par la déportation de milliers de
rebelles au-delà du Shannon, le grand fleuve irlandais, s’achève en
1689 par les confiscations de Guillaume d’Orange.
Encore enfant, Oliver
fut confié à son parent Patrice Plunket, abbé bénédiction de
Sainte-Marie à Dublin, plus tard évêque d’Ardagh et de Meath.
A seize ans, Oliver
partit pour Rome avec quatre jeunes gens (1645). Ils avaient été
choisis pour se préparer au sacerdoce par le P. Pierre-François
Scarampi, un oratorien envoyé par Urbain VIII pour assister au
dernier concile de l’Irlande confédérée. La jeunesse d’Oliver
s’était passée dans une atmosphère de combat : dans la lutte des
Anglais et des Écossais contre leur roi Charles Ier (1639-1645), la
famille Plunket était naturellement pour le roi et pour l’Irlande.
Le jeune Oliver étudia
un an la rhétorique, puis entra au collège irlandais ou ludovisien
créé en 1628 et régi par des jésuites. Il se forma au droit civil et
au droit canon à la Sapienza, cette vieille université fondée en
1303 par Boniface VIII. Plunket fut ordonné prêtre en 1654. Mais,
comme la persécution dirigée par Cromwell sévissait alors dans la
mère-patrie, on garda le jeune prêtre à Rome. Il exerça son
ministère à l’oratoire Saint-Jérôme-de-la-Charité, et professa la
théologie au Collège de la Propagande. Il devint consulteur de la
Sacrée Congrégation de l’Index et, en 1668, procureur, auprès du
Saint-Siège, des évêques d’Irlande. Plunket les aidait de son mieux
en ces temps difficiles où l’on publiait une Remontrance des
Irlandais, pamphlet antipapiste. L’archevêque d’Armagh, primat
d’Irlande, étant mort exilé en France, le pape Clément IX nomma
Plunket à ce poste d’honneur et de danger par motu proprio du 9 juin
1669. La joie éclata chez tous les catholiques de “l’île des
Saints”. Le 30 novembre, Plunket fut sacré évêque à Gand. En mars
1670, il arrivait en Irlande où il fut reçu par le mentor de sa
jeunesse, Patrice Plunket, devenu évêque de Meath. Celui-ci était le
seul évêque résidant encore, avec le vieil évêque de Kilmore. Trois
autres prélats étaient en exil. Aussi la situation de l’Eglise
n’était-elle point brillante. Le nouvel archevêque organisa des
synodes diocésains et provinciaux, essaya de mettre en vigueur les
règles du concile de Trente. Les deux premières années de son
administration furent assez heureuses : le vice-roi était tolérant
et avait de la sympathie pour Plunket. Malheureusement, un conflit
de juridiction s’éleva entre Armagh et Dublin. Ces querelles étaient
bien regrettables entre frères. Plunket, pour sa part, avait de
bonnes relations avec le haut clergé protestant de l’Ulster, qui se
montrait bienveillant envers les catholiques par égard pour lui.
Mais il était terriblement gêné par sa pauvreté et il notait que le
dénuement des évêques catholiques les empêchait de s’associer aux
protestants, alors que cette liaison pourrait donner de très bons
résultats. Plunket évangélisait les tories de l’Ulster, pauvres
diables que la misère avait réduits au brigandage et il obtenait des
conversions — ou des départs. Les jésuites ouvraient une école pour
la jeunesse et un séminaire à Drogheda, port sur la mer d’Irlande au
nord de Dublin. Plunket rêvait aussi d’être l’apôtre de ses
coreligionnaires de langue gaélique en Écosse. Enfin, il essayait de
corriger les tendances jansénistes chez ses prêtres formés en France
et en Belgique, d’établir une entente cordiale entre séculiers et
réguliers, entre les divers ordres religieux, et une meilleure
observance chez ceux-ci.
En 1673, l’archevêque
de Dublin fut exilé et celui de Tuam s’enfuit en Espagne. Plunket se
compromit en cachant l’évêque de Waterford qui fut promu en 1676 à
Cashel. Plunket était persécuté spécialement par quelques faux
frères mauvais catholiques, dont un franciscain. On le dénonçait à
Rome, mais le nouvel archevêque de Cashel le disculpa. En 1678, à la
suite des dénonciations d’un certain Titus Oats, inventeur d’une
pseudo-conspiration papiste, qui coûta la vie à trente-six
catholiques anglais, il y eut une recrudescence de
l’anticatholicisme. Tout prêtre régulier, tout évêque devait être
expulsé. Plunket fut accusé d’avoir comploté un débarquement de
vingt-mille soldats français et de taxer son clergé pour armer
soixante-dix-mille hommes contre l’Angleterre. On l’envoya à
Londres. Pendant neuf mois il fut gardé sévèrement en prison. Il
priait longuement, jeûnait plusieurs fois par semaine, toujours
enjoué et courtois. On ajourna son affaire jusqu’à juin 1681. Alors
se renouvela la situation de Jésus-Christ : on produisit alors deux
“témoins” que Plunket connaissait bien, deux religieux qu’il avait
essayé de corriger pendant sept ans, deux lâches renégats. Oliver se
trouva en même temps dans la situation de saint Paul, qui fut
d’abord arrêté en Palestine, puis conduit à Rome, où il subit deux
procès. Ainsi pour Oliver : les juges irlandais refusant de le
condamner pour haute trahison, il fut conduit à Londres. Là, un
premier procès ayant échoué faute de preuves, il fut condamné lors
du second pour « avoir propagé la religion catholique ». L’accusé
fut ainsi jugé coupable de haute trahison, son grand crime étant sa
“fausse religion”. Après une semaine (au moins les interstices, les
délais, ne manquent point dans cette douloureuse parodie de
justice), on le condamna à être pendu, vidé, démembré. Il vécut
encore deux semaines. Il écrivait : “Je garde bon courage et ne
crains pas la mort… J’ai le désir de partir et d’être avec le Christ
(Phil, 1:23)… J’ai exhorté mes gens, en Irlande, avec de belles
paroles ; il est bon, maintenant, d’ajouter l’exemple.” En
prison, Olivier fit son oblation bénédictine dans les mains de Dom
Maur Corker, le président des bénédictins anglais. Réconforté par le
ministère de ce moine, il mourut à Tyburn le 1er juillet 1681 (vieux
style), correspondant à notre 11 juillet, un vendredi. Il y avait
foule à Tyburn. Plunket affirma qu’il était innocent du crime de
trahison et qu’il avait toujours été loyal envers le roi. Il
remercia ses juges, demanda au Seigneur de pardonner à ses ennemis,
et déclara qu’il mourait fermement catholique.
Son corps fut
transporté secrètement en 1685 d’Angleterre à l’abbaye de Lamspring,
près de Hildesheim (Hanovre), passée aux bénédictins anglais en
1644. Le futur cardinal dom Aidan Gasquet, le ramena à l’abbaye de
Downside, dans le Wiltshire, au sud de l’Angleterre, en 1883. Le
chef du martyr est vénéré à Drogheda. Plunket a été béatifié par
Benoît XV en 1920, et canonisé en 1975 par Paul VI.
(Source : Vies des
Saints et des Bienheureux, Bénédictins de Paris, tome VII, 1949,
pp.257-260) |