Au début du synode sur les laïcs,
le 4 octobre 1987, le Saint-Père béatifie trois jeunes laïcs martyrs, dont
Pierina Morosini. Pierina (diminutif familier de Pierrette) naît en 1931
dans une petite ferme de Fiobbio di
Albino, hameau d’une centaine d’âmes à une
demie-heure de marche de la commune d’Albino, dans le diocèse de Bergame en
Lombardie (Italie). Pierina est l’aînée d’une famille qui comptera 9 enfants.
Son père est veilleur de nuit dans l’usine de filature d’Albino, appartenant à
M. Milly Honeger, un protestant. Pour arrondir sa maigre paye, il cultive un
petit lopin de terre et de bois. Sa femme, Sara, l’ange du foyer, met au premier
plan l’éducation religieuse de ses enfants. Très bien préparée en famille,
Pierina reçoit la confirmation à six ans et fait sa première communion à sept
ans. Le père, malade, ayant été mis à pied par son patron, Pierina ne peut pas
aller plus loin que l’école primaire malgré son désir et, ayant pris des leçons
de couture, elle devient ouvrière tisseuse dans la filature de coton Honeger.
(La région, à l’époque comporte beaucoup d’usines textiles.) Elle est respectée
par ses compagnes dans ses convictions religieuses, ce qui n’est pas si courant
à l’époque. Quand elle arrive devant sa machine à tisser, elle commence son
travail par un signe de croix. C’est une bonne ouvrière, ponctuelle, aimable
avec tous, peu bavarde, réservée. A l’heure de la pause, elle va prier. Elle
assiste tous les jours à la messe de grand matin et communie. Si ses parents ou
ses amies l’exhortent à dormir un peu plus, elle répond : « Je ne peux pas
rester un seul jour sans communion. Sans Jésus dans le cœur, je ne peux pas
vivre. Quand j’ai communié le matin, je n’ai plus de peur, je me sens forte. »
Elle vit pauvrement car son salaire est le seul pour toute la maisonnée, hormis
l’appoint que fournit sa mère en gardant d’autres enfants avec les siens. Son
habit est toujours le même, à la maison comme à l’usine, en été comme en hiver :
tablier noir, gros bas de laine tricotés par elle-même, sabots de bois. Dans la
ferme familiale isolée au milieu des arbres, pas d’électricité ni d’eau
courante.
Le grand événement qui marque sa
vie est le pèlerinage à Rome en avril 1947 pour la béatification de
Maria Goretti, la petite martyre de la pureté.
Elle est choisie pour y aller comme déléguée de l’Action catholique des
benjamines dont elle s’occupe. Depuis 1942, l’Action catholique a lancé une
‘‘croisade pour la pureté’’. Pour ce pèlerinage auquel elle tient malgré sa
pauvreté, elle veut se mettre en fête. Elle troque son éternelle robe noire
contre une blanche prêtée par sa tante et ses sabots contre une paire de
souliers demandée à une amie. C’est une semaine entière de fête pour celle qui
n’a jamais quitté sa région. A Rome, elle est enthousiasmée par les cérémonies
et lorsqu’elle voit le Pape et assiste à la béatification, elle se croit au
ciel. Elle dit à ses amies: « Comme je voudrais faire la mort de Maria Goretti ! »
Elle le répétera souvent ensuite. Ses compagnes lui disent qu’elle est folle,
mais elle répond : c’est un moyen d’aller plus vite au ciel. Elle sera exaucée
dix ans plus tard…
Elle songe à la vie religieuse,
mais on lui fait comprendre qu’il faut rester pour aider sa mère financièrement
et pour l’éducation des plus jeunes. A l’occasion d’une hospitalisation pour
deux accidents de travail, elle fait connaissance avec l’aumônier des Sœurs, le
Père Luciano Mologni, capucin. Il devient son directeur de conscience et quand
il sera muté à Bergame, elle ira le voir une fois par mois. Ayant découvert
qu’elle ‘‘peut devenir une sainte sans devoir entrer au couvent’’ elle s’ouvre
avec encore plus d’amour à la vie paroissiale, à l’Action catholique et à
l’apostolat pour les vocations sacerdotales. Par exemple, elle quête de maison
en maison des châtaignes pour les séminaristes pauvres. Elle fleurit l’église.
Dans sa chambre, elle a mis un tableau de Maria Goretti avec un petite
veilleuse. Entre les mains de son directeur, elle fait des vœux privés de
pauvreté d’abord, puis de chasteté et d’obéissance.
Pour aller à l’usine, distante de
4km, il y a une demie-heure de chemin par un sentier muletier escarpé et le plus
souvent solitaire. Un jour, des camarades provoquent un certain Julien Schena,
chômeur de vingt ans, déjà connu par les gendarmes. Ils lui disent en voyant
passer Piérina : « On te donnera 5000 lires si tu réussis à l’avoir. » A
plusieurs reprises, il se poste sur son chemin et lui fait des avances qu’elle
repousse fermement. Excédé, il finit un jour par la saisir par le bras. Elle se
débat, mais il la jette à terre. Pierina saisit une pierre pour se défendre ;
c’est lui qui s’en empare et la frappe avec. Elle lui dit : « Prend mon crucifix
dans ma poche (de tablier). » Il s’en saisit mais le jette aussitôt. Il la
frappe encore et la blesse à la tête tandis qu’elle lui dit : « Je te
pardonne. » Puis, il la déflore sans pouvoir toutefois accomplir son acte
entièrement. Il se sent comme impuissant et dira plus tard : « Elle était plus
forte que moi. » De la force que donne l’Eucharistie et la grâce! Puis il la
rejette de côté pour cacher son forfait, mais on l’a vu. Pierina a le crâne
fracassé et le chapelet qu’elle disait en chemin encore à la main. On l’emmène
inanimée, remuant seulement la tête de droite et de gauche. Deux jours après,
elle meurt sans avoir repris connaissance. Immédiatement, un pèlerinage
s’organise autour de la tombe de cette nouvelle Maria Goretti. Jean-Paul II,
faisant allusion à ses marches à pieds quotidiennes, conclut poétiquement par
ces mots : « Ses pas ne se sont pas arrêtés pour autant, ils continuent à
indiquer un sentier lumineux pour tous ceux qui sont attirés par les combats
évangéliques. »
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