Les
prêtres et Alexandrina
« J’avais beaucoup
de respect envers les prêtres ».
Alexandrina Maria da Costa
1904-1955 |
Les prêtres
qui, de près ou de loin ont tourné autour d’Alexandrina
furent nombreux : des jésuites, des salésiens, des
bénédictins, des dominicains, des franciscains et d'autres
encore, sans compter les curés des diverses paroisses qui la
visitaient souvent ; les uns par curiosité ; les autres à la
recherche de conseils pratiques ou spirituels.
C’est
qu’Alexandrina fut aussi “victime pour les prêtres”,
les autres “Christ” sur la terre…
Son
premier directeur spirituel ― le
Père Mariano Pinho ― était
jésuite et le second ― le
Père Umberto Pasquale ― salésien
italien de Don Bosco…
Certains de ces
prêtres qui visitèrent Alexandrina ont marqué sa vie d’une
façon indélébile : le Père Mariano Pinho, déjà cité, parce
qu’il fut son premier directeur spirituel ; le Père Umberto
Pasquale, parce qu’il en fut le second ; le Père Terças,
parce qu’il publia une relation sur elle, relation qui eut
de grandes et graves répercussions et causa le départ de son
premier directeur spirituel ; le Père jésuite António Durão
Alves qui la visita par mandat de l’Archevêque de Braga et à
qui Alexandrina “laissa une bonne impression” ; le chanoine
Manuel Vilar qui, par mandat du Saint-Siège la visita et
devint son ami ; le chanoine António Gonçalves Molho de
Faria, qui fut président de la Commission d’enquête
diocésaine, et qui prononça un avis défavorable (ce prêtre
témoigna ensuite, lors du procès canonique diocésain : non
seulement reconnut son erreur, mais devint un fervent
défenseur d’Alexandrina) ; et pour terminer, Monseigneur
Mendes do Carmo qui, par les desseins de la divine
Providence, assista à la mort de la bienheureuse enfant de
Balasar. |
La liste serait longue
et peut-être “rébarbative”, s’il fallait ici énumérer tous les
prêtres qui fréquentèrent la maison du Calvário,
à Balasar ; ce ne furent pas seulement des portugais, mais aussi des
espagnols, des italiens, des français et d’autres nationalités.
Même si cela peut
paraître étrange, je vais m’intéresser plus particulièrement à un
prêtre jésuite qui n’est jamais allé à Balasar, parce qu’il n’a
jamais voulu y aller, mais qui eut, à cause de son attitude, de ses
paroles et de ses écrits, une grande influence, non seulement sur la
vie d’Alexandrina, mais aussi et plus particulièrement sur celle du
vénéré Père Mariano Pinho, premier directeur spirituel
d’Alexandrina, comme il a déjà été dit. Il s’agit du Père Agostinho
Pinto Veloso.
Qui était-il ?
« Un journaliste de
poigne et de verve camillienne »
Le Père
Agostinho.Veloso naquit à Favaios, dans la région de Alijó, le 20
novembre 1894. Il était fils de Benoît Pinto Veloso et d’Amélie
Teixeira. Après ses études primaires il commença sa vie sociale
comme « employé de commerce à Matosinhos », dans les environs
de Porto, avant de “ressentir” la vocation sacerdotale et de
commencer ses études au séminaire de Porto, pendant l’année scolaire
1914-1915.
Après avoir suivi les
cours de théologie « avec distinction », il reçut le
sacrement de l’ordre le 30 juillet 1922.
« Aussitôt
après on lui confia la directions interne des officines
Saint-Joseph, auxquelles il apporta d’importantes améliorations. Il
y resta pendant plus d’un an, en attendant avec une certaine
impatience, l’arrivée des nouveaux propriétaires, les membres de la
Société de Don Bosco, les salésiens. »
« Ayant été appelé
ensuite au ministère paroissial, il fut le pasteur zélé des
paroisses de Teixeira et Teixeiró (Baião), Santa Marinha do Zêzere (Baião)
et Pedreira (Felgueiras), dans le diocèse de Porto.
Dans la paroisse de
Teixeira, abandonnée depuis plus de vingt ans, il restaura l’église
paroissiale et mit en œuvre diverses actions de nature religieuse et
sociale. Dans celle de Pedreira, il parvint à faire relier, par une
nouvelle route, son église paroissiale à la route nationale, ainsi
qu’à faire construire une fontaine dans le village.
En même temps qu’il
s’occupait de la promotion religieuse, culturelle et sociale de ces
populations et devenait un prêcheur demandé, il commença à s’adonner
à l’activité littéraire en faisant des traductions ou en adaptant
des ouvrages formatifs. Il se lança également dans le journalisme,
soutenant, dans les colonnes du journal “Fradique”, de mai à juillet
1935, une longue polémique sur le “Divorce ou adultère” », comme
nous le raconte son biographe.
L’“Encyclopédie Verbe”
dit que, « pour une plus grande réalisation personnelle et
apostolique, le jeune Père Agostinho, entra dans la Compagnie
de Jésus le 7 décembre 1937 », commençant son noviciat près de
Guimarães, à Santa Marinha da Costa.
Deux années plus tard,
le 8 décembre 1939, il fit sa profession perpétuelle.
Mais le Père Agostinho
avait soif de savoir, il désirait connaître davantage, augmenter ses
connaissances, ce qui est louable:
c’est pourquoi, pendant les « trois années suivantes,
1939-1942, il s’efforça de donner plus d’ampleur aux études
supérieures de Philosophie et de Théologie, dans l’Institut
Bienheureux Miguel de Carvalho, de Braga, aujourd’hui Faculté
pontificale ».
Peut-être parce qu’il
jugea insuffisantes les études faites au Portugal, le Père Agostinho
Veloso, « pendant l’été 1942, voyagea jusqu’à Salamanque, où il
resta jusqu’en juillet 1943, occupé à l’étude des problèmes d’Ascétique
et de Mystique, et plus spécialement à l’étude de l’Institut
et du Droit de la Compagnie de Jésus et des Exercices Spirituels de
Saint Ignace de Loyola ».
J’ai souligné les
mots “Ascétique et Mystique”, parce que, plus tard, il me faudra
parler de ces matières, quand j’aurai à expliquer ― ou
essayer d’expliquer ― le
“jugement” que le Père Veloso porta sur Alexandrina de Balasar.
Il est bon de rappeler,
dès maintenant, que dans les Exercices de Saint Ignace de Loyola,
fondateur de la Compagnie de Jésus, il y a un chapitre qui traite du
discernement des esprits, chapitre très important, que tous les
spécialistes d’Ascétique et de Mystique connaissent.
Mais, revenons à la
notice biographique du savant jésuite.
« Après
presque six années de formation ascétique et philosophique ― explique
l’Encyclopédie Verbe ―, il
revint dans le champ de l’apostolat, pendant l’été 1943, comme
rédacteur de la revue Brotéria, à Lisbonne », « à laquelle il
apporta sa précieuse collaboration ― affirme
une autre source ―, par
des essais divers de caractère philosophique, scientifique,
philologique et apologétique ».
Dès lors, l’activité
littéraire du père Veloso va prendre une autre dimmension et faire
connaître « un journaliste de poigne et de verve camillienne »,
un écrivain prolifique et admiré, en même temps qu’un poète délicat
et sensible.
Il écrivit alors pour
des journaux et des revues, utilisant parfois les pseudonymes de C.
de Turcifal, Carlos Alberto de Lemos, ou Père Anselme, avec lesquels
il signa quelques œuvres.
Entre autres
publications périodiques, il collabora à Novidades, Diário da
Manhã, e Diário Popular, et écrivit pour les revues
Messager du sacré-Coeur, Accão Médica et Lumen ― Revue
de Culture pour le clergé ;
pour l’hebdomadaire Fradique, ou il soutint une âpre
polémique sur le divorce, comme il fut dit plus haut.
Le texte portugais de
cet article énumère ensuite les œuvres de l’abbé Veloso, mais je ne
pense pas qu’il soit utile de les citer dans cette traduction, car
aucune de ces œuvres n’est connue en France, malgré leur nombre.
Mais le Père Veloso
avait encore d’autres activités, celles-ci davantage tournées vers
son ministère sacerdotal, comme nous l’explique le chroniqueur de la
Compagnie de Jésus :
« Depuis le
début de sa carrière sacerdotale il se consacra avec le même succès
au ministère de la chaire, parcourant, en de fructueuses missions
populaires : triduums, neuvaines, semaines de préparation, non
seulement tout le Portugal continental, mais aussi les îles
adjacentes ― Açores
et Madère ― ;
prêchant également aux prêtres et aux diverses classes sociales, des
Exercices spirituels et prononçant de nombreuses et très appréciées
causeries et conférences, en divers centres et instituts
scientifiques et culturels ».
Plus loin, le même
auteur dit encore :
« À partir de 1944
il occupa la chaire de professeur des questions philosophiques à
l’Institut du Service Social, à Lisbonne, et depuis 1955 il fit
partie du jury pour l’attribution des prix littéraires du S. N.
I . »
En résumant ici
ce que fut le Père Agostinho Veloso, je termine, en utilisant
l’affirmation de l’Encyclopédie Verbe :
« Il fut avant tout un autodidacte qui, jusqu’au jour de son décès
accidentel ― le
22 février 1970 ―,
à Lisbonne, accompagnait de ses critiques personnelles tout ce qu’il
lisait. Ouvrier évangélique infatigable, il fut un orateur
populaire, un conférencier cultivé, un poète délicat et sensible,
polémiste dialectique, essayiste non rarement brillant, et critique
d’art parfois peu sensible aux éléments esthétiques : la propagation
de la foi, la vérité, la patrie, l’aveuglaient, le rendant parfois
rude et même sauvage, lui qui s’attendrissait parfois jusqu’aux
larmes ».
Comme sainte Thérèse
d’Avila, je pense que lui aussi pouvait s’exclamer :
« Quand j'étais au
milieu des vains plaisirs du monde, le souvenir de ce que je devais
à Dieu venait répandre l'amertume dans mon âme; et quand j'étais
avec Dieu, les affections du monde portaient le trouble dans mon
cœur ».
Ou encore, du même
Docteur de l’Église :
« Je désirais vivre;
car je le sentais, ce n'était pas vivre que de me débattre ainsi
contre une espèce de mort; mais nul n'était là pour me donner la
vie, et il n'était pas en mon pouvoir de la prendre. Celui qui
pouvait seul me la donner avait raison de ne pas me secourir; il
m'avait tant de fois ramenée à lui, et je l'avais toujours
abandonné ».
Interrogations
« Mon âme
fatiguée aspirait au repos, mais de tristes habitudes ne lui
permettaient pas d'en jouir ».
La
notoriété créée autour de l’être humain est comme un couteau à
doubla tranchant : elle peut servir de levier à deux
caractéristiques humaines opposées : la vanité ― qui
est la mère de la superbe et de l’autosatisfaction ― ou
l’humilité, qui provient du vrai amour.
Les succès obtenus par
l’“autodidacte” Père Veloso n’auraient-ils pas
suscité chez lui u ne sorte
d’“autosatisfaction”, de vanité, d’entêtement et d’égocentrisme ?
N’a-t-il pas oublié ce
conseil plein de bon sens que donne sainte Thérèse d’Avila et qu’il
avait certainement lu quand il étudia Ascétique et Mystique à
Salamanque et qui concerne les dons reçus du Seigneur ?
« C'est là un joyau
précieux ; et quand je me souviens que je l'ai reçu de lui et qu'il
est en ma possession, un tel souvenir non seulement me convie, mais
me force à l'aimer; et cet amour est tout le fruit de l'oraison
fondée sur l'humilité. (…) Il est clair que de tels bienfaits leur
imposent plus de reconnaissance et de fidélité. ».
Ayant un très
grand respect et vénération envers les prêtres, il me coûte ici de
poser des questions, étant donné qu’en aucune manière je ne veux
porter aucun “jugement” sur la manière de procéder de ce valeureux
prêtre dont j’ai étudié les textes ― vers
et prose ― lors
de mes lointaines années de séminariste, mais je me dois, en tant
qu’historien, de rétablir la vérité historique des faits, afin que
celle-ci soit sauvegardée. Cette recherche de la vérité ne fait que
suivre le bon conseil de saint Ignace de Loyola, à savoir :
« Il faut présupposer que tout
homme vraiment chrétien doit être plus disposé à justifier une
proposition obscure du prochain qu'à la condamner. S'il ne peut la
justifier, qu'il sache de lui comment il la comprend ; et s'il la
comprend mal, qu'il le corrige avec amour ; et si cela ne suffit
pas, qu'il cherche tous les moyens convenables pour le mettre dans
la voie de la vérité et du salut ».
Interrogé au sujet du
Père Agostinho Veloso, le Cardinal Manuel Gonçalves Cerejeira, qui
l’a fort bien connu, dit : « Je le trouve trop présomptueux ».
Le même vénéré Cardinal
dit encore, sur le même :
« En ce qui concerne
le Père Agostinho Veloso, avec lequel j’ai toujours eu de bonnes
relations, je le considère comme un homme des extrêmes, dépourvu de
jugement serein et équilibré sur les personnes et les choses, et par
conséquent hâtif dans ses conclusions ».
La question posée plus
haut trouve, dans ces phrases autorisées du Cardinal Patriarche, la
réponse adéquate.
Mais, pourquoi ces
interrogations et ces affirmations sur le Père Agostinho Veloso,
peuvent se demander les lecteurs, avec juste raison ?
C’est que le Père
Veloso intervint dans la vie d’Alexandrina de Balasar, alors qu’il
ne la connaissait même pas, qu’il ne l’a jamais visitée, se basant
uniquement sur ce qu’il entendait ici et là, et pire encore, parce
qu’il n’aimait pas le Père Mariano Pinho, lui aussi jésuite.
Est-ce parce que
celui-ci lui faisait de l’ombre, car il était aussi un bon écrivain,
un excellent et renommé orateur et un directeur d’âmes très
recherché ?
Était-ce à cause
de rivalités au niveau de la direction de la revue Brotéria
où tous deux occupèrent des places importantes ― de
Directeur pour le Père Pinho et de Rédacteur pour le Père Veloso ?
Sachant que le Père
Pinho ne faisait pas partie des amis du Père Veloso, j’ai cherché à
en connaître la raison.
A la page 106 de son
Cristo Gesù in Alexandrina, le Père Umberto Pasquale qui
cherchait la raison pour laquelle le Père Mariano Pinho avait été
interdit de visiter et d’avoir quelque contact que ce soit avec
Alexandrina et pourquoi les lettres écrites par le Père Mariano
avaient été demandées à Alexandrina — comme on peu le lire dans le
Journal spirituel de celle-ci —, il trouva la réponse :
« Le Père Pinho, il
y a déjà quelque temps, fit une observation à son confrère, le Père
Veloso. A cause de cela, celui-ci garda envers lui une aversion
sournoise. Un jour, pendant son absence, il est entré dans sa
chambre (celle du père Pinho), ouvrit sa correspondance et trouva
alors une lettre qui pouvait paraître contenir des informations
sentimentales ; il y fit des annotations peu délicates et l’envoya à
ses supérieurs. L’accusation eut un triste retentissement, car le
Père Pinho fut écarté avec des restrictions dans l’exercice de son
ministère ».
La lettre incriminée
venait d’une certaine Emma, une personne déséquilibrée.
Dans le même livre, à
la page 140, en note de bas de page, l’auteur cite une lettre du Dr.
Azevedo datée du 23 août 1943, où il est dit que le Père A. Veloso
avait été « interdit de prêcher dans les diocèses de Porto et
Lamego ». Seule une grave raison pouvait justifier une telle
mesure, qui n’embellit aucunement les qualités de celui qu’elle
vise.
Il est sûr et
prouvé que le Père Veloso étant l’ennemi du Père Pinho, par ricochet
il le fut également ― comme
nous le verrons bientôt ― d’Alexandrina
de Balasar, ennemi jusqu’à la mort subite qui le cueillit en pleine
rue, à Lisbonne.
Une chose est
certaine : cette “rage” était propre au Père Veloso, car le Père
Mariano Pinho était incapable de haïr quiconque, même s’il apprenait
voir été traité de “taré sexuel” par ladite personne.
Saint
Jean ??? de la croix, parlant de
certaines âmes ― peut-être
comme celle du Père Veloso, dit :
« Il y en a qui font
pitié à voir, tant elles souffrent et se fatiguent, et qui néanmoins
reculent; elles recherchent leur avancement dans ce qui, loin de le
procurer, ne peut que l'empêcher ».
La grande Thérèse,
Docteur de l’Église, affirme elle aussi que si le Seigneur « nous
voit mal user de ce trésor, il le reprend; et, nous laissant dans
une indigence beaucoup plus grande qu'auparavant, il le donne à des
âmes de son choix, qui le feront mieux valoir pour elles-mêmes et
pour les autres ».
J’arrête ici mes
questions, pour le moment, afin de pouvoir aller plus loin et
exposer le motif de ces pages.
Motif
« Je suppose
qu'il y a en moi trois sortes de pensées : les unes, proprement
miennes, naissent de ma volonté et de ma liberté ; les autres
viennent du dehors, et ont pour principe le bon ou le mauvais
esprit ».
Comme
il a été dit plus haut, je ne
prétends pas juger ici le Père Agostinho Veloso, mais
simplement
éclaircir, autant que faire se
peut, la raison de cette aversion qu’il manifesta envers Alexandrina
Maria da Costa, que ce soit par écrit, en paroles ou par le
témoignage.
Aussi, comme il a été
déjà dit, sachant que le Père Veloso avait une rancœur profonde
contre le Père Pinho, il était normal que cette même rancœur se
répercutât sur les personnes qui l’entouraient ou qu’il dirigeait.
Il est de notoriété
publique que le Père Veloso n’a jamais visité la “ Petite Malade” de
Balasar, ni n’a jamais étudié son cas, car il la considérait comme
une “illuminée”, une “exaltée”, une simulatrice, une hystérique et,
à cause de tout cela, une menteuse.
Comme il a été dit
également plus haut, le savant Jésuite, désireux d’acquérir de
nouvelles connaissances et peut-être une plus grande notoriété,
« pendant l’été 1942, voyagea jusqu’à Salamanque, où il resta
jusqu’en juillet 1943, occupé à l’étude des problèmes d’Ascétique et
de Mystique ».
« Ce religieux ― explique
sainte Thérèse d’Avila, parlant d’un prêtre qu’elle connaissait,
(…) s'est efforcé d'apprendre par l'étude tout ce qui, en cette
matière, peut s'acquérir par cette voie. Il est en effet très
savant… »
De Salamanque il revint
certainement avec en poche un diplôme de cette vaste et délicate
matière qui nécessite, nous devons le savoir,
d'être bien assimilée et
surtout étudiée et appliquée, ainsi
que de beaucoup
d’humilité de la part de celui que l’enseigne et cherche à
l’appliquer quand l’occasion se présente. Le
Saint fondateur des Jésuites, au paragraphe cinq des Exercices
spirituels précise également:
« Celui qui reçoit
les Exercices gagnera beaucoup à y entrer avec un grand courage et
une grande libéralité envers son Créateur et Seigneur, lui offrant
toute sa volonté et toute sa liberté, afin que sa divine Majesté
dispose de sa personne et de tout ce qu'il a selon sa très sainte
volonté ».
Le biographe dit que le
Père Veloso, après son séjour en Espagne,
" revint dans le
champ de l’apostolat, pendant l’été 1943, comme rédacteur de la
revue Brotéria, à Lisbonne ».
Quand il revint à
Lisbonne, le Père Pinho n’y était plus, car il avait été sommé, par
le Provincial des Jésuites, de ne plus diriger Alexandrina. Cet
ordre prit effet le 7 janvier 1942, et le prêtre fut alors envoyé à
Vale de Cambra, où il fut professeur. Pour quelqu’un qui avait
prêché des retraites pour les Évêques du Portugal, qui avait prêché
dans les principales églises du pays, qui avait dirigé la revue
Brotéria, fondé la Croisade Eucharistique des enfants,
etc., être placé là, dans un village reculé de province portugaise,
c’était un dur châtiment. Mais, le Père Pinho ne se plaignit
jamais...
On sait également
qu’entre 1939 et 1942, le père Agostinho Veloso, « s’efforça de
donner plus d’ampleur aux études supérieures de Philosophie et de
Théologie, dans l’Institut Bienheureux Miguel de Carvalho, de
Braga » et l'on sait également que le Père Pinho, vers le milieu
de l’année 1941 et début 1942, s’y trouvait lui aussi.
Nous savons
également que beaucoup de personnes, ― celles
qui connaissent la vie d’Alexandrina de Balasar, bien entendu ― que
le 29 août 1941, le Père José Alves Terças, de la Congrégation des
Missionnaires du Saint-Esprit, assista à la passion vécue par
Alexandrina et qu’ensuite il publia le compte-rendu de ce qu’il vit,
et entendit, dans le n° 10 de la revue “Vie du Christ, la
douloureuse Passion”, volume V, Lisbonne, 1941. Cette publication
causa quelques réticences chez certains ecclésiastiques moins bine
informés des faits. L’origine de la persécution envers le Père Pinho
trouve ici sa source. Bientôt il sera écarté de la direction
spirituelle d’Alexandrina ― 7
janvier 1942 ― et
de direction du Messager de Marie et que, dorénavant il
résidera dans le Séminaire de Vale de Cambra.
Après ces incidents
(lesquels?) presque
rocambolesques, l’illustre Archevêque de Braga, Dom Bento Martins
Junior, nomma une Commission composée de trois théologiens, parmi
lesquels le chanoine António Gonçalves Molho de Faria, pour étudier
le cas de Balasar et s’assurer si oui ou non il y avait là quelque
chose de surnaturel.
Ladite Commission
“enquêta”, s’informa de ce qui se passait dans la maison du Calvario,
mais sans vraiment s’intéresser à celle sur laquelle ils
enquêtaient, sans même l’interroger ou alors en la menaçant de
représailles, ce qui fut prouvé lors du Procès canonique diocésain
en vue de la béatification et canonisation d’Alexandrina.
Mais, qu'est-ce que le
Père Agostinho a à voir avec cette Commission ?
Sincèrement, je pense
qu’il n’eut rien à voir avec elle, étant donné qu’à cette époque le
Père Veloso se trouvait probablement en Espagne, où il étudiait
l’Ascétique et la Mystique, à Salamanque.
Ce qui est
certain c’est que cette Commission émit, le 16 juillet 1943, une
conclusion défavorable, affirmant que dans la petite chambre où
demeurait Alexandrina, il n’y avait rien ni de surnaturel ni de
miraculeux, ce qui motiva ― parce
que le Dr. Azevedo s’employa fortement à cela ― le
départ de la Petite malade de Balasar vers une clinique, près de
Porto, à Foz do Douro, où elle resta quarante jours sous étroite
surveillance, sous l’œil athée du alors illustre et célèbre
spécialiste, le Dr. Gomes de Araujo.
J’ai trouvé dans le
témoignage du Dr. Augusto de Azevedo, lors du Procès diocésain, les
déclarations qui vont suivre et que je laisse à l’appréciation du
lecteur :
« Quelques années auparavant ― dit
le sympathique Docteur ― j’avais
rencontré le Père Agostinho Veloso dans la sacristie de
l’église de Trofa, en train de causer sur Alexandrina, et il
me dit qu’il aimerait la visiter. Je lui répondis que quand
il voudrait aller à Balasar, je me ferais un plaisir de l’y
conduire en voiture. Il me dit alors que lorsqu’il
déciderait d’y aller, il me préviendrait. Peu de temps après
j’ai entendu dire qu’il diffamait Alexandrina en disant même
que la mère de celle-ci était une femme qui avait des
enfants de plusieurs hommes.
Peu de
temps après ― continue
le Docteur Azevedo ― j’ai
de nouveau rencontré le Père Agostinho Veloso, après
qu’Alexandrina ait été internée à Foz do Douro et après le
certificat médical délivré par le Dr. Gomes de Araujo. Il
parlait alors avec le pharmacien de Cadinhas, en présence de
l’épouse de ce dernier et le professeur Roque. J’ai demandé
au Père Veloso quand il souhait venir à Balasar visiter
Alexandrina. “Ça alors ! ― s’exclama-t-il ― vous
annoncez partout qu’elle ne mange pas, mais quant elle est
passée à Trofa, elle a mangé chez Mr. Sampaio !”
Voyons, Père
Veloso, ne savez-vous pas que nous disons qu’elle ne
s’alimente plus depuis 1942 et que ce fut en 1941 que nous
sommes passés à Trofa ?
Qu’un autre
homme quelconque fasse de telles affirmations, comme celles
que vous faites, à l’égard d’Alexandrina c’est une chose,
mais que de telles affirmations sur Alexandrina et sur sa
mère viennent d’un jésuite, cela est inconcevable.
“Voulez-vous dire — me répondit-il — que je suis un jésuite
indigne ?” |
Le Docteur
Augusto de Azevedo |
Je lui répondis :
“Vues les affirmations qui vous sont attribuées, vous êtes en effet
indigne de porter votre soutane” ».
Ce que nous
venons de lire fait partie de la déposition ― sous
serment ― du
Dr. Augusto de Azevedo, homme qui n’avait pas de rancœur envers qui
que ce soit et qui était toujours prêt à rendre service.
Lors dudit procès
diocésain, le Tribunal interrogea 48 témoins. À l’un d’eux, Maria
Angelina Marques Ferreira qui connut Alexandrina de 1935 au décès de
celle-ci, fut posée cette question :
― « Le
Père Veloso nous a dit que “l’on sait qu’elle n’était pas paralysée
et que par conséquent elle pouvait, sans aucun miracle, mystifier
par ses extases, pendant lesquelles elle imitait les divers passages
de la Passion, comme elle mystifiait aussi par la paralysie qui n’a
jamais existé” ».
La réponse de Maria
Angelina est catégorique :
― « Le
père Agostinho Veloso a affirmé une chose qu’il n’a pas vue et qu’il
ne pourrait prouver, que si seulement il l’avait vue.
Personne ne m’a
jamais dit une chose pareille et j’ai pourtant connu de très
nombreuses personnes qui ont connu la Servante de Dieu ».
On lui pose encore une
autre question :
— « Comment
expliquez-vous, Madame, qu’un prêtre illustre comme lui, ait put
faite une telle déclaration ? »
La réponse du témoin me
paraît très judicieuse. La voici :
― « A
part qu’il s’agisse d’un prêtre, je crois que derrière une telle
affirmation du Père Veloso, quelque chose d’autre se cache ».
Moi aussi, je pense que
derrière toute la rancœur manifestée par le Père Veloso, quelque
chose d’autre se cache, quelque chose d’inavouable, quelque chose
qui, restant dans le secret, alimente la suspicion et provoque des
conjectures diverses.
Peut-être même que
c’est celui-là le vrai motif… D’ailleurs, quelqu’un témoigna lors du
même Procès que le Père Agostinho Veloso accusait le Père Pinho…
pour se défendre (voir plus loin). Et il vaut mieux ne pas
transcrire ici une accusation enregistrée dans le même Procès, lors
de la déposition du Père Dr. Sebastião Cruz, secrétaire de
l’archevêque de Braga…
Le Père Agostinho
Veloso oublia, malheureusement, les enseignements de son Saint
fondateur, qui est pourtant bien clair :
« Gardez-vous des
critiques violentes et des murmures. Manifester un péché mortel qui
n'est pas encore public, c'est un péché mortel ; si le péché que
vous révélez est véniel, vous commettez un péché véniel ; et si vous
parlez des défauts d'autrui, vous découvrez votre propre défaut ».
Le journaliste
« Tandis que
les mondains vivent sans crainte au milieu des lions impatients de
les déchirer, je veux dire au milieu de ce que le monde appelle
honneurs, plaisirs et délices, le démon nous fait peur avec des
moucherons ».
Le
« journaliste de poigne et de verve camillienne » va, plus tard ― en
janvier 1947 ― publier,
dans la revue Brotéria, un long
article
sur “Mystique et journalisme”, où il argumente sur la “psychose
du merveilleux”, où il aborde les “cas typiques” de cette
même “psychose”.
Dans cet article le
Père Veloso pointe Balasar, sans toutefois nommer expressément
Alexandrina, affirmant que « ces cas, toutefois, deviennent
connus, non point parce qu’ils vaillent plus que d’autres, mais
parce que la presse périodique, les prenant à son compte, leur
donne, avec ou sans raison, une notoriété que, sans cela, ils
n'auraient jamais eue… »
Peut-être que le Père
Veloso avait raison quand il accusait la presse périodique de donner
à ces cas “une notoriété… avec ou sans raison…” Mais,
lui-même utilisait le même système et profitait du fait que la
presse périodique “prenait à son compte” lesdits faits; en
effet, cela lui donnait une occasion supplémentaire d'exposer sa
propre pensée, sa propre critique sur les faits incriminés, faits
qu’il semble mal connaître, courant par là même le risque de se
tromper et de provoquer, pour ces mêmes “cas”, des réactions
irréversibles, étant donné sa propre notoriété.
Dans ce même article il
n’est fait aucune référence au discernement des esprits, ce qui est
étrange, surtout s’agissant d’un jésuite, un “connaisseur” et
conférencier des Exercices de saint Ignace de Loyola. Dans son
argumentation on ne trouve pas non plus la moindre référence aux
“spécialistes confirmés”, que dis-je, aux “Docteurs” que
sont sante Thérèse d’Avila et saint Jean de la Croix, entre autres.
Le diplômé en Ascétique
et Mystique n’a
pas cure des règles utilisées par
le Directeurs spirituels quant au discernement des charismes dont
bénéficient les âmes par eux dirigées ; le Père Veloso se limite à
peine à citer des cas, sans vraiment les approfondir, ou quand il
les approfondit, il le fait en se servant des textes “autorisés”,
comme ceux de Frei Luis de Sousa, comme s’il ne se sentait pas
capable de discourir sur le sujet que, sans aucun doute, il avait
étudié à Salamanque.
Il est logique de
croire que, pendant son séjour dans cette ville, il avait étudié les
textes de sainte Thérèse d’Avila, de saint Jean de la Croix et de
saint Alphonse Rodriguez, ainsi que, très probablement ce qu’avait
écrit le Père Louis de Grenade qui, ayant commis une erreur en ce
qui concerne la religieuse de Lisbonne, n’en est pas moins un très
bon, pour ne pas dire excellent auteur mystique.
« La psychose du
merveilleux vient de loin. C’est une tentation plus au moins
cyclique, surtout pendant les temps anormaux », commençait par
dire le Père Veloso, au commencement de son article.
Cette affirmation est
gratuite et erronée, car la “psychose du merveilleux”, comme il
écrit, n’est pas le fruit de certaines époques:
cette “psychose” est permanente, sauf qu’elle est plus ou moins
“plébiscitée”, selon le courant spirituel du moment où les faits ont
lieu. Je m’explique :
Au XVIIe
siècle, par exemple, tout de suite après le Concile de Trente, le
nombre de Saints et de Bienheureux est tout à fait extraordinaire,
tout comme fut extraordinaire le nombre de voyants ― certains
furent même très influents sur ceux que l’Église a mis au nombre des
Saints ― raison
pour laquelle certains appellent cette période “la voie lactée”.
Le XVIIIe
siècle aura-t-il été moins fertile en sainteté, moins fertile en
mystiques ? Certes non, mais la période historique était
différente : la Contre-réforme avait été faite et beaucoup de ceux
qui bénéficièrent de charismes, sont restés dans le silence de leurs
chambres ou de leurs cellules, ce qui n’a pas empêché que beaucoup,
parmi eux, soient béatifiés et canonisés et que leurs écrits aient
encore cours de nos jours : il suffira de nommer ici saint
Louis-Marie Grignion de Montfort, entre autres, qui, tout en ne
restant pas cloîtré ni dans sa chambre ni dans sa cellule ; vécut en
ce siècle.
Ce même siècle donna à
l’Église un nombre incalculable de martyrs, non pas seulement ceux
qui furent martyrisés en Chine ou au Japon, mais aussi et surtout
ceux qui périrent pendant la Révolution française.
Pour expliquer ladite
“psychose”, le Père Agostinho Veloso écrit, dans ce même article :
« Rien que dans les dernières années, je me souviens des cas
typiques de Barral, de la Mère Virgínia (à Funchal, île de Madère),
et des visionnaires de Lamego, de Covilhã, de Vergada, de Pereira de
Avidagos, de Balasar... », donc du cas d’Alexandrina, qui nous
intéresse et qui fait partie de cet ensemble auquel « la presse
périodique, les prenant à son compte, leur donne, avec ou sans
raison, une notoriété que, sans cela, ils n’auraient jamais eue… »
Avant de parler du cas
d’Alexandrina, il est bon d’éclaircir ceci : la cause de Mère
Virginie de la Passion, de Funchal, dans l’île de Madère, est en
cours à Rome, après avoir reçu le Nihil obstat de la Conférence
Épiscopale Portugaise.
Les cas de
Catherine Emmerich et de Thérèse Neumann ― le
Père Veloso y fait allusion ― méritent
aussi une explication :
Catherine Emmerich,
comme tous le savent, est maintenant bienheureuse et la cause de la
Servante de Dieu Thérèse Neumann suit son cours à Rome et tout porte
à croire que dans un proche avenir elle sera également comptée au
nombre des bienheureuses.
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