Saint
Grégoire-le-Grand eut
trois tantes du côté paternel. Elles firent toutes vœu de virginité,
et se consacrèrent aux exercices de la vie ascétique dans la maison
du sénateur Gordien, leur père. Leurs noms étaient Tarsilla,
Émilienne et Gordienne. Les deux premières renoncèrent au monde le
même jour, et tendaient à l'envi l'une de l'autre à la perfection.
La ferveur et la charité les unissaient encore plus intimement que
les liens du sang. A force de s'exciter mutuellement à la vertu,
elles firent de grands progrès dans la vie spirituelle. Elles
étaient si détachées de la terre, si attentives à mortifier leurs
sens, si fidèles à la grâce, qu'elles paraissaient ne plus vivre
dans un corps mortel.
Gordienne fit
également vœu de virginité et partageait les mêmes exercices ; mais
les rapports qu'elle entretenait au-dehors affaiblirent sa ferveur,
et elle prit insensible ment du goût pour le monde ; en sorte
que le Seigneur ne régna bientôt plus dans son âme. Tarsilla et
Emilienne, qui s'apercevaient de son changement, en conçurent une
vive douleur. Elles lui firent des représentations, qui furent
accompagnées des plus tendres marques d'affection et de charité.
Gordienne y parut sensible, et promit de se corriger. Mais elle
retomba bientôt dans les mêmes défauts;
elle ne pouvait même cacher le dégoût qu'elle avait pour le silence,
la retraite et les exercices de piété. Sa tiédeur empêcha l'effet
que devaient produire les discours et les exemples de ses sœurs, et
lorsque la mort les lui eût enlevées, elle abandonna le genre de vie
qu'elle avait embrassé volontairement : exemple terrible des dangers
du monde, et des suites funestes qu'entrainent la négligence dans le
service de Dieu !
Tarsilla et Émilienne marchèrent toujours avec courage dans les
voies de la perfection ; aussi méritèrent-elles de recevoir la
couronne de gloire promise à la persévérance. Nous apprenons de
saint Grégoire, que Tarsilla eut une vision où le saint Pape Félix,
son oncle, lui apparut, lui fit voir la place qui lui était préparée
dans le ciel, et lui dit : « Venez, je vous recevrai dans le séjour
de la gloire. » Elle tomba malade le lendemain. Pendant son agonie,
ayant les yeux levés au ciel, elle s'écria tout à coup : «
Retirez-vous, faites place, voici Jésus qui vient à moi. » Après
avoir achevé ces paroles, elle expira le 24 de Décembre. Son
assiduité à la prière lui avait durci la peau des genoux, et il s'y
était formé un calus. Elle apparut à sa sœur Emilienne, et l'invita
à venir célébrer l'Epiphanie avec elle. Emilienne tomba malade, et
mourut le 5 Janvier. Ces deux Saintes sont nommées dans le
martyrologe romain, le jour de leur mort.
La mort des
Saints est précieuse devant le Seigneur.
Mourir de la mort des Saints, est le plus grand triomphe d'une âme
sur l'enfer : c'est le spectacle le plus intéressant pour la cour
céleste ; c'est le sujet de la joie la plus vive pour les anges.
Quoi de plus capable que la pensée de cette bienheureuse mort pour
nous consoler, nous soutenir dans nos peines, nous détacher du
monde, et nous faire mépriser ses faux biens ? On ne peut lire sans
émotion le récit de celle d'Alphonse III, duc de Modène ; on y
reconnaît tous les traits qui caractérisent la mort des Saints.
Alphonse quitta la souveraineté et renonça au monde, pour se faire
Capucin. On fut étonné de son amour pour la pénitence et pour la
contemplation. Lorsque son dernier moment fut arrivé, il parut si
tranquille, si rempli de joie, d'humilité et de résignation,
enflammé d'un désir si ardent d'aller à Dieu, si brûlant de charité,
que les personnes même du monde lui portaient envie, et regardaient
comme rien le sacrifice qu'il avait fait, en comparaison du bonheur
qu'il lui avait procuré. Si nous voulons mourir comme les Saints,
vivons comme eux, soyons détachés du monde, ne nous laissons point
éblouir par ses prétendus biens, que toutes nos actions portent
l'empreinte de la charité divine et des autres vertus chrétiennes.
SOURCE :
Alban Butler : Vie des Pères, Martyrs et autres principaux
Saints… – Traduction : Jean-François Godescard. |