Nous abordons ici une période très
douloureuse dans la vie d’Alexandrina : les luttes acharnées qu’elle dût livrer
contre le diable. En effet, le “manchot”, comme elle l’appelait, n’avait de
cesse pour la torturer, pour lui faire des suggestions ou des gestes
inconvenants, des actes dont bien souvent elle ignorait la signification même.
“Il a commencé de me battre et à me faire tomber du lit...”
Alexandrina s’en souvient bien :
“Ce fut au mois de juillet 1937” que la bête immonde et sournoise, raconte
la Victime de Balasar, “non content de me tourmenter la conscience et de me
dire des turpitudes, après quelques mois de menaces, a commencé de me battre et
à me faire tomber du lit, de jour comme de nuit”.
Bien entendu, au début cela s’est
passé dans l’intimité et personne, pas même sa sœur, n’était au courant de ces
luttes terribles qu’elle livrait contre l’ennemi de nos âmes ; mais, dès que ces
attaques ont atteint les proportions qu’elle vient de citer, la famille dût être
mise au courant, car non seulement le démon la jetait en bas du lit, mais lui
faisait dire des obscénités épouvantables.
Alexandrina regrettait bien cette
situation pénible, mais à part prier pour en être libérée, elle n’y pouvait
rien, car cela faisait partie des plans divins sur elle.
Felizmina Martins dos Santos ― très
âgée, encore vivante en 2007 ― confirma cet état d’Alexandrina, en ajoutant que
quelques fois, avec Deolinda, elles étaient obligées d’étouffer, par des chants,
certains hurlements qui pouvaient être entendus dans la rue par les passants.
Cette pugnacité de Satan causait le
trouble dans l’âme de la pauvre victime, car, écrit-t-elle, “je pleurais
amèrement et pensais ne pas pouvoir recevoir mon Jésus, sans me confesser”,
alors qu’elle n’y était pour rien dans cette bataille qui lui était livrée sans
qu’elle l’ai demandée.
Alexandrina termine ainsi son
“exposé” que les attaques perfides de Satan :
“À chaque fois que l’influence
du démon cessait et, me souvenant de tout ce que je venais de faire et de dire,
d’angoissants scrupules m’envahissaient” et encore, pour conclure : “J’aurais
beaucoup à dire sur ce registre, mais je ne le peux pas : mon âme ne résisterait
pas à l’évocation de telles souffrances”.
* * * * *
« Si la vie matérielle s’est
améliorée pendant cette période, les assauts du démon qui depuis des mois me
menaçait, redoublèrent. Ce fut au mois de juillet 1937 que le « manchot »,
non content de me tourmenter la conscience et de me dire des turpitudes, après
quelques mois de menaces, a commencé de me battre et à me faire tomber du lit,
de jour comme de nuit.
Au début j’ai caché la chose y
compris aux personnes de la maison, excepté ma sœur, leur disant qu’il
s’agissait de crises du cœur. Mais, par la suite, ma mère et une jeune fille
qui vivait avec nous, ont été informées. Les personnes qui étaient témoins de
mes chutes avaient de la peine pour moi, mais ignoraient tout à fait leur
origine. Une nuit, le malin m’a jetée sur le parquet, me faisant passer
par-dessus ma sœur qui dormait sur un matelas étalé par terre à côté de mon lit.
Deolinda s’est levée, m’a prise dans ses bras m’ordonnant : « — Va dans ton
lit ! » Remise à ma place, je me suis levée brusquement en émettant des
sifflements. À peine me suis-je rendue compte de ce qui arrivait, j’ai commencé
à pleurer et dis à ma sœur : « — Oh ! Qu’ai-je fait ?! » Elle m’a tranquillisée
en disant : « — Ne t’affliges pas : ce n’était pas toi ! » La nuit suivante la
même chose s’est produite et, à ma sœur qui voulait me reposer sur mon lit je
lui ai crié, en l’éloignant de moi : « — Non, non, au lit je n’irai pas ! » À
peine je me rendais compte du mal que je faisais, je pleurais.
Une nuit le « manchot » a fait les
pires choses que l’on puisse imaginer, des choses que je ne connaissais pas et
même j’ignorais. Alors je pleurais amèrement et pensais ne pas pouvoir recevoir
mon Jésus, sans me confesser.
Ce jour-là, Monsieur le Curé était absent, mais je sentais qu’il me serait bien
difficile de lui parler de ces choses-là. Je sentais ne pas pouvoir m’ouvrir à
lui. Ma sœur qui, voyant mes larmes, cherchait à me réconforter par tous les
moyens, mais n’y réussissait pas, s’est proposée d’aller chercher mon directeur
spirituel qui prêchait dans un village voisin. Je lui ai dit que cela ne serait
pas nécessaire, car je ne lui dirais pas ce qui se passait. Je lui ai demandé
une image de Notre-Dame et, avec beaucoup de sacrifice, j’ai écrit succinctement
ce qui était nécessaire pour être comprise. Je l’ai cachée sous l’oreiller en
attendant que l’heure arrive de la remettre. Mais, de façon imprévue, mon
directeur spirituel est arrivé avec Jésus-Hostie, accompagné par un séminariste.
Il avait été informé de l’absence de Monsieur le Curé. Quand il m’a annoncé
qu’il m’apportait Jésus, je lui ai dit : « — Je ne peux pas faire la Communion
sans me confesser. »
Les larmes et la honte ne me
permettaient pas de parler. Je lui ai dit, toutefois, avoir écrit un billet. Il
l’a pris, l’a lu et, pour me tranquilliser, m’a assuré qu’étant donné les
précédents, il avait prévu cette épreuve, même s’il n’avait jamais osé m’en
prévenir.
Cette tribulation s’est répétée
plusieurs fois. J’étais victime des ces furieuses attaques deux fois par jour,
vers neuf ou dix heures de la nuit et aussitôt après midi, et cela durait
parfois plus d’une heure. Pendant ces assauts je ressentais en moi la rage et la
fureur infernales. Je ne consentais pas que l’on me parle de Jésus et de Marie,
ni même de voir leurs images : je leur crachais dessus et les piétinais. Je ne
pouvais pas non plus sentir la présence de mon Directeur spirituel : je
l’insultais et voulais même le frapper, ainsi que quelques personnes de la
maison. Mon corps devenait violet et sanguinolent à cause des morsures.
Je disais pareillement des gros-mots envers les personnes présentes. Oh !
Combien j’aimerais que beaucoup aient pu le voir, afin qu’ils craignent l’enfer
et arrêtent d’offenser Jésus !
À chaque fois que l’influence du
démon cessait et, me souvenant de tout ce que je venais de faire et de dire,
d’angoissants scrupules m’envahissaient ; j’avais l’impression d’être la plus
grande criminelle. Ce furent des mois de douloureux martyre. J’aurais beaucoup à
dire sur ce registre, mais je ne le peux pas : mon âme ne résisterait pas à
l’évocation de telles souffrances. »
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