Si la vie de Jésus, dès le début de
sa vie publique fut semée de souffrances, celle de sa Mère le fut dès la
naissance de l’enfant Dieu. En effet, « quand
les
jours de leur purification furent accomplis, selon la loi de Moïse, Joseph et
Marie portèrent Jésus à Jérusalem, pour le présenter au Seigneur » (Lc. 2,
22).
Cet acte de respect envers la
Loi — qui devait être un moment de joie et de bonheur ! — va devenir pour Marie
un moment de souffrance, car la rencontre avec le vieillard Siméon va être
l’occasion de la première grande peine — la première épée — pour le Cœur
immaculée de la Vierge Marie notre Mère.
« Siméon les bénit, et dit à
Marie, sa mère : Voici, cet enfant est destiné à amener la chute et le
relèvement de plusieurs en Israël, et à devenir un signe qui provoquera la
contradiction, et à toi-même une épée te transpercera l'âme, afin que les
pensées de beaucoup de cœurs soient dévoilées » (Lc. 2, 34-35).
Siméon, bien entendu, n’avait
aucune intension de blesser le Cœur de Marie, mais, poussé par l’Esprit Saint il
a prophétisé : “une épée te transpercera l'âme”. Et celle-ci ne sera que
la première d’une longue série.
Plus tard, un autre événement
viendra de nouveau bouleverser et attrister le Cœur de Marie : la fuite en
Égypte.
Quelque temps après la naissance de
Jésus, des Mages — guidés par une étoile mystérieuse — sont venus d’Orient pour
lui rendre hommage et lui apporter des présents.
Cette visite va être de nouveau
occasion — ou cause — de peine pour Marie, car « lorsque les Mages furent
partis, voici, qu’un ange du Seigneur apparut en songe à Joseph, et lui dit :
“Lève-toi, prends le petit enfant et sa mère, fuis en Égypte, et restes-y
jusqu'à ce que je te parle ; car Hérode cherchera le petit enfant pour le faire
périr”. Joseph se leva, prit de nuit le petit enfant et sa mère, et se retira en
Égypte. Il y resta jusqu'à la mort d'Hérode, afin que s'accomplît ce que le
Seigneur avait annoncé par le prophète : “J'ai appelé mon fils hors d'Égypte” »
(Mt. 1, 13-15).
Ainsi, dans le Cœur de notre Mère
céleste, une nouvelle épée était profondément enfoncée.
Puis, bien plus tard, une nouvelle
épée, la troisième, viendra tourmenter ce cœur si aimant et si pur : la perte de
Jésus au Temple de Jérusalem.
« Lorsque Jésus fut âgé de
douze ans, ils y montèrent, selon la coutume de la fête. Puis, quand les jours
furent écoulés, et qu'ils s'en retournèrent, l'enfant Jésus resta à Jérusalem.
Son père et sa mère ne s'en aperçurent pas » (Lc. 2, 42-43).
Cet enfant qui était certainement
très docile et toujours obéissant va donc commettre une “faute” qui ébranlera à
jamais le Cœur si doux et si aimant de sa Mère et celui de son père adoptif :
rester à Jérusalem, alors que ses parents retournaient à Nazareth, le croyant en
compagnie d’autres familiers.
Mais il n’en est rien et, l’ayant
cherché partout, ils ne le trouve pas et décident de revenir à Jérusalem.
« Au bout de trois jours — raconte
saint Luc —, ils le trouvèrent dans le temple, assis au milieu des docteurs,
les écoutant et les interrogeant. Tous ceux qui l'entendaient étaient frappés de
son intelligence et de ses réponses. Quand ses parents le virent, ils furent
saisis d'étonnement, et sa mère lui dit : Mon enfant, pourquoi as-tu agi de la
sorte avec nous ? Voici, ton père et moi, nous te cherchions avec angoisse. Il
leur dit : Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas qu'il faut que je
m'occupe des affaires de mon Père ? » (Lc. 2, 46-49)
Chose étonnante, Jésus ne va pas
s’excuser d’avoir causé des soucis à ses parents, mais les interpeller,
gentiment, mais fermement : “Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas
qu'il faut que je m'occupe des affaires de mon Père ?”
Marie sa Mère, venait pourtant de
lui demander, le cœur angoissé : “Mon enfant, pourquoi as-tu agi de la sorte
avec nous ?”
Mais Jésus, comme Il l’affirmera
plus tard, « n’est pas venu appeler des justes, mais des pécheurs » (Mt.
9, 13).
Ses parents étaient des justes et
n’avaient donc pas besoin du “soin” de ses paroles ; par contre, ces docteurs de
la loi, imbus de leurs personnes et vaniteux comme des paons, avaient, eux,
besoin des “soins” de Jésus : il était venu pour eux et pour tous les autres qui
à leur suite, on besoin de la médecine divine.
Plus de vingt ans plus tard, le
Cœur de Marie va saigner d’une façon terrible, inexprimable : son Fils
Bien-Aimé, après avoir fait tant de bien, après avoir annoncé la “Bonne Nouvelle
du Royaume”, va être fait prisonnier, jugé sommairement et condamné à mort : la
mort sur une croix. Ce sera la quatrième épée plantée dans son Cœur maternel.
Après l’inique sentence de Pilate,
Jésus prends sa croix et commence son douloureux chemin vers le Calvaire…
« Il était suivi d'une grande
multitude des gens du peuple, et de femmes qui se frappaient la poitrine et se
lamentaient sur lui. Jésus se tourna vers elles, et dit : Filles de Jérusalem,
ne pleurez pas sur moi ; mais pleurez sur vous et sur vos enfants » (Lc. 23,
27-28).
Même si les Évangiles ne le disent
pas, il est plus que probable que Jésus ai rencontré sa Mère sur ce douloureux
chemin. Même si aucun dialogue ne s’est établi entre eux, leurs regards ont
certainement parlé davantage que ne peuvent dire des mots… Que de souffrances
dans ces deux cœurs unis dans la même souffrance et dans le même amour
rédempteur !
Mais, les souffrances de Marie
n’étaient pas encore finies : d’autres épées allaient encore venir blesser son
Cœur…
Jésus arrive enfin en haut de la
montagne du sacrifice. La croix déposée à terre, reçoit ce corps meurtri et
exsangue.
Une fois la victime clouée sur le
gibet, la croix est levée puis callée à son emplacement… Jésus souffre
énormément et sa Mère aussi… Elle est là, impuissante devant cette vision
épouvantable qui blesse profondément son cœur de Mère.
Ne pouvait-Elle pas s’exclamer :
“Regardez et voyez s’il y a une
douleur semblable à la mienne !”
« Près de la croix de
Jésus — raconte saint Jean qui y était — se tenaient sa mère et la sœur de sa
mère, Marie, femme de Clopas, et Marie de Magdala. Jésus, voyant sa mère, et
auprès d'elle le disciple qu'il aimait, dit à sa mère: Femme, voilà ton fils.
Puis il dit au disciple : Voilà ta mère. Et, dès ce moment, le disciple la prit
chez lui » (Jn. 19, 25-27).
Puis, après un dernier soupir où il
remit son esprit au Père, Jésus expira.
Le sabbat était proche : il fallait
descendre Jésus de la croix… Son corps blessé et à peine reconnaissable est
déposé sur les genoux de Marie… Elle pleure… son Cœur saigne… sa souffrance est
indicible… Une nouvelle et douloureuse épée blesse son Cœur maternel… Combien
vil est le péché qui transforme ainsi le corps d’un Dieu en une blessure
mortelle ! Ô Mère, comment peux-tu encore nous aimer, nous qui avons été la
cause de tant de souffrances, de tant blessures ?
Puis, ce corps qui git sur les
genoux de Marie doit être inhumé… Cette tâche ingrate et douloureuse est
l’affaire des quelques amis fidèles :
« Le soir étant venu, arriva un
homme riche d'Arimathée, nommé Joseph, lequel était aussi disciple de Jésus. Il
se rendit vers Pilate, et demanda le corps de Jésus. Et Pilate ordonna de le
remettre. Joseph prit le corps, l'enveloppa d'un linceul blanc, et le déposa
dans un sépulcre neuf, qu'il s'était fait tailler dans le roc. Puis il roula une
grande pierre à l'entrée du sépulcre, et il s'en alla. Marie de Magdala et
l'autre Marie étaient là, assises vis-à-vis du sépulcre » (Mt. 27, 57-61).
Ainsi disparaissait aux yeux de
Marie le corps du Fils qu’Elle avait tant aimé, qu’Elle aime toujours et qu’Elle
aimera à jamais : ce sera là la dernière épée plantée dans son Cœur si aimant et
si doux.
L’apôtre Jean, “le disciple que
Jésus aimait”, était là et il raconte ce qu’il a vu, ce dont il fut un
témoin privilégié :
« Nicodème, qui auparavant était
allé de nuit vers Jésus, vint aussi, apportant un mélange d'environ cent livres
de myrrhe et d'aloès. Ils prirent donc le corps de Jésus, et l'enveloppèrent de
bandes, avec les aromates, comme c'est la coutume d'ensevelir chez les Juifs.
Or, il y avait un jardin dans le lieu où Jésus avait été crucifié, et dans le
jardin un sépulcre neuf, où personne encore n'avait été mis » (19, 39-41).
***
Prière
“Ô ma Mère, Mère si affligée,
quelle douleur d’être séparée de ton Fils bien-aimé ! Le perdre, c’est tout
perdre !
Au retour du
sépulcre qui renferme le corps de Jésus, on peut supposer, comme saint
Bonaventure, que tu est passée devant la croix : tu t’es arrêtée et et tu fus
ainsi la première à l’adorer.
Tu pleures, et
tous ceux qui t’entourent pleurent avec toi.
Nous ne voulons
pas te laisser pleurer seule. Permets-nous d’unir nos larmes aux tiennes. Jésus
lui-même, à cause de l’immense amour qu’il te porte, veut nous voir compatir à
tes douleurs plus encore qu’à ses souffrances”. |