Saint Aurélien,
évêque d'Arles, fut élevé sur le siège de cette ville en 546, et
Childebert, roi de Bourgogne, qui l'estimait singulièrement, demanda
pour lui au pape Vigile le pallium et le litre de vicaire du
Saint-Siége. Le
pape, avant d'accorder ces faveurs, voulut obtenir
l'agrément de l'empereur Justinien. Cette déférence était d'autant
plus nécessaire que la ville de Home étant soumise aux Grecs, Vigile
aurait craint de paraître trop dévoué au prince français et de
donner de l'ombrage à Justinien. Bélisaire, qui commandait en
Italie, se chargea d'écrire à Constantinople, et dès que l'empereur
eut donné son consentement, le pape déclara Aurélien son vicaire
dans cette partie des Gaules, qui obéissait à Childebert ; il lui
donna le pouvoir de terminer, assisté d'un certain nombre d'évêques,
les causes qui pourraient survenir entre les prélats soumis a sa
juridiction, « mais si, ce qu'à Dieu ne plaise, lui écrit-il,
il s'élève des disputes sur la foi, ou s'il se présente quelque
autre cause majeure, après avoir vérifié les faits et dressé
rapport, réservez-en le jugement et la décision au siège
apostolique ; car nous trouvons dans les archives de l'église
romaine que c'est ainsi qu'en ont usé, à l'égard de nos
prédécesseurs, ceux des vôtres qui ont été honorés de la qualité de
vicaires du Saint-Siège ». Le pape ajoute que, pour rendre plus
respectable la dignité qu'il lui confère, il lui accorde l'usage du
pallium ; il l'exhorte aussi à entretenir la paix entre
Childebert et l’empereur, et finit par lui recommander de remercier
Belisaire qui avait bien voulu se charger de demander l'agrément de
Justinien.
Cette lettre est du 23 août 546. Le pape écrivit en même
temps aux évêques des États de Childebert, pour leur notifier qu'il
avait établi Aurélien son vicaire ; qu'ils eussent à se rendre aux
conciles qu'il convoquerait, et à recevoir de lui des Lettres
formées, lorsqu'ils entreprendraient de longs voyages. Aurélien
écrivit peu après à Théodebert, roi de Metz, une lettre dans
laquelle il lui donne de grands éloges, accompagnés d'avis
salutaires. Il l'exhorte à penser sans cesse au jour des vengeances
du Seigneur, à ce jour où il n'y aura plus de distinction de rang ni
do naissance, et où les richesses ne serviront de rien, excepté
celles qu'on aura employées en bonnes œuvres. Aidé par les
libéralités do Childebert, il fonda, en 518, un monastère à Arles.
Il composa, pour les moines qu'il y établit, une règle pleine de
sagesse, tirée en grande partie de celle de saint Césaire, un de ses
prédécesseurs, et de celle de saint Benoit ; il la termine par celle
souscription : Aurélien, pécheur. Il plaça à la tête de ce
monastère saint Florentin. Vers le même temps, il en fonda un autre
de filles, qu'il mit sous la protection de la sainte Vierge, et
donna aux religieuses une règle qui est la même que celle de ses
moines, à quelques différences près, qui consistent dans le
retranchement de certains points trop austères pour des filles, ou
peu convenables à leur âge.
Saint Aurélien assista en 549 au
cinquième concile d'Orléans où se trouvèrent cinquante évoques, dont
neuf métropolitains : quelques écrivains avancent qu'il y présida,
mais il est plus probable que сe fut saint Serdot de Lyon. Quoi
qu'il en soit de ce point de fait, l'évêque d'Arles, toujours zélé
pour le maintien de la discipline ecclésiastique, eut une grande
part à ce qui fut réglé dans le concile pour réformer les mœurs et
conserver la pureté de la foi dans les Gaules. Le pape Vigile,
pendant son séjour à Constantinople, condamna les trois chapitres,
avec cette réserve : Sauf l'autorité du concile de Chalcédoine;
mais с (le décision ne contenta personne. Rustique et Sébastien,
diacres de l'église romaine, que Vigile honorait de sa confiance,
mandèrent dans les provinces que le pape avait abandonné le concile
de Chalcédoine; ils écrivirent dans ce sens à Aurélien, qui, en sa
qualité de vicaire du Saint-Siège, voulut s'assurer de ce qu'il en
était. Il envoya donc au pape Vigile un clerc de son église, avec
des lettres que Vigile reçut à Constantinople le 14 juillet 549 ;
mais comme il n'était pas alors dans une position à pouvoir exprimer
librement sa pensée, à cause de l'espèce de captivité dans laquelle
l'empereur le retenait, il ne répondit que l'année suivante ; encore
Justinien ne lui permit-il que de s'exprimer en termes généraux.
Après avoir marqué à Aurélien qu'il lui sait bon gré de sa
sollicitude pour la saine doctrine et pour ce qui peut intéresser la
foi, il lui dit : « Soyez assuré que nous n'avons rien fait qui
puisse être contraire aux constitutions de nos prédécesseurs, ni à
la foi des quatre conciles ; que nous rejetons tous ceux qui
n'adhèrent pas à la foi de ces conciles. Que votre fraternité, en
qualité de vicaire du Saint-Siège, avertisse tous les évêques qu'ils
ne doivent point se laisser surprendre par les écrits supposés qu'on
répand, ou par les faux bruits qu'on .débite... Votre envoyé,
Anaslase, vous rendra compte de ce qu'il nous a été possible de
faire pour défendre le
dépôt de
la foi qui nous a été transmis par les
saints
conciles et par nos prédécesseurs, lorsque l'empereur nous aura
permis de retourner en Italie, nous vous enverrons quelqu'un pour
vous instruire plus en détail de ce qui se sera passé. » Il
exhorte ensuite Aurélien à prier instamment Childebert de protéger
l’Église dans la triste nécessité où elle se trouvait.
Anaslase, au
rapport duquel le pape voulait qu'Aurélien ajoutât foi, ne méritait
point cette confiance. Comme il ne pouvait obtenir la permission de
sortir de Constantinople, il promit que si on le laissait retourner
à Arles, il engagerait les évêques des Gaules à condamner les trois
chapitres ; alors on l'accabla de présents, et on lui fit jurer
qu'il tiendrait sa parole. A sou retour, il mit tout en œuvre pour
rendre le pape odieux et pour séduire les évêques. Aurélien ne fut
pas témoin de l'infidélité de son envoyé, étant mort le 10 juin 551,
à Lyon, où il s’était rendu pour une raison que sa Vie ne fait pas
connaître : peut-être était-ce pour s'acquitter de la commission
dont le pape l'avait chargé près du roi Childebert. Il fut enterré
dans l'église de Saint-Didier de cette ville, et l'on découvrit son
tombeau en 1308. |