Rictrude,
d'une des plus illustres familles de l'Aquitaine, naquit
en Gascogne vers l'an 614. Sa piété la rendit infiniment plus
recommandable que sa naissance et ses richesses. Elle fut mariée
à Adalbaud, un des principaux seigneurs de la cour de Clovis II.
De ce mariage sortirent quatre enfants, que leur bienheureuse
mère éleva dans les sublimes maximes de la perfection, et qui
sont présentement honorés d'un culte public dans l'Église. C'est
ainsi que des parents vertueux attirent les bénédictions du ciel
sur toute leur famille.

S. Amand ayant été
exilé dans la partie méridionale de France, Rictrude eut
occasion de le voir et de l'entretenir. Elle ne fut pas
longtemps à s'apercevoir que c'était un homme véritablement
rempli de l'esprit de Dieu. Elle se mit sous sa conduite, afin
d'apprendre de lui la manière la plus parfaite de servir le
Seigneur. Toutes ses pensées n'eurent plus que le ciel pour
objet, surtout après la mort de son mari. Adalbaud fut assassiné
par des scélérats en revenant de Flandre en Gascogne. Sa
sainteté a été reconnue par l'Église, qui l'honore au mois de
février.
Rictrude était
encore jeune lorsqu'elle devint veuve. Clovis II lui proposa de
passer à de secondes noces, et d'épouser un de ses favoris. Mais
elle refusa constamment de se prêter aux propositions du roi,
qui lui permit à la fin de recevoir le voile des mains de S.
Amand.
Il y avait
quelque temps que, par l'avis du même saint, elle avait fondé
une abbaye d'hommes dans la terre de Marchiennes, au diocèse
d'Arras. Lorsqu'elle fut devenue veuve, elle en fonda une de
filles dans le même endroit. On l'élut supérieure de la
communauté, qu'elle gouverna pendant quarante ans. Elle portait
le cilice, jeûnait presque continuellement, et donnait beaucoup
de temps à la prière et aux veilles. Sans cesse elle soupirait
après les biens invisibles ; chaque jour elle travaillait à
purifier son cœur par le détachement de toutes les choses
créées; la vivacité de son amour lui rendait insipides toutes
les consolations humaines, et elle désirait avec ardeur le
moment où, affranchie des liens du corps, elle irait se perdre
dans le sein de Dieu. Ce fut pour vaquer plus librement à ses
exercices de piété, qu'elle se démit de la supériorité quelque
temps avant sa mort, qui arriva le 12 mai 688. Elle était âgée
de soixante-quatorze ans. Son corps, renfermé dans une châsse
fort riche, est chez les Bénédictins de Marchiennes
a.
On lit son nom dans divers calendriers locaux et
monastiques. Il y avait anciennement en Flandre un grand nombre
d'églises et d'autels dédiés sous son invocation. Dans l'église
de Saint-Ame à Douai, on voit, dans la chapelle de Saint-Mauront,
la statue de sainte Rictrude entre plusieurs autres de la même
famille.
SOURCE : Alban Butler : Vie
des Pères, Martyrs et autres principaux Saints… Tome III. – Traduction :
Jean-François Godescard. |