Paule de Rome Veuve

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Paule de Rome
Veuve, Sainte
347-404

Sainte Paule naquit à Rome le 5 Mai 347. Son père, Grec d'origine, faisait remonter sa généalogie jusqu'à Agamemnon. Blésile sa mère comptait parmi ses aïeux, les Scipions, les Gracques et Paul Émile. Aux Sainte Paule de Rome, Veuveavantages de la naissance la plus illustre, Paule réunissait des biens immenses, et les plus brillantes qualités de l'esprit. Elle épousa Toxotius de la famille Julia, qu'on prétendait descendre d'Iule et d'Énée ; elle en eut quatre filles et un fils. Jamais mariage ne fut mieux assorti : ces deux époux offraient à la ville de Rome le spectacle édifiant d'une vie très-chrétienne. Cependant la vertu de Paule n'avait pas encore tout le degré de perfection que l'évangile exige ; son cœur se laissa prendre secrètement aux attraits du monde, dont il est si difficile de se défendre au sein des honneurs. Son état était d'autant plus à craindre, qu'elle ne sentait pas le poids de ses chaînes, et que tout contribuait à lui dérober la connaissance de sa pauvreté spirituelle. Dieu, qui nous frappe souvent par miséricorde, choisit la voie des afflictions pour rompre le charme qui séduisait sa servante ; il lui enleva son mari, lorsqu'elle n'avait encore que vingt-deux ans.

Paule, dont le cœur était excessivement tendre, fut inconsolable de cette perte, et sa douleur dura jusqu'au moment où elle résolut de se consacrer à Dieu sans réserve. Cette généreuse résolution fut le fruit des exhortations d'une sainte veuve de ses amies, nommée Marcelle, dont la vie pénitente répandait dans Rome la bonne odeur de Jésus-Christ. Paule leva donc l'étendard de la croix, et se mit à marcher sur les traces du Sauveur. Depuis ce moment, on ne la vit jamais manger avec aucun homme, quelque réputation de vertu qu'il pût avoir, pas même avec les saints évêques qui la dirigeaient dans les voies de Dieu. Sa manière de vivre était des plus austères : elle s'interdit absolument l'usage de la viande, du poisson, des œufs, du miel et du vin; seulement, les jours de fêtes, elle assaisonnait avec un peu d'huile ce qui servait à sa nourriture. Elle se condamna, en punition de son ancienne délicatesse, à coucher sur la terre, qu'elle couvrait d'un cilice. Elle travaillait sans cesse à mortifier sa chair par des jeûnes rigoureux. Dieu seul était l'objet de ses pensées et de ses désirs ; elle s'unissait de plus en plus à lui par de pieuses lectures, et par l'exercice d'une prière continuelle. Persuadée que les communications avec le monde entraînent peu à peu la ruine du recueillement de l'âme, elle renonça à toutes les visites. Il est vrai qu'elle s'entretenait quelquefois avec les personnes qui faisaient profession de piété ; mais la conversation ne roulait jamais que sur des matières spirituelles. Les amusements et les parures mondaines ne furent plus à ses yeux que des choses souverainement méprisables, et indignes d'occuper une chrétienne. Elle employait en aumônes, non-seulement ce qu'elle retranchait de son ancienne dépense, mais encore toute la partie de son bien dont il lui était libre de disposer. Les pauvres n'avaient pas besoin de solliciter sa charité, et elle se fût reprochée qu'une autre main que la sienne eût soulagé leurs misères. « La plus riche succession que je puisse laisser à mes enfants, disait-elle, c'est de leur assurer, par mes aumônes, les bénédictions du ciel. »

L'assemblée de plusieurs évêques d'Orient et d’Occident, convoquée à Rome, en 382, au sujet de quelques dissensions survenues dans l’Église, lui donna occasion de faire une connaissance particulière avec les plus saints d'entre eux. Elle vit surtout saint Paulin d'Antioche et saint Épiphane de Salamine, et ce fut chez elle que ces deux grands évêques logèrent pendant leur séjour à Rome.

L'aînée des filles de notre Sainte, nommée Blésile, étant devenue veuve après quelques mois de mariage, avait formé le dessein de quitter entièrement le monde ; mais la mort l'empêcha d'exécuter sa résolution. Paule, vivement touchée de ce coup, s'abandonna à la douleur la plus amère. Saint Jérôme, qui avait été son directeur pendant les deux ans et demi qu'il avait passés à Rome, lui écrivit une lettre pour la consoler, et en même temps pour la reprendre de son excessive sensibilité. Il lui dit d'abord qu'il a ressenti lui-même toute la grandeur de la perte qu'elle vient de faire ; puis il ajoute que Dieu étant le souverain Maître, il faut se soumettre à sa volonté , toujours sainte et toujours juste, le louer et le remercier de toutes choses ; qu'il est indigne d'une chrétienne de pleurer une personne pour qui la mort n'a été qu'un passage du temps à l'éternité, et que la prolongation de notre exil est le seul objet vraiment digne de nos larmes. «  otre fille, continue-t-il, est morte dans la ferveur de la résolution qu'elle avait prise de se consacrer à Dieu : il y avait plus de quatre mois qu'elle purifiait son âme par la pénitence. N'appréhendez-vous point que le Sauveur ne vous dise : Paule, pourquoi vous fâchez-vous de ce que votre fille est devenue la mienne ? Vos larmes sont une révolte contre ma providence ; elles m'outragent. Je sais qu'une mère peut donner quelque chose à la nature ; mais une douleur excessive déshonore la religion, et fait décrier la vie monastique. Blésile elle-même s'afflige, autant que le peut permettre son heureux état, de vous voir offenser Jésus-Christ. Ne m'enviez pas ma gloire, vous crie-t-elle du haut du ciel. Je suis ici avec la Mère de Dieu, et dans la compagnie des Anges et des Saints. Vous pleurez de ce que j'ai quitté le monde, et moi j'ai compassion de votre exil, où vous êtes exposée à de grands dangers. » Paule apprit enfin à triompher de sa faiblesse, et à retracer en elle le portrait de la femme forte. Elle perdit encore, en 397, Pauline sa seconde fille, qui avait épousé saint Pammachius. Pour Eustochie, qui était la troisième, elle resta vierge, et ne quitta jamais sa mère. Cependant notre Sainte ne pouvait plus supporter la vie tumultueuse de Rome, depuis qu'elle avait goûté les douceurs ineffables de la contemplation ; tout son désir était d'aller vivre dans un désert, où son cœur ne fût plus occupé que de Dieu. Enfin, son attrait pour la solitude ne faisant que croître de jour en jour, elle résolut, pour le suivre, de quitter sa maison, ses biens, ses amis, ses enfants mêmes, quoiqu'elle fût la plus tendre de toutes les mères : mais la seule idée de cette séparation réveilla toute sa tendresse, il lui semblait qu'on lui arrachait les entrailles. Une âme ordinaire aurait sans doute succombé à une tentation aussi délicate : notre Sainte s’éleva, par l'héroïsme de sa foi, au-dessus des sentiments de la nature : et plus son sacrifice lui coûtait plus elle en désirait la consommation. Elle ne croyait pas que ses enfants, à l'éducation chrétienne desquels elle avait pourvu, dussent s'y opposer.

Elle partit donc pour s’embarquer, étant suivie de son frère, de ses amis et de ses enfants, qui tous tâchaient, par leurs pleurs, de vaincre sa constance. Quand elle fut dans le vaisseau, son fils Toxotius, encore enfant, fondait en larmes, et la conjurait, en lui tendant les bras de dessus le rivage, de ne le point abandonner. Les autres, à qui la douleur avait ôté l'usage de la parole, ne s'exprimaient que par leurs soupirs : mais Paule, toujours inébranlable, lève les yeux au ciel, et ne regarde plus le rivage, de peur d'y rencontrer des objets capables de lui déchirer le cœur. Cependant le vaisseau part, et fait voile vers l'île de Chypre. La Sainte fut retenue dix jours à Salamine par saint Épiphane. De Chypre, elle passa" en Syrie. Qu'il était édifiant de voir cette femme, accoutumée à être portée en litière par des eunuques, faire de longs et pénibles voyages sans aucun appareil extérieur !

Elle visita avec beaucoup de dévotion les cellules des plus célèbres solitaires d'Égypte, de Syrie, et tous les lieux consacrés par l'accomplissement des mystères de notre salut. Le gouverneur de la Palestine lui avait fait préparer à Jérusalem un palais magnifiquement meublé ; mais elle ne voulut point y loger, et alla se renfermer dans une pauvre cellule. La vue des monuments sacrés de notre rédemption la fit entrer dans les plus vifs sentiments de ferveur. Prosternée devant la vraie croix, elle adorait le Sauveur, comme s'il y eût encore été attaché. Étant entrée dans le saint sépulcre, elle baisait la pierre qui en avait fermé l'ouverture, et encore plus le lieu où le corps de Jésus-Christ avait reposé. A son arrivée à Bethléem, elle visita la caverne de Bethléem.

Enfin, le moment où la Sainte devait aller recevoir la récompense de ses vertus, arriva. Elle répétait souvent dans sa dernière maladie, et surtout dans son agonie, quelques versets des psaumes qui expriment un ardent désir d'être uni à Dieu dans la Jérusalem céleste. Elle mourut le 26 Janvier 404, après avoir fait le signe de la croix sur sa bouche. Elle était âgée de près de 57 ans, et elle en avait passé vingt à Bethléem. Des évêques la portèrent à l'église sur leurs épaules; d'autres suivaient avec des flambeaux et des cierges : d'autres conduisaient les troupes qui chantaient les psaumes. On l'enterra au milieu de l'église de la Grotte de Bethléem, le 28 Janvier.

On voit encore son tombeau auprès de celui de saint Jérôme; mais il est vide. L'épitaphe envers latins que ce Père y avait fait graver, et que l'on trouve à la fin de sa lettre, est totalement effacée.

SOURCE : Alban Butler : Vie des Pères, Martyrs et autres principaux Saints… – Traduction : Jean-François Godescard.

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