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JOURNAL SPIRITUEL

 

1944

Transformations mystiques
2

« Bergère de Jésus... »

Ma fille, tu es mon palais, le richissime tabernacle où j’habite. Ma fille, reine du martyre, reine de l’immolation. Reine oui, parce que ton martyre est supérieur à tout autre martyre et immolation. C’est pour cela que tu es reine. Ma fille, ma belle colombe, étoile étincelante, c’est par ton éclat et ta pureté que tu attires les âmes et les conduis à mon divin Cœur...

Courage, ma petite bergère ! Quand tu seras au ciel, on t’invoquera sous le titre de Bergère de Jésus et sous tous les titres sous lesquels je t’ai appelée.

(...)
Après midi, je me suis sentie plongée dans une nuit obscure. Il me semblait que mon corps et mon âme tremblaient, comme s’il s’agissait d’une branche souffle par le vent. Les yeux de mon âme, et non pas ceux de mon corps, fixaient le ciel, sans savoir comment. Mon esprit s’exclamait : “Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonnée ?” À cette exclamation, d’en-Haut, sont descendus sur moi, divers reflets, comme des reflets d’un soleil radieux. Ces reflets venaient, comme des flèches, me pénétrer le cœur et l’âme; ils me donnaient la force de supporter ma grande frayeur.[1]

« Mon âme vivait la tempête... »

(...)
Mes souffrances sont diverses. À certaines heures mon esprit vogue dans l'air, toujours plongé dans d’épouvantables ténèbres, sans trouver un endroit où il puisse se reposer un peu. Je veux sortir, je veux m’en aller, rejoindre le Ciel ; mais je ne le vois pas, je ne le trouve pas : pour le moment il n’existe pas. Jésus et la Petite-Maman n’y sont pas; ils n’entendent pas le cri qui les appelle, ne voient pas l’anxiété et le martyr de ce pauvre esprit. O mon Dieu, tout est perdu !

O Jésus, pourquoi tant de souffrance ! Le Ciel n’existe-t-il pas ? N’y a-t-il plus d’âmes à sauver ? Tout a cessé d’exister.

O Jésus, je suis toujours votre victime, je crois en votre existence ! Je crois au Ciel où vous habitez et qui m’attend pour vous y aimer et vous y louer.

(...)
Tristes heures, tristes jours de mon existence... Heures terribles de grande confusion... Mon âme avait des fracas de tempête...

(...)
Mon Dieu, quelle destruction! Devant moi une épouvantable montagne: je ne peux y monter, je ne peux pas non plus revenir sur mes pas.

Tout à coup je me suis retrouvée à genoux, les yeux tournés vers le Ciel et j’invoquais les noms de Jésus et Marie. J’ai crié fort du plus profond de mon âme mais mon cri n’est pas arrivé là-haut : il se dispersait contre les rochers de la montagne, il s’imbibait dans mon sang et dans mes chairs lacérées par les épines, pour mourir avec moi.

(...)
Le démon ne me tourmente pas de ses assauts, mais avec des artifices et des paroles scandaleuses. Il vient tout près de moi comme pour m’agresser, mais il ne me touche pas. Il me menace en me disant :

— Je dois détruire ton corps.

Et il ajoute beaucoup d’attitudes dégoûtantes.

— Pèche quand tu veux et comme tu veux !

Et faisant semblant d’être très content, il applaudit, danse et continue ses ricanements.

— Regarde : Dom Umberto et le médecin ne reviendront plus ici ; ils t’ont abandonnée ; ils te croyaient une innocente alors que tu n’es qu’une...

Et il m’appela de tous les pires sobriquets. Avec d’autres ricanements il ajoute :

— Ils ont été interdits de venir ici.

— Mon Jésus, le père du mensonge ne me laisse pas. Il est mon ennemi, mais le votre aussi. J’ai besoin de quelqu’un qui me soutienne. Donnez-moi courage. Ne me laissez pas commettre le péché. Je suis très pauvre, donnez-moi vos richesses; je suis dans l’obscurité, donnez-moi votre lumière. Je suis à vous, Jésus, je vis pour les âmes.

(...)
Mon agonie se transforme. O quelle horreur, quelle horreur, terrible horreur !

Mon Dieu, que m’arrive-t-il maintenant ? Mon âme est morte ; tout ce qui m’appartenait est mort. La mort de mon pauvre corps a été causée par les misères, la méchanceté, les crimes honteux. Sans âme, sans vie, sans rien, comment puis-je encore être là ? À qui appartiennent cette douleur et cette agonie ?

Jésus, je ne sais pas !... O, quelle triste confusion ! C’est presque du désespoir. O mon Jésus, ô Petite-Maman, qu’en sera-t-il de moi, si vous ne venez pas à mon aide ? Si vous, vous me manquez, qui pourra me soutenir. Sang de Jésus, douleurs de Marie, soyez ma force dans ce martyre, car si j’y suis, c’est par amour pour vous, pour l’amour des âmes. Je ne peut pas me complaire de la mort de mon âme ; j’ai envie de me révolter contre vous ! Je pense aux condamnés à l’enfer ! Combien plus pénible ne sera-t-il pas d’être condamnée pour toute l’éternité ! [2]

« Je détruirai ton corps... »

Nouveaux assauts du démon : cette nuit il est venu animé d'une grande fureur...

— Je détruirai ton corps. Tu peux vivre aussi bien des plaisirs, que d’amour. Il est bien plus agréable de pécher. Je t’entraînerai dans les plaisirs.

Ensuite, en ricanant :

— Tu vois ? Dom Umberto et le médecin ne reviendront plus ici: ils en ont été interdits.

Et il ajoutait des sobriquets indécents.

Le démon, quelquefois, a dit la vérité.[3] Depuis quelques jours j’avais le pressentiment que l’on avait interdit le Père Umberto de venir me voir...

La lutte contre le maudit s’est prolongée pendant longtemps... Je suis restée exténuée de tant lutter.

(...)
Le matin suivant, quelques heures après la Communion, en voyant les miens manger des mets qui me plaisaient, j’ai ressenti une grande nostalgie, presque insupportable, de m’alimenter.[4] Mais je suis restée silencieuse, offrant à Jésus le sacrifice et la nostalgie des aliments, pour ceux qui n’ont que du désir pour le péché et s’alimentent de choses qui offensent Jésus.

Un coup douloureux

Il était déjà tard quand j’ai eu des nouvelles qui confirmaient mes pressentiments. Mon Dieu, quelle profonde blessure dans mon cœur! On ne me le dit pas, mais j’ai été convaincue que le Père Umberto avait été interdit de venir jusqu’ici. Pour moi-même, j’ai dit : “Que la volonté du Seigneur soit faite! Bénie soit ma croix !”

J’ai pu lever mes mains et réciter le “Magnificat”, comme action de grâces.

Acceptez, mon Jésus, encore cette offrande.

Une force inexplicable envahit mon cœur: je voulais chanter des hymnes de louange et d’actions de grâces. J’ai récité les prières du soir avec beaucoup d’enthousiasme et beaucoup d’énergie. Et puis ce furent des larmes, beaucoup de larmes autour de moi. J’ai adressé quelques paroles de réconfort, mais cela ne servit à rien. À côté de moi je voyais se creuser une sépulture pour ma sœur et c’était moi qui la creusait.

C’est moi, mon Jésus, qui suis en train d’ensevelir Deolinda, mais involontairement.

Et mon cœur saignait au profondément.

O Jésus, ô Petite-Maman, que tout cela soit par amour pour vous et pour les âmes ! Que je reste seule, que tous m’abandonnent; mais Vous, ne m’abandonnez pas ! J’ai confiance, j’ai confiance en Vous.[5]

« J’ai tout confié à Jésus... »

(...)
Une crainte m’a envahie. Avec les pressentiments que j’avais eus et qui s’étaient réalisés, et qui me faisaient tant souffrir, j’ai attendu le curé avec anxiété, pour voir s’il me disait avoir reçu l’ordre de ne plus me donner Jésus. Il est venu ; il ne m’a rien dit, mais la crainte continue. N’y aura-t-il que cela ? On m’a tout enlevé, sauf Vous, ô Jésus ! Tenteront-ils de le faire ?
[6]

O mon Dieu, je mérite tout cela à cause de mes méchancetés et de mes misères ! Je suis sûre, mon Jésus, que s’ils procèdent de la sorte, vous y suppléerez d’une autre façon: je le sais bien, je ne vis que pour Vous.

Un prêtre est arrivé de Mogofores[7] avec une famille. Cela me fut bien difficile ! De nouvelles épines m’ont blessée, car celui qui comprenait si bien mon âme, n’est pas venu. J’ai cherché à cacher ma douleur par un sourire. J’ai expliqué mes pressentiments ; on m’a répondu en voilant le plus possible la vérité, mais j’ai tout compris. En prenant congé de lui, je ne sais pas expliquer la profonde douleur que j’ai ressentie. J’ai expérimenté une grande nostalgie de celui que la bêtise des hommes m’avait enlevé. J’ai tout confié à Jésus, pour tous j’ai demandé son pardon et son divin Amour.

Volonté de mon Dieu, combien je te désire et combien je t’aime !

Je me suis sentie plus forte, et ainsi j’ai pu couvrir, par mon sourire la douleur qui broyait mon âme...[8]

« Que de leçons tu donnes au monde !... »

Donne aux âmes ce que je te donne; donne aux âmes ta vie intime avec moi. Que de beautés, que de leçons tu donnes au monde !

Bénie de mon Père, dépositaire de tout ce qui est divin ; puissante en tout, mais de tous les pouvoirs qui concernent les âmes...

O auxiliatrice des pécheurs, aide-les, lave-les dans le sang de ta douleur, purifie-les dans la plaie de ton cœur, plaie qui saigne uniquement pour eux et pour moi !... [9]

« Mon nom parcourt le monde... »

Je dicterai ce qui se passe dans mon âme pour obéir, non pour satisfaire mes désirs.[10]

J’ai toujours devant moi l’énormité de mes misères passées et je crains toujours de nouvelles chutes.[11] Quelle horreur, de voir toujours ce que j’ai été ! Comment puis-je, moi qui ne suis que misère, dire quelque chose de bien ? Elles sont bien tristes ces pensées et ces craintes! Ma confusion augmente, me voyant les mains vides... Je me mets en présence de Jésus sans rien, rien. Mon Dieu... sans vie pour pratiquer le bien, et sans amour pour vous aimer ! Pour aimer et pratiquer le bien, la vie est trop courte, et je ne la sens pas, je ne l’ai pas. Au contraire, dans l’attente de venir à Vous, ô Jésus, pour vous aimer et vous louer éternellement, même une heure devient une éternité ! Comment puis-je rester ici ? Ma vie qui appartient à je ne sais qui s’est enfouie là-haut et de là contemple le lieu où elle a laissé ce pauvre corps... elle lutte et souffre d’une manière que je ne sais même pas exprimer.

De dedans sortent des ondées de feu, feu qui brûle même ma langue. Souvent je demande un peu d’eau pour mes lèvres, pour  dire d’étancher ma soif. Impossible ! Les ardeurs ne cessent pas et je demande que l’on me donne de l’eau que je ne peux même pas avaler. Combien souffrent les damnés !...

Je continue d’entendre au loin les horreurs de la tempête. Je sens des cœurs révoltés contre moi: ils tentent d’effacer mon nom, ils tentent d’étouffer tout ce qui existe en moi, tandis que moi, entre ces quatre murs, je souffre l’indicible. Mon nom parcoure le monde comme une feuille que la tempête entraîne. Je suis poursuivie et calomniée.

Par qui, mon Jésus ? Vous le savez ! C’est pour toi et pour les âmes.

Je sens mon corps comme une masse de sang; je le sens comme étant placé entre deux montagnes qui l’écrasent jusqu’à le faire disparaître, le réduisant à néant...

Mon Dieu, tout est mort, tout est perdu ! Et je suis seule, sans personne ! Entre ces deux montagnes, lieu de supplice, il ne rentre pas un rayon de lumière. Qui pourra me secourir ? Il n’y en a aucun. S’il en était possible et que moi je l’ai pu, j’irais à genoux demander de l’aide, afin que l’on libère celui qui souffre tant et duquel je souffre l’absence. Combien je recevrais davantage de lumière et combien davantage d’amour recevrait Jésus ! Si je le pouvais, j’irais à genoux devant ceux qui me font souffrir, pour leur demander :

En quoi vous ai-je offensé, pour que vous me traitiez de la sorte ?...

(...)
Cela s’est passé la nuit, je ne sais pas à quelle heure : j’ai vu à côté de moi la Vierge de Fatima. Elle ne s'est pas arrêtée, Elle ne m’a pas parlé. J’ai compris qu'Elle était venue pour me montrer que je ne me trouvais pas seule, qu'Elle était à côté de moi.

Libérée ainsi de la tristesse qui m'habitait, une douce suavité m'envahit et alors j’ai pu m'endormir. [12]

« Ma fille, ta douleur est ma consolation... »

(...)
Aujourd’hui, après la Communion je me suis épanchée avec mon Jésus pour soulager ma souffrance, mais sans en attendre une réponse. Jésus incendia d’abord mon cœur avec de vives flammes... Puis il a commencé à me parler :

Ma fille, ta douleur est ma consolation ; tes larmes sont pour moi des sourires, par la réparation que tu me procures. Courage pour toutes les épreuves passées et celles qui peuvent encore venir. Tu as ton Jésus. Que peux-tu craindre ? Tu as la grâce et la force pour combattre et vaincre des milliers de mondes. La victoire est mienne, seulement mienne. La gloire est mienne et de ceux qui en ont le soin de mes affaires.

J’ai acquis une nouvelle force et mon âme a été réconfortée. Cela a peu duré et je suis retombée dans la souffrance habituelle...[13]

« Restez, Jésus, cela me suffit... »

(...)
Hélas ! le vendredi et le premier samedi arrivent: deux jours pendant lesquels vous me parlez. O Jésus, il a tant d’âmes qui ne connaissent rien de tout cela et qui pourtant vous aiment et sont saintes ! Moi aussi je pourrais vous aimer sans toutes ces choses. Eussé-je ma volonté ! Mais je ne l’ai pas et je ne la veux pas.
[14] C’est toujours pénible pour moi quand vous me donnez des consignes à transmettre à d’autres personnes. Quelques fois je l’ai fait, mais très peu. Je ne suis pas capable de le faire sinon par écrit et si par un quelconque motif j’y suis obligée; cela me coûte un énorme sacrifice. Si cela n’est pas indispensable, je ne dis jamais : « Écoute ce que Jésus a dit... », même avec ma sœur, je ne prends jamais cette liberté ; je n’y arrive pas, j’ai honte.

Si le Seigneur se lamente de personnes en général, sans les nommer, quand je dicte, je me sens intimidé, j’aimerais l’occulter en disant le moins possible. Il en de même quand il parle de moi avec louange : Jésus seul sait combien cela me gêne et me fait souffrir.

Il était 14,30 heures quand j’ai entendu des pas. J’ai compris aussitôt qu’il s’agissait de monsieur le Curé. Quand je l’ai vu seul, sans que d’autres l’accompagnent, j’ai tout de suite compris que l’heure de nouvelles épreuves était arrivée.

Il est entré, s’est assit et, avant toute autre chose il m’a demandé qui était mon directeur spirituel, en ajoutant de suite :

Je fais ceci, parce que j’y suis obligé. Cela me coûte beaucoup; mais aie patience : il est nécessaire que je procède ainsi car j’ai reçu de nouvelles consignes, afin que certaines choses soient éclairées. Tu ne peux plus te confesser au Père Umberto. Moi-même je ne peux plus l’autoriser à célébrer la messe dans l’église paroissiale et non plus lui permettre de te porter la communion, sauf s’il me présente une autorisation écrite de l’archevêque.

Je Lui ai répondu :

Nous obéirons, Monsieur le Curé. Béni et loué soit le Seigneur !

Il m’a demandé si je savais pourquoi il s’était rendu chez moi. J’ai répondu que je l’ignorais.

Mais lui, est-il ton directeur spirituel ?

Je me suis confessée à lui deux ou trois fois. Je ne suis pas la seule à le faire. Toutefois, j’avais remarqué qu’il comprenait bien mon âme. Mon confesseur c’est le Père Alberto Gomes et çà vous le savez.

Mais est-il ton directeur ?

Il m’a dirigée. Toutefois il m’a dit qu’il ne voulait en aucun cas s’ingérer ou se substituer à quelqu’un d’autre: c’est-à-dire le Père Pinho et le confesseur. Il ajouta même qu’il était convenable que le Père Alberto soit au courant que je m’étais confessée à lui.

Monsieur le Curé, avec beaucoup de charité m’a dit :

Le Père Umberto peut venir ici te visiter, et peut aussi te conseiller par écrit.

L’interrogatoire terminé, il s’en alla.[15]

À peine monsieur le curé était sorti, qu'une personne de la famille est entrée dans ma chambre, pour me demander s’il y avait du nouveau. En souriant je lui ai répondu :

Ce sont les caresses de Jésus.

Et j’ai continué de sourire pendant toute la conversation. J’avais en moi une telle force que j’aurais été capable de tout accepter avec résignation et joie. Mais cette force devait durer peu de temps. J’ai pu encore dire à ma sœur quelques paroles de réconfort :

Ne t’attristes pas ! Si Dieu est avec nous, qui pourra être contre nous ? Jésus est digne de tout notre amour. Que tout ceci soit en faveur des âmes.

Petit à petit je me suis écroulée sous le poids écrasant de la douleur: le cœur sembla s’arrêter par deux fois et il me semblait que j’allais perdre la vie. Quelques larmes me sont échappées : je les ai offerts à Jésus comme autant d’actes d’amour.

Mon Dieu, par votre grâce, je n’ai aucun attachement au monde, non plus qu’aux créatures. Ce que je souhaite c’est vous recevoir, et peu m’importe que ce soit par un prêtre d’ici ou d’ailleurs. Vous êtes toujours le même, Jésus; vous êtes toujours le Désiré de mon âme. J’ai besoin de lumière et de quelqu’un qui me comprenne, et je suis privée de tout. Que votre volonté soit faite. Restez, Jésus, cela me suffit.

Mon médecin est arrivé et je me suis confiée à lui. Il m’a encouragée comme toujours. En prenant congé il ajouta :

Alors, avez-vous du courage ?

J’en ai, docteur, mais j’ai aussi un cœur pour souffrir ! Si seulement je ne l’avais que pour aimer !...

Le soir j’ai récité le “Magnificat” deux fois...

Je sens, mon Jésus, que mes épreuves ne s’arrêteront pas là. Arrive ce qui doit arriver : restez toujours avec moi. J’ai confiance, j’ai confiance et j’espère en vous.[16]

« Je ne veux pas de vengeance... »

Un jour passe, passe une année, une autre encore, et moi, je me trouve toujours au milieu de souffrances de plus en plus grandes. Je ne sais pas comment peut-on souffrir de la sorte; comment peut-on résister à autant ? Je ne veux pas dire que je souffre, car ce n’est pas moi qui souffre: c’est Jésus qui souffre en moi. Mon âme a laissé la terre, mais continue de ressentir la douleur: elle se sent broyée, détruite...

Mon Dieu, combien coûte cette séparation de l’âme du corps ! Combien coûte de ne pas avoir de vie et de ressentir la douleur ! Tous s’éloignent de moi : je ne sens pas la présence de l’Esprit-Saint ; je ne ressens pas de l’amour pour Jésus. De temps à autre j’ai envie de l’aimer : ce ne sont que des envies; c’est un amour qui naît pour mourir de suite, c’est un feu qui consume, mais qui est éteint; on ne voit aucun signe de flamme. O douleur qui tue l’amour ! O douleur, à qui appartiens-tu et pour qui souffres-tu !

Jésus, je suis sur la cime du calvaire, clouée sur la croix. Ma peur et mon cri ne s’arrêtent pas. Pauvre de moi ! Mais il n’est pas entendu: il est étouffé par le souffle des vents, par la fureur de la tempête qui ne s’arrête pas, qui continue toujours. Il est étouffé par les hurlements de l’humanité révoltée contre moi.

Du haut de la croix je ne peux lever mes yeux vers Vous, ô Jésus ! J’ai honte, j’ai l’impression de ne pas être écoutée de vous...[17] Dans ma détresse, je suis allée jusqu’à demander au docteur si je pouvais m’enfuir dans un endroit où personne d’autre ne me trouve.

Mon Jésus, j’aimerais partir, non pas pour m’enfuir, mais pour être oubliée, pour ne pas être une entrave pour les âmes, pour ne pas causé des troubles, comme le dit quelqu’un. Je ne demande pas vengeance, pour celui qui me fait souffrir. Je souhaite pour eux ce que je souhaite pour moi: abondance de grâces et l’Amour suprême. Ce ne sont pas des paroles sorties uniquement de mes lèvres ; elles viennent du plus profond de mon cœur et de mon âme...

O Jésus, je n’ai jamais cherché à tromper quelqu’un ! Cela ne m’est jamais venu à l’esprit de faire du bien pour être agréable aux créatures et pour passer pour quelqu’un de bien. Mais j’ai eu la tentation de Vous tromper, mon Jésus. Je sais que cela aurait été impossible ; mais vous savez que je ne l’ai pas pensé, que je ne veux pas passer pour ce que je ne suis pas. Grâces à vous je connais ma misère ; je suis mauvaise par ma propre faute, rien que par ma faute. Et par votre grâce, je confesse humblement l’être. Jamais je n’ai pensé me servir de vous pour remédier à mes maux, ni à ceux des miens;[18] mais uniquement pour implorer votre secours et être toujours confiante dans vos moyens... Si seulement je pouvais, Jésus, descendre de mon lit, passer la nuit sur le dur parquet pour faire pénitence et implorer vos divines grâces pour tous ceux qui souffrent à cause de moi ! Si seulement j’étais la seule à souffrir ! Cela me fait beaucoup de peine que ceux qui me sont chers, et ceux à qui je dois tant, pour tout ce qu’ils ont fait pour moi, souffrent eux aussi...[19]

Rappeler ce que le Christ a souffert

(Moments de la Passion)

(...)
À l’aube je me sentais en prison : triste, harassée, épouvantée et honteuse ?

Plus tard, les mains attachées et la tête douloureuse et sanguinolente à cause des blessures de la couronne d’épines, j’avais l’impression d’être conduite par les chemins. Une multitude de curieux me regardait : les uns avec compassion, les autres avec dégoût. J’entendais le tumulte du peuple : un énorme charivari ! Je me sentais seule. J’ai regardé vers Jésus crucifié : je me suis vue enlacée à la croix et j’ai dit à Jésus :

Mon Jésus, qu’importe si tous m’abandonnent, si vous, vous ne m’abandonnez pas ? Si je vous possède et si vous êtes avec moi, je ne suis pas seule.

Dans l’après-midi, je me suis sentie sur la croix: l’âme clouée avec le corps, les deux dans une même douleur. L’âme élevait le regard vers le Ciel : elle n’y voyait que douleur et mort, elle ne pouvait rien dire à Jésus.

Il est venu, il est venu plein d’amour :

Viens, ma fille, folle de douleur et d’amour, viens vers Moi. C’est douleur qui sauve, c’est folie d’amour pour Moi. Si le monde connaissait cette vie d’amour, cette union conjugale[20] de Jésus avec l’âme vierge, avec l’âme qu’Il se choisit pour épouse ! Le monde l’ignore et, comme il l’ignore, il la calomnie, la méprise, la poursuit.

O ma belle colombe, tu es épouse et mère ; mère qui ne cesse d’être vierge. Tu es mère des pécheurs : ils sont les enfants de ta douleur, les enfants de ton sang, sang que tu perds goutte à goutte, enfants de ton amour.[21] Du Ciel, ma fille, tu entendras très souvent les pécheurs t’appeler depuis la terre et t’invoquer du doux nom de mère. T’invoqueront ainsi ceux qui ce verront libérés des mains du démon et reconnaîtront avoir été libérés par toi, s’approchant ainsi de mon divin cœur. Grande douleur, bienheureuse douleur !...

Mon Jésus, combien je suis gênée et confuse ! Si je pouvais occulter tout cela ! Si seulement tout ceci pouvait rester entre Vous et moi ! Cela me rend confuse, en regardant ma misère !

Tu sais déjà que j’ai besoin de ta misère pour cacher ma grandeur. Écris tout cela, écris, ma fille. Si ce que je dis restait dans le secret, cela ne servirait à rien, pour le monde. Mère des pécheurs, nouvelle co-rédemptrice, sauve-les. Jamais il n’y eut et jamais il n’y aura aucune autre victime immolée de cette manière, car jamais le besoin n’a été aussi grand qu’aujourd’hui, mais le monde a tant péché. Dix-neuf siècles se sont écoulés depuis que je suis venu sur la terre, et pourtant j’ai dû susciter une nouvelle âme corédemptrice choisie par Moi pour rappeler au monde ce que le Christ a souffert, ce que c’est que la douleur, ce que c’est que l’amour et la folie pour les âmes. Tu es la nouvelle corédemptrice qui vient les sauver; tu es la nouvelle corédemptrice qui rallume dans l’humanité l’amour de Jésus. Nouvelle corédemptrice qui sera rappelée jusqu’à ce que le monde existe.

Ma fille, tu es le livre sur lequel sont écrites, avec douleur et sang, en lettres d’or, toutes les sciences divines ! Courage, mon aimée, ne crains pas la tempête, ne crains pas le bruit du tonnerre annonciateur des nuages qui font pleuvoir des grâces, de l’amour et de la manne céleste !

Rassasie-toi, ma fille: c’est d’amour et de manne que tu vis. Rassasie-toi afin que tu puisses en distribuer aux âmes.

Merci, mon Jésus !

Je me suis sentie plongée dans l’amour de Jésus avec une telle intensité que, le colloque terminé, je pensais ne pas pouvoir supporter le feu qui me dévorait le cœur...[22]

« La douleur est fille de l’amour !... »

Nuit de douleur, nuit de ténèbres. Le démon est venu... Il m’est apparu sous la forme d’un serpent épouvantable. Il était aussi gros qu’une personne, recouvert d’écailles longues et dégoûtantes. Il s’enroulait de façon à paraître non pas un, mais une montagne de serpents. J’en suis restée troublée...

— Tu es condamnée à l’enfer ! Dis-moi que tu veux les plaisirs; dis-moi que tu veux le péché ! Ou bien tu désistes de ton sacrifice comme victime ou je détruis ton corps et je t’engloutis.

Et en disant ceci, il faisait un mouvement comme pour m’avaler.

Dans les moments les plus désespérés, j’ai demandé l’aide du Ciel... Combien Jésus veille et défend celui qui ne veut pas l’offenser! J’ai été libérée. Bien que la nuit ait été lumineuse, je suis restée dans la plus grande obscurité et dans une tristesse de mort...

Au matin, après la Communion, Jésus m’a parlé avec son habituelle douceur :

Ma fille, colombe aimée, lys blanc, viens et écoute-Moi. L’époux qui aime est fidèle, il confie à l’épouse ses douleurs et ses chagrins. Regarde comme je suis triste ! Mon Cœur est trop blessé. Les pécheurs n’arrêtent pas de le blesser. ils m’offensent toujours davantage par leur malhonnêteté et leur impudicité. Les plaisirs, la chair, la maudite chair ! Même par des prêtres je suis énormément offensé... Ils font désordre, scandalisent tant ! Courage ! Donne-Moi réparation par tes combats contre le démon...

La douleur est fille de l’amour. C’est par la douleur et l’amour que tu donnes vie à mes enfants. Cette douleur et cet amour ne pouvaient être partagés que par une victime à qui il a été donné d’accomplir sur la terre la mission la plus haute et la plus sublime.

Les amis de ma cause portent dans leurs mains l’étendard du triomphe et de la royauté divine.

Courage, ma fille. C’est Jésus qui te le demande: courage ! Je te rends semblable à Moi. Moi aussi j’ai été persécuté. En tous temps, mon Église et ce qui est à Moi ont été l’objet de persécutions. Comment ne devrait pas l’être, maintenant, ma cause la plus chère, la mission la plus difficile ? Courage, mon aimée ! C’est la rage de Satan.

La Petite-Maman est venue ensuite se placer à ma droite. Elle m’a demandé d’être courageuse au nom de son divin Fils :

— Courage, courage, ma fille ! Je te demande, au nom de mon amour et au nom du tien et mon Jésus ! Accepte ; souffre tout. Console son Cœur blessé par les péchés du monde.

Et maintenant je viens confirmer les paroles de mon divin Fils. Tu es reine des pécheurs, tu es reine du monde. Accepte mon très saint Manteau, il est à toi. Enveloppe-toi en lui, mets-le autours de tous ceux qui te sont chers et qui de plus près participent à ta souffrance. En prenant soin de la cause de mon Fils, ils sont chers à ton cœur, au mien et au Cœur de mon Fils Bien-Aimé. Ceux qui se sont associés à ta souffrance, ce sont ceux que nous voulons purifier et sanctifier. Place donc autour de toi tous les pécheurs. Tu peux couvrir le monde entier avec mon Manteau. Il est assez grand pour tous les couvrir. Accepte ma couronne. C’est moi-même qui la pose sur ta tête. Tu es reine ! [23]

Mon Dieu, que je suis gênée ! Comme j’étais petite, mesquine, devant la Petite-Maman !...[24]

« Jésus m’a confié l’Humanité... »

(...)
Comme une colombe qui dans l’obscurité ne trouve pas son chemin, je bats, sur place les ailes liées, ne pouvant ni descendre ni partir, dans la crainte de tomber irrémédiablement. O mon Dieu, qu’en sera-t-il de moi ?...

Ce matin, assez tôt, la douleur que je ressentais en moi était assez grande : la répugnance et la gêne que me causait la vue de tout le peuple qui se préparait, dans l’attente de nouveaux événements, étaient assez fortes.[25] Il me semblait voir des groupes, ici - là, faisant des commentaires.

Mon Dieu, le vendredi m’attend ! Quelle peur ! Tout ce que je ressens et vois, vous est arrivé, Jésus ! Ce sont vos souffrances, celles que vous avez souffertes par amour pour moi !

Mon regard semble pénétrer au plus profond de la multitude qui s’agglutine sur la route. Mon âme ressent tout cela.

Sur le flanc d’une colline, près de l’entrée de la cité, je vois le figuier maudit par Jésus. Plus bas, quelqu’un porte sur la tête une cruche d’eau. Il y a des rencontres et des chuchotements; ils se parlent et se préparent pour de nouveaux événements. Je vois tout, je ressens tout. Combien je souffre en silence ! Le figuier, je me souviens l’avoir vu bien vert; aujourd’hui il est desséché, comme du bois sec pour le feu.

Je ne pensais pas tout à fait à tout cela. Toutefois, sentant que je commençais à revivre ces scènes, je cherchais à me distraire et à faire comme si je ne sentais rien. Efforts inutiles. Ces sentiments se ravivaient de plus en plus dans mon âme. Je faisais des efforts pour ne pas les ressentir, non pas pour fuir la douleur ni la volonté de mon Jésus, mais par peur de me tromper et d’être dans l’illusion. Je me suis toutefois convaincue que je n’étais point dans l’illusion. Jésus, en voyant la peur que j’avais de me tromper, ne pouvait me laisser dans le doute. Personne mieux que Lui ne sait que je ne veux tromper personne...[26]

« Ta douleur, est une douleur de salut !... »

(...)
Jésus est venu et il m’a réchauffée à la chaleur de son divin amour. Il m’a dit :

Ta douleur, ma fille, est une douleur de salut. La mer immense de sang qui ruisselle de ton cœur est un lieu où sont immergés les pécheurs. C’est dans le sang de ta douleur qu’ils sont purifiés.

Tu es une deuxième arche de Noé. Je recueille en toi les pécheurs ; en toi, comme à l’intérieur de cette arche, je rassemble tout pour la vie du nouveau monde. Ta douleur, ton immolation ce sont des douleurs et des immolations davantage pour les âmes que pour les corps. Courage, ma petite fille ! Ne crains rien. La pluie qui tombe sur la nouvelle arche n’est pas de condamnation, mais de salut : c’est une pluie d’humiliations, de mépris et de sacrifices. L’arche n’est pas en danger : elle vogue dans la haute mer. Une fois les flots de la persécution abaissés, le monde verra la richesse du salut que l’arche contenait.

Ma petite fille, ma Mère bénie est avec moi, écoute ce qu’elle a à te dire.

— Ma fille, me voici avec mon divin Fils pour te confier l’Humanité et la renfermer dans ton cœur. La clef reste entre les mains de Jésus et dans celles de ta Petite-Maman. Je t’ai donné mon Manteau et ma couronne de reine : tu as été couronnée par moi. Sois la reine des pécheurs, du monde, choisie par Jésus et par Marie. Aujourd’hui, jour de ma conception Immaculée, nous te confirmons ton pouvoir royal. A partir de ce jour, il est entre tes main s; dirige-le, conserve-le. Conserve-le sur la terre comme tu les conserveras et dirigeras ensuite au Ciel. J’ai choisi ce jour de fête en mon honneur, afin qu’en union avec moi soit fêté ce jour où je t’ai confié l’Humanité...

J’ai senti comme s’ils m’ouvraient le cœur. Après y avoir déposé quelque chose, ils l’ont fermé à clef. Ils l’ont réchauffé. Ensuite je me suis vue entre Jésus et Marie, comme sous une presse : tellement ils me seraient entre leurs divins Cœurs. J’avais l’impression de ne pas pouvoir résister à tant d’amour...

La Petite-Maman a poursuivi :

— Ma petite fille bien-aimée, reçois la vie de laquelle tu vis, reçois la vie du Ciel, reçois-la et donne-la aux âmes.

Puis, Jésus ajouta :

Lys très pur, étoile scintillante qui brilleras nuit et jour, lumière qui guides les pécheurs, lumière et guide de tous ceux qui me suivront et m’aimeront d’un amour très pur et fort, courage, ne crains pas la guerre du monde...

— (...)
O Conception pure, ô Mère de Jésus, conservez mon corps cloué sur la croix, enlacé à la croix !...

J’ai reçu de nouvelles consolations de Jésus et de la Maman du Ciel. Je leur ai fait l’offrande de moi-même, de ceux qui me sont chers et enfin du monde entier, en y incluant ceux qui me font souffrir davantage.

Petite-Maman, je dépose l’Humanité entre vos mains... Sauvez-la. Vous seule le pouvez.

Je me sens si confuse et gênée pour cette offrande du monde. Que pourrais faire ma misère sans votre protection ? O Jésus, ô Petite-Maman, je me consacre à vous, comme le soldat qui veut combattre pour défendre votre royaume ! Je veux lutter et obéir : commandez ! Moi, avec votre grâce, je produirai des fruits, je serai forte. Avec la grâce et la force d’en-Haut, le monde sera sauvé...[27]

Un petit rayon de lumière

Dans la matinée d’aujourd’hui, à cause de ma douleur, je n’ai pas pu faire mes prières, ni me préparer, comme je le dois, à recevoir la Communion.

L’âme se déchirait comme un chiffon usagé ; fil à fil, elle se pulvérisait, se dissolvait...

Même la venue de Jésus ne m’a procurée ni soulagement ni joie. Je suis restée dans le même état d’âme. Je l’ai remercié comme je l’ai pu.

Ensuite, je me mis à lire la correspondance que l’on m’avait confiée. La deuxième lettre que j’ai lue, a fait briller un  petit rayon de lumière dans mon âme. Un poids écrasant qui m’opprimait tout mon être a été soulagé : sans pour autant faillir à la sainte obéissance, le Père Umberto a pu m’écrire pour alléger un peu ma souffrance et me donner quelque lumière au milieu des ténèbres.[28]

Je ne sais comment, dans une impulsion d’amour, j’ai pu me mettre à genoux, lever les mains, réciter le “Magnificat” : prière que je fais toujours quand je reçois de Jésus une attention, soit qu’elle vienne me blesser, soit qu’elle vienne adoucir ma souffrance... Avec ma sœur et mes cousines nous avons chanté des louanges à Jésus-Hostie et à la Maman du Ciel.

Après cela, je suis retombé dans mon lit et retournée sous ma croix bien-aimée. La joie est vite tombée. J’accepte tout comme Jésus le veut. Je ne suis pas habituée à m’abandonner à la joie, mais si je l’étais, je ne me sentirais soulagée que pour peu de temps: tout à coup elle arrive, tout d'un coup elle s’en va. Les mêmes extases meurent comme des choses qui ne me concernent pas.

J’ai passé le reste de la journée plongée dans la souffrance, ressentant dans mon âme l’humiliation par laquelle sont passés les pères Salésiens par ma faute. Pour avoir fait du bien et soulagé une pauvre âme, ils en ont souffert. Mais, comme il est doux de souffrir pour l’amour de Jésus et des âmes !...[29]

« Convertissez-vous, pécheurs !... »

(...)
Je suis fatiguée de tant de souffrances. Le corps s’y prête moins, mais la volonté est prête: elle désire ardemment et veut uniquement la volonté divine.

Ces derniers jours j’ai commencé à ressentir, plus que jamais, et aujourd’hui d’une manière insupportable, le souci de sauver le monde...

Je veux tout le sacrifice, et de bonne volonté je me laisse immoler pour le sauver. Je désirerais avoir en main un poignard pour ouvrir dans mon cœur une plaie si profonde d’où coulerait assez de sang pour écrire sur toute la terre : “convertissez-vous, ô pécheurs, n’offensez plus Jésus ! Le Ciel est si beau ! Et Jésus nous a tous créés pour le Ciel”.

Je désirerais aller à genoux, par étapes, dans toutes les parties du monde, pour laisser bien visibles, sur chaque morceau de terre, écrites par mon sang ces paroles : Pécheurs, convertissez-vous, convertissez-vous !”

Je ne sais pas ce que je dois faire de plus, mon Jésus, pour vous et pour les âmes.

Pendant la nuit j’ai subi les assauts du démon... J’ai vu des abîmes sans fin. Au milieu de nauséabonds détritus se trouvaient de gros serpents et d’énormes crocodiles qui tourmentaient et terrorisaient une multitude que je pense être des âmes qui y étaient tombées. Exténuée par la lutte, et craignant tomber là-dedans, je ne pouvais invoquer Jésus. Et le démon me disait :

— Invoque-moi, dis que tu veux de moi, que tu ne veux plus de Dieu, que tu veux le péché et les plaisirs.

(...)
Je vis les moments les plus terribles. Vers la fin de mon combat, j’ai pu invoquer le Ciel...

Dans le même endroit où se trouvaient les abîmes, j’ai vu apparaître un beau jardin rempli de fleurs de diverses variétés. Elles étaient si belles ! Au milieu de celles-ci tombaient des rayons très brillants, plus brillants que l’or. J’ai contemplé tout cela sans en connaître la signification.[30]

Au même moment, Jésus m’a dit :

Les fleurs de ce beau jardin ce sont tes héroïques vertus. Leurs pétales sont fins, délicats ; leur parfum est attrayant ; les rayons ce sont ceux de mon divin Amour. Ne pleure pas, ma petite fille ; ta pureté ne se salit pas dans les combats livrés contre le démon ; tu en sors chaque fois bien plus pure, bien plus charmante. C’est la réparation que j’exige de toi. Si cette réparation n’avait pas lieu, ils tomberaient dans les abîmes où tu as vu tant et tant d’âmes, s’y tortillant éternellement...[31]

« Je dois veiller et garder... »

Un nouveau tourment pour mon âme, qui me fait souffrir et qui ne me laisse jamais de repos : j’aimerais me cacher dans un coffre, que personne ne connaisse ni ne puisse ouvrir ; j’aimerais m’attacher les bras sur le cœur par un nœud tellement serré que nul ne puisse le desserrer, parce que je veux défendre je ne sais quoi qui m’a été confié et que je dois veiller et garder.

Mon Dieu, je ne sais comment réussir à le défendre, à bien le garder, et à le conserver entièrement. Je me réfugie, ô Jésus, dans votre divin Cœur ; que celui-ci soit le coffre béni qui me garde pour toujours et garde aussi ce qui m’a été confié, et me cause autant de préoccupations ! En lui, je serai bien, je me sentirai sûre. Je ne courrai pas de risques, ni moi ni ce que je dois garder. Gardez-nous pour toujours.

« Celui qui souffre avec Moi; est vainqueur avec Moi »

(Moments de la Passion)

C’est jeudi. Il fait déjà nuit. Le tourment est grand. Tout vendredi qui approche est pour moi une mort.

Je me sens comme si je me trouvais dans un grand banquet de joie, parlant avec celui qui parle et souriant avec celui qui sourit.[32]

Et mon âme, dans une grande agonie, quitte la terre, monte vers le Ciel pour exclamer :

O mon Dieu, qu’est-ce qui m’attend !

Pendant ce banquet de joie, le cœur est broyé, à l’extérieur, maltraité, raillé et méprisé. Tous sourient avec sarcasme dans l’attente de nouveaux événements.

Jésus, je suis votre victime et rien de plus.[33]

« Ton nom sera prononcé avec respect... »

Avant l’aurore je me suis réveillée d’un léger sommeil. Mon Dieu, c’est vendredi. Sur moi tombe une nuit obscure. À chaque moment qui passait, il me semblait cheminer vers la mort; non point comme quelqu’un qui chemine avec amour et joie, mais comme quelqu’un qui va à la mort, et qui ressent la plus grande horreur et la plus grande répugnance.

Plongée dans cette souffrance, l’heure de la Communion arriva. J’ai fait mes demandes à Jésus. Il m’a parlé. J’ai reçu des forces pour pouvoir résister à la douleur et supporter les bousculades, les plaisanteries, les moqueries que je recevais. Je devais tout souffrir en silence, sans mot dire. Je ressentais la douleur de Quelqu’un qui pleurait en voyant tout ce que je souffrais. Et ce Quelqu’un avait un amour de Mère. En silence j’ai uni ma douleur à la sienne.[34]

Jésus est venu et d’une voix douce et tendre, il m’a dit :

Ma fille, uni ton cœur au mien, adoucis-le dans l’amour de mon divin Cœur ; Moi, je radoucis le mien dans le tien. Tu m’aimes ; Moi aussi je t’aime; tu es un écrin de richesse, dépositaire des dons divins. Ma fille, mon ange aimé, ta souffrance sert à embellir le manteau et la couronne que ta chère Petite-Maman t’a confiée... C’est une souffrance de gloire, c’est une souffrance de salut. C’est une mer de martyre ; c’est une mer d’immolation. Ma fille, céleste jardin de divines fleurs, prairie verdoyante qui alimentes les pécheurs ; alimente-les de grâce, de pureté et d’amour ; garde-les, guide-les, bergère divine, bergère choisie par Jésus.[35] Ma fille, maîtresse de la science divine, garde ce qui, cela fait huit jours aujourd’hui, a été déposé dans ton cœur par Moi et par ma Mère bénie : c’est le monde, ce sont les pécheurs... Ma fille, en toi il est écrit tout ce qui est divin. Par toi ils apprendront à aimer ; par toi ils apprendront à souffrir ; par toi ils apprendront à connaître comment Moi, je me communique aux âmes. Ils ne le savent pas, ils ne l’étudient pas et font, de cette manière, souffrir beaucoup mon divin Cœur.

Courage ! Celui qui souffre avec Moi, avec Moi est vainqueur. Ils pleureront des larmes de repentir en voyant que ton nom, maintenant tant décrié, sera glorifié avec Moi et avec ma Mère bénie, sur la terre et dans le ciel...

Quand, il y a déjà quelques années, je te disais que c’était Moi ton directeur, je faisais allusion à ces temps-ci. Ce n’était pas pour mettre de côté ton directeur. Oui, j’avais besoin de lui, uni à Moi, pour te guider et te porter à la hauteur que mon divin amour exige. Je voyais déjà la cruauté et les persécutions des hommes. Courage ! Ton nom, que tu sens souillé, dans peu de temps sera prononcé avec respect et loué avec le Mien.[36]

La garde du trésor caché...

(...)
Je ne sais pas comment vivre. Je suis exténuée par l’effort que je fais pour conserver dans mon cœur ce que Jésus et la Petite-Maman m’a confie.
[37] J’ai l’impression de vivre les bras croisés sur la poitrine, très serrés, pour défendre et protéger [le précieux dépôt].

D’autres fois, je coure comme une folle, pour fouir un considérable assaut.

Il vient sur moi je ne sais quoi. Une multitude innombrable veut me voler ce que j’ai dans le cœur, et moi je fouis comme une folle pour tout cacher. Je veux enrouler autour de moi des chaînes robustes, de grosses chaînes, afin que rien ne me soit volé. Dur tourment pour mon âme : je n’obtiens rien.

Pendant ces heures de souffrance, le démon m’a livré un terrible assaut. J’ai cru qu’il m’avait tout volé; que j’étais restée sans cœur, sans rien. J’étais comme une simple coquille d’œuf qui n’a plus rien à l’intérieur. J’ai senti comme si ce butin avait été porté très loin.

Le démon voulait m’obliger à dire :

— Je ne veux rien garder en moi ; je veux pécher, je veux jouir !

Et il m’affirmait que je péchais...

Rarement j’ai réussi à implorer le secours du Ciel... J’étais dans un bain de sueur, dans une faiblesse indicible.

Enfin, j’ai réussi à clamer :

— Mon Jésus, je n’en peux plus !

L’assaut prit fin, mais je ne pouvais plus bouger. J’étais dans une grande peine en me voyant privée de l’immense trésor que j’avais possédé en moi, et dans la crainte d’avoir péché, je murmurais :

Mon Dieu, mon Dieu ! Et moi je suis dans l’obscurité, sans guide, sans un prêtre à qui me confier ! O Ciel, ô Jésus, ô Petite-Maman !

Et Jésus est venu :

Non, tu n’as pas péché ! Je suis avec toi !

Après quelques instants, j’ai commencé à m’apercevoir que j’avais toujours en moi le riche trésor que le démon affirmait m’avoir volé. Mon âme en ressentit une grande joie et je voulais à tout prix enlacer et baiser cette richesse : j’éprouvais la joie d’une mère qui, ayant perdu son enfant, l’aurait retrouvé. Je ne peux pas expliquer la préoccupation que cela me procure ; étant toujours sur le qui-vive, de peur que quelqu’un me le vole...[38]

« Tu es ma transformée... »

(...)
Le démon mène de terribles assauts contre mon cœur. Il veut y entrer pour me voler la fortune qui lui a été confiée... Je ressens une telle faiblesse que je reste effondrée.

Jésus, c’est pour amour pour vous. Je n’ai pas de force pour respirer ; peu à peu j’ai perdu tout mon sang ; j’ai l’impression d’être moribonde.

J’ai commencé à sentir dans mon âme une paix douce et suave : c’était une paix céleste. C’était comme si je quittais le monde et si j’allais jouir dans le ciel. Je suis restée longtemps comme si je dormais tranquillement, réchauffée par une chaleur qui brûlait dans mon cœur et m’irradia tout entière.

Jésus a commencé à me parler :

Ma fille, tu ne vis pas la vie du monde : tu es détachée de tout ce qui lui appartient. Tu vis du ciel, tu vis de ce qui est divin. Tes sentiers sont les sentiers du Christ : c’est pour cela que tu n’es pas comprise. Ta mission est sublime, mon ange ; c’est la plus riche des missions. Voilà le motif de la haine et de la persécution : haine de la part du démon à cause des âmes que tu lui enlèves; persécution de la part du monde parce qu’il ne comprend pas la vie que tu mènes, parce qu’il ne comprend pas ma Vie dans les âmes...

C’est douloureux pour mon Cœur de voir ta souffrance. Il est nécessaire que les hommes étudient profondément, pour qu’ils puissent comprendre la vie du Christ dans les âmes.

Quand je t’ai créée, je t’ai faite avec la perfection nécessaire pour accomplir la mission la plus sublime. Ainsi j’ai choisi les âmes qui devaient te guider, des âmes qui comprennent, des âmes qui vivent uniquement ma vie, la vie intime avec Moi. Que l’on prenne soin de toi, que l’on prenne soin de Moi. J’aimerais que tous mes disciples étudient cette science divine. Mais ils ne l’étudient pas, ils ne la comprennent pas. Je leur donne les lumières nécessaires et eux, ils cherchent à les éteindre, mais en vain.

En tous temps j’ai eu besoin de victimes, mais maintenant, plus que jamais. Je t’ai choisie pour être immolée en cette époque pendant laquelle l’humanité est plongée dans un immense océan de boue et de vices. C’est ça que tu sens vouloir te voler: le monde. C’est le vice qui mène l’homme ; c’est le vice le voleur de tout ce qui m’appartient.

O bergère, reine du monde, c’est Moi, Jésus, qui t’ai choisie ; c’est Moi qui t’élève aussi haut...

J’ai tout écouté sans mot dire. Il parlait et moi je brûlais dans un feu vivifiant qui m’unissait de plus en plus à son divin Cœur.

O mon Jésus, que pourrais-je vous dire ! Plus Vous me parlez, plus je me rends compte de ma petitesse. Je m’humilie, je m’humilie, Jésus ! J’ai honte pour ma misère et que malgré celle-ci vous veuillez Vous servir de moi pour des choses aussi grandes. C’est Vous qui travaillez, qui Vous faites connaître, c’est Vous qui parlez de votre puissance. Tout vous appartient.

Violette aimée, asile très pur où j’habite ! J’habite en toi sur la terre comme au ciel tu habiteras avec mon Père éternel ; tu es mon Alexandrina transformée en Christ, uniquement en Christ.

Merci mon Jésus, mon Roi d’amour ![39]

« Ma faiblesse est due à la souffrance... »

Avec une telle faiblesse, avec une telle souffrance, pourrai-je rester encore longtemps en cet exil ?

Mon Dieu, si vous le voulez, je résiste à tout.

Ma faiblesse est due à la souffrance, est due à mon vouloir embrasser le monde, et l’embrasser d’un embrassement éternel.

J’aimerais le voir réuni dans une même hymne de louange à Jésus, dans un incendie d’amour divin. Je ne sais pas quoi désirer de plus ; je ne sais pas où me cacher avec lui. J’aimerais voler vers le ciel et emmener le monde avec moi, le monde entier, ne laisser ici aucune créature. Je veux monter avec lui et, une force invincible, ce me semble, me retient ici-bas, cherchant à me le voler. Je ne sais pas ce que cela peut être...

Dans cette anxiété douloureuse de vouloir me purifier et purifier le monde, d’aimer Jésus et de tout faire pour que le monde l’aime aussi, et dans le fait de ne pas savoir comment y réussir pour moi et encore davantage pour l’humanité entière, j’ai commencé à pleurer d’amères larmes, des larmes que seul Jésus, du ciel, peut voir.

J’ai de nouveau offert mon cœur à Jésus et je lui ai demandé de venir y naître de nouveau...[40]

La crèche...

Tous les jours de fête sont pour moi des jours de profonde tristesse. Je m’efforce toujours de consoler ceux qui m’entourent, de me montrer joyeuse : mais c’est une joie feinte. Je regarde Jésus et la Petite-Maman, j’élève ma pensée vers le ciel, et par amour j’accepte la souffrance. C’est par amour que la triste devient pour moi allégresse. Je ne regarde pas la terre, je fixe mon regard dans le ciel : ce n’est qu’ainsi que les épines deviennent des roses, et la souffrance douceur.

À minuit, le soir de Noël, autre était la nuit que j’avais dans mon âme. Des douleurs très aiguës traversaient tout mon corps. Je n’ai pas pleuré, mais j’ai gémi. Cependant, Jésus sait combien j’ai souffert.

J’ai entendu les pétards et le son des cloches.

J’ai demandé que l’on m’apporte la statuette de Jésus enfant. Je l’ai placée sur ma poitrine, je voulais la réchauffer. La chaleur que je lui ai procurée ne fut pas du tout celui que je voulais : j’aurais voulu l’enflammer par un feu d’amour. Je désirais lui dire beaucoup de choses, mais je ne savais pas. Je l’ai serré, doucement, contre ma poitrine, et j’ai continué de gémir. Je suis certaine que Jésus les a acceptés, et ne s’est pas attristé. Personne comme Lui ne voyait combien je souffrais; personne comme Lui ne sait que quand je gémis, c’est par amour; que je gémis, mais seulement quand je n’en peux plus.

Je ne sais pas combien de temps s’est ainsi écoulé. Je sais que je suis passée à une autre vie et que j’ai entendu Jésus dire dans mon cœur :

Je suis né dans la crèche de ton cœur, ma fille. C’est l’Époux qui vient vers son épouse... Reine d’amour, comme je suis bien ici. La crèche que tu m’offres n’est pas grossière comme celle de Béthléem : il est doux de tes vertus. Dans ta crèche, je ne sens pas la rigueur du froid ; j’y suis réchauffé par l’amour le plus pur et le plus brûlant.

Tu es mon étoile, étoile qui guide le monde, comme l’étoile qui alors a guidé les Mages dans leur route vers Béthléem.

Dis à tous, ma fille, à ceux qui ont soin de toi, à ceux qui te sont chers, qui t’aiment et qui sont autours de toi, que je leur donne l’abondance de mes grâces, une ondée de mon amour divin, une place toute particulière dans mon divin Cœur, ainsi que la promesse du Ciel...[41]

« Dans le monde je vois Jésus... »

(...)
O mon Dieu, je cours vers la mort et la mort court vers moi ! Ma tête est torturée ; on corps est défait en morceaux par des terribles martyres: il est une plaie ouverte...

Par la grâce et la grande miséricorde du Seigneur, je ne désespère pas. Je sens l’effet du désespoir, mais je suis calme et sereine, prête à accepter une plus grande douleur, une plus grande purification, un plus grand amour. Ce n’est que par celui-ci que le monde sera sauvé ; ce n’est qu’à l’aide de ces fortes chaînes que je pourrai le capturer.

La vie s’en va. Elle s’en va pour donner la vie ; elle chemine tranquillement pour sauver le monde.

Jésus, donnez-moi la douleur que j’aime, donnez-moi la purification après laquelle j’attends ardemment. Accueillez-moi en vous et en la Petite-Maman.

Écoutez le cri continuel de mon âme; cri d’angoisse par la douleur qu’elle ressent et pour l’anxiété qu’elle a de vous confier le monde. Je souhaiterais le voir dans mes mains pour pouvoir vous l’offrir, comme le prêtre voit dans ses mains l’Hostie consacrée et l’offre au Père éternel.

Jésus, protégez-moi ! Gardez mes angoisses pressantes et immolez-moi comme il vous plaira, afin que je vous donne de l’amour, et avec l’amour, l’humanité. J’aimerais vous tans d’autres choses, mais, comme je ne sais pas le dire, je ne dis rien.

Pendant mes angoisses, Jésus est venu :

Ma fille, ange de la terre, aimable fleur, candide fleur du paradis ! Viens, ma fille, viens recevoir une autre preuve de mes épousailles avec toi, de mon union conjugale.

Ce disant, Jésus prit ma main, m’embrassa, me caressa et me serra doucement contre Lui.[42]

Je suis resté comme plongée dans une mer de délices, dans une mer d’amour. Jésus continua :

Reçois une effusion de mon divin Amour. Reçois-la parce que c’est ta vie, et toi, tu es vie pour les âmes.

Courage, encore un peu: ton ciel est proche. Bientôt ton âme, détachée de la terre, s’envolera vers le ciel comme la blanche et pure colombe vers son nid. Ton nid c’est le ciel près du trône de la Majesté divine, à côté de ma Mère bénie...

Près de ma Mère, ma fille, tu continueras à veiller, gouverner ta possession royale de la terre...

Combien l’humanité t’es débitrice ! Combien te doit le Portugal ! Le monde devrait être détruit... Demande, demande encore prière et pénitence...

Jésus ajouta enfin :

Ce sera en une extase d’amour, dégagée de la douleur, qui tu t’envoleras vers le ciel...[43]

« Ó monde, je deviens folle à cause de toi !... »

En voulant embrasser toute l’humanité il m’arrive de m’exclamer :

O monde, je deviens folle à cause de toi ! Combien je t’aime ! En toi je vois Jésus.

J’aimerais dire tant de choses sur ces angoisses qui me consomment. Comment cela peut-il arriver: aimer le monde, le haïr, vouloir le posséder, vouloir le quitter ?

Mon Jésus, mon Dieu, fixez sur moi votre regard, protégez-moi: ainsi je vaincrai.

L’année allait finir et je n’avais rien à donner à Jésus...

À minuit je l’ai remercié pour tous les bienfaits de l’année et pour tout ce qu’il m’avait fait souffrir. J’ai demandé aux miens de réciter avec moi le “Te Deum”...[44]

 ● ● ● ● ●

NOTES

[1] Journal du 10 novembre 1944.

[2] Journal du 14 novembre 1944.

[3] Cette fois-ci, en effet, le démon dit la vérité. A cette date, le Supérieur des Salésiens envoyait de Lisbonne une lettre interdisant au Père Umberto Pasquale de retourner à Balasar.

[4] Comme toujours, Alexandrina a de la “nostalgie”, mais en aucun le “besoin” de s’alimenter.

[5] Journal du 15 novembre 1944.

[6] Le Président de la Commission des théologiens, qui avait été chargé de s’occuper du cas d’Alexandrina, avait brandi une telle menace.

Le docteur Azevedo a prévenu Alexandrina d’une telle éventualité, mais d’une façon délicate et en soulignant que cela serait presque impossible. Il en parle dans une lettre adressée au Père Pasquale, tout au début de l’éloignement de ce dernier: “J’ai reçu vos informations qui, en partie, correspondent à ce que je pensais. Que le Seigneur soit loué! Ceci vient encore augmenter notre douleur. Notre, car nous voyons aussi maltraitée et peu estimée l’une des plus belles âmes à qui le Portugal et le monde entier seront immensément débiteurs. Pendant toute la tempête, je ne l’ai jamais négligée et je me suis juré de ne jamais l’abandonner, quoi qu’il arrive; y compris si tout le monde se retournait contre elle.

J’obéirai toujours à l’autorité légitime en ce qui ordonne la morale. Mais en matière libre, je ne peux pas, je ne dois pas penser de la même manière.

Seul le Pape est infaillible, et encore en des matières bien déterminées et en des conditions bien précises. J’ai toujours été un misérable, mais il y a une raison à laquelle je dois obéir. Ceci ne veut pas dire que ce n’est pas bien de penser comme pense l’autorité, mais pas toujours, pas toujours.

Alexandrina avait l’intuition de tout ce qui allait arriver. Lors d’une conversation je lui ai dit qu’il pouvait y avoir une douleur bien plus grande: celle d’être privée de la Communion. Elle m’a répondu: “Si cela arrive, je dirai à celui qui me l’annoncera: « Que Dieu soit béni! » Et je prierai pour qui me font souffrir autant.”

Comme vous voyez, nous n’avons rien à craindre...

Cependant, mon bon Père Umberto, vous lettres à Alexandrina, sont indispensables. Elles ne le seront plus dès lors que l’obéissance ne le permettra plus. Deolinda et la malade souffrent beaucoup, mais le Seigneur les soutient. Vous pouvez être franc avec elles; elles le désirent. Elles aimeraient être sûres de vos prières, mais elles veulent accepter, avant tout, la volonté de Dieu...

Ayez l'obligeance d’ordonner la dictée du journal, car Alexandrina a l’intention de vous demander de l’en dispenser. N’y consentez pas... Nous et le monde, nous serions privés de ces merveilles.” (Sans date).

[7] Ville où demeurait le Père Umberto Pasquale, deuxième directeur spirituel de la servante de Dieu.

[8] Journal du 16 novembre 1944.

[9] Journal du 17 novembre 1944.

[10] Le Père Umberto Pasquale lui avait ordonné de continuer à dicter son journal, bien que cela lui coûte beaucoup.

[11] Sainte Thérèse d’Avila, “Vie”: “Plus une âme se trouve élevée dans la vie de Dieu, plus elle se découvre remplie de péchés.”

[12] Journal du 21 novembre 1944.

[13] Journal du 26 novembre 1944.

[14]Pour entrer dans la divine union, ce qui est dans l’âme, que ce soit peu ou beaucoup, petit ou grand, doit tout d’abord mourir, et que l’âme n’en conserve aucun désir, et en soit tellement détachée qu’elle soit comme une étrangère pour tout.” - Saint Jean de la Croix. “La Montée du Carmel”. Liv. I - Chap. 11.

[15] Le Père Umberto Pasquale écrivit à l’Archevêque pour lui exposer comment les choses s’étaient passées.

« Je me permets de vous écrire, non pour justifier ma personne qui n’a aucun intérêt, mais seulement pour éclaircir un événement lié à des faits qui pourraient être sujets à des commentaires, ainsi que pour enlever une marque qui risquerait de les défigurer. La vérité est toujours un bien.

Je viens de recevoir de mon directeur une lettre où il m’est reproché d’avoir confessé dans une localité où je n’y avais pas été autorisé. Voici donc pourquoi cela est arrivé deux fois, si je ne me trompe. Je me suis rendu un jour à Balasar pour m’y reposer un peu. Le curé de la localité devait s’absenter pour raison de cure thermale. Informé de cela, je lui ai envoyé quelqu’un pour demander l’autorisation de célébrer la messe durant cette semaine-là. Heureux de ma démarche, celui-ci me demanda de m’occuper de la paroisse, pendant son absence. Il va de soit, j’imagine, qu’il se dit que je bénéficiais d’une autorisation, car il me demanda, en outre, d’administrer l’Extrême-onction aux infirmes, en cas de besoin (il y avait dans le village un malade grave) ; de procéder aux funérailles, de confesser, etc. S’il agit de bonne fois, je vous fais remarquer que moi aussi, en pensant que “per modum actus” j’avais la permission de le faire avec des prêtres connus, comme je l’ai ici, dans la paroisse de Mogafores. Je m’en suis davantage persuadé de cela quand, à un certain moment, il me demanda de confesser une personne du presbytère. La bonne foi était telle que jamais je n’ai pensé de lui demander quoi que ce soit à ce sujet, et, par ailleurs, lui non plus.

À cette occasion, j’ai confessé deux fois, ce me semble, Alexandrina Maria da Costa, que je connaissais déjà depuis deux mois, et que, sur sa demande, je dirigeais spirituellement, en dehors de la confession, depuis environ un mois. Quand je me suis rendu compte que l’autorisation était nécessaire parce que d’autres personnes, parmi lesquelles des prêtres, me demandaient de les confesser, je l’ai demandée à votre Excellence.

Voici ce qui arrive: sans la prétention de m’attribuer la charge spirituelle de la malade (car le directeur spirituel ne s’impose pas aux âmes); et non plus sans être animé de la moindre volonté d’enfreindre le droit canonique, ce qui serait tout simplement diabolique.

Quant aux ordres reçus de votre Excellence concernant les faits de Balasar, je pense que mon supérieur, à qui j’ai informé en toute vérité, vous a déjà répondu. Je n’ai été informé que de l’interdiction d’assister aux extases du vendredi et, en cela j’ai pleinement obéi. Pour ce qui concerne ce que j’ai écrit au distingué docteur Azevedo, toujours sous le sceau de la confidence et pour aider la vérité, je l’ai écrit avec une bonne intention et je ne peux point me rétracter, même si je devais être jugé par qui de droit. Ce que j’ai écrit, peut-il être démenti, ou jugé sans valeur et erroné ? Sans aucun doute, cela se peut, au même titre que toutes autres opinions ou conclusions sur les faits de Balasar, étant donné que nous ne sommes pas infaillibles. Mais la vérité naît des arguments et de l’étude de l’ensemble des faits et de la personne.

L’ordre reçu de mon supérieur supprime tout contact avec Balasar. Je ne me lamente pas de ce fait ni de personne: j’obéirai parce que dans l’obéissance je vois la volonté de Dieu. Le jour où la vérité se fera, qu’elle soit pour moi ou contre moi, j’en serai très content, mais je porterai pour toujours dans mon cœur sacerdotal le calvaire d’une âme à qui a été enlevée l’aide d’un directeur qui la soulage dans l’indicible souffrance et la guide dans son cheminement si difficile. Si je le pouvais, je me mettrais à genoux devant votre Excellence pour lui demander le retour du directeur (je ne parle pas de mon inutile personne). Veuillez me pardonner pour le temps que je vous ai pris, et le désagrément que j’ai pu vous causer et, je vous demande votre bénédiction.

                          Mogofores, le 4 décembre 1944

                          Père Umberto Pasquale »

Quelques mois après la décision prise par l’archevêque d’éloigner le Père Pasquale, celui-ci écrivit au curé de Balasar pour lui demander s’il ne serait pas possible, en son absence, de le remplacer et de pouvoir, par la même occasion porter la communion à Alexandrina. Il reçut de l’abbé Leopoldino la lettre suivante :

“En réponse à votre lettre, il me déplaît de vous informer que vous, par des ordres supérieurs, ne pouvez exercer aucune fonction dans mon église et paroisse si vous ne présentez pas un document qui prouve qui vous êtes habilité en cet archidiocèse... Commande qui peut... obéi qui doit... Une commission de théologiens, ayant étudié le cas d’Alexandrina, n’y a trouvé rien de surnaturel. C’est pourquoi, les visites de prêtres ainsi que de laïcs doivent cesser afin que l’on fasse silence sur le cas. Si la malade souffre, et je le crois, elle a son directeur spirituel et ce n’est pas moi pour la réconforter et l’encourager au sacrifice. Nous ne devons pas faucher dans le champ d’autrui... Avec mes remerciements. Père Leopoldino.“

[16] Journal du 27 novembre 1944.

[17]L’humanité réduite à l’extrême, semble déjà blessée par la main de la mort. Le Seigneur semble se complaire en augmentant ses peines. Il la tient clouée sur la croix et lui envoie des dards enflammés d’amour.” - Sainte Catherine de Gênes “Dialogues” III-10.

[18] L’une des calomnies contre Alexandrina était de dire qu’elle se faisait passer pour sainte pour “faire fortune”. Les théologiens eux-mêmes, avaient recueilli cette affirmation et l’avaient adoptée. Rien n'est plus faux. Le Père Mariano Pinho, qui a bien connu Alexandrina lors de périodes d’extrême pauvreté, explique dans sa déclaration du 24 avril 1945: “Une autre accusation pour dénigrer le cas de Balasar c’était de dire qu’Alexandrina avait trouvé un moyen de vivre très rentable et qu’avec les sommes accumulées, elle avait acheté diverses parcelles de terrain. Il s’agit là d’une vraie insinuation calomnieuse.”

[19] Journal du 30 novembre 1944.

[20] Voir saint Jean de la Croix “Cantique spirituel”, 22.

[21]Mes petits enfants, vous que j’enfante à nouveau dans la douleur jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous.” Saint Paul. Épître aux Galates: 4-19.

[22] Journal du 1er décembre 1944.

[23] Plusieurs maîtres de la mystique enseignent que dans l’âme chrétienne se produit non seulement la configuration avec le Christ, mais aussi  avec Marie. Celui-ci, et d’autres textes du Journal le confirment.

Sainte Angèle de Foligno, au chapitre 70 de ses “Visions et Instructions”, dit :“Jésus-Christ, Fils de Dieu, m’a présentée au Père et j’ai entendu ces paroles: — O mon épouse et mon amour! O celle que j’ai aimée en vérité, je ne veux pas que tu viennes à moi chargée de douleurs, mais parée de la joie inénarrable. Que la reine revête le manteau royal, puisque voici le jour de ses noces!”

[24] Journal du 2 décembre 1944.

[25] Elle revit les sentiments de Jésus, lors du Jeudi-Saint, à la vue du peuple qui se préparait pour sa crucifixion.

[26] Journal du 7 décembre 1944.

[27] Journal du 8 décembre 1944.

[28] L’inspecteur salésien étant venu à Mogofores pour la vêture des novices, fut assiégé par ceux-ci qui prirent la défense d’Alexandrina. Il décida alors d’alléger le rigoureux interdit, et de permettre au Père Pasquale de reprendre la correspondance interrompue. Il ne faut pas oublier que la servante de Dieu était devenue membre de la société salésienne, comme zélatrice.

[29] Journal du 9 décembre 1944.

[30] Cf. saint Jean de la Croix; “Cantique Spirituel”, strophes 17-18.

[31] Journal du 11 décembre 1944.

[32] Elle se sent comme si elle était présente à la dernière cène de Jésus.

[33] Journal du 14 décembre 1944.

[34] Alexandrina vit la Passion. Elle représente Jésus, et pour cette même raison elle parle à la première personne “Je ressentais...”

[35] Sur ces titres, pleins d’amour et de tendresse, de l’Époux à l’épouse, voir le Cantique des Cantiques, ainsi que sainte Marie Madeleine de Pazzi, sainte Thérèse d’Avila, sainte Gemma Galgani, et bien d’autres saints et saintes. Nous retrouvons ces mêmes titres dans l’œuvre d’Angèle de Foligno: « O fille de la divine sagesse, temple du Bien-Aimé, son temple et ses délices; ô file de la paix, en toi repose la Trinité; en toi est toute vérité; tu me tiens, et je te tiens. » — Angèle de Foligno “Visions et Instructions” - Chap. 27.

[36] Journal du 15 décembre 1944.

[37] Il est à noter qu’Alexandrina ne dissocie jamais les deux noms. Mais il faut observer ici que le verbe est au singulier, car elle voit et comprend que l’action de Marie se confond avec celle de Jésus: le Sauveur c’est Lui.

[38] Journal du 18 décembre 1944.

[39] Journal du 22 décembre 1944.

[40] Journal du 24 décembre 1944.

[41] Journal du 25 décembre 1944.

[42] Il est utile de lire, dans la “Flamme d’Amour” de saint Jean de la Croix tout ce que dit le saint docteur de l’Église à ce sujet. Il n’est pas le seul à en parler. Angèle de Foligno en fait une description très intéressante:

L’autre opération qui révèle à l’âme raisonnable la présence du Dieu tout-puissant, la voici: c’est un embrassement. Dieu embrasse l’âme raisonnable comme jamais père ni mère n’a embrassé un enfant, comme jamais créature n’a embrassé créature. Indicible est l’embrassement par lequel Jésus-Christ serre contre Lui l’âme raisonnable ;indicible est cette douceur, cette suavité. Il n’est pas un homme au monde, qui puisse dire ce secret, ni le raconter, ni le croire, et quand quelqu’un pourrait croire quelque chose du mystère, il se tromperait sur le mode. Jésus apporte dans l’âme un amour très suave par lequel elle brûle tout entière en Lui ; il apporte une lumière tellement immense, que l’homme, quoiqu’il éprouve en lui la plénitude immense de la bonté du Dieu tout-puissant, en conçoit encore infiniment plus qu’il n’en éprouve. Alors l’âme a la preuve et la certitude que Jésus-Christ habite en elle. — Angèle de Foligno “Visions et Instructions” - Chap. 52.

[43] Journal du 29 décembre 1944.

[44] Journal du 31 décembre 1944.

 

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