Rien n’est
assurément plus mystérieux que le culte des anges dont les origines
plongent dans la nuit des temps. Nous
savons
que si les anges se présentèrent aux hommes comme des messagers de
Dieu, ils sont avant tout, de purs esprits qui se déploient
dans une dimension étrangère à notre espace, sans être soumis à la
durée ni au rythme du temps. L’ordinaire de la vie immortelle de ces
créatures personnelles, pour parler comme Jésus, est de contempler
sans cesse la face du Père qui est aux cieux,
bonheur dont ils s’éloignent par amour de Dieu et des hommes, pour
porter la parole de l’un aux autres. « Ange, dit saint
Augustin, désigne la fonction non pas la nature. Tu demandes
comment s’appelle cette nature ? Esprit. Tu demandes la fonction ?
Ange. D’après ce qu’il est, c’est un esprit, d’après ce qu’il fait,
c’est un ange. »
Tout au long de
l’Ancien Testament, les anges sont présents pour instruire,
protéger, réconforter et conduire les hommes. Après l’expulsion de
nos premiers parents, l’ange à l’épée flamboyante interdit l’entrée
du Paradis terrestre.
Un ange consola Agar dans le désert.
C’est un ange qui arrêta le bras d’Abraham prêt à immoler Isaac.
Avant que Sodome fût détruite par le feu du ciel, un ange fit sortir
Loth et sa famille de la ville.
Le patriarche Jacob vit en songe des multitudes d’anges monter et
descendre l’échelle qui allait de la terre au ciel.
Dieu envoya un ange pour conduire à travers le désert les Hébreux
vers la Terre Promise.
Elie fut réconforté dans le désert par un ange.
Le Nouveau
Testament est aussi tout rempli du ministère des anges. L’ange
Gabriel fut le messager du mystère de l’Incarnation auprès de
Zacharie
et de Marie.
Un ange fut préposé à instruire saint Joseph de ce mystère
et à l’assister dans sa vocation de père nourricier.
Un ange annonça la naissance du Messie aux bergers de Bethléem et
des multitudes d’anges chantèrent dans le ciel de Noël.
Des anges servirent Jésus après sa victoire sur la triple tentation,
après le jeûne au désert,
et un ange le réconforta lors de son Agonie, dans la nuit du jardin
des Oliviers.
Des anges furent envoyés par Dieu pour annoncer la Résurrection du
Sauveur aux saintes femmes,
à Marie-Madeleine.
Des anges, enfin, introduisirent les Apôtres après l’Ascension.
Dans son enseignement, Jésus parla souvent des anges comme les
auxiliaires à la fin du monde,
et il parla des anges gardiens.
L’Eglise
primitive, comme le Seigneur, est assistée par les anges dont l’un
fait échapper les Apôtres des mains des Saducéens,
et dont un autre délivre saint Pierre de la prison d’Hérode.
Un ange conduisit le centurion Corneille vers saint Pierre,
un autre sauva saint Paul d’un naufrage.
Saint Paul, dans ses épîtres, et saint Jean, dans l’Apocalypse,
enseignèrent bien des choses sur les anges.
Or, l’Ecriture ne
nous a révélé les noms que de trois d’entre les anges :
Gabriel qui veut dire « la force Dieu », Raphaël « Dieu
guérit », et Michel « Qui est comme Dieu ? » L’Eglise les
célèbre aujourd’hui tous les trois ensemble, mais,
traditionnellement, le 29 septembre est la fête de saint Michel
archange. En effet, le martyrologe hieronymien
célèbre, au 29 septembre, « à Rome, au sixième mille, sur la voie
Salaria, dédicace de la basilique de saint Michel. »
La seule
signification du nom du saint archange Michel nous indique le rôle
qui lui est échu depuis le commencement jusqu’à la fin des temps. A
la tête des armées célestes, il rejeta Lucifer des cieux, au moment
de ce grand déchirement où s’ouvre le porche tragique de l’histoire
; Lucifer qui, oubliant son état de créature, ne veut pas servir les
desseins de Dieu, est repoussé par la victorieuse question de Michel
: Qui est comme Dieu ?
La force de saint
Michel archange ne procède pas de la cuirasse ou des armes
étincelantes que notre impuissance à représenter les réalités
spirituelles lui attribue, mais de son amour de Dieu qu’il proclame.
Cet amour que les bons anges ont pour Dieu ne consiste pas seulement
à vouloir l’adorer, le servir et lui plaire, mais aussi, et
peut-être surtout, à se mettre au service de l’homme, en sachant
que, par le mystère de l’Incarnation du Verbe divin, cette créature
moins parfaite que lui, lui deviendra supérieure. Il faut en
convenir, même si l’on peut considérer que les anges sont membres du
Christ, qu’ils ne le sont pas aussi parfaitement que les hommes,
puisqu’ils n’ont pas avec lui cette identité d’espèce et cette
solidarité en vertu desquelles la grâce s’écoule du Christ en nous,
d’un mouvement en quelque sorte naturel.
De plus, n’ayant pas péché, ils n’ont pas eu besoin de la Rédemption
et la grâce leur a été conférée indépendamment du sacrifice du
Sauveur. Dieu nous dit, affirme saint Jean Chrysostome : « Je
commande aux anges, et toi aussi par les prémices (le Christ). Je
suis assis sur le trône royal, et toi aussi par les prémices.
‘Il nous a ressuscités avec lui, est-il écrit, et assis avec
lui à la droite du Père’.
Les chérubins et les séraphins et toute l'armée céleste, les
principautés, les puissances, les trônes et les dominations
t'adorent à cause des prémices. »
Si, à la seule
question de saint Michel, les cieux s’ouvrirent pour laisser choir
Lucifer et ses démons éternellement maudits, la lutte, bien loin de
se terminer, devint comme le moteur de l’histoire et saint Paul,
dans un texte fameux, nous rappelle ces combats terribles que ne
cessent de se livrer les puissances invisibles autour de nos âmes.
Si saint Michel archange fut, avant l’origine des temps, le chef des
cohortes célestes, il est raisonnable de croire qu’il est encore et
jusqu’à la fin du monde, le stratège de cette guerre implacable où
nous sommes engagés. « Toutes les fois, dit saint Grégoire le
Grand, qu’il s’agit d’une œuvre de merveilleuse puissance, c’est
Michel que l’on nous dit envoyé, pour que son intervention même et
son nom nous donnent à entendre que personne ne peut faire ce que
Dieu seul a le privilège de faire. L'antique ennemi, qui a
désiré par orgueil être semblable à Dieu, disait : J'escaladerai
les cieux, par-dessus les étoiles du ciel j'érigerai mon trône, je
ressemblerai au Très-Haut. Or, l'Apocalypse nous dit qu'à la fin
du monde, lorsqu'il sera laissé à sa propre force, avant d'être
éliminé par le supplice final, il devra combattre contre l'archange
Michel : Il y eut un combat contre l'archange Michel. »
Si vous pensez
que les temps sont mauvais et que nous sommes affrontés à de
formidables systèmes qui, s’arrogeant le droit de réviser la Loi
divine, veulent emprisonner les âmes pour les rendre incapables de
vivre avec Dieu en esprit et en vérité, qui pourriez-vous
mieux appeler à votre secours que saint Michel archange ? La sublime
question qui nomme l’Archange, Qui est comme Dieu ? ne
s’adresse pas au seul Lucifer, ni même à ses seuls anges, elle
s’adresse aussi à chaque homme et, singulièrement, aux chefs des
peuples.
Si l’affreuse
bête de l’Apocalypse dont les exploits funèbres remplissent les
derniers temps, recule devant l’archange saint Michel, ce n’est
point seulement parce qu’il crie sa formidable question, mais parce
qu’il est lui-même cette question. Vous aussi, à son imitation,
devenez cette question redoutable qui terrasse les démons ; criez-la
aux ténèbres répandues sur le monde, par votre attention à la parole
de Dieu, par votre stricte observance et par votre pratique
cultuelle. Criez-la en appliquant votre intelligence à la vérité
révélée que l’Eglise vous enseigne, en soumettant votre volonté aux
commandements divins que l’Eglise vous rappelle, en nourrissant vos
vies des grâces que le Seigneur vous a préparées et que l’Eglise
vous distribue.
Vous demandez que
saint Michel vous protège et vous voulez gagner avec lui le combat
contre les puissances démoniaques, alors battez-vous avec ses armes
en étant, à la face du monde de ceux qui proclament que nul n’est
comme Dieu. Sachez-le bien, vous ne vous battez pas, quoi qu’il
puisse vous en paraître, contre des hommes, sous leurs systèmes
immondes qui offensent la face du Tout-Puissant ; ce sont les démons
qui agissent et ceux-là, vous n’en serez pas vainqueurs par des
discours, par des suffrages électoraux, par des finesses
diplomatiques ou par les armes du monde, mais par la pénitence, la
prière, le sacrifice et l’observance.
Puissent vos
cœurs s’ouvrir largement au mystère de l’archange saint Michel de
sorte qu’il vous aide à devenir plus droits, plus forts et plus
purs, témoins incorruptibles de la vérité divine qui demande notre
aveu.
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