Adon, né vers
l'an 800, était d'une des familles les plus riches et les plus
nobles du Gâtinais, au diocèse de Sens. Ses parents, qui étaient
fort religieux, le formèrent à la piété dès son enfance. Ils le
mirent dans le
monastère de Ferrières en Gâtinais, afin qu'il y
apprît en même temps les sciences et les saintes maximes du
christianisme. Il y donna des preuves de la vivacité de son esprit,
et de la solidité de son jugement. Il joignait à ces heureuses
qualités une grande docilité et un amour tendre pour la religion.
Ses maîtres voyaient avec plaisir qu'il faisait tous les jours de
nouveaux progrès. Quelques-uns de ses amis, animés de l'esprit du
monde, cherchèrent à lui inspirer la passion des hommes et des
plaisirs ; ils applaudissaient à ses talents, et l'exhortaient à
entrer dans la carrière où l'appelait sa naissance. Mais il
découvrit les pièges qu'on lui tendait, et sentit le danger du parti
qu'on lui proposait. Pour rompre entièrement avec le monde, et se
consacrer sans retour au service de Dieu, il prit l'habit dans le
monastère de Ferrières.
Il était encore
jeune, lorsque Marcuard, abbé de Prùm, qui avait été lui-même moine
de Ferrières, le demanda pour enseigner les saintes lettres à ses
religieux. Adon, en inspirant l'amour de l'étude à ses disciples,
leur apprenait en même temps à éviter l'écueil où la science conduit
quelquefois,
et à profiter pour leur sanctification des connaissances qu'ils
acquéraient. Son objet principal était de faire de vrais serviteurs
de Dieu. Mais il plut au Ciel de l'éprouver pour perfectionner sa
vertu.
Moine du
IXe siècle, qui n'est pas Adon de Vienne |
Après la mort de Marcuard, la jalousie lui suscita des ennemis. Ils
employèrent contre lui les outrages et la calomnie, et le chassèrent
de Prùm.
Il alla visiter les tombeaux des apôtres à Rome, et passa cinq ans
dans cette ville. De là il vint à Ravenne. Il y trouva un ancien
martyrologe dont il tira copie, et qu'il publia vers l'an 858, avec
des additions et des corrections. Il donna aussi une chronique, avec
les vies de saint Didier et de saint Chef.
A son retour
d'Italie, il vint à Lyon, et s'y arrêta quelque temps. Saint Rémy,
archevêque de cette ville, le retint auprès de lui, et le chargea du
gouvernement de la paroisse de Saint-Romain, près de Vienne, après
avoir obtenu le consentement de l'abbé de Ferrières. C'était le
célèbre Loup, dont nous avons un recueil de lettres, et plusieurs
petits traités. Il prit avec zèle la défense d'Adon contre ses
ennemis, et le siège de Vienne étant devenu vacant, notre Saint fut
élu pour le remplir. On le sacra au mois de Septembre de l'année
860. Le Pape Nicolas lui envoya le pallium, avec les décrets d'un
concile de Rome, lesquels avaient pour objet de remédier à différons
abus qui s'étaient glissés dans plusieurs églises de France.
Le même Pape
écrivit encore à notre Saint quatre autres lettres, sur divers
sujets. On lit entre autres dans la seconde, que les églises
subordonnées ne doivent pas s'écarter dans leurs usages de ce qui se
pratique dans l'église de Rome.
Il reçut en outre plusieurs autres lettres flatteuses, notamment du
Roi Charles, qui lui témoignait beaucoup de considération.
Adon ne changea
rien à sa première manière de vivre ; il conserva la même humilité,
la même modestie, le même amour pour la mortification. Il annonçait
avec un zèle infatigable les vérités du salut. Sa coutume était de
commencer ses instructions par ces paroles : « Écoutez la vérité
éternelle qui vous parle dans l’Évangile, ou, écoutez
Jésus-Christ qui vous parle, etc. ». Son clergé attirait sa
principale attention ; il n'admettait aux saints ordres que ceux
qu'il avait bien éprouvés et bien examinés ; il exigeait qu'ils
réunissent à la science toutes les vertus qui caractérisent les
vrais ministres de Jésus-Christ. Il fit aussi de sages règlements
pour la décence du culte public. La réformation des mœurs parmi le
peuple était encore un objet dont il s'occupait avec beaucoup de
zèle. Il avait soin que ceux qui se présentaient pour être mariés ou
pour recevoir les autres sacrements, fussent suffisamment instruits
des principes du christianisme. Il travaillait sans relâche à bannir
toutes les pratiques vicieuses, et tous les abus qui pouvaient
porter atteinte à la pureté des mœurs. Ses exemples ajoutaient une
nouvelle force è ses instructions.
Sa vie était fort
austère ; il se traitait en tout avec une grande sévérité, et les
ecclésiastiques attachés à sa personne avaient ordre de l'avertir de
ses moindres fautes. S'il était inflexible envers les pécheurs
opiniâtres, il recevait avec bonté ceux qui se convertissaient
sincèrement. Il regardait les pauvres comme ses enfants ; il
pourvoyait à tous leurs besoins ; il fonda des hôpitaux où ils
étaient admis et entretenus à ses dépens. Pour achever de
caractériser Adon, nous dirons qu'il connaissait parfaitement tous
ses devoirs, et qu'il n'y en avait aucun qu'il ne remplît avec la
plus grande fidélité. Il parut avec éclat dans divers conciles ; il
en tint lui-même plusieurs à Vienne pour maintenir la pureté de la
foi et des mœurs. Mais les actes de ces conciles sont perdus, et il
ne nous reste plus qu'un fragment de celui qui fut tenu par le Saint
en 870.
Lorsque le Roi
Lothaire, dégoûté de la Reine Thietberge, voulut la renvoyer, Adon
s'éleva contre ce divorce, et fit au prince les plus fortes
représentations pour l'en détourner. Il eut beaucoup de part aux
affaires publiques qui se traitèrent de son temps, et la religion
trouva toujours en lui un zélé défenseur. Le Pape Nicolas I,
Charles-le-Chauve et Louis de Germanie l'estimaient autant pour sa
prudence que pour sa sainteté, et déféraient avec confiance à ses
avis. Mais l'embarras des affaires ne nuisait point à son
recueillement. Il priait avec la même persévérance et
s'assujettissait aux mêmes mortifications. Il aimait à lire les vies
des Saints, afin de se pénétrer de leur esprit, et de s'exciter à
imiter leurs actions. Il mourut le 16 Décembre 875. Il est honoré
dans l'église de Vienne, et nommé en ce jour dans le martyrologe
romain.
Cette vie
mortelle est un pèlerinage rempli de peines, de difficultés, de
dangers ; nous avons à traverser un désert que mille routes
détournées rendent presque impraticable, et où nous avons beaucoup à
craindre des bêtes féroces qui se rencontrent de toutes parts. La
multitude de ceux qui s'égarent devant nous est souvent le plus
grand danger dont nous soyons menacés ; nous suivons leurs traces
sans réflexion, nous nous égarons avec eux, et nous finissons par
nous précipiter dans cet abyme où brûle un feu qui ne s'éteindra
jamais. La seule route qui soit sûre, est étroite ; elle paraît
semée de ronces et d'épines, et n'est fréquentée que par un petit
nombre d'âmes courageuses : mais elle mène au bonheur. Parmi ceux
qui y entrent, il en est encore plusieurs qui s'en écartent, et qui
ont le malheur de se perdre. Voulons-nous un guide assuré ? Ouvrons
les yeux à la lumière de la révélation, écoutons Jésus-Christ,
marchons sous la direction de son esprit, laissons-nous conduire par
ses maximes et ses exemples. Il est la voie, la vérité et la vie.
C'est en suivant cette règle que les Saints ont échappé aux dangers
qui les environnaient comme nous. Ils semblent nous crier : « La
voie étroite est celle où nous avons marché ; vous devez y marcher
après nous. » Quel motif de consolation et d'encouragement que de
les avoir sans cesse devant les yeux ! Chacun d'eux nous dit avec
saint Paul : Imitez-moi, comme j'ai imité Jésus-Christ.
Le souvenir de leurs combats nous soutiendra, la vue de leur
couronne nous animera, leur exemple en un mot nous empêchera d'être
submergés dans le torrent rapide de ce monde. Quoi de plus propre à
nous consoler dans cette vallée de larmes, que de penser que nous
avons les mêmes moyens qu'eux pour obtenir la gloire dont ils
jouissent ? Nous touchons en quelque sorte à ce moment. La vie la
plus longue est bien courte : à chaque heure, l'éternité peut
commencer pour nous. Pourrions-nous soupirer après le bonheur des
Saints, sans les aimer, sans les honorer, sans penser fréquemment à
eux ?
SOURCE :
Alban Butler : Vie des Pères, Martyrs et autres principaux
Saints… – Traduction : Jean-François Godescard.
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