9
Novembre 1943
Ce que je pense sur la
guerre, et ma confiance en Dieu.
Quand on me parle de
guerre, et du danger qui court le Portugal, je souris à tout, car
mon cœur redouble de confiance allant jusqu'à dire à Jésus: Jésus,
j'ai confiance en Vous. Et je réponds à qui m'en parle: Ce ne sera
pas aussi grave que cela, Notre Seigneur est l'infinie miséricorde !
Ce n'est pas parce que nous méritons plus que les autres nations.
N'ont-ils pas les parents parfois des prédilections pour l'un de ou
l'autre de leurs enfants ? Il en est ainsi avec Notre Seigneur.
Moult fois ces
conversations me faisaient souffrir pour ce que j'entendais du monde
et pour ce que je ressentais de Notre Seigneur, et j'écoutais quand
Il me disait maintes fois : “Aie confiance, aie confiance, ma
fille”. Parfois j'avais peur que ce soit le démon, mais ses effets
ne se faisaient pas sentir dans mon âme. En entendant les paroles "
Aie confiance, aie confiance, ma fille", je me sentais remplie de
paix et de force, capable de vaincre la guerre. Il est arrivé
jusqu'à moi que le Saint Père avait été emprisonné, mais je ne me
suis pas laissée persuader, j'ai mis cela sur le compte de la
confusion qui régnait dans la population.
Depuis toute petite je
prie pour le Saint Père, mais depuis quelques temps je prie encore
plus, ayant pitié du nombre de ses souffrances. Maintenant que
j'entends tout cela, je prie encore davantage. Une douleur très
forte a pris possession de moi ainsi qu'une grande compassion pour
lui que parfois je ne pouvais résister. Je sentais en mon âme un
deuil, comme quand décède un père de
famille et qui laisse tous ses enfants orphelins. Les jours
passaient et dans cette lutte constante je ne me décourage pas
d'offrir à Jésus toutes mes souffrances et je demande la paix. Je
voulais le soulager et le réconforter, le libérer de tant de
souffrances, mais je ne savais pas comment faire. Un jour, après
avoir communié, j'ai ressenti un grand désir d'écrire à Sa Sainteté.
Sans pouvoir lui résister, j'ai dis alors à ma soeur: Je vais écrire
au Saint Père. Donne-moi un stylo et du papier. Et j'ai commencé à
écrire, demandant à Notre Seigneur toute la lumière et la force et
de nouveau j'ai offert ce sacrifice.
J'ai écrit ce qui
suit :
Très Saint Père :
Je sais que dans ces
heures tragiques qui vit l'humanité, après Jésus, le cœur qui
souffre le plus est celui de Votre Sainteté.
Jésus souffre parce qu'
IL est offensé et Votre Sainteté souffre de voir le monde en guerre,
dans la haine et les crimes. Et ici combien souffre aussi le cœur de
la plus pauvre, de la plus misérable et indigne de vos filles de ne
pas pouvoir libérer le Divin Cœur de Jésus des crimes de l'humanité,
pour qu' IL ne soit plus jamais blessé, et de ne pas pouvoir alléger
cette douleur si atroce et profonde qui anéanti et transperce le
cœur de mon cher Père spirituel et Père du monde entier.
Ô mon cher petit Papa,
je ne vaux rien, je ne peux rien, je ne suis que pauvreté et misère,
mais Jésus peut me faire forte et puissante et c'est avec Jésus et
avec ma petite Maman chérie que je suis à coté de Votre Sainteté,
pour, avec mes souffrances l'aider à porter si lourde croix.
Je voudrais embrasser
la terre où Votre Sainteté pose les pieds, je voudrais me traîner
par terre par où passera mon cher petit Père comme signe de ma
douleur de le voir souffrir, et de mon profond respect.
Courage, courage, Très
Saint Père, Jésus ne nous abandonne pas, la force vient d'en haut,
la guerre cessera et la paix régnera entre les hommes, mais toujours
avec douleur et sacrifice, et le règne de Votre Sainteté continuera
toujours entre les épines, mais Jésus ne nous manquera pas avec
toute Sa grâce et amour pour que mon cher petit Père puisse monter
joyeux un si douloureux calvaire. C'est Lui qui a choisi un si
tendre fils pour être notre Père à tous, pour nous donner les
saintes lumières du Divin Esprit-Saint. Il est triste le règne sur
terre, à cause de la méchanceté des hommes, mais il sera joyeux et
glorieux dans le ciel comme récompense de tant de douleurs et de
tant d'amour pour Jésus.
Très Saint Père, je
suis une de vos filles, malade depuis vingt-six ans et paralysée
depuis presque dix-neuf ans.
Cette lettre représente
un énorme sacrifice, car je suis alitée, avec mon pauvre corps
transpercé des douleurs les plus aigües, mais c'est une preuve
d'amour, amour saint pour mon très cher Saint Père.
Ah, mon Père, s'il
m'était possible de dire combien je souffre dans mon corps et dans
mon âme ! Combien triste et douloureuse a été ma vie ! Ma vie est
seulement joyeuse avec les yeux de Jésus.
Père, mon Père,
donnez-moi votre bénédiction apostolique, adoucissez ma douleur,
ayez pitié de moi et pardonnez mon audace. Je n'ai demandé conseil à
personne, car cela fait déjà deux ans que je n'ai pas de directeur
spirituel. Ordonne qui peut, et obéis qui doit obéir. La
bénédiction, la bénédiction, mon Père et pardon pour cette lettre si
mal écrite, mais je ne sais pas écrire autrement.
Je n'oublie jamais
Votre Sainteté, ni sur terre, encore moins au ciel. Je ne sais pas
parler à mon cher petit Papa, pardon, pardon !
Je suis la pauvre
Alexandrina Maria da
Costa
11
novembre 1943
Après lui avoir écrit,
je me suis sentie plus légère, j'avais même un certain contentement;
mais pour peu de temps. Le lendemain, le courrier posté, après avoir
communié je sentais une grande douleur pour Sa Sainteté et grande
était ma préoccupation au sujet des manœuvres et exercices
militaires et malgré toute ma confiance, ce que j'entendais dire me
causait de grandes souffrances, et je disais à Notre Seigneur sans
penser obtenir de réponse:
Ô mon Jésus, libérez le
Saint Père, donnez la paix au monde entier, donnez, mon Jésus. Et
Notre Seigneur m'a répondu:
— “Oui, Oui, ma fille,
je donnerai la paix, je donnerai la paix et dans peu de temps. Aie
confiance, Jésus ne te trompe pas.”
Et ensuite je
continuais: Ô mon Jésus, mon Jésus, délivrez le Portugal de la
guerre ! Nous ne le méritons pas mais ayez pitié de nous ! Tu le
délivreras mon Jésus ? Tu délivreras le Portugal ?
— “Oui, ma fille, Le
Portugal est libre, il n'entrera pas en guerre : N'ai-je pas la
crucifiée de ce calvaire à côté de ma Mère bénie à soutenir le bras
du Père Eternel ?”
A peu près une heure
plus tard, j'ai entendu dire que nous étions envahis pas les
français et qu'on avait tué le Saint Père. En entendant cette
nouvelle, j'ai senti une si grande douleur qu'il me semblait que mon
cœur se brisait en morceaux, je suis restée un moment sans pouvoir
respirer, sans pouvoir parler et sans pouvoir prier. Avec mes yeux
fixés sur le Cœur de Jésus, je me disais : Aidez-moi, Jésus,
aidez-moi. Ma Petite-Maman, ne me laissez pas vaciller. J'ai offert
à Notre Seigneur toutes les souffrances pour que le Saint Père soit
libéré, persuadée qu'il n'était pas mort, et que ce n'était pas vrai
ce que l'on disait dans notre cher Portugal. Ce fût une journée de
terrible combat. Je demandais à Notre Seigneur de m'envoyer
quelqu'un pour me rassurer, car je ne voulais pas L'offenser par mon
découragement. Beaucoup d'heures de grande agonie sont passées. Je
me sentais au milieu d'une terrible tempête que tout détruisait avec
furie, et moi sans personne pour me secourir. Je fixais Jésus, je
fixais notre petite Maman, je demandais toute l'aide du ciel. Notre
Seigneur est venu me réconforter en disant :
— “Le Saint Père n'est
pas mort ! Il vit encore et sa mission continue.”
Il m'a répété plusieurs
fois, dans l'intimité de mon cœur :
— “Aies confiance, aies
confiance, Jésus ne te trompe pas.”
Pourtant le démon, non
satisfait de me voir souffrir, et sans rien obtenir de ma
souffrance, enrageait et me répétais fréquemment :
— “Portugal en guerre,
Portugal en guerre ”
Il me le disait avec
tant de rage qui cela me remplissait d'effroi. Il me semblait
entendre sonner plusieurs cloches pour le Saint Père; le moindre
bruit me faisait penser aux pièces d'artillerie qui arrivaient au
Portugal. Malgré tout cela, je conservais toujours fermement ma
confiance en Jésus. Cela s'est passé le 14
octobre de 1943, et le 10 du même mois Notre Seigneur m'avait
dit plus ou moins ce qu'Il m'a dit le 14. Le jour suivant, malgré
que l'on m'ait dit que tout était faux, je sentais de grands moments
de frayeur, car je m'attendais à ce que quelqu'un arrive pour me
dire que c'était la réalité. Maudit démon qui tentait de m'ôter la
paix et de me faire perdre la confiance en Celui qui ne trompe pas
ni ne peut être trompé. Mon confesseur est arrivé et a tout fait
pour me tranquilliser, mais c'est seulement dans la confession qu'il
a réussi. Toujours désirant prier pour le Saint Père, je le faisais
encore, mais peu à peu la douleur que pour lui je ressentais s'est
estompée.
4
décembre 1943 - Premier samedi
— “Ton cœur, ma fille,
est le palais royal de la royauté divine, c'est le trône plus beau
et enchanteur que j'ai rencontré sur terre. C'est le centre
attrayant qui attire vers moi les pécheurs. C'est un feu dévorant
qui enflamme les cœurs et les âmes assoiffées de mon amour. Que
j'aurais aimé que le monde connaisse rapidement la consolation que
tu donnes à mon divin Cœur et à celui de ma Mère bénie.
Console-nous; donne-nous la plus grande des joies. Aime-nous avec
l'amour le plus pur et parfait. Répare les crimes des millions et
des millions de pécheurs. Combien tu es magnifique aux yeux de la
Très Sainte Trinité !
Ô belle, ô belle, ô
amour de l'Amour divin. Regarde ma fille, les hommes ne sont pas
pressés de donner la magnificence que Je désire à ma Cause, mais Je
suis avec toi. Leur négligence sera punie, la récompense sera le
châtiment. Dis, ma fille, dis mon épouse chérie, dis à ton Père
spirituel : Mon divin amour pour Lui est de plus en plus grand. Je
l'aime, je l'aime vraiment. Je lui donne la grâce d'attirer à Moi
les âmes, Je lui donne la grâce de les enflammer de mon divin Amour.
Dis-lui que c'est avec douleur, que c'est avec chagrin que
J'affirme : Mes châtiments vont continuer sur la Compagnie. Il y a
là-bas tant d'âmes qui m'affligent, tant d'âmes qui ne sont pas
parfaites comme le veut et l'exige mon divin Cœur. Ils n'ont pas ma
charité, ils outragent les âmes. S'ils prêtaient attention à mes
menaces, s'ils répondaient à mes demandes, ils n'auraient pas été
aussi châtiés. Je veille, Je veille sur ceux qui sont miens. Je
veille sur ceux qui m'aiment. Dis, ma fille, dis à ton médecin que
sa fidélité à mes grâces, sa fidélité à mes désirs, c'est ma joie.
Qu'il soit ferme en s'occupant de ma cause. Je l'ai mis à tes côtés
pour te soutenir et te défendre, parce que de cette façon c'est moi
qu'il défend. Il pleut des grâces, il pleut des bénédictions sur lui
et tous les siens, sur ceux qui sont chers à son cœur. Aie courage,
ma bien-aimée, ne te désespères pas dans ton martyre, ne te
décourage pas dans ton calvaire; c'est seulement de cette façon que
les pécheurs seront sauvés, c'est seulement comme ça que le monde
recevra les grâces désirées. Tu vis dans le purgatoire ; la barrière
qui t’en sépare, c'est Moi qui l'ai permise. Désormais tu n'es plus
dans le monde, tu vis comme si tu ne vivais pas. Ton tourment est
inégalable. Jamais Je ne l'ai donné à aucune autre âme. Veux-tu me
consoler, ma fille ? Veux-tu continuer dans cette douleur ? ”
— Tout, mon Jésus, tout
ce que Vous voudrez. Mon désir est de ne pas vivre sans vous donner
consolation un seul moment, mon Jésus. Vivre pour vous consoler,
vivre pour vous sauver des âmes, c'est cela mon aspiration.
— “Courage, alors, ma
petite fille. Si tu savais le bien que tu vas faire aux âmes. Quand
tu sauras le tourment que te fût donné ! Ton esprit est mort pour le
monde, ta vie est la vie des âmes du purgatoire, mais tu ne souffres
seulement que pour toi. Vite, vite, pour donner à connaître au monde
combien elles souffrent ; vite, vite, ce sont les âmes, mes aimées
qu'il faut libérer. Reçois l'amour, tout l'amour de ton Jésus, ce
sont des caresses célestes.”
Ô ma Petite-Maman,
merci beaucoup, ô Petite-Maman, bénissez, embrassez, et priez pour
moi Jésus. |