Chacun de
nous a ainsi à travailler pour se rapprocher de la
Sainteté...
Voici que
commence une nouvelle année liturgique, avec le premier
dimanche de l’Avent. Dans le cycle triennal des lectures que
nous propose l’Eglise, c’est la troisième année, l’année C,
durant laquelle nous entendrons l’évangile selon saint Luc.
En signe
d’“attente” jusqu’à Noël, le prêtre revêt un ornement violet
à la Messe, et l’on ne chante pas “Gloire à Dieu”, le chant
des Anges que nous entonnerons à nouveau dans la nuit de
Noël.
La
prophétie d’aujourd’hui est du prophète Jérémie, qui vivait
au sixième siècle avant la naissance de Jésus-Christ. Déjà
deux siècles auparavant, le prophète Isaïe avait annoncé
l’Emmanuel. Ici la promesse concerne “un Germe de justice”.
Immédiatement notre esprit se demande : pourquoi un “germe”
seulement ? n’y avait-il pas de justice avant Jérémie ?
Entendons
bien ce mot de “justice” au sens biblique : la Justice
biblique n’est pas une sentence de condamnation, mais un
aspect fondamental de la Sainteté de Dieu. Un verset de
psaume le chante très bien : “De justice, ta main en est
remplie” (Ps 47:11b). Dieu est Saint, et tous ceux qui
répondent à l’appel divin acceptent de se mettre sur le
chemin de la Sainteté, de la Perfection. Ce sera l’appel que
Jésus adressera dans le Sermon sur la Montagne : “Heureux
ceux qui ont faim et soif de la Justice, ils seront
rassasiés” (Mt 5:6). Voilà donc ce “germe” de Vie
Nouvelle qu’apportera le Sauveur.
La
justice au sens biblique n’est pas autre chose que l’amour
profond qu’on peut avoir pour Dieu, un amour total,
inconditionné, qui de soi exclut le mal. Qui met toute son
ardeur à renoncer au mal, fait de Jésus
“Le-Seigneur-notre-Justice”, pour reprendre le texte.
Le psaume
24 qui vient ensuite reprend la même idée. La “route” du
Seigneur est droite ; celui qui s’y engage ne perd pas de
temps à s’égarer dans les petits chemins de traverse ; il
chemine “droit” devant lui, pour rester dans la Justice,
dans le Droit, dans la Vérité. De verset en verset, nous
trouvons l’itinéraire de notre chemin vers la Sainteté :
voies… route… dirige-moi… vérité… droit… bon… chemin…
justice… humbles… amour… et pour finir : alliance.
Pourquoi
aussi “humilité” ? Parce qu’il faut de l’humilité pour se
renoncer, accepter qu’on se trompe, qu’on s’est égaré, qu’il
faut reprendre la bonne route. Dites à un conducteur : Tu
t’es trompé de chemin ! Très difficilement il acceptera son
erreur ; c’est pourtant si simple de se dire : Quel âne je
suis !
L’amour a
besoin de l’humilité, qui nous aide à garder le respect pour
l’autre. Saint Paul y invite à nouveau les Thessaloniciens
aujourd’hui. Il ne leur dit rien de nouveau, il le leur
répète pour entretenir en eux cette flamme d’amour qui est
toujours fragilisée par le quotidien. “Que le Seigneur
vous donne un amour de plus en plus intense”. Et — de
nouveau — “qu’il vous établisse fermement dans une
sainteté sans reproche”. Les Chrétiens de Thessalonique
étaient très fervents déjà, et Paul les aime beaucoup, mais
il ne veut pas qu’ils s’assoupissent, il excite leur
espérance, leur amour : “Faites de nouveaux progrès”,
car il sait bien que la faiblesse humaine nous tente
souvent, et chacun de nous en fait l’amère expérience chaque
jour.
Nous ne
serons jamais parfaits, Dieu le sait ; mais Dieu nous
demande seulement de prendre sur nous, de tendre sans cesse
vers cette perfection. Imaginons ici une petite comparaison.
Il y a
deux fumeurs invétérés qui, disent-ils, veulent combattre ce
vilain penchant. L’un fume un paquet de cigarettes chaque
jour ; l’autre deux. Ce dernier arrive à diminuer de moitié
sa consommation, et l’autre, jugeant qu’il en est au même
stade, ne diminue pas ; aux yeux des hommes, ils consomment
maintenant autant l’un que l’autre, mais aux yeux de Dieu
l’un a fait un grand pas vers la perfection, l’autre n’a
rien fait.
On
pourrait faire le même raisonnement de deux élèves à l’école
(et cette époque de premier trimestre en est une bonne
occasion). Un élève qui par son travail passe de 8 à 10 de
moyenne, même si ce n’est pas un résultat énorme, fait
beaucoup plus devant Dieu que celui qui, réussissant plus
facilement, se contente de son 12 ou même de son 15 sans
chercher à faire mieux.
Chacun de
nous a ainsi à travailler pour se rapprocher de la Sainteté.
Ceux qui le font sont en paix, ils savent que la Miséricorde
de Dieu est immense et ne craignent pas de s’avancer devant
l’Eternité, comme Thérèse de l’Enfant Jésus qui murmurait :
“Je ne meurs pas, j’entre dans la vie”. Ceux au
contraire qui refusent ce chemin, n’auront que des angoisses
quand sonnera “la fin”.
C’est
ainsi qu’il faut interpréter l’évangile d’aujourd’hui.
“Mourir de peur” n’est pas fait pour les fidèles, à qui
Jésus dit d’ailleurs : Redressez-vous, relevez la tête !
N’oublions pas le triple avertissement de Jésus, qui nous
met en garde contre “la débauche, l’ivrognerie, les soucis
de la vie”. Pour les deux premiers, hélas, on ne connaît que
trop les dégâts qu’ils provoquent dans les familles et dans
tous les milieux… Mais comment éviter “les soucis de la
vie”, qui nous tombent inéluctablement dessus, parfois même
à des moments vraiment pas heureux ?
Cela
dépendra de notre amour de Dieu et de notre confiance. Il y
a une façon de recevoir ces soucis, qui les multiplie et les
grossit, tandis que les recevoir avec humilité, avec
patience, avec esprit de soumission à la volonté de Dieu,
sans révolte, aide beaucoup à les dépasser, voire même à
trouver des solutions viables auxquelles on ne pensait pas
auparavant.
Reste à
comprendre aussi pourquoi l’Eglise nous rappelle la fin des
temps, quand on relit l’annonce de la naissance de
Jésus-Christ. C’est que Jésus-Christ n’est pas simplement
venu il y a vingt siècles pour les gens de cette époque ; il
doit venir pour chacun de nous, maintenant, avec son message
d’amour et son appel à la conversion profonde ; et surtout
il reviendra un jour pour établir définitivement son
Royaume, ce Royaume d’Amour dont nous parlions dimanche
dernier en la solennité du Christ-Roi.
En un
mot, relisons bien la Prière de ce jour, qui résume tout ce
que nous avons lu et dit :
“Donne à
tes fidèles d’aller avec courage sur les chemins de la
justice à la rencontre du Seigneur, pour qu’ils soient
appelés, lors du jugement, à entrer en possession du Royaume
des cieux.”
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