S. Ubaldo,
issu d'une famille noble, naquit à Gubbio, ville de
l'État ecclésiastique. Il fut élevé dans le séminaire de Saint
Marien et de
Saint-Jacques, et il y fit de grands progrès dans la
littérature sacrée et profane. L'étude des
divines
Écritures eut toujours pour lui beaucoup de charmes. Lorsqu'il
fut en âge de penser à un établissement, on lui proposa des
partis considérables, mais il les refusa tous, parce qu'il avait
résolu de passer sa vie dans le célibat. ;
Dieu le préserva de
la contagion du vice, et le fortifia contre les mauvais exemples
de plusieurs de ses compagnons d'étude. Ne pouvant à la fin
supporter certains abus qu'il voyait tolérer, il quitta le
séminaire de Saint-Marien et de Saint-Jacques, et entra dans
celui de Saint-Second, où il acheva ses études.
L'évêque de Gubbio,
qui eut bientôt connu son mérite, le nomma prieur du chapitre de
sa cathédrale, afin qu'il pût réformer plusieurs désordres qui
régnaient parmi les chanoines. Ubaldo se prépara à cet important
ouvrage par le jeûne, la prière et d'autres exercices de piété.
Il gagna d'abord trois des chanoines qui paraissaient mieux
disposés que les autres, et leur persuada de vivre avec lui en
communauté. Leur exemple ne tarda pas à faire impression sur
tout le chapitre.
Ubaldo alla quelque
temps après visiter des chanoines réguliers renommés pour leur
sainteté. Ils étaient dans le territoire de Ravenne, et avaient
pour instituteur Pierre de Honestis, homme de grande
vertu. Le saint passa trois mois avec eux, pour bien connaître
la discipline qu'ils observaient. Il prit leur règle, qui lui
parut fort sage, l'apporta à Gubbio, et vint à bout de la faire
suivre par tout son chapitre.
La maison canoniale
et le cloître ayant été consumés par un incendie, il regarda cet
événement comme une occasion que Dieu lui présentait de se
décharger de son prieuré, et de se retirer dans quelque
solitude. Il- prit sa route vers le désert de Font Avellane. Il
y trouva Pierre de Rimini, auquel il communiqua le dessein qu'il
avait de quitter le monde. Mais ce grand- serviteur de Dieu lui
dit que son dessein était une tentation, et l'exhorta fortement
à retourner à son église, pour continuer d'y faire du bien, en
suivant sa première vocation. Ubaldo revint à Gubbio, où il
rétablit les bâtiments de son chapître, qui devint plus
florissant que jamais.
L'évêque de
Pérouse étant mort en 1126, notre saint fut élu d'une voix
unanime pour remplir son siège. Il n'en eut pas plus tôt appris
la nouvelle, qu'il alla se cacher dans un lieu fort retiré, en
sorte qu'il fut impossible de le découvrir. Après le départ des
députés de Pérouse, il se rendit à Rome. Il s'y jeta aux pieds
du pape Honorius II, le conjura avec larmes de le dispenser d'accepter
l'épiscopat, et employa les raisons les plus pressantes pour
obtenir cette grâce. Honorius se laissa fléchir, et lui accorda
ce qu'il demandait. Mais il le nomma lui-même évêque de
Gubbio
en 1128, et donna ordre au clergé de la ville de procéder à son
élection suivant la forme ordinaire. Il fit la cérémonie de son
sacre au commencement de l'année suivante.
Le nouvel évêque parut animé d'un esprit vraiment apostolique.
Mort au monde et à lui-même, il vivait dans une entière
mortification de tous ses sens. Il était infatigable dans les
travaux de la pénitence et dans ceux du ministère épiscopal ;
sobre, humble, sincère, plein de compassion pour tout le monde.
Mais entre les vertus qui le caractérisaient, on distinguait
principalement la patience avec laquelle il supportait les
injures et les affronts. En voici un trait :
Pendant qu'on
réparait les murailles de Gubbio, il arriva que les ouvriers
empiétèrent sur la vigne du saint. Il leur représenta doucement
le tort qu'ils lui faisaient, et les pria de cesser.
L'inspecteur des travaux ne lui répondit que par des insultes ;
puis, le poussant avec brutalité, il le fit tomber dans un
monceau de mortier. Le bon évêque se releva en silence, et se
retira sans faire la moindre plainte. Mais le peuple demanda
qu'on lui fît justice, en bannissant le coupable, et en
confisquant ses biens. Il était si animé, qu'Ubaldo, pour tirer
l'inspecteur des mains des magistrats, fut obligé de dire que la
connaissance de cette affaire lui appartenait, et que lui seul
devait en être le juge. Les esprits se calmèrent alors un peu.
Le coupable, touché de repentir, déclara lui-même qu'il se
soumettrait à toutes les peines qu'on lui indiquerait, dût-il
lui en coûter la vie. Toute la vengeance du saint se termina à
lui donner un baiser de paix, et à prier Dieu de lui pardonner
la faute dont il s'agissait, ainsi que toutes celles qu'il
pouvait avoir commises.
Ubaldo oubliait le
soin de sa propre vie, dès que quelques-uns de ses diocésains se
trouvaient en danger. Ayant appris un jour qu'il s'était élevé
une sédition dans la ville, que 1 on avait pris les armes avec
fureur, et que déjà il y avait eu beaucoup de sang répandu, il
courut à l'endroit où étaient les combattants ; il se jeta entre
eux, et tomba au milieu des épées nues. Les mutins le croyant
mort, quittèrent aussitôt les armes, s'abandonnèrent à une vive
douleur, s'accusèrent tous d'être les meurtriers de leur évêque.
Le saint, après avoir remercié Dieu de la cessation du tumulte,
calma les frayeurs du peuple, en assurant qu'il était non
seulement plein de vie, mais qu'il n'avait pas même reçu de
blessure.
L'empereur
Frédéric Barberousse venait de prendre et de saccager
Spolète.
Il menaçait Gubbio
d'un semblable traitement. Le saint, qui avait une tendresse de
père pour son troupeau, alla au-devant
du vainqueur, désarma sa colère, et obtint de lui la grâce de
son peuple.
Les deux dernières années de sa vie ne furent qu'un tissu de
maladies cruelles qu'il supporta avec une patience héroïque. Le
jour de Pâque de l'année 1160, il fit un effort pour se lever et
pour dire la messe. Il prononça même un discours sur la vie
éternelle. Au sortir de sa cathédrale, on le transporta dans un
appartement qu'il avait auprès de l'église de Saint-Laurent. Il
y resta jusqu'à la fête de l'Ascension, pour se préparer à la
mort. Il se fit ensuite reporter à l'évêché, où il continua
d'instruire son clergé et son peuple, qui venaient le visiter et
lui demander sa bénédiction. Enfin, ayant reçu les sacrements de
l'Église, il mourut le 16 mai 1160.
Les habitants des
provinces voisines assistèrent à ses funérailles, et furent
témoins de plusieurs prodiges qui s'opérèrent à son tombeau. Ce
spectacle remplit tous les cœurs d'une tendre dévotion, et y
ranima les plus vifs sentiments de christianisme. L'esprit de
charité étouffa les divisions et les animosités. On oublia les
injures reçues, et l'union fut rétablie entre les villes que de
longs différends avaient aigries les unes contre les autres.
Le saint avait eu
dès son vivant le don des miracles. Il avait guéri plusieurs
malades par ses prières, et par la vertu du signe de la croix.
Cependant un aveugle s'étant adressé à lui dans l'espérance de
recouvrer la vue, il ne lui accorda point ce qu'il demandait. La
vue du corps, lui dit-il, serait préjudiciable à votre âme.
Souffrez cet aveuglement temporel, qui sera récompensé dans le
ciel de la claire vision de Dieu. L'aveugle, content de cette
réponse, ne le pria plus de lui rendre l'usage de la vue.
SOURCE : Alban Butler : Vie
des Pères, Martyrs et autres principaux Saints… – Traduction :
Jean-François Godescard. |