Saint Pascal Baylon naquit le
jour de Pâques 1540, à Torre-Hermosa, petit bourg du royaume d'Aragon. Ses
parents, Martin Baylon et Isabelle Jubera, étaient d'humbles ouvriers agricoles,
pauvres et vertueux. Dès ses
premières années, sa mère qui le menait fréquemment
à l'église, lui apprit à adorer Jésus présent dans l'Eucharistie. Un jour qu'il
était disparu de la maison, ses parents le retrouvèrent à l'église, le plus
proche possible du tabernacle, si absorbé dans sa prière qu'il ne s'aperçut pas
du bruit qui se faisait autour de lui. Cette ardente dévotion à l'Eucharistie
devait constituer le trait distinctif de sa piété.
Dès qu'il fut en âge de pouvoir
rendre service, son père le plaça comme berger chez un riche propriétaire,
Martinez Garcia, qui fut bon envers lui ; en revanche, Pascal montra une grande
docilité envers son maître. Déjà il manifestait un vif attrait pour la solitude
et la prière. S'étant procuré quelques livres de piété, il se faisait apprendre
à lire par des personnes de rencontre et apportait une grande application à
s'instruire des vérités de la religion.
Il avait aussi une dévotion
particulière envers le Sainte Vierge. Quand il le pouvait, il conduisait son
troupeau auprès du sanctuaire de Notre-Dame de la Sierra. Sur sa houlette, il
avait sculpté l'image de Notre-Dame, surmontée d'une hostie rayonnante, afin
d'avoir toujours sous les yeux le double objet de sa dévotion. A genoux, au
milieu des champs, devant sa houlette, il priait avec autant de piété que s'il
se fût trouvé à l'église. Tout ce qui se présentait à son regard servait à
exciter sa foi. Sans cesse il méditait sur les merveilles de la création, et
s'élevait, vers Dieu qu'il contemplait dans toutes ses œuvres. Il eut plusieurs
fois des ravissements et ne put pas toujours cacher aux yeux des hommes les
faveurs dont il était comblé par Dieu.
Tout pauvre qu'il fût, Pascal
trouvait cependant moyen de faire l'aumône, prenant pour assister les malheureux
sur ce qu’on lui fournissait pour assurer sa subsistance. Plein de sollicitude
pour le troupeau qui lui avait été confié, jamais on ne le vit maltraiter ses
brebis. Il veillait également avec soin à ne causer aucun dommage dans les
pâturages voisins ; si quelque dégât se produisait, il indemnisait le
propriétaire sur son propre salaire. Un jour qu'un propriétaire lui refusa son
argent, il l’aida à couper les blés jusqu'à concurrence du dommage causé par ses
bêtes. Son maître, ravi de cette conduite si sage et si sainte, lui exprima
souvent son contentement au point que n’ayant pas d’enfant, il voulut adopter
Pascal qui refusa de peur que les biens de la terre le détournassent des biens
du ciel.
Vers l'âge de vingt ans, Pascal
se sentait appelé à la vie religieuse, se rendit dans le royaume de Valence pour
rejoindre le couvent des franciscains « Soccolans »,
construit dans un lieu désert, près de la ville de Montforte. Son allure un peu
gauche et son accoutrement bizarre, mirent en défiance les supérieurs qui lui
refusèrent l'entrée du couvent. Il reprit alors son métier de berger chez des
cultivateurs du voisinage, sans s'éloigner pour ne pas perdre des vue le petit
campanile du couvent vers lequel se portaient ses aspirations, suivant par la
pensée les offices dont il entendait les sonneries, et s’unissant profondément à
la messe. Un jour que la cloche annonçait l'approche de l'élévation, et qu’il
était à genoux une hostie lui apparut soutenue par deux anges.
Sa réputation de sainteté se
répandit dans toute la région et, lui ouvrit les portes du couvent. Le 2 février
1564, il reçut l'habit de Saint-François. Ses supérieurs, édifiés de l'humble
soumission avec laquelle il avait supporté ce temps d'épreuve, voulurent le
faire religieux de chœur, mais il refusa pour rester frère convers, afin de
remplir les offices les plus bas et les plus pénibles, et de se sanctifier
davantage dans l’humilité.
Il pratiqua la règle de saint
François dans toute sa rigueur, partageant son temps entre la prière et le
travail. Jamais on ne l'entendit se plaindre ni critiquer personne. Son amour de
la mortification lui faisait ajouter de nouvelles austérités à celles de la
règle. S'il lui arrivait de dépasser les limites de la prudence, cet excès était
compensé par sa pureté d'intention et le peu d'attache qu'il avait à son propre
sentiment ; dès que ses supérieurs le rappelaient à la modération, il déférait à
leur avis avec la plus humble soumission.
Pascal prononça ses vœux
perpétuels le jour de la Purification de la sainte Vierge de l'an 1565, n'ayant
pas encore vingt-cinq ans accomplis. Son père gardien aimait à dire qu'il
n'avait connu personne qui fût à la fois plus dur et plus doux que frère
Pascal : « plus dur à lui-même et plus doux pour les autres. » L'idéal
qu'il se proposait était d'avoir « pour Dieu un cœur de fils, pour le
prochain un cœur de mère, et pour lui-même un cœur de juge. »
Quand il changeait de couvent,
conformément à la coutume de son ordre qui veut ainsi prévenir les attaches
secrètes du cœur, on ne l'entendait jamais émettre la moindre plainte. Il
trouvait là une excellente occasion de se regarder comme un étranger sur la
terre. En quelque lieu qu'il allât, il était toujours le même, gai, doux,
affable et très déférent pour tous. Dans les différents couvents où il passait,
Pascal était ordinairement chargé de la porterie et du réfectoire, parce qu'on
le savait affable, discret, vigilant, actif et fidèle. Comme portier, il devait
distribuer aux pauvres les restes de la table des religieux, et pour que cette
aumône fût profitable à leur âme autant qu’à leur corps, il adopta l’usage de
prier avec eux avant et après chaque repas.
A l'ombre du cloître, son amour
pour la sainte Eucharistie grandit encore. Le plus souvent, quand ses fonctions
ne le retenaient pas ailleurs, on le trouvait à 1'église, tout absorbé en Dieu.
Le premier, il était debout au milieu de la nuit pour les saintes veilles ; le
dernier, il regagnait sa pauvre couche pour y prendre un très court repos.
Pendant quelques temps aussi, il
remplit l'office de quêteur. Sa première visite, en arrivant dans un village,
était pour l'hôte divin du tabernacle. Et quand, le soir, il rentrait au
monastère, épuisé de fatigue, pour se dédommager de n'avoir pu passer auprès de
son bien-aimé tout le temps de ses courses, il consacrait une grande partie de
la nuit à l'adoration du Très Saint-Sacrement.
Le général de son ordre,
Christophe de Cheffontaines,
étant à Paris, il fut député vers lui pour les affaires de sa province. Il
partit pour la France, sans se laisser effrayer par les dangers qu'il aurait à
affronter de la part des huguenots, maîtres de presque toutes les villes qu'il
lui fallait traverser. Maintes fois il fut exposé à la fureur des hérétiques qui
le poursuivirent à coups de pierres et de bâton. C’est en une de ces occasions
qu’il reçut à l’épaule une blessure dont il souffrit tout le reste de sa vie.
Deux fois il fut arrêté comme espion et menacé de mort. Mais Dieu le délivra de
tout danger.
Etant près d'Orléans, il se vit
environné d'une troupe de gens qui lui demandèrent s'il croyait que le corps de
Jésus-Christ était dans le sacrement de l'Eucharistie. Sur la réponse qu'il leur
fit, ils voulurent entrer en controverse avec lui, pour se donner le plaisir de
l'embarrasser par leurs subtilités. Mais quoiqu'il n'eût de la science
théologique qu'autant qu'il avait plu à Dieu de lui en communiquer par infusion,
et qu'il ne sût point d'autre langue que celle de son pays, il les confondit de
telle sorte, qu'ils ne purent lui répliquer qu'à coups de pierres. Il en fut
quitte pour quelques blessures dont une à la bouche qui lui donna l’air d’un
éternel sourire. Etant heureusement sorti de leurs mains, il passa devant la
porte d'un château où il demanda par aumône un morceau de pain, comme il avait
coutume de faire lorsqu'il était pressé par la faim. Le maître du lieu était un
gentilhomme huguenot, grand ennemi des catholiques, et il était à table
lorsqu'on lui dit qu'il y avait à la porte une espèce de moine en fort mauvais
équipage qui demandait l'aumône. Il le fit entrer, et après avoir longtemps
considéré son habit déchiré, et son visage basané, il jura que c'était un espion
espagnol, et il l’aurait tué si sa femme, qui en eut compassion, ne l'eût fait
secrètement mettre à la porte, mais sans songer à lui donner un morceau de pain.
Une pauvre femme catholique du village voisin lui fit cette charité ;
lorsqu'après avoir repris ses forces, il se croyait en quelque sureté, il pensa
être sacrifié de nouveau à la fureur de la populace que son habit avait attirée.
Un de la bande le saisit, sans s'expliquer sur ce qu'il voulait faire, et le
jeta dans une étable qu'il ferma à la clef. Pascal se prépara toute la nuit à
mourir le lendemain ; mais au lieu de la mort qu'il attendait, celui qui l'avait
renfermé vint lui apporter l'aumône, et le fit sortir deux heures après le
soleil levé.
Lorsqu'il se fut acquitté de sa
mission auprès de son général, Pascal retourna en Espagne. En chemin, il vit
venir à lui un cavalier qui, sans le saluer, lui mit la pointe de la lance
contre la poitrine, et lui demanda : « Où est Dieu ? » Pascal, sans
s'effrayer, mais aussi sans avoir le temps de réfléchir, lui répondit : « Dans
le ciel » le cavalier retira aussitôt sa lance, et partit sans rien dire de
plus. Pascal, d'abord étonné de cette conduite, la comprit en réfléchissant
davantage : le soldat l'avait épargné, parce qu'il s'était contenté de dire que
Dieu est dans le ciel ; s'il avait ajouté qu'il est aussi dans l’Eucharistie, il
l'aurait percé de sa lance. Pascal crut alors que Dieu l’avait jugé indigne de
la couronne du martyre.On ne l'entendit jamais parler des dangers qu'il avait
courus ; il se contentait de répondre en peu de mots aux questions qu’on lui
posait, en supprimant avec soin tout ce qui aurait pu lui attirer quelques
louanges.
Il passa les dernières années de
sa vie au couvent Notre-Dame-du-Rosaire de Villa-Réal, près de Valence. Un jour,
au cours du saint sacrifice de la messe, Dieu lui révéla sa mort prochaine dont
il conçut une vive joie. Quelques jours après, il tomba gravement malade.
Transporté à l’infirmerie, il y reçut les derniers sacrements avec une tendre
piété, et il s'endormit doucement dans le Seigneur en prononçant le nom de
Jésus. C'était le dimanche de la Pentecôte, l7 mai 1592, au moment de
l'élévation de la sainte hostie dans la chapelle du couvent.
De nombreux miracles, accomplis à
son sépulcre, y attirèrent de grands concours de peuple. Le 29 octobre 1618, le
pape Paul V le déclara bienheureux et permit au royaume de Valence de célébrer
son office. En 162l, Grégoire XV accorda cette même faveur à tous les religieux
de l'ordre de Saint-François. Le 16 octobre 1690, Alexandre VIII l'inscrivit au
catalogue des saints. Enfin il fut proclamé patron des congrès et œuvres
eucharistiques, le 28 novembre l897, par Léon XIII. Le 13 août 1936, sa tombe
fut profanée par les communistes espagnols qui brûlèrent sa dépouille
incorrompue. Les ossements calcinés furent recueillis et déposés dans une
nouvelle châsse le 3 juin 1952.
Prière
Ce qu’il y eut d’admirable,
Seigneur, en votre serviteur saint Pascal Baylon, c’est qu’il eut pour votre
Corps et votre Sang un respect, un amour, une faim et une soif incomparables.
Puissions-nous, Seigneur, désirer comme lui votre Eucharistie, et nous en
retirer comblés et ivres de joie. Nous vous le demandons par Jésus-Christ, votre
fils unique, notre Seigneur et notre Dieu, qui vit et règne avec vous, dans
l'unité du Saint-Esprit, pour les siècles des siècles. - Amen.
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