Saint
Alphonse Rodriguez, fils d'un riche marchand drapier, naquit à Ségovie, en
Espagne. Après avoir fait ses études au collège d'Alcala, sous la direction des
Pères de la Compagnie de Jésus, il retourna à Ségovie à cause du décès de son
père et dut s'occuper de l'administration des biens familiaux. Après avoir
essuyé des revers de fortune, perdu sa femme et sa fille en l'espace de quelques
mois, Alphonse Rodriguez abandonna le soin des affaires et se retira dans une
chambre avec son fils à peine âgé de trois ans. Plein de sollicitude pour l'âme
de son enfant, il pria Dieu de l'appeler à Lui s'il devait un jour L'offenser.
Le Seigneur ravit ce petit ange à sa tendresse quelques jours après sa fervente
prière.
Durant six ans, saint Alphonse
pratiqua dans le monde toutes les vertus chrétiennes. A l'âge de trente-sept
ans, de plus en plus absorbé dans la pensée de la mort et de son salut éternel,
il ne songea plus qu'à entrer dans un Ordre religieux. Sur le conseil d'un Père
de la Compagnie de Jésus, il commença à étudier le latin, mais le succès ne
répondit pas à ses efforts. Laissant ce projet de côté, il pensa à se retirer
auprès d'un ermite de Valence, mais son confesseur l'en dissuada.
Âgé de trente-neuf ans, Alphonse
entra au noviciat de la Compagnie de Jésus, au couvent de Saint-Paul de Valence
où on l'admit en qualité de Frère coadjuteur. Ses premiers pas dans la vie
religieuse révélèrent le haut degré de vertu où il était déjà parvenu. Son
humilité que rien ne pouvait déconcerter, sa patience devant les exigences les
plus indiscrètes ou les reproches les moins mérités, sa scrupuleuse obéissance,
son oraison continuelle suscitaient l'admiration et l'édification de tous ses
confrères.
Après six mois de noviciat, ses
supérieurs l'envoyèrent sur l'île Majorque, au collège de la Ste Vierge du mont
Sion où il prononça ses voeux simples et solennels le même jour. Pendant trente
ans, saint Alphonse Rodriguez se sanctifiera dans le modeste emploi de portier,
accueillant toutes les personnes qui se présentaient avec le même empressement
que si c'eût été Notre-Seigneur. Le matin, au son de la cloche, il demandait à
Dieu de le garder sans péché durant le jour, ensuite il se mettait sous la
protection de la Très Sainte Vierge en récitant Ses Litanies.
A sa prière incessante, il joignait
une mortification extraordinaire. "En toutes choses, témoigna son supérieur,
Alphonse cherchait ce qui répugnait le plus à la nature." Ainsi, il ne voulait
porter que des vêtements usés. Un crucifix et une image de la Très Sainte Vierge
sans nulle valeur artistique ornait la cellule de ce pauvre de Jésus-Christ. Il
couchait sur la dure et jeûnait souvent. Regardant le réfectoire comme un lieu
de mortification, il offrait tous les sacrifices qu'il s'y imposait pour le
soulagement et la délivrance des saintes âmes du purgatoire. Avant de sortir de
la maison, saint Alphonse Rodriguez demandait à Notre-Seigneur de le faire
mourir plutôt que de le voir consentir à aucun péché mortel. Pendant ses
visites, il observait une modestie si exemplaire, parlait si peu et rarement,
que cet empire acquis sur ses sens l'avait fait surnommer: le frère mort.
L'obéissance de saint Alphonse
Rodriquez était aussi aveugle que parfaite, car ce bon Saint était convaincu
qu'en accomplissant les ordres de son supérieur, il exécutait ceux du ciel même.
Pour savoir jusqu'où sa sublime dépendance pouvait aller, le recteur du collège
de Majorque lui commanda un jour de s'embarquer. Saint Alphonse partit aussitôt
sans poser de question. Chemin faisant, un religieux vint lui dire que le
supérieur le redemandait. "Où alliez-vous, lui demanda le recteur, puisque vous
ignoriez le but du voyage et quel vaisseau vous deviez prendre? – J'allais faire
l'obéissance, répondit le saint portier."
Alphonse Rodriguez reçut de Dieu le
don de prophétie et celui des miracles. Après quarante-cinq années passées dans
la pratique des plus admirables vertus, affligé depuis longtemps d'une
douloureuse maladie, le saint religieux reçut le sacrement des infirmes. Ayant
communié avec ferveur, l'agonisant ferma les yeux et entra dans un ravissement
qui dura trois jours. Durant ce temps, son visage demeura tout rayonnant d'une
céleste clarté. Le 31 octobre 1617, le saint Jésuite revint à lui, prononça
distinctement le nom adorable de Jésus et Lui rendit son âme, à l'âge de
quatre-vingt-six ans. Il fut canonisé par Sa Sainteté Léon XIII, le 8 janvier
1888.
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