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VERBUM DOMINI

EXHORTATION APOSTOLIQUE
POST-SYNODALE

DU PAPE
BENOÎT XVI

DEUXIÈME PARTIE

VERBUM IN ECCLESIA

«Mais à tous ceux qui l’ont accueilli,
il a donné pouvoir de devenir
enfants de Dieu» (Jn 1,12)

 

La Parole de Dieu et l’Église

L’Église accueille la Parole

50. Le Seigneur énonce sa Parole afin qu’elle soit accueillie par ceux qui ont été créés «par» le Verbe lui-même. «Il est venu chez les siens» (Jn 1, 11): la Parole ne nous est pas originellement étrangère et la création a été voulue dans un rapport d’intimité avec la vie divine. Le Prologue du quatrième Évangile nous met aussi devant le refus opposé à la Parole divine par les «siens», qui «ne l’ont pas accueilli» (Jn 1, 11). Ne pas l’accueillir veut dire, ne pas écouter sa voix, ne pas se conformer au Logos. En revanche, là où l’homme, même fragile et pécheur, s’ouvre sincèrement à la rencontre avec le Christ, là commence une transformation radicale: «mais à tous ceux qui l’ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu» (Jn 1, 12). Accueillir le Verbe signifie se laisser modeler par lui afin d’être conforme au Christ, au «Fils unique qui vient du Père» (Jn 1, 13) par la puissance de l’Esprit Saint. Cela marque le début d’une nouvelle création. Naît alors la créature nouvelle, ainsi qu’un peuple nouveau. Ceux qui croient, ou mieux ceux qui vivent dans l’obéissance de la foi, «sont nés de Dieu» (Jn 1, 13), et sont rendus participants de la vie divine: ils sont fils dans le Fils (cf. Ga 4, 5-6; Rm 8, 14-17). En commentant ce passage de l’Évangile de Jean, saint Augustin dit d’une manière suggestive: «par le Verbe tu as été créé, mais il est nécessaire que tu sois recréé par le Verbe»[1]. Nous y voyons prendre forme le visage de l’Église comme une réalité déterminée par l’accueil du Verbe de Dieu qui, en se faisant chair, est venu établir sa tente au milieu de nous (Jn 1, 14). Cette demeure de Dieu parmi les hommes, cette shekinah (cf. Ex 26, 1), préfigurée dans l’Ancien Testament, se réalise maintenant dans la présence définitive de Dieu avec les hommes dans le Christ.

La Présence actuelle du Christ dans la vie de l’Église

51. Le rapport entre le Christ, Parole du Père, et l’Église ne peut être compris comme un simple événement passé; il s’agit plutôt d’une relation vitale dans laquelle chaque fidèle est appelé à entrer personnellement. En effet, nous parlons de la présence de la Parole de Dieu qui demeure avec nous aujourd’hui: «Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde» (Mt 28, 20). Comme le Pape Jean-Paul II l’a affirmé: «La présence du Christ aux hommes de tous les temps se réalise dans son Corps qui est l’Église. Pour cela, le Seigneur a promis à ses disciples l’Esprit Saint, qui leur “rappellerait” et ferait comprendre ses Commandements (cf. Jn 14, 26) et serait le principe et la source d’une vie nouvelle dans le monde (cf. Jn 3, 5-8; Rm 8, 1-13)»[2]. La Constitution dogmatique Dei Verbum exprime ce Mystère avec la terminologie biblique du dialogue nuptial: «Dieu, qui a parlé autrefois, converse sans cesse avec l’Épouse de son Fils bien-aimé, et l’Esprit-Saint, par qui la voix vivante de l’Évangile retentit dans l’Église et par l’Église dans le monde, introduit les croyants dans la vérité tout entière et fait habiter en eux la Parole du Christ en abondance (cf. Col 3,16)»[3].

L’Épouse du Christ, maîtresse de l’écoute, dit encore aujourd’hui avec foi: «Parle, Seigneur, que ton Église t’écoute»[4]. C’est pourquoi la Constitution dogmatique Dei Verbum commence ainsi: «En se mettant religieusement à l’écoute de la Parole de Dieu et en la proclamant avec assurance, le saint Concile…»[5]. Il s’agit en effet d’une définition dynamique de la vie de l’Église: «Ce sont là des mots par lesquels le Concile indique un aspect qui qualifie l’Église: elle est une communauté qui écoute et annonce la Parole de Dieu. L’Église ne vit pas d’elle-même mais de l’Évangile et, de cet Évangile, elle tire toujours à nouveau une orientation pour son chemin. C’est une remarque que tout chrétien doit recevoir et appliquer à lui-même: seul celui qui se met à l’écoute de la Parole peut ensuite en devenir l’annonciateur»[6]. Dans la Parole de Dieu proclamée et écoutée, dans les Sacrements, Jésus dit aujourd’hui, ici et maintenant, à chacun: «Je suis tien, je me donne à toi» pour que l’homme puisse répondre et dire à son tour: «Je suis tien»[7]. L’Église se manifeste ainsi comme le lieu où, par la grâce, nous pouvons expérimenter ce que raconte le Prologue de Saint Jean: «Mais tous ceux qui l’ont reçu, il leur a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu» (Jn 1, 12).

La liturgie, lieu privilégié de la Parole de Dieu

La Parole de Dieu dans la sainte liturgie

52. En considérant l’Église comme «la demeure de la Parole»[8], on doit avant tout prêter attention à la sainte liturgie. C’est vraiment le lieu privilégié où Dieu nous parle dans notre vie présente, où il parle aujourd’hui à son Peuple qui écoute et qui répond. Chaque action liturgique est par nature nourrie par les Saintes Écritures. Comme l’affirme la Constitution Sacrosanctum Concilium, «dans la célébration de la liturgie, la Sainte Écriture est de la plus grande importance. C’est d’elle que sont tirés les textes qui sont lus et qui sont expliqués dans l’homélie, ainsi que les Psaumes qui sont chantés; et c’est sous son inspiration et sous son impulsion que les prières, les oraisons et les hymnes liturgiques ont pris naissance et c’est d’elle que les actions et les symboles reçoivent leur signification»[9]. Mieux encore, on doit dire que c’est le Christ lui-même qui «est là présent dans sa Parole, puisque lui-même parle pendant que sont lues dans l’Église les Saintes Écritures»[10]. En effet, «la célébration liturgique devient elle-même une proclamation continue, pleine et efficace de la Parole de Dieu. C’est pourquoi, la Parole de Dieu, assidûment proclamée dans la liturgie est toujours vivante et efficace par la puissance de l’Esprit Saint, et manifeste l’amour agissant du Père qui ne cesse jamais d’agir pour tous les hommes»[11]. L’Église a toujours été consciente que durant l’action liturgique, la Parole de Dieu est accompagnée par l’action intime de l’Esprit Saint qui la rend efficace dans les cœurs des fidèles. En fait, c’est grâce au Paraclet que «la Parole de Dieu devient le fondement de l’action liturgique, la règle et le support de toute la vie. L’œuvre de l’Esprit Saint (…) suggère au cœur de chacun tout ce qui, dans la proclamation de la Parole de Dieu, est prononcé pour l’assemblée des fidèles dans son ensemble; et tandis qu’elle renforce l’unité de tous, elle ravive aussi la diversité des charismes et pousse à l’action sous des formes multiples»[12].

Par conséquent, il faut comprendre et vivre la valeur essentielle de l’action liturgique par la compréhension de la Parole de Dieu. En un certain sens, l’herméneutique de la foi sur la base des Saintes Écritures, doit toujours avoir comme point de référence la liturgie, où la Parole de Dieu est célébrée comme une parole actuelle et vivante: «Ainsi, dans la liturgie, l’Église suit-elle fidèlement la manière de lire et d’interpréter l’Écriture qui fut celle du Christ, lui qui, depuis l’ ‘aujourd’hui’ de sa venue, exhorte à scruter attentivement toutes les Écritures»[13].

Ici, se manifeste la sage pédagogie de l’Église qui proclame et écoute la Sainte Écriture en suivant le rythme de l’année liturgique. Cette dilatation de la Parole de Dieu dans le temps advient particulièrement dans la célébration eucharistique et dans la Liturgie des Heures. Au centre de tout, resplendit le Mystère pascal auquel sont liés tous les Mystères du Christ et de l’histoire du salut, qui s’actualisent sacramentalement: «Tout en célébrant ainsi les Mystères de la Rédemption, elle [l’Église] ouvre aux fidèles les richesses de la puissance et des mérites de son Seigneur de telle sorte que ces Mystères sont en quelque sorte rendus présents tout le temps et que les fidèles sont mis en contact avec eux et remplis de la grâce du salut»[14]. J’exhorte les Pasteurs de l’Église et les assistants pastoraux à faire en sorte que tous les fidèles soient éduqués à goûter le sens profond de la Parole de Dieu qui se déploie dans la liturgie tout au long de l’année, en manifestant les Mystères fondamentaux de notre foi. La juste approche de la Sainte Écriture en dépend aussi.

La Sainte Écriture et les Sacrements

53. En abordant le thème de la valeur de la liturgie pour la compréhension de la Parole de Dieu, le Synode des Évêques a voulu souligner aussi la relation entre la Sainte Écriture et l’action sacramentelle. Il est très opportun d’approfondir le lien entre la Parole et le Sacrement, aussi bien dans l’action pastorale de l’Église que dans la recherche théologique[15]. Il est certain que «la liturgie de la Parole est un élément décisif dans la célébration de chacun des Sacrements de l’Église»;[16] néanmoins, dans l’action pastorale, les fidèles ne sont pas toujours conscients de ce lien et ne perçoivent pas toujours l’unité entre le geste et la parole. «Il appartient aux prêtres et aux diacres, surtout lorsqu’ils administrent les Sacrements, de mettre en lumière l’unité que Parole et Sacrement forment dans le ministère de l’Église»[17]. En effet, dans le rapport entre la Parole et le geste sacramentel, l’action même de Dieu dans l’histoire est manifestée sous la forme liturgique à travers le caractère performatif de la Parole. Dans l’histoire du salut en effet, il n’existe pas de séparation entre ce que Dieu dit et fait; sa Parole même est vivante et efficace (cf. He 4, 12), comme le traduit bien l’expression hébraïque ‘dabar’. De même dans l’action liturgique, nous sommes mis en présence de sa Parole qui réalise ce qu’elle dit. En éduquant le Peuple de Dieu à découvrir le caractère performatif de la Parole de Dieu dans la liturgie, on l’aide aussi à percevoir l’action de Dieu dans l’histoire du salut et dans l’histoire personnelle de chacun de ses membres.

La Parole de Dieu et l’Eucharistie

54. Ce qui vient d’être affirmé de façon générale sur la relation entre la Parole et les Sacrements, s’approfondit quand nous nous référons à la célébration eucharistique. D’ailleurs, l’unité intime entre la Parole et l’Eucharistie se base sur le témoignage scripturaire (cf. Jn 6; Lc 24), attesté par les Pères de l’Église et réaffirmé par le Concile Vatican II[18]. À ce sujet, nous pensons au grand discours de Jésus sur le pain de vie dans la synagogue de Capharnaüm (cf. Jn 6, 22-69), qui est sous-tendu par la comparaison entre Moïse et Jésus, entre celui qui s’est entretenu avec Dieu face à face (cf. Ex 33, 11) et celui qui révéla Dieu (cf. Jn 1, 18). Le discours sur le pain, en effet, renvoie au don de Dieu, que Moïse a obtenu pour son Peuple avec la manne dans le désert et qui est en réalité la Torah, la Parole de Dieu qui fait vivre (cf. Ps 119; Pr 9, 5). Jésus accomplit en sa personne la figure antique: «Le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde… Moi, je suis le pain de vie» (Jn 6, 33.35). Ici, «la Loi est devenue Personne. Dans la rencontre avec Jésus, nous nous nourrissons pour ainsi dire du Dieu vivant lui-même, nous mangeons vraiment “le pain venu du ciel”»[19]. Le Prologue de Jean trouve un approfondissement dans le discours de Capharnaüm: si là le Logos de Dieu devient chair, ici cette chair devient «pain» donné pour la vie du monde (cf. Jn 6, 51), faisant ainsi allusion au don que Jésus fera de lui-même dans le Mystère de la Croix, qui est confirmé par l’affirmation sur son Sang donné «pour être bu» (cf. Jn 6, 53). De cette manière, est manifesté dans le Mystère de l’Eucharistie quelle est la vraie manne, le vrai pain du ciel: c’est le Logos de Dieu qui s’est fait chair, et qui s’est offert lui-même pour nous dans le Mystère pascal.

Le récit de Luc sur les disciples d’Emmaüs nous permet de progresser dans la réflexion sur le lien entre la Parole et la fraction du pain (cf. Lc 24, 13-35). Jésus alla à leur rencontre le jour après le sabbat, écouta l’expression de leur espérance déçue, et, devenant leur compagnon de route, «il leur expliqua, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait» (24, 27). Les deux disciples commencent à scruter d’une manière nouvelle les Écritures en présence de ce voyageur qui, de façon inattendue, se montre si proche de leur vie. Ce qui est arrivé en ces jours-là n’apparaît plus comme un échec, mais comme un accomplissement et un nouveau départ. Toutefois, ces paroles ne semblent pas encore satisfaire les disciples. L’Évangile de Luc nous dit que «leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent» (24, 31), seulement quand Jésus prit le pain, dit la bénédiction, le rompit et le leur donna, alors qu’auparavant, «leurs yeux étaient aveuglés, et ils ne le reconnaissaient pas» (24, 16). La présence de Jésus, d’abord à travers ses paroles, puis avec le geste de la fraction du pain, a permis aux disciples de le reconnaître; ils purent éprouver d’une manière nouvelle ce qu’ils avaient précédemment vécu avec lui: «Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route, et qu’il nous faisait comprendre les Écritures?» (24, 32).

55. Ces récits montrent comment l’Écriture elle-même conduit à appréhender son lien indissoluble avec l’Eucharistie. «C’est pourquoi il faut toujours avoir présent à l’esprit que la Parole de Dieu, lue et annoncée par l’Église dans la liturgie, conduit au sacrifice de l’Alliance et au banquet de la grâce, c’est-à-dire à l’Eucharistie»[20]. La Parole et l’Eucharistie sont corrélées intimement au point de ne pouvoir être comprises l’une sans l’autre: la Parole de Dieu se fait chair sacramentelle dans l’événement eucharistique. L’Eucharistie nous ouvre à l’intelligence de la Sainte Écriture, comme la Sainte Écriture illumine et explique à son tour le Mystère eucharistique. En effet, sans la reconnaissance de la présence réelle du Seigneur dans l’Eucharistie, l’intelligence de l’Écriture demeure incomplète. C’est pourquoi, «la Parole de Dieu et le Mystère eucharistique ont toujours et partout reçu de l’Église non pas le même culte mais la même vénération. C’est ce qu’elle a établi, poussée par l’exemple de son Fondateur, en ne cessant jamais de célébrer son Mystère pascal, en se réunissant pour “lire dans toute l’Écriture, ce qui le concernait” (Lc 24, 27), et pour réaliser l’œuvre du salut par le mémorial du Seigneur et les Sacrements»[21].

La sacramentalité de la Parole

56. En rappelant le caractère performatif de la Parole de Dieu dans l’action sacramentelle et l’approfondissement de la relation entre la Parole et l’Eucharistie, nous sommes conduits à poursuivre avec un thème important, relevé durant l’Assemblée du Synode, concernant la sacramentalité de la Parole[22]. À ce propos, il est utile de rappeler que le Pape Jean-Paul II avait fait référence à «la perspective sacramentelle de la Révélation et, en particulier, au signe eucharistique dans lequel l’unité indivisible entre la réalité et sa signification permet de saisir la profondeur du Mystère»[23]. De là, nous comprenons que le Mystère de l’Incarnation est vraiment à l’origine de la sacramentalité de la Parole de Dieu: «le Verbe s’est fait chair» (Jn 1, 14), la réalité du Mystère révélé nous est offerte dans la «chair» du Fils. La Parole de Dieu se rend perceptible à la foi par le «signe» des paroles et des gestes humains. La foi, donc, reconnaît le Verbe de Dieu, en accueillant les gestes et les paroles par lesquels il se présente lui-même à nous. La perspective sacramentelle de la Révélation indique, par conséquent, la modalité historico-salvifique par laquelle le Verbe de Dieu entre dans le temps et l’espace, devenant l’interlocuteur de l’homme, qui est appelé à accueillir dans la foi le don qui lui est fait.

La sacramentalité de la Parole se comprend alors par analogie à la présence réelle du Christ sous les espèces du pain et du vin consacrés[24]. En nous approchant de l’autel et en prenant part au banquet eucharistique, nous communions réellement au Corps et au Sang du Christ. La proclamation de la Parole de Dieu dans la célébration implique la reconnaissance que le Christ lui-même est présent et s’adresse à nous [25] pour être écouté. Sur l’attitude à avoir aussi bien envers l’Eucharistie qu’envers la Parole de Dieu, saint Jérôme affirme: «Nous lisons les Saintes Écritures. Je pense que l’Évangile est le Corps du Christ; je pense que les Saintes Écritures sont son enseignement. Et quand il dit: si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang (Jn 6, 53), ses paroles se réfèrent au Mystère [eucharistique], toutefois, le Corps et le Sang du Christ sont vraiment la Parole de l’Écriture, c’est l’enseignement de Dieu. Quand nous nous référons au Mystère [eucharistique] et qu’une miette de pain tombe, nous nous sentons perdus. Et quand nous écoutons la Parole de Dieu, c’est la Parole de Dieu et le Corps et le Sang du Christ qui tombent dans nos oreilles et nous, nous pensons à autre chose. Pouvons-nous imaginer le grand danger que nous courons?»[26]. Le Christ, réellement présent dans les espèces du pain et du vin, est présent analogiquement dans la Parole proclamée dans la liturgie. Approfondir le sens de la sacramentalité de la Parole de Dieu, peut donc favoriser une compréhension plus unifiée du Mystère de la Révélation se réalisant «par des actions et des paroles intrinsèquement liées entre elles»[27], qui profitera à la vie spirituelle des fidèles et à l’action pastorale de l’Église.

La Sainte Écriture et le Lectionnaire

57. En soulignant le rapport entre la Parole et l’Eucharistie, le Synode a voulu justement rappeler certains aspects de la célébration, qui sont inhérents au service de la Parole. Je voudrais faire référence surtout à l’importance du Lectionnaire. La réforme voulue par le Concile Vatican II [28] a montré ses fruits en élargissant l’accès à la Sainte Écriture qui est abondamment proposée, surtout dans la liturgie dominicale. La structure actuelle, en plus de présenter fréquemment les textes les plus importants de l’Écriture, favorise la compréhension de l’unité du dessein divin, à travers la corrélation entre les lectures de l’Ancien et du Nouveau Testament, «dont le centre est le Christ célébré dans son Mystère pascal»[29]. Les quelques difficultés qui persistent dans la compréhension des relations entre les lectures des deux Testaments, doivent être considérées à la lumière de la lecture canonique, c’est-à-dire à la lumière de l’unité intrinsèque de toute la Bible. Là où le besoin s’en fait sentir, les organes compétents peuvent pourvoir à la publication de matériel didactique qui facilitera la compréhension du lien entre les lectures proposées par le Lectionnaire, lesquelles doivent être toutes proclamées à l’assemblée liturgique, comme le prévoit la liturgie du jour. Les autres problèmes éventuels et les difficultés doivent être notifiés à la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements.

En outre, nous ne devons pas oublier que le Lectionnaire actuel du rite latin revêt aussi un sens œcuménique, car il est utilisé et apprécié également par des confessions qui ne sont pas encore en pleine communion avec l’Église catholique. Le problème du Lectionnaire dans les liturgies des Églises catholiques orientales se pose différemment; le Synode demande qu’il «soit analysé de manière autorisée» [30] selon les traditions propres et les compétences des Églises sui iuris en tenant compte, là aussi, du contexte œcuménique.

Proclamation de la Parole et ministère du lectorat

58. Durant l’Assemblée synodale sur l’Eucharistie, il avait déjà été demandé qu’un plus grand soin soit apporté dans la proclamation de la Parole de Dieu[31]. Comme on le sait, tandis que l’Évangile est proclamé par le prêtre ou le diacre, la première et la seconde lectures, dans la Tradition latine, sont proclamées par le lecteur choisi, homme ou femme. Je voudrais ici me référer aux Pères synodaux qui, encore en cette circonstance, ont souligné la nécessité de soigner par une formation adéquate [32] l’exercice du munus du lecteur dans la célébration liturgique [33] et, de manière particulière le ministère du lectorat qui, comme tel dans le rite latin, est un ministère laïc. Il est nécessaire que les lecteurs chargés d’un tel service, même s’ils n’ont pas été institués, soient vraiment aptes et préparés avec soin. Une telle préparation doit être aussi bien biblique et liturgique que technique: «La formation biblique doit permettre aux lecteurs de situer les lectures dans leur contexte propre et de comprendre, à la lumière de la foi, le point central du message révélé. La formation liturgique doit fournir aux lecteurs la possibilité de saisir le sens et la structure de la liturgie de la Parole et de comprendre les liens entre celle-ci et la liturgie eucharistique. La préparation technique doit rendre les lecteurs toujours plus compétents dans l’art de lire devant le peuple, soit directement, soit en utilisant les moyens modernes qui amplifient la voix»[34].

L’importance de l’homélie

59. «Les fonctions et les charges qui reviennent à chacun par rapport à la Parole de Dieu sont également variées: ainsi, les fidèles écoutent et méditent cette Parole, tandis que, seuls, la présentent ceux qui ont reçu, par l’Ordination, la charge du Magistère, ou ceux à qui l’exercice de ce même ministère a été confié»[35], à savoir les Évêques, les prêtres et les diacres. À partir de là, on comprend l’attention que le Synode a donnée au thème de l’homélie. Déjà dans l’Exhortation apostolique post-synodale Sacramentum caritatis, je rappelais qu’ «en relation avec l’importance de la Parole de Dieu, il est nécessaire d’améliorer la qualité de l’homélie. Elle “fait partie de l’action” liturgique; elle a pour fonction de favoriser une compréhension plus large et plus efficace de la Parole de Dieu dans la vie des fidèles»[36]. L’homélie est en effet une actualisation du message scripturaire, de telle sorte que les fidèles soient amenés à découvrir la présence et l’efficacité de la Parole de Dieu dans l’aujourd’hui de leur vie. Elle doit aider à la compréhension du Mystère qui est célébré, inviter à la mission, en préparant l’assemblée à la profession de foi, à la prière universelle et à la liturgie eucharistique. Par conséquent, que ceux qui, en vertu de leur ministère spécial, sont députés à la prédication, prennent à cœur ce devoir. On doit éviter les homélies vagues et abstraites, qui occultent la simplicité de la Parole de Dieu, comme aussi les divagations inutiles qui risquent d’attirer l’attention plus sur le prédicateur que sur la substance du message évangélique. Il doit être clair pour les fidèles que ce qui tient au cœur du prédicateur, c’est de montrer le Christ, sur lequel l’homélie est centrée. Pour ce faire, il convient que les prédicateurs aient une familiarité et un contact assidu avec le texte sacré;[37] qu’ils se préparent pour l’homélie dans la méditation et la prière afin de pouvoir prêcher avec conviction et passion. L’Assemblée synodale a exhorté à considérer les questions suivantes: «Que disent les lectures proclamées? Que me disent-elles à moi personnellement? Que dois-je dire à la communauté, en tenant compte de sa situation concrète?» [38]. Le prédicateur doit «être le premier à être interpellé par la Parole de Dieu qu’il annonce»[39], car, comme le dit Saint Augustin: «qui prêche extérieurement la Parole de Dieu et ne l’écoute pas intérieurement ne peut pas porter du fruit»[40]. Qu’on prenne particulièrement soin de l’homélie du dimanche et des solennités; mais qu’on n’omette pas aussi durant les Messes cum populo en semaine, si possible, d’offrir de brèves réflexions appropriées à la situation, pour aider les fidèles à accueillir et faire fructifier la Parole qu’ils ont écoutée.

L’opportunité d’un Directoire homilétique

60. Prêcher d’une manière juste en s’appuyant sur le Lectionnaire est véritablement un art qui doit être cultivé. C’est pourquoi, dans la continuité avec ce qui a été demandé par le Synode précédent[41], je prie les autorités compétentes, en se référant au Compendium eucharistique[42], de penser aussi aux instruments et aux moyens appropriés pour aider les Ministres à assurer le mieux possible leur ministère, en élaborant par exemple un Directoire sur l’homélie de façon que les prédicateurs y puissent trouver une aide précieuse pour se préparer à l’exercice de leur ministère. Comme nous le rappelle saint Jérôme, la prédication doit enfin être accompagnée par le témoignage de sa propre vie: «Que tes actions ne trahissent pas tes paroles, pour qu’il n’advienne pas que, quand tu prêches dans l’église, quelqu’un commente intérieurement: “Pourquoi donc n’agis-tu pas toi-même ainsi?” […] L’esprit et la parole doivent s’accorder dans le prêtre du Christ»[43].

Parole de Dieu, Réconciliation et Onction des malades

61. Si l’Eucharistie se trouve sans aucun doute au centre de la relation entre la Parole de Dieu et les Sacrements, il est bon de souligner aussi l’importance de la Sainte Écriture pour les autres Sacrements, en particulier ceux qui apportent une guérison, le Sacrement de la Réconciliation, ou de la Pénitence, et le Sacrement de l’Onction des malades. La référence à la Sainte Écriture y est souvent négligée, alors qu’il faut lui donner la place qui lui revient. En effet, on ne doit jamais oublier que «la Parole de Dieu est parole de réconciliation parce qu’en elle Dieu réconcilie en lui toute chose (cf. 2 Co 5, 18-20; Ep 1, 10). Le pardon miséricordieux de Dieu, incarné en Jésus, relève le pécheur»[44]. La Parole de Dieu «éclaire le croyant pour lui faire discerner ses péchés, l’invite à la conversion et à la confiance en la miséricorde de Dieu»[45]. Afin de percevoir davantage la puissance de réconciliation que possède la Parole de Dieu, on recommande à chaque pénitent de se préparer à la confession en méditant un passage adapté de la Sainte Écriture et de commencer sa confession par la lecture ou l’écoute d’une exhortation biblique, selon ce que prévoit son rite propre. Puis, quand il manifeste sa contrition, il est bon que le pénitent prenne «une prière formée de paroles tirées de la Sainte Écriture» [46] prévue par le rite. Quand cela est possible, il est bon qu’à certains moments de l’année ou quand l’occasion s’en présente, la confession individuelle des pénitents se fasse dans le cadre de célébrations pénitentielles, selon ce que prévoit le rituel, dans le respect des différentes traditions liturgiques, pour pouvoir donner toute sa place à la célébration de la Parole par l’usage de lectures appropriées.

En ce qui concerne le Sacrement de l’Onction des malades, qu’on n’oublie pas que «la force de guérison de la Parole de Dieu est un appel puissant à une continuelle conversion personnelle de celui qui l’écoute»[47]. La Sainte Écriture contient de nombreuses pages qui montrent le réconfort, le soutien et la guérison donnés par l’intervention de Dieu. Qu’on se souvienne en particulier de la proximité de Jésus à l’égard de ceux qui souffrent: Lui-même, le Verbe de Dieu incarné, s’est chargé de nos douleurs et il a souffert par amour pour l’homme, en donnant ainsi un sens à la maladie et à la mort. Il est bon que, dans les paroisses et surtout dans les hôpitaux, on célèbre en communauté, selon les circonstances, le Sacrement des malades. Qu’on donne en ces occasions une large place à la célébration de la Parole et qu’on aide les fidèles malades à vivre avec foi leur état de souffrance, en union au sacrifice rédempteur du Christ qui nous délivre du mal.

Parole de Dieu et Liturgie des Heures

62. Parmi les formes de prière qui exaltent la Sainte Écriture, il y a sans aucun doute la Liturgie des Heures. Les Pères synodaux ont affirmé qu’elle constitue «une forme privilégiée d’écoute de la Parole de Dieu parce qu’elle met en contact les fidèles avec l’Écriture Sainte et avec la Tradition vivante de l’Église»[48]. On doit avant tout rappeler la dignité théologique et ecclésiale de cette prière. En effet, «dans la Liturgie des Heures, l’Église, exerçant la fonction sacerdotale de son Chef, offre à Dieu “incessamment” (1 Th 5, 17) le sacrifice de louange, c’est-à-dire le fruit des lèvres qui confessent son nom (cf. He 13, 15). Cette prière est “la voix de l’Épouse elle-même qui s’adresse à son Époux; et mieux encore, c’est la prière du Christ que celui-ci, avec son Corps, présente au Père”»[49]. À ce sujet, le Concile Vatican II avait affirmé: «Tous ceux qui assurent cette charge accomplissent l’office de l’Église et, en même temps, participent de l’honneur suprême de l’Épouse du Christ, parce qu’en s’acquittant des louanges divines, ils se tiennent devant le trône de Dieu au nom de la Mère Église»[50]. Dans la Liturgie des Heures, prière publique de l’Église, apparaît l’idéal chrétien de sanctification de toute la journée, rythmée par l’écoute de la Parole de Dieu et par la prière des Psaumes, si bien que toute activité trouve son point de référence dans la louange offerte à Dieu.

Ceux qui sont tenus par leur état de vie à la récitation de la Liturgie des Heures doivent vivre cet engagement en faveur de toute l’Église. Les Évêques, les prêtres et les diacres ordonnés en vue du sacerdoce, qui ont reçu de l’Église la mission de la célébrer, ont l’obligation d’acquitter chaque jour toutes les Heures[51]. Dans les Églises catholiques orientales sui iuris, cette obligation sera respectée en fonction des indications données par leur droit propre[52]. En outre, j’encourage les communautés de Vie consacrée à être exemplaires dans la célébration de la Liturgie des Heures, au point de constituer une référence et une source d’inspiration pour la vie spirituelle et pastorale de toute l’Église.

Le Synode a exprimé le désir de voir se diffuser plus largement dans le Peuple de Dieu ce genre de prière, surtout la récitation des Laudes et des Vêpres. Un tel développement ne pourra que faire grandir parmi les fidèles la familiarité avec la Parole de Dieu. On doit souligner aussi la valeur de la Liturgie des Heures prévue pour les premières Vêpres du dimanche et des solennités, notamment dans les Églises catholiques orientales. C’est pourquoi je recommande que, là où c’est possible, les paroisses et les communautés de vie religieuse favorisent cette prière en y associant les fidèles.

La Parole de Dieu et le Livre des Bénédictions

63. Dans l’usage du Livre des Bénédictions, on prêtera attention à la place prévue pour la proclamation, l’écoute et l’explication de la Parole de Dieu, grâce à de brèves monitions. En effet, dans les cas prévus par l’Église et à la demande des fidèles, le geste de la bénédiction n’est pas à isoler, mais à relier à la vie liturgique du Peuple de Dieu selon sa nature propre. En ce sens, la bénédiction, véritable signe sacré, «puise son sens et son efficacité de la proclamation de la Parole de Dieu»[53]. Il est donc important de profiter aussi de ces occasions pour raviver chez les fidèles la faim et la soif de toute parole qui sort de la bouche de Dieu (cf. Mt 4, 4).

Suggestions et propositions concrètes pour l’animation liturgique

64. Après avoir rappelé quelques éléments fondamentaux de la relation entre liturgie et Parole de Dieu, je désire maintenant reprendre et mettre en valeur quelques propositions et suggestions faites par les Pères synodaux pour favoriser dans le Peuple de Dieu une familiarité toujours plus grande avec la Parole de Dieu dans le cadre des actions liturgiques ou du moins de ce qui s’y rapporte.

a) Célébrations de la Parole de Dieu

65. Les Pères synodaux ont exhorté tous les Pasteurs à diffuser dans les communautés qui leur sont confiées les moments de célébration de la Parole[54]. Il s’agit d’une occasion privilégiée de rencontre avec le Seigneur. C’est pourquoi une telle pratique ne peut qu’apporter une grande aide aux fidèles et il faut y voir un élément de valeur de la pastorale liturgique. Ces célébrations ont une importance particulière pour la préparation de l’Eucharistie dominicale, afin de donner aux croyants la possibilité de pénétrer davantage dans la richesse du Lectionnaire pour méditer et prier la Sainte Écriture, surtout dans les temps forts de la liturgie, l’Avent et Noël, le Carême et Pâques. La célébration de la Parole de Dieu est fortement recommandée dans les communautés qui, par manque de prêtres, ne peuvent célébrer le sacrifice eucharistique aux fêtes d’obligation. En tenant compte des indications déjà exprimées dans l’Exhortation apostolique post-synodale Sacramentum caritatis sur les assemblées dominicales en l’absence de prêtre[55], je recommande que les autorités compétentes élaborent des rituels, en valorisant l’expérience des Églises particulières. C’est ainsi que seront favorisées, dans ces situations, des célébrations de la Parole qui puissent nourrir la foi des croyants, en évitant néanmoins de les confondre avec les célébrations eucharistiques; «elles devraient plutôt être des occasions privilégiées de prière adressée à Dieu pour qu’il envoie de saints prêtres selon son cœur»[56].

En outre, les Pères synodaux ont invité à célébrer aussi la Parole de Dieu à l’occasion des pèlerinages, des fêtes particulières, des missions populaires, des retraites spirituelles et des jours spéciaux de pénitence, de réparation et de pardon. En ce qui concerne les différentes formes de piété populaire, bien qu’il ne s’agisse pas d’actes liturgiques et qu’il faille éviter toute confusion avec les célébrations liturgiques, il est bon qu’elles s’en inspirent et, surtout, qu’elles donnent une juste place à la proclamation et à l’écoute de la Parole de Dieu; en effet, «la piété populaire trouvera dans la Sainte Écriture une source inépuisable d’inspiration, des modèles de prière inégalables et des propositions particulièrement fécondes de thèmes»[57].

b) La Parole et le silence

66. De nombreuses interventions des Pères synodaux ont insisté sur la valeur du silence en lien avec la Parole de Dieu et sa réception dans la vie des fidèles[58]. En effet, la Parole ne peut être prononcée et entendue que dans le silence, extérieur et intérieur. Notre temps ne favorise pas le recueillement et, parfois, on a l’impression qu’il y a comme une peur à se détacher, même momentanément, des moyens de communication de masse. C’est pourquoi il est nécessaire aujourd’hui d’éduquer le Peuple de Dieu à la valeur du silence. Redécouvrir le caractère central de la Parole de Dieu dans la vie de l’Église veut dire redécouvrir le sens du recueillement et de la paix intérieure. La grande Tradition patristique nous enseigne que les Mystères du Christ sont liés au silence;[59] par lui seul, la Parole peut faire en nous sa demeure, comme chez Marie, qui est inséparablement la femme de la Parole et du silence. Nos liturgies doivent faciliter cette écoute authentique: Verbo crescente, verba deficiunt[60].

Que cette valeur resplendisse particulièrement dans la liturgie de la Parole, qui «doit se célébrer de manière à favoriser la méditation»[61]. Le silence, quand il est prévu, est à considérer «comme une partie de la célébration»[62]. C’est pourquoi j’exhorte les Pasteurs à encourager les moments de recueillement, par le moyen desquels, avec l’aide de l’Esprit Saint, la Parole de Dieu est reçue dans le cœur.

c) Proclamation solennelle de la Parole de Dieu

67. Le Synode a fait une autre suggestion: solenniser, surtout dans les fêtes liturgiques importantes, la proclamation de la Parole, spécialement l’Évangile, en utilisant l’évangéliaire porté en procession pendant le rite d’entrée, puis placé sur l’ambon par le diacre ou par un prêtre pour être proclamé. C’est ainsi qu’on aide le Peuple de Dieu à reconnaître que «la lecture de l’Évangile constitue le sommet de cette liturgie de la Parole»[63]. En suivant les indications de la Présentation générale du Lectionnaire de la Messe, il est bon de mettre en valeur la proclamation de la Parole de Dieu par le chant, notamment l’Évangile, surtout en certaines solennités. Il serait bon de chanter le salut, l’annonce initiale «Évangile de …» et la fin «Acclamons la Parole de Dieu», pour souligner l’importance de ce qui est lu[64].

d) La parole de Dieu dans l’église

68. Pour favoriser l’écoute de la Parole de Dieu, il ne faut pas négliger les moyens qui peuvent aider les fidèles à avoir une plus grande attention. Il est nécessaire pour cela qu’on ne néglige jamais l’acoustique des édifices sacrés, dans le respect des normes liturgiques et architectoniques. «Lors de la construction d’églises, les Évêques, dûment aidés, doivent être attentifs à ce que celles-ci soient des lieux adaptés à la proclamation de la Parole, à la méditation et à la célébration eucharistique. Les espaces saints, qui présentent le Mystère chrétien en relation avec la Parole de Dieu, doivent le faire de manière éloquente, même en dehors des célébrations liturgiques»[65].

Une attention particulière sera réservée à l’ambon en tant que lieu liturgique depuis lequel est proclamée la Parole de Dieu. Il doit être placé en un endroit bien visible qui attire spontanément l’attention des fidèles pendant la liturgie de la Parole. Il est bon qu’il soit fixe, établi comme un élément sculpté en harmonie esthétique avec l’autel, de manière à représenter visiblement aussi le sens théologique des deux tables de la Parole et de l’Eucharistie. Depuis l’ambon, on proclame les lectures, le Psaume responsorial et l’annonce de la Pâque; on peut également y faire l’homélie et y dire la prière des fidèles[66].

Les Pères synodaux suggèrent en outre que, dans les églises, il y ait un lieu privilégié où l’on place la Sainte Écriture même en-dehors de la célébration[67]. En effet, il est bon que le livre qui contient la Parole de Dieu soit dans un endroit visible et honorable à l’intérieur du temple chrétien, sans pour autant priver de sa place centrale le tabernacle qui contient le Très Saint Sacrement[68].

e) Exclusivité des textes bibliques dans la liturgie

69. En outre, le Synode a fortement insisté sur ce qui, d’ailleurs, a déjà été fixé par la norme liturgique de l’Église:[69] les lectures tirées de la Sainte Écriture ne doivent jamais être remplacées par d’autres textes, aussi significatifs soient-ils du point de vue pastoral ou spirituel: «Aucun texte de spiritualité ou de littérature ne peut atteindre la valeur et la richesse contenues dans les Saintes Écritures qui sont la Parole de Dieu»[70]. Il s’agit d’une règle antique de l’Église qui doit être conservée[71]. Face à certains abus, le Pape Jean-Paul II avait déjà rappelé l’importance du fait de ne jamais remplacer la Sainte Écriture par d’autres lectures[72]. Souvenons-nous que le Psaume responsorial est une Parole de Dieu, par laquelle nous répondons à la voix du Seigneur, et qu’il ne doit donc pas être remplacé par d’autres textes, et qu’il est tout à fait opportun de le chanter.

f) Chant liturgique bibliquement inspiré

70. Dans le cadre de la valorisation de la Parole de Dieu durant la célébration liturgique, on fera aussi attention au chant retenu pour les moments prévus selon chaque rite, favorisant celui qui est clairement inspiré par la Bible et qui exprime, par l’accord harmonieux des paroles et de la musique, la beauté de la Parole divine. En ce sens, il est bon de mettre en valeur les chants que la Tradition de l’Église nous a livrés et qui respectent ce critère. Je pense en particulier à l’importance du chant grégorien[73].

g) Attention particulière aux aveugles et aux sourds

71. Dans ce contexte, je voudrais aussi rappeler que le Synode a recommandé que l’on fasse particulièrement attention à ceux qui, à cause de leur état, ont des difficultés à participer activement à la liturgie, comme par exemple ceux qui ne voient pas ou n’entendent pas. J’encourage les communautés chrétiennes à prévoir, dans la mesure du possible, des outils adaptés pour venir en aide aux frères et aux sœurs qui souffrent de ces difficultés, afin qu’il leur soit donné, à eux aussi, la possibilité d’un contact vivant avec la Parole du Seigneur[74].

La Parole de Dieu dans la vie ecclésiale

Rencontrer la Parole de Dieu dans la Sainte Écriture

72. S’il est vrai que la liturgie est le lieu privilégié pour la proclamation, l’écoute et la célébration de la Parole de Dieu, il est tout aussi vrai que cette rencontre doit être préparée dans le cœur des fidèles et surtout être approfondie et assimilée par eux. En effet, la vie chrétienne est caractérisée essentiellement par la rencontre avec Jésus-Christ qui nous appelle à le suivre. C’est pourquoi le Synode des Évêques a réaffirmé plusieurs fois l’importance de la pastorale dans les communautés chrétiennes comme cadre dans lequel parcourir un itinéraire personnel et communautaire par rapport à la Parole de Dieu, de sorte que celle-ci soit vraiment au fondement de la vie spirituelle. Avec les Pères du Synode, j’exprime le vif désir que fleurisse «une nouvelle saison de plus grand amour pour la Sainte Écriture, de la part de tous les membres du Peuple de Dieu, afin que la lecture orante et fidèle dans le temps leur permette d’approfondir leur relation avec la personne même de Jésus»[75].

Dans l’histoire de l’Église, les recommandations des saints sur la nécessité de connaître l’Écriture pour grandir dans l’amour du Christ ne manquent pas. C’est un fait particulièrement évident chez les Pères de l’Église. Saint Jérôme, grand «amoureux» de la Parole de Dieu se demandait: «Comment pourrait-on vivre sans la science des Écritures, à travers lesquelles on apprend à connaître le Christ lui-même, qui est la vie des croyants?»[76]. Il était bien conscient que la Bible est l’instrument «par lequel Dieu parle chaque jour aux croyants»[77]. Il conseille ainsi Leta, une matrone romaine, pour l’éducation de sa fille: «Assure-toi qu’elle étudie chaque jour un passage de l’Écriture… À la prière fais suivre la lecture, et à la lecture, la prière… Plutôt que les bijoux et les vêtements de soie, qu’elle aime les Livres divins»[78]. Ce que saint Jérôme écrivait au prêtre Neposianus vaut aussi pour nous: «Lis fréquemment les divines Écritures; et même, que le Livre Saint ne soit jamais enlevé de tes mains. Apprends-y ce que tu dois enseigner»[79]. À l’exemple du grand saint qui consacra sa vie à l’étude de la Bible et qui donna à l’Église sa traduction latine, la Vulgate, et de tous les saints qui ont placé au centre de leur vie spirituelle la rencontre avec le Christ, renouvelons notre engagement à approfondir la Parole que Dieu a donnée à l’Église. De cette façon nous pourrons tendre à ce «haut degré de la vie chrétienne ordinaire»[80], souhaité par le Pape Jean-Paul II au commencement du troisième millénaire chrétien, qui se nourrit constamment de l’écoute de la Parole de Dieu.

L’animation biblique de la pastorale

73. Dans cette ligne, le Synode a invité à un engagement pastoral particulier pour faire ressortir la place centrale de la Parole de Dieu dans la vie ecclésiale, recommandant «d’intensifier “la pastorale biblique” non en la juxtaposant à d’autres formes de la pastorale, mais comme animation biblique de toute la pastorale»[81]. Il ne s’agit donc pas d’ajouter quelques rencontres dans la paroisse ou dans le diocèse, mais de s’assurer que, dans les activités habituelles des communautés chrétiennes, dans les paroisses, dans les associations et dans les mouvements, on ait vraiment à cœur la rencontre personnelle avec le Christ qui se communique à nous dans sa Parole. Ainsi, si «l’ignorance des Écritures est ignorance du Christ»[82], l’animation biblique de toute la pastorale ordinaire et extraordinaire conduira à une plus grande connaissance de la personne du Christ, Révélateur du Père et plénitude de la Révélation divine.

J’exhorte donc les Pasteurs et les fidèles à tenir compte de l’importance de cette animation: ce sera aussi la meilleure façon de faire face à certains problèmes pastoraux mis en évidence au cours de l’Assemblée synodale liés, par exemple, à la prolifération des sectes qui répandent une lecture déformée et instrumentalisée de la Sainte Écriture. Là où les fidèles ne se forment pas à une connaissance de la Bible selon la foi de l’Église dans le creuset de sa Tradition vivante, on laisse de fait un vide pastoral dans lequel des réalités comme les sectes peuvent trouver un terrain pour prendre pied. C’est pourquoi il est nécessaire de pourvoir aussi à une préparation adéquate des prêtres et des laïcs afin qu’ils puissent instruire le Peuple de Dieu dans une approche authentique des Écritures.

En outre, comme cela a été souligné durant les travaux synodaux, il est bon que dans l’activité pastorale soit favorisé le développement de petites communautés, «composées de familles, enracinées dans les paroisses ou liées aux divers mouvements ecclésiaux ou nouvelles communautés»[83], dans lesquelles seront encouragées la formation, la prière et la connaissance de la Bible selon la foi de l’Église.

Dimension biblique de la catéchèse

74. Un temps important de l’animation pastorale de l’Église, où l’on peut avec sagesse redécouvrir le caractère central de la Parole de Dieu, est la catéchèse qui, dans ses diverses formes et phases, doit toujours accompagner le Peuple de Dieu. La rencontre des disciples d’Emmaüs avec Jésus décrite par l’évangéliste Luc (cf. Lc 24, 13-35) représente, en un certain sens, le modèle d’une catéchèse au centre de laquelle se trouve «l’explication des Écritures», que seul le Christ est en mesure de donner (cf. Lc 24, 27-28), en montrant leur accomplissement dans sa personne[84]. C’est ainsi que renaît l’espérance, plus forte que tout échec, qui fait de ces disciples des témoins convaincus et crédibles du Ressuscité.

Dans le Directoire général pour la catéchèse, nous trouvons des indications précieuses pour l’animation biblique de la catéchèse et j’y renvoie volontiers[85]. Ici, je désire surtout souligner que la catéchèse «doit s’imprégner et se pénétrer de la pensée, de l’esprit et des attitudes bibliques et évangéliques par un contact assidu avec les textes eux-mêmes; ce qui veut aussi rappeler que la catéchèse sera d’autant plus riche et efficace qu’elle lira les textes avec l’intelligence et le cœur de l’Église» [86] et qu’elle s’inspirera de la réflexion et de la vie deux fois millénaire de l’Église. On doit encourager de cette façon la connaissance des figures, des événements et des expressions fondamentaux du texte sacré; à cette fin, une mémorisation intelligente de certains passages bibliques – particulièrement ceux qui parlent des Mystères chrétiens – peut aussi être profitable. L’activité catéchétique implique toujours de rapprocher les Écritures de la foi et de la Tradition de l’Église, de sorte que ces paroles soient perçues comme vivantes, tout comme le Christ est vivant aujourd’hui là où deux ou trois se réunissent en son nom (cf. Mt 18, 20). Elle doit communiquer de façon vitale l’histoire du salut et les contenus de la foi de l’Église, afin que tout fidèle reconnaisse que son contexte personnel de vie appartient aussi à cette histoire.

Dans cette perspective, il est important de souligner le lien entre la Sainte Écriture et le Catéchisme de l’Église catholique, comme l’a affirmé le Directoire général pour la catéchèse: «En effet, l’Écriture Sainte, “Parole de Dieu mise par écrit sous l’inspiration de l’Esprit Saint” et le Catéchisme de l’Église catholique, expression actuelle de la Tradition vivante de l’Église et norme sûre pour l’enseignement de la foi, sont appelés, chacun à sa façon, et selon son autorité spécifique, à féconder la catéchèse dans l’Église contemporaine»[87].

Formation biblique des chrétiens

75. Pour atteindre le but souhaité par le Synode de donner un caractère plus fortement biblique à toute la pastorale de l’Église, il est nécessaire qu’il y ait une formation convenable des chrétiens et, en particulier, des catéchistes. À cet égard, il faut porter attention à l’apostolat biblique, méthode très valable pour cette finalité, comme le montre l’expérience ecclésiale. Les Pères synodaux ont, de plus, recommandé que, si possible par la valorisation de structures académiques déjà existantes, soient établis des centres de formation pour laïcs et pour missionnaires, où l’on apprenne à comprendre, à vivre et à annoncer la Parole de Dieu, et que, là où on en voit la nécessité, soient constitués des instituts spécialisés dans les études bibliques pour former des exégètes qui aient une solide compréhension théologique et qui soient sensibles aux contextes de leur mission[88].

La Sainte Écriture dans les grands rassemblements ecclésiaux

76. Parmi les multiples initiatives qui peuvent être prises, le Synode suggère que, dans les rassemblements, aussi bien au niveau diocésain que national ou international, l’importance de la Parole de Dieu, de son écoute et de la lecture croyante et orante de la Bible soit soulignée le plus possible. Par conséquent, dans les congrès eucharistiques, nationaux et internationaux, aux Journées Mondiales de la Jeunesse et dans les autres rencontres on pourra avec raison trouver de plus amples espaces pour des célébrations de la Parole et pour des moments de formation biblique[89].

Parole de Dieu et vocations

77. Le Synode, en soulignant l’exigence intrinsèque de la foi d’approfondir la relation avec le Christ, Parole de Dieu parmi nous, a voulu aussi mettre en évidence le fait que cette Parole appelle chacun en termes personnels, révélant ainsi que la vie elle-même est vocation par rapport à Dieu. Cela veut dire que plus nous approfondissons notre relation avec le Seigneur Jésus, plus nous nous apercevons qu’il nous appelle à la sainteté, au moyen de choix définitifs par lesquels notre vie répond à son amour, assumant des tâches et des ministères pour édifier l’Église. Dans cette perspective se comprennent les invitations faites par le Synode à tous les chrétiens d’approfondir leur relation avec la Parole de Dieu en tant que baptisés, mais aussi en tant qu’appelés à vivre selon les divers états de vie. Ici nous touchons l’un des points cardinaux de la doctrine du Concile Vatican II qui a souligné la vocation à la sainteté de tout fidèle, chacun dans son propre état de vie[90]. C’est dans la Sainte Écriture que se trouve révélée notre vocation à la sainteté: «Vous serez saints parce que je suis Saint» (Lv 11, 44; 19, 2; 20, 7). Saint Paul en souligne, à son tour, la racine christologique: dans le Christ, le Père «nous a choisis avant la création du monde, pour que nous soyons, dans l’amour, saints et irréprochables sous son regard» (Ep 1, 4). Ainsi pouvons-nous entendre comme adressé à chacun de nous son salut aux frères et aux sœurs de la communauté de Rome: «À tous les bien-aimés de Dieu … aux saints par vocation, à vous grâce et paix de par Dieu notre Père et le Seigneur Jésus-Christ.» (Rm 1, 7).

a) Parole de Dieu et Ministres ordonnés

78. Avant tout, en m’adressant maintenant aux Ministres ordonnés de l’Église, je leur rappelle ce qu’a affirmé le Synode: «La Parole de Dieu est indispensable pour former le cœur d’un bon Pasteur, Ministre de la Parole»[91]. Évêques, prêtres, diacres ne peuvent en aucune façon penser vivre leur vocation et leur mission sans un engagement ferme et renouvelé de sanctification qui trouve l’un de ses piliers dans le contact avec la Bible.

79. Pour ceux qui sont appelés à l’épiscopat, et qui sont les premiers annonciateurs autorisés de la Parole, je désire réaffirmer ce qui a été dit par le Pape Jean-Paul II dans l’Exhortation apostolique post-synodale Pastores gregis. Pour nourrir et faire progresser sa vie spirituelle, l’Évêque doit toujours mettre «à la première place la lecture et la méditation de la Parole de Dieu. Tout Évêque devra toujours se confier et se sentir confié “à Dieu et à son message de grâce, qui a le pouvoir de construire l’édifice et de faire participer les hommes à l’héritage de ceux qui ont été sanctifiés” (Ac 20, 32). C’est pourquoi, avant d’être un transmetteur de la Parole, l’Évêque, avec ses prêtres et comme tout fidèle, bien plus comme l’Église elle-même, doit être un auditeur de la Parole. Il doit être comme “à l’intérieur” de la Parole, pour se laisser garder et nourrir par elle, comme dans le sein maternel»[92]. À l’imitation de Marie, Virgo audiens et Reine des Apôtres, je recommande à tous mes frères dans l’épiscopat la lecture personnelle fréquente et l’étude assidue de la Sainte Écriture.

80. À l’attention des prêtres aussi, je voudrais rappeler les paroles du Pape Jean-Paul II qui, dans l’Exhortation apostolique post-synodale Pastores dabo vobis, a rappelé que «le prêtre est avant tout Ministre de la Parole de Dieu. Il est consacré et envoyé pour annoncer à tous l’Évangile du Royaume, appelant tout homme à l’obéissance de la foi et conduisant les croyants à une connaissance et à une communion toujours plus profonde du Mystère de Dieu, à nous révélé et communiqué par le Christ. C’est pourquoi le prêtre lui-même doit tout d’abord acquérir une grande familiarité avec la Parole de Dieu. Il ne lui suffit pas d’en connaître l’aspect linguistique ou exégétique, ce qui est cependant nécessaire. Il lui faut accueillir la Parole avec un cœur docile et priant, pour qu’elle pénètre à fond dans ses pensées et ses sentiments et engendre en lui un esprit nouveau, “la pensée du Christ” (1 Co 2, 16)»[93]. Ainsi, ses paroles, et plus encore ses choix et ses attitudes seront toujours plus transparents à l’Évangile, l’annonceront et en rendront témoignage. «C’est seulement “en demeurant” dans la Parole que le prêtre deviendra parfait disciple du Seigneur, connaîtra la vérité et sera vraiment libre»[94].

En définitive, l’appel au sacerdoce demande d’être consacrés «dans la vérité». Jésus lui-même formule cette exigence à l’égard de ses disciples: «Consacre-les par la vérité: ta parole est vérité. De même que tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés dans le monde» (Jn 17, 17-18). Les disciples sont en un certain sens «attirés dans l’intimité de Dieu par leur immersion dans la Parole de Dieu. La Parole de Dieu est, pour ainsi dire, le bain qui les purifie, le pouvoir créateur qui les transforme dans l’être de Dieu»[95]. Et puisque le Christ lui-même est la Parole de Dieu faite chair (Jn 1, 14), qu’il est «la vérité» (Jn 14, 6), alors la prière de Jésus au Père «Consacre-les par la vérité» veut dire au sens le plus profond: «Fais qu’ils ne soient qu’un avec moi, le Christ. Attache-les à moi. Attire-les en moi. Et, de fait, il n’existe qu’un seul prêtre de la Nouvelle Alliance, Jésus-Christ lui-même»[96]. Il est donc nécessaire que les prêtres renouvellent toujours plus profondément leur conscience de cette réalité.

81. Je voudrais me référer aussi à la place de la Parole de Dieu dans la vie de ceux qui sont appelés au diaconat, non seulement comme degré précédant l’ordre du presbytérat, mais comme service permanent. Les Normes fondamentales pour la formation des diacres permanents affirment que de «l’identité théologique du diaconat, dérivent avec clarté les traits de sa spiritualité spécifique, qui se présente essentiellement comme une spiritualité du service. Le modèle par excellence est le Christ serviteur, qui a vécu totalement au service de Dieu pour le bien des hommes»[97]. Dans cette perspective on comprend que, dans les différentes dimensions du ministère diaconal, «un élément caractéristique de la spiritualité diaconale est la Parole de Dieu, dont le diacre est appelé à être l’annonciateur autorisé, en croyant ce qu’il proclame, en enseignant ce qu’il croit, en vivant ce qu’il enseigne»[98]. Je recommande donc que les diacres nourrissent leur vie d’une lecture croyante de la Sainte Écriture avec l’étude et la prière. Qu’ils soient introduits à «la Sainte Écriture et à sa juste interprétation; à la théologie de l’Ancien et du Nouveau Testament; au rapport réciproque entre l’Écriture et la Tradition; en particulier à l’usage de l’Écriture dans la prédication, dans la catéchèse et dans l’activité pastorale en général»[99].

b) La Parole de Dieu et les candidats à l’Ordination

Le Synode a accordé une importance particulière au rôle décisif de la Parole de Dieu dans la vie spirituelle des candidats au sacerdoce ministériel: «Les candidats au sacerdoce doivent apprendre à aimer la Parole de Dieu. Que l’Écriture soit donc l’âme de leur formation théologique, en soulignant la circularité indispensable entre exégèse, théologie, spiritualité et mission»[100]. Les aspirants au sacerdoce ministériel sont appelés à une profonde relation personnelle avec la Parole de Dieu, en particulier dans la Lectio divina, pour que leur vocation elle-même se nourrisse de cette relation: c’est dans la lumière et dans la force de la Parole de Dieu que chacun peut découvrir, comprendre, aimer et suivre sa vocation propre et accomplir sa mission, faisant grandir dans le cœur les pensées de Dieu, de sorte que la foi, en tant que réponse à la Parole, devienne le nouveau critère de jugement et d’évaluation des hommes et des choses, des événements et des problèmes[101].

Cette attention à la lecture priante de l’Écriture ne doit en aucune façon alimenter une dichotomie par rapport à l’étude exégétique demandée au temps de la formation. Le Synode a recommandé que les séminaristes soient aidés concrètement à voir la relation entre l’étude biblique et la prière avec l’Écriture. Étudier les Écritures doit rendre plus conscient du Mystère de la Révélation divine et nourrir une attitude de réponse priante au Seigneur qui parle. De même, une authentique vie de prière ne pourra que faire grandir dans l’âme du candidat le désir de connaître toujours plus le Dieu qui s’est révélé dans sa Parole comme amour infini. Par conséquent, on devra apporter le plus grand soin à cultiver dans la vie des séminaristes cette réciprocité entre étude et prière. Dans ce but, il faut que les candidats soient initiés à une étude de la Sainte Écriture par des méthodes qui en favorisent une telle approche intégrale.

c)Parole de Dieu et Vie consacrée

83. En ce qui concerne la Vie consacrée, le Synode a rappelé avant tout qu’elle «naît de l’écoute de la Parole de Dieu et accueille l’Évangile comme règle de vie»[102]. Vivre à la suite du Christ, chaste, pauvre et obéissant, est ainsi une «“exégèse” vivante de la Parole de Dieu»[103]. L’Esprit Saint, grâce auquel la Bible a été écrite, est le même Esprit qui éclaire «d’une lumière nouvelle la Parole de Dieu aux fondateurs et aux fondatrices. D’elle tout charisme est né et d’elle, toute règle veut être l’expression»[104], en donnant vie à des itinéraires de vie chrétienne caractérisés par la radicalité évangélique.

Je voudrais rappeler que la grande Tradition monastique a toujours considéré la méditation de l’Écriture Sainte comme un élément constitutif de sa spiritualité propre, en particulier sous la forme de la Lectio divina. Aujourd’hui encore, les anciennes et nouvelles réalités de consécration particulière sont appelées à être de véritables écoles de vie spirituelle où les Écritures sont lues selon l’Esprit Saint dans l’Église, afin que tout le Peuple de Dieu puisse en bénéficier. Le Synode recommande donc que dans les communautés de Vie consacrée, ne manque jamais une formation solide à la lecture croyante de la Bible[105].

Je désire encore me faire l’interprète de la sollicitude et de la gratitude que le Synode a exprimées à l’égard des formes de vie contemplative qui, en vertu de leur charisme spécifique, consacrent une grande partie de leurs journées à imiter la Mère de Dieu, qui méditait assidûment les paroles et les gestes de son Fils (cf. Lc 2, 19. 51), et Marie de Béthanie qui, assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole (cf. Lc 10, 38). Ma pensée se tourne en particulier vers les moines et moniales cloîtrés qui, par leur séparation du monde, se trouvent plus intimement unis au Christ, cœur du monde. Plus que jamais, l’Église a besoin du témoignage de ceux qui s’engagent à «ne rien préférer à l’amour du Christ»[106]. Le monde actuel est souvent trop absorbé par les activités extérieures dans lesquelles il risque de se perdre. Les contemplatifs et les contemplatives, par leur vie de prière, d’écoute et de méditation de la Parole de Dieu nous rappellent que l’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu (cf. Mt 4, 4). Par conséquent, tous les fidèles doivent bien se souvenir qu’une telle forme de vie «indique au monde d’aujourd’hui la chose la plus importante, et c’est même en fin de compte la seule chose décisive: il existe une ultime raison pour laquelle il vaut la peine de vivre, qui est Dieu et son amour impénétrable»[107].

d) La Parole de Dieu et les fidèles laïcs

84. Le Synode a très souvent tourné son attention vers les fidèles laïcs, les remerciant de leur généreux engagement dans la diffusion de l’Évangile dans les différents milieux de leur vie quotidienne, au travail, à l’école, en famille et dans l’éducation[108]. Cette tâche, qui vient du Baptême, doit pouvoir se développer à travers une vie chrétienne toujours plus consciente, capable de rendre raison de l’espérance qui est en nous (cf. 1 P 3, 15). Jésus, dans l’Évangile de Matthieu, indique que «le champ c’est le monde; le bon grain, ce sont les fils du Royaume» (13, 38). Ces paroles s’appliquent particulièrement aux laïcs chrétiens qui vivent leur vocation personnelle à la sainteté dans une existence selon l’Esprit qui s’exprime «de façon particulière dans leur insertion dans les réalités temporelles et dans leur participation aux activités terrestres»[109]. Ils ont besoin d’être formés pour discerner la volonté de Dieu grâce à une familiarité avec la Parole de Dieu, lue et étudiée dans l’Église, sous la conduite des Pasteurs légitimes. Ils peuvent tirer cette formation des écoles de grandes spiritualités ecclésiales, à la racine desquelles se trouve toujours l’Écriture Sainte. Que selon leurs possibilités, les diocèses eux-mêmes fassent, en ce sens, des offres de formation aux laïcs ayant des responsabilités ecclésiales particulières[110].

e) La Parole de Dieu, le mariage et la famille

85. Le Synode a éprouvé la nécessité de souligner aussi le rapport entre la Parole de Dieu, le mariage et la famille chrétienne. En effet, «en annonçant la Parole de Dieu, l’Église révèle à la famille chrétienne sa véritable identité, autrement dit ce qu’elle est et ce qu’elle doit être selon le dessein du Seigneur»[111]. Il faut donc ne jamais perdre de vue que la Parole de Dieu est à l’origine du mariage (cf. Gn 2, 24) et que Jésus lui-même a voulu inclure le mariage parmi les institutions de son Royaume (cf. Mt 19, 4-8), faisant un Sacrement de ce qui était inscrit à l’origine dans la nature humaine. «Dans la célébration sacramentelle, l’homme et la femme prononcent une parole prophétique de don mutuel, d’être “une seule chair”, signe du Mystère de l’union du Christ et de l’Église (cf. Ep 5, 31-32)»[112]. La fidélité à la Parole de Dieu amène également à constater qu’aujourd’hui cette institution est attaquée sous de nombreux aspects par la mentalité ambiante. Face au désordre général des sentiments et à l’apparition de modes de pensée qui banalisent le corps humain et la différence sexuelle, la Parole de Dieu réaffirme la bonté originelle de l’être humain, créé homme et femme, et appelé à l’amour fidèle, réciproque et fécond.

Du grand Mystère nuptial, provient une incontournable responsabilité des parents à l’égard de leurs enfants. En effet, c’est à la paternité et à la maternité vécues de façon authentique qu’il revient de communiquer et de témoigner du sens de la vie dans le Christ: à travers leur fidélité et l’unité de la vie de famille, les époux sont pour leurs enfants les premiers messagers de la Parole de Dieu. La communauté ecclésiale doit les soutenir et les aider à développer la prière en famille, l’écoute de la Parole et la connaissance de la Bible. C’est pourquoi le Synode souhaite que chaque foyer ait sa Bible et la conserve dignement, afin de pouvoir la lire et l’utiliser dans la prière. L’aide nécessaire peut être fournie par les prêtres, les diacres ou les laïcs bien préparés. Le Synode a recommandé aussi la création de petites communautés composées de familles, où l’on pratique la prière et la méditation commune de passages choisis des Écritures[113]. Que les époux se rappellent, en outre, «que la Parole de Dieu est aussi un précieux soutien dans les difficultés de la vie conjugale et familiale»[114].

Dans ce contexte, je désire souligner encore ce que le Synode a recommandé au sujet de la tâche des femmes à l’égard de la Parole de Dieu. La contribution du «génie féminin» – comme l’appelait le Pape Jean-Paul II[115], – à la connaissance de l’Écriture et à la vie entière de l’Église, est plus grande aujourd’hui que par le passé et touche aussi désormais le domaine des études bibliques elles-mêmes. Le Synode s’est arrêté en particulier sur le rôle indispensable des femmes dans la famille et dans l’éducation, dans la catéchèse, dans la transmission des valeurs. En effet, elles «savent susciter l’écoute de la Parole, la relation personnelle avec Dieu et transmettre le sens du pardon et du partage évangélique»[116], comme elles savent aussi être porteuses d’amour, modèles de miséricorde et artisans de paix, communicatrices de chaleur et d’humanité dans un monde qui, trop souvent, juge les personnes selon les critères froids de l’exploitation et du profit.

La lecture orante de la Sainte Écriture et la ‘Lectio divina’

86. Le Synode a insisté à plusieurs reprises sur l’exigence d’une approche priante du texte sacré comme élément fondamental de la vie spirituelle de tout croyant, dans les divers ministères et états de vie, en se référant notamment à la Lectio divina[117]. La Parole de Dieu est, en effet, à la base de toute spiritualité chrétienne authentique. Les Pères synodaux se sont ainsi mis en syntonie avec ce qu’affirme la Constitution dogmatique Dei Verbum: «Que les fidèles (…) approchent de tout leur cœur le texte sacré lui-même, soit par la sainte liturgie, qui est remplie des paroles divines, soit par une pieuse lecture, soit par des cours faits pour cela ou par d’autres méthodes qui, avec l’approbation et le soin qu’en prennent les Pasteurs de l’Église, se répandent de manière louable partout de notre temps. Mais la prière – qu’on se le rappelle – doit accompagner la lecture de la Sainte Écriture»[118]. La réflexion conciliaire entendait reprendre la grande Tradition patristique qui a toujours recommandé d’approcher l’Écriture en établissant un dialogue avec Dieu. Comme le dit saint Augustin: «Ta prière est ta parole adressée à Dieu. Quand tu lis, c’est Dieu qui te parle; quand tu pries, c’est toi qui parles avec Dieu»[119]. Origène, l’un des maîtres de cette lecture de la Bible, soutient que l’intelligence des Écritures demande, plus encore que l’étude, l’intimité avec le Christ et la prière. Il est convaincu, en effet, que la voie privilégiée pour connaître Dieu est l’amour, et que l’on n’acquiert pas une authentique scientia Christi sans s’éprendre de Lui. Dans la Lettre à Grégoire, le grand théologien d’Alexandrie recommande: «Applique-toi principalement à la lecture des divines Écritures: applique-toi bien à cela (…) En t’appliquant à les lire avec l’intention de croire et de plaire à Dieu, frappe, dans ta lecture, à la porte de ce qui est fermé, et il t’ouvrira, le portier dont Jésus a dit: “À celui-là le portier ouvre”. En t’appliquant à cette divine lecture, cherche avec droiture et avec une confiance inébranlable en Dieu le sens des divins Écrits, caché au grand nombre. Ne te contente pas de frapper et de chercher, car il est absolument nécessaire de prier pour comprendre les choses divines. C’est pour nous y exhorter que le Sauveur a dit non seulement: “Frappez et l’on vous ouvrira” et “Cherchez et vous trouverez”, mais aussi: “Demandez et l’on vous donnera”»[120].

Toutefois, à ce propos, il faut éviter le risque d’une approche individualiste, en se rappelant que la Parole de Dieu nous est précisément donnée pour construire la communion, pour nous unir dans la vérité durant notre marche vers Dieu. C’est une Parole qui s’adresse à chacun personnellement, mais c’est aussi une Parole qui construit la communauté, qui construit l’Église. C’est pourquoi le texte sacré doit toujours être abordé dans la communion ecclésiale. En effet, «il est très important d’effectuer une lecture communautaire (…), car le sujet vivant de l’Écriture Sainte c’est le Peuple de Dieu, c’est l’Église. (…) L’Écriture n’appartient pas au passé, car son sujet, le Peuple de Dieu inspiré par Dieu lui-même, est toujours le même, et la Parole est donc toujours vivante dans le sujet vivant. C’est pourquoi il est important de lire l’Écriture Sainte et d’entendre l’Écriture Sainte dans la communion de l’Église, c’est-à-dire avec tous les grands témoins de cette Parole, en commençant par les premiers Pères jusqu’aux saints d’aujourd’hui, jusqu’au Magistère actuel»[121].

Par conséquent, dans la lecture orante de l’Écriture Sainte, le lieu privilégié est la liturgie, l’Eucharistie en particulier, durant laquelle, en célébrant le Corps et le Sang du Christ présent dans le Sacrement, se rend présente parmi nous la Parole elle-même. En un certain sens, la lecture priante, personnelle et communautaire, doit toujours être vécue en relation avec la célébration eucharistique. Comme l’adoration eucharistique prépare, accompagne et continue la célébration eucharistique[122],de même la lecture priante, personnelle et communautaire, prépare, accompagne et approfondit ce que l’Église célèbre en proclamant la Parole, dans le cadre liturgique. En mettant en aussi étroite relation Lectio et liturgie, on peut mieux saisir les critères qui doivent guider cette lecture dans le contexte de la pastorale et de la vie spirituelle du Peuple de Dieu.

87. Dans les documents qui ont préparé et accompagné le Synode, on a parlé de diverses méthodes pour approcher avec fruit et dans la foi les Écritures Saintes. Toutefois, l’attention la plus grande a été portée sur la Lectio divina, qui «est capable d’ouvrir au fidèle le trésor de la Parole de Dieu, et de provoquer ainsi la rencontre avec le Christ, Parole divine vivante.»[123]. Je voudrais rappeler brièvement ici ses étapes fondamentales: elle s’ouvre par la lecture (lectio) du texte qui provoque une question portant sur la connaissance authentique de son contenu: que dit en soi le texte biblique? Sans cette étape, le texte risquerait de devenir seulement un prétexte pour ne jamais sortir de nos pensées. S’en suit la méditation (meditatio) qui pose la question suivante: que nous dit le texte biblique? Ici, chacun personnellement, mais aussi en tant que réalité communautaire, doit se laisser toucher et remettre en question, car il ne s’agit pas de considérer des paroles prononcées dans le passé mais dans le présent. L’on arrive ainsi à la prière (oratio) qui suppose cette autre question: que disons-nous au Seigneur en réponse à sa Parole? La prière comme requête, intercession, action de grâce et louange, est la première manière par laquelle la Parole nous transforme. Enfin, la Lectio divina se termine par la contemplation (contemplatio), au cours de laquelle nous adoptons, comme don de Dieu, le même regard que lui pour juger la réalité, et nous nous demandons: quelle conversion de l’esprit, du cœur et de la vie le Seigneur nous demande-t-il? Saint Paul, dans la Lettre aux Romains affirme: «Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour savoir reconnaître quelle est la volonté de Dieu: ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait» (12, 2). La contemplation, en effet, tend à créer en nous une vision sapientielle de la réalité, conforme à Dieu, et à former en nous «la pensée du Christ» (1 Co 2, 16). La Parole de Dieu se présente ici comme un critère de discernement: «elle est vivante, (…) énergique et plus coupante qu’une épée à deux tranchants; elle pénètre au plus profond de l’âme, jusqu’aux jointures et jusqu’aux moelles; elle juge des intentions et des pensées du cœur» (He 4, 12). Il est bon, ensuite, de rappeler que la Lectio divina ne s’achève pas dans sa dynamique tant qu’elle ne débouche pas dans l’action (actio), qui porte l’existence croyante à se faire don pour les autres dans la charité.

Ces étapes se trouvent synthétisées et résumées de manière sublime dans la figure de la Mère de Dieu, modèle pour tous les fidèles de l’accueil docile de la Parole divine. Elle «conservait avec soin toutes ces choses, en les méditant dans son cœur» (Lc 2, 19; cf. 2, 51), elle savait trouver le lien profond qui unit les événements, les faits et les réalités, apparemment disjoints, dans le grand dessein de Dieu[124].

Je voudrais rappeler en outre ce qui a été recommandé durant le Synode en ce qui concerne l’importance de la lecture personnelle de l’Écriture, aussi comme pratique pénitentielle, qui prévoit la possibilité, selon les dispositions habituelles de l’Église, d’acquérir l’indulgence, pour soi ou pour les défunts[125]. La pratique de l’indulgence [126] implique la doctrine des mérites infinis du Christ – que l’Église, comme Ministre de la Rédemption, dispense et applique, mais implique également celle de la communion des saints et nous dit «combien nous sommes unis intimement dans le Christ les uns avec les autres et combien la vie surnaturelle de chacun peut bénéficier aux autres»[127]. Dans cette perspective, la lecture de la Parole de Dieu nous soutient dans notre itinéraire de pénitence et de conversion, nous permet d’approfondir le sens de notre appartenance ecclésiale et nous soutient dans une familiarité plus grande avec Dieu. Comme l’affirmait saint Ambroise: lorsque nous prenons en main avec foi les Écritures Saintes et les lisons avec l’Église, l’homme revient se promener avec Dieu dans le paradis[128].

La Parole de Dieu et la prière mariale

88. Rappelant le lien indissociable entre la Parole de Dieu et Marie de Nazareth, j’invite, en union avec les Pères synodaux, à promouvoir parmi les fidèles, surtout dans leur vie de famille, les prières mariales comme une aide pour méditer les saints Mystères racontés par l’Écriture. Un moyen très utile est, par exemple, la récitation personnelle ou communautaire du saint Rosaire[129], qui reprend avec Marie les Mystères de la vie du Christ[130], que le Pape Jean-Paul II a voulu enrichir avec les Mystères lumineux[131]. Il est opportun que l’énonciation des différents Mystères soit accompagnée de brefs passages de la Bible relatifs au Mystère annoncé, afin de favoriser la mémorisation de certaines expressions significatives de l’Écriture relatives aux Mystères de la vie du Christ.

Par ailleurs, le Synode a recommandé d’encourager parmi les fidèles la récitation de la prière de l’Angelus Domini. Il s’agit d’une prière simple et profonde qui, en union avec la Mère de Dieu, nous permet de nous «remémorer chaque jour le Mystère du Verbe incarné»[132]. Il est opportun que le Peuple de Dieu, les familles et les communautés de personnes consacrées soient fidèles à cette prière mariale que la Tradition nous invite à réciter à l’aurore, à midi et au coucher du soleil. Dans la prière de l’Angelus Domini, nous demandons à Dieu, par l’intercession de Marie, qu’il nous soit donné d’accomplir comme elle la volonté de Dieu et d’accueillir en nous sa Parole. Cette pratique peut nous aider à approfondir en nous un authentique amour pour le Mystère de l’Incarnation.

Diverses prières anciennes de l’Orient chrétien qui, par leur référence à la Theotokos, à la Mère de Dieu, retracent toute l’histoire du salut, méritent d’être connues, appréciées et répandues aussi. Nous pensons en particulier à l’Akathistos et à la Paraklesis. Il s’agit d’hymnes de louange chantés sous forme de litanies, imprégnés de la foi ecclésiale et de références bibliques, qui aident les fidèles à méditer avec Marie les Mystères du Christ. En particulier, l’hymne sacré à la Mère de Dieu, dit Akathistos – c’est-à-dire que l’on chante debout –, représente l’une des expressions les plus élevées de la piété mariale de la Tradition byzantine[133]. Prier en utilisant ces mots dilate l’âme et la dispose à la paix qui vient d’en-haut, de Dieu, à cette paix qui est le Christ lui-même, né de Marie pour notre salut.

La Parole de Dieu et la Terre Sainte

89. En nous souvenant du Verbe de Dieu qui se fait chair dans le sein de Marie de Nazareth, notre cœur se tourne, à présent, vers cette Terre où s’est accompli le Mystère de notre Rédemption et depuis laquelle la Parole de Dieu s’est répandue jusqu’aux confins de la terre. En effet, par l’action de l’Esprit Saint, le Verbe s’est incarné en un moment précis et en un lieu déterminé, sur un coin de terre aux confins de l’empire romain. C’est pourquoi, plus nous voyons l’universalité et l’unicité de la Personne du Christ, plus nous considérons avec gratitude cette Terre où Jésus est né, a vécu et s’est donné lui-même pour nous tous. Les pierres sur lesquelles notre Rédempteur a marché demeurent pour nous riches de souvenirs et continuent à «crier» la Bonne Nouvelle. C’est pourquoi les Pères synodaux ont rappelé l’heureuse expression qui désigne la Terre Sainte, «le cinquième Évangile»[134]. Combien il est important qu’en ces lieux se trouvent des communautés chrétiennes, malgré les nombreuses difficultés! Le Synode des Évêques exprime sa profonde proximité à tous les chrétiens qui vivent sur la Terre de Jésus, en témoignant leur foi dans le Ressuscité. Là, les chrétiens sont appelés à servir non seulement comme «un phare de la foi pour l’Église universelle, mais aussi comme un levain d’harmonie, de sagesse et d’équilibre dans la vie d’une société qui, traditionnellement, a été et continue d’être pluraliste, multiethnique et multi-religieuse»[135].

La Terre Sainte reste encore aujourd’hui un but de pèlerinage du Peuple chrétien, comme démarche de prière et de pénitence, ainsi qu’en témoignaient, déjà dans l’antiquité, des auteurs comme saint Jérôme[136]. Plus nous tournons notre regard et notre cœur vers la Jérusalem terrestre, plus s’embrasent en nous le désir de la Jérusalem céleste, véritable but de tout pèlerinage, et la passion pour que le nom de Jésus, en qui seul réside le salut, soit reconnu par tous (cf. Ac 4, 12).


[1] In Iohannis Evangelium Tractatus, 1,12: CCL 36,7.

[2] Lett. enc. Veritatis splendor (6 août 1993), n. 25: AAS 85 (1993) p. 1153.

[3] Conc. Œcum. Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 8.

[4] Relatio post disceptationem, n. 11: L’ORf, 11 novembre 2008, p. 11.

[5] N. 1.

[7] Cf. Relatio post disceptationem, n. 10: L’ORf, 11 novembre 2008, p. 14.

[9] Conc. Œcum. Vat. II, Const. sur la sainte Liturgie Sacrosanctum Concilium, n. 24.

[11] Missel romain, Présentation générale du Lectionnaire de la Messe, n. 4.

[12] Ibidem, n. 9.

[13] Ibidem, n. 3; cf. Lc 4, 16-21; 24, 25-35.44-49.

[14] Conc. Œcum. Vat. II, Const. sur la sainte Liturgie Sacrosanctum Concilium, n. 102.

[15] Cf. Benoît XVI, Exhort. apost. post-synodale Sacramentum caritatis (22 février 2007), nn. 44-45: AAS 99 (2007), pp. 139-141.

[16] Commission Biblique Pontificale, L’interprétation de la Bible dans l’Église (15 avril 1993), IV, C, 1; p. 110; Ench. Vat. 13, n. 3123.

[17] Ibidem, III, B, 3; p. 89; Ench. Vat. 13, n. 3056.

[18] Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Const. sur la sainte Liturgie Sacrosanctum Concilium, nn. 48.51.56; Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, nn. 21.26; Décret sur l’activité missionnaire de l’Église Ad gentes, nn. 6.15; Décret sur le ministère et la vie des prêtres Presbyterorum ordinis, n. 18; Décret sur la rénovation et l’adaptation de la vie religieuse Perfectae caritatis, n. 6. Dans la grande tradition de l’Église, nous trouvons des expressions significatives comme: «Corpus Christi intelligitur etiam […] Scriptura Dei» (l’Écriture [la Parole] de Dieu est aussi considérée Corps du Christ): Waltramus, De unitate Ecclesiae conservanda, 13, éd. W. Schwenkenbecher, Hannoverae 1883, p. 33; «La chair du Seigneur est une vraie nourriture et son sang est une vraie boisson; ce vrai bien qui nous est réservé dans la vie présente, consiste à manger sa chair et à boire son sang, non seulement dans l’Eucharistie, mais aussi dans la lecture de la Sainte Écriture. En effet, la parole de Dieu, puisée dans la connaissance des Écritures, est une vraie nourriture et une vraie boisson»: Saint Jérôme, Commentarius in Ecclesiasten, n. 313: CCL 72,278.

[19] J. Ratzinger (Benoît XVI), Jésus de Nazareth, Flammarion, Paris 2007, p. 295.

[20] Missel romain, Présentation générale du Lectionnaire de la Messe, n. 10.

[21] Ibidem.

[22] Cf. Proposition 7.

[23] Lett. enc. Fides et ratio (14 septembre 1998), n. 13: AAS 91 (1999), p. 16.

[25] Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Const. sur la sainte Liturgie Sacrosanctum Concilium, n. 7.

[26] In Psalmum. 147: CCL 78, 337-338.

[27] Conc. Œcum. Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 2.

[28] Const. sur la sainte Liturgie Sacrosanctum Concilium, nn. 107-108.

[29] Missel romain, Présentation générale du Lectionnaire de la Messe, n. 66.

[30] Proposition 16.

[31] Cf. Benoît XVI, Exhort. apost. post-synodale Sacramentum caritatis (22 février 2007), n. 45: AAS 99 (2007), pp. 140-141.

[32] Cf. Proposition 14.

[33] Cf. CIC, can. 230 §2; 204 §1.

[34] Missel romain, Présentation générale du Lectionnaire de la Messe, n. 55.

[35] Ibidem, n. 8.

[36] N. 46: AAS 99 (2007), p. 141.

[37] Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 25.

[38] Proposition 15.

[39] Ibidem.

[40] Sermo 179,1; PL 38, 966.

[41] Cf. Benoît XVI, Exhort. apost. post-synodale Sacramentum caritatis (22 février 2007), n. 93: AAS 99 (2007), p. 177.

[42] Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, Compendium eucharisticum (25 mars 2009), Cité du Vatican 2009.

[43] Epistula 52,7; CSEL 54,426-427.

[44] Proposition 8.

[45] Rituel de la Pénitence et de la Réconciliation. Orientations doctrinales et pastorale, n. 17.

[46] Ibidem, n. 19.

[47] Proposition 8.

[48] Proposition 19.

[49] Principes et normes de la Liturgie des Heures, III, 15.

[50] Const. sur la Sainte Liturgie Sacrosanctum Concilium, n. 85.

[51] Cf. CIC, cc. 276 § 3 ; 1174 § 1.

[52] Cf. CCEO, cc. 377; 473, § 1 et 2, 1°; 538 § 1; 881 § 1.

[53] Livre des Bénédictions, Préliminaires généraux, n. 21.

[54] Cf. Proposition 18; Conc. Œcum. Vat. II, Const. sur la Sainte Liturgie Sacrosanctum Concilium, n. 35.

[55] Cf. Benoît XVI, Exhort. apost. post-synodale Sacramentum caritatis (22 février 2007), n. 75: AAS 99 (207), pp. 162-163.

[56] Ibidem.

[57] Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, Directoire sur la piété populaire et la liturgie, Principes et orientations, n. 87; Ench. Vat. 20, n. 2461.

[58] Cf. Proposition 14.

[59] Cf. Saint Ignace d’Antioche, Ad Ephesios 15, 2 : Patres Apostolici, éd. F. X. FUNK, Tübingen 1901, I, 224.

[60] Cf. Saint Augustin, Sermo 288, 5: PL 38, 1307; Sermo 120, 2: PL 38, 677.

[62] Ibidem, n. 45; cf. Conc. Œcum. Vat. II, Const. sur la Sainte Liturgie Sacrosanctum Concilium, n. 30.

[63] Missel romain, Présentation générale du Lectionnaire de la Messe, n.13.

[64] Cf. ibidem n. 17.

[65] Proposition 40.

[67] Proposition 14.

[68] Cf. Benoît XVI, Exhort. apost. post-synodale Sacramentum caritatis (22 février 2007), n. 69: AAS 100 (207), p. 157.

[70] Proposition 14.

[71] Cf. le canon 36 du Synode d’Hippone en 393, Denzinger-Schönmetzer, 186.

[72] Cf. Jean-Paul II, Lett. Ap. Vicesimus quintus annus, 4 décembre 1988, n. 13 : AAS 81 (1988), p. 910 ; Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, Instruction sur certaines choses à observer ou à éviter au sujet de la Très Sainte Eucharistie Redemptionis sacramentum (25 mars 2004), n. 62: Ench. Vat. 22, n. 2248.

[73] Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Const. sur la Sainte Liturgie Sacrosanctum Concilium, n. 116; Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, Présentation générale du Missel Romain, n. 41.

[74] Cf. Proposition 14.

[75] Proposition 9.

[76] Epistula 30, 7: CSEL 54, 246.

[77] Id., Epistula 133, 13: CSEL 56, 260.

[78] Id., Epistula 107, 9.12: CSEL 55, 300.302.

[79] Id., Epistula 52, 7: CSEL 54, 426.

[80] Jean-Paul II, Lett. Novo millennio ineunte (6 janvier 2001), n. 31: AAS 83 (2001), pp. 287-288.

[81] Proposition 30; cf. Conc. Œcum. Vat. II, Const. dogm. Sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 24.

[82] Saint Jérôme, Commentariorum. in Isaiam libri, Prol; PL 24, 17B.

[83] Proposition 21.

[84] Cf. Proposition 23.

[85] Cf. Congrégation pour le Clergé, Directoire général pour la catéchèse (15 août 1997), n. 94; Jean-Paul II, Exhort. apost. Catechesi tradendae (16 octobre 1979), n. 27: AAS 71 (1979), p. 1298.

[86] Ibidem, n. 127; cf. Jean-Paul II, Exhort. apost. Catechesi tradendae (16 octobre 1979), n. 27: AAS 71 (1979), p. 1299.

[87] Ibidem, n. 128: Ench. Vat. 16, n. 936.

[88] Cf. Proposition 33.

[89] Cf. Proposition 45.

[90] Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Const. dogm. sur l’Église Lumen gentium, chap. 5.

[91] Proposition 31.

[92] N. 15:AAS 96 (2004), pp. 846-847.

[93] N. 26: AAS 84 (1992), p. 698.

[94] Ibidem.

[95] Benoît XVI, Homélie, Messe chrismale 2009; L’ORf, 14 avril 2009, p. 4.

[96] Ibidem.

[97] Congrégation pour l’Éducation catholique, Normes fondamentales pour la formation des diacres permanents (22 février 1998), n. 11; Ench. Vat. 17, n. 174-175; La DC, n.2181, p.411.

[98] Ibidem, n. 74 : Ench. Vat. 17, n. 263; La DC n. 2181, p. 420.

[99] Cf. ibidem, n. 81.a: Ench. Vat. 17, n. 271: La DC, ibid., p. 421.

[100] Proposition 32.

[101] Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodale Pastores dabo vobis (25 mars 1992), n. 47 : AAS 84 (1992), p. 740-742.

[102] Proposition 24.

[103] Benoît XVI, Discours pour la XIe Journée mondiale de la Vie consacrée, 2 février 2008: AAS 100 (2008) p. 133, L’ORf, 12 février 2008, p. 7; cf. Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodale Vita consecrata (25 mars 1996), n. 82: AAS 88 (1996), pp. 458-460.

[104] Congrégation pour les Instituts de Vie Consacrée et les Sociétés de Vie Apostolique, Instruction Repartir du Christ: un engagement renouvelé de la Vie consacrée au troisième millénaire (19 mai 2002), n. 24.

[105] Cf. Proposition 24.

[106] Saint Benoît, Règle, IV, 21: SC 181, p. 456-458.

[108] Cf. Proposition 30.

[109] Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodale Christifideles laici (30 décembre 1988), n. 17: AAS 81 (1989), p. 418.

[110] Cf. Proposition 33.

[111] Jean-Paul II, Exhort. apost. Familiaris consortio (22 novembre 1981), n. 49: AAS 74 (1982), pp. 140-141.

[112] Proposition 20.

[113] Cf. Proposition 21.

[114] Proposition 20.

[115] Cf. Lett. apost. Mulieris dignitatem (15 août 1988), n. 31: AAS 80 (1988), p. 1727-1729.

[116] Proposition 17.

[117] Cf. Propositions 9 et 22.

[119] Enarrationes in Psalmos 85, 7: CCL 39, 1177.

[120] Origène, Epistola ad Gregorium, 3: PG 11, 92.

[121] Benoît XVI, Discours au grand Séminaire pontifical romain (17 février 2007): AAS 99 (2007), p. 254, L’ORf, 27 février 2007, p. 3.

[122] Cf. Benoît XVI, Exhort. apost. post-synodale Sacramentum caritatis, n. 66: AAS 99 (2007), pp. 155-156.

[125] « Plenaria indulgentia conceditur christifideli qui Sacram Scripturam, iuxta textum a competenti auctoritate adprobatum, cum veneratione divino eloquio debita et ad modum lectionis spritalis, per dimidiam saltem horam legerit; si per minus tempus id egerit indulgentia erit partialis»: Pénitencerie Apostolique, Enchiridion Indulgentiarum (16 juillet 1999), Alie concessiones, 30, § 1.

[127] Paul VI, Const. apost. Indulgentiarum doctrina (1 janvier 1967): AAS 59 (1967), 18-19.

[128] Cf. Epistula 49, 3: PL 16, 1204.

[129] Cf. Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, Directoire sur la piété populaire et la liturgie, Principes et orientations (9 avril 2002), nn. 197-202. Ench. Vat. 20, n. 2638-2643.

[130] Cf. Proposition 55.

[131] Cf. Jean-Paul II, Lett. apost. Rosarium Virginis Mariae (16 octobre 2002): AAS 95 (2003), pp. 5-36.

[132] Proposition 55.

[133] Cf. Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, Directoire sur la piété populaire et la liturgie, Principes et orientations (9 avril 2002), n. 207; Ench. Vat. 20, n. 2656-2657.

[134] Cf. Proposition 51.

[135] Benoît XVI, Homélie de la messe dans la Vallée de Josaphat, Jérusalem (12 mai 2009): AAS 101 (2009), p. 473, L’ORf, 19 mai 2009, p. 12.

[136] Cf. Epistula 108, 14: CSEL 55, 324-325.

 

   

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