DEUXIÈME PARTIE
VERBUM IN ECCLESIA
«Mais à tous ceux qui l’ont accueilli,
il a donné pouvoir de devenir
enfants de Dieu» (Jn 1,12)
La Parole de Dieu et l’Église
L’Église accueille la Parole
50. Le Seigneur énonce
sa Parole afin qu’elle soit accueillie par ceux qui ont été créés
«par» le Verbe lui-même. «Il est venu chez les siens» (Jn 1,
11): la Parole ne nous est pas originellement étrangère et la
création a été voulue dans un rapport d’intimité avec la vie divine.
Le Prologue du quatrième Évangile nous met aussi devant le refus
opposé à la Parole divine par les «siens», qui «ne l’ont pas
accueilli» (Jn 1, 11). Ne pas l’accueillir veut dire, ne pas
écouter sa voix, ne pas se conformer au Logos. En revanche,
là où l’homme, même fragile et pécheur, s’ouvre sincèrement à la
rencontre avec le Christ, là commence une transformation radicale:
«mais à tous ceux qui l’ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir
enfants de Dieu» (Jn 1, 12). Accueillir le Verbe signifie se
laisser modeler par lui afin d’être conforme au Christ, au «Fils
unique qui vient du Père» (Jn 1, 13) par la puissance
de l’Esprit Saint. Cela marque le début d’une nouvelle création.
Naît alors la créature nouvelle, ainsi qu’un peuple nouveau. Ceux
qui croient, ou mieux ceux qui vivent dans l’obéissance de la foi,
«sont nés de Dieu» (Jn 1, 13), et sont rendus participants de
la vie divine: ils sont fils dans le Fils (cf. Ga 4,
5-6; Rm 8, 14-17). En commentant ce passage de l’Évangile de
Jean, saint Augustin dit d’une manière suggestive: «par le Verbe tu
as été créé, mais il est nécessaire que tu sois recréé par le Verbe».
Nous y voyons prendre forme le visage de l’Église comme une réalité
déterminée par l’accueil du Verbe de Dieu qui, en se faisant chair,
est venu établir sa tente au milieu de nous (Jn 1,
14). Cette demeure de Dieu parmi les hommes, cette shekinah
(cf. Ex 26, 1), préfigurée dans l’Ancien Testament, se
réalise maintenant dans la présence définitive de Dieu avec les
hommes dans le Christ.
La Présence
actuelle du Christ dans la vie de l’Église
51. Le rapport entre le
Christ, Parole du Père, et l’Église ne peut être compris comme un
simple événement passé; il s’agit plutôt d’une relation vitale dans
laquelle chaque fidèle est appelé à entrer personnellement. En
effet, nous parlons de la présence de la Parole de Dieu qui demeure
avec nous aujourd’hui: «Et moi, je suis avec vous tous les jours
jusqu’à la fin du monde» (Mt 28, 20). Comme le Pape
Jean-Paul II l’a affirmé: «La
présence du Christ aux hommes de tous les temps se réalise dans son
Corps qui est l’Église. Pour cela, le Seigneur a promis à ses
disciples l’Esprit Saint, qui leur “rappellerait” et ferait
comprendre ses Commandements (cf. Jn 14, 26) et serait le
principe et la source d’une vie nouvelle dans le monde (cf. Jn
3, 5-8; Rm 8, 1-13)».
La Constitution dogmatique
Dei Verbum exprime ce
Mystère avec la terminologie biblique du dialogue nuptial: «Dieu,
qui a parlé autrefois, converse sans cesse avec l’Épouse de son Fils
bien-aimé, et l’Esprit-Saint, par qui la voix vivante de l’Évangile
retentit dans l’Église et par l’Église dans le monde, introduit les
croyants dans la vérité tout entière et fait habiter en eux la
Parole du Christ en abondance (cf. Col 3,16)».
L’Épouse du Christ,
maîtresse de l’écoute, dit encore aujourd’hui avec foi: «Parle,
Seigneur, que ton Église t’écoute».
C’est pourquoi la Constitution dogmatique
Dei Verbum commence
ainsi: «En se mettant religieusement à l’écoute de la Parole de Dieu
et en la proclamant avec assurance, le saint Concile…».
Il s’agit en effet d’une définition dynamique de la vie de l’Église:
«Ce sont là des mots par lesquels le Concile indique un aspect qui
qualifie l’Église: elle est une communauté qui écoute et annonce la
Parole de Dieu. L’Église ne vit pas d’elle-même mais de l’Évangile
et, de cet Évangile, elle tire toujours à nouveau une orientation
pour son chemin. C’est une remarque que tout chrétien doit recevoir
et appliquer à lui-même: seul celui qui se met à l’écoute de la
Parole peut ensuite en devenir l’annonciateur».
Dans la Parole de Dieu proclamée et écoutée, dans les Sacrements,
Jésus dit aujourd’hui, ici et maintenant, à chacun: «Je suis tien,
je me donne à toi» pour que l’homme puisse répondre et dire à son
tour: «Je suis tien».
L’Église se manifeste ainsi comme le lieu où, par la grâce, nous
pouvons expérimenter ce que raconte le Prologue de Saint Jean: «Mais
tous ceux qui l’ont reçu, il leur a donné de pouvoir devenir enfants
de Dieu» (Jn 1, 12).
La Parole de Dieu dans la sainte liturgie
52. En considérant
l’Église comme «la demeure de la Parole»,
on doit avant tout prêter attention à la sainte liturgie. C’est
vraiment le lieu privilégié où Dieu nous parle dans notre vie
présente, où il parle aujourd’hui à son Peuple qui écoute et qui
répond. Chaque action liturgique est par nature nourrie par les
Saintes Écritures. Comme l’affirme la Constitution
Sacrosanctum Concilium,
«dans la célébration de la liturgie, la Sainte Écriture est de la
plus grande importance. C’est d’elle que sont tirés les textes qui
sont lus et qui sont expliqués dans l’homélie, ainsi que les Psaumes
qui sont chantés; et c’est sous son inspiration et sous son
impulsion que les prières, les oraisons et les hymnes liturgiques
ont pris naissance et c’est d’elle que les actions et les symboles
reçoivent leur signification».
Mieux encore, on doit dire que c’est le Christ lui-même qui «est là
présent dans sa Parole, puisque lui-même parle pendant que sont lues
dans l’Église les Saintes Écritures».
En effet, «la célébration liturgique devient elle-même une
proclamation continue, pleine et efficace de la Parole de Dieu.
C’est pourquoi, la Parole de Dieu, assidûment proclamée dans la
liturgie est toujours vivante et efficace par la puissance de
l’Esprit Saint, et manifeste l’amour agissant du Père qui ne cesse
jamais d’agir pour tous les hommes».
L’Église a toujours été consciente que durant l’action liturgique,
la Parole de Dieu est accompagnée par l’action intime de l’Esprit
Saint qui la rend efficace dans les cœurs des fidèles. En fait,
c’est grâce au Paraclet que «la Parole de Dieu devient le fondement
de l’action liturgique, la règle et le support de toute la vie.
L’œuvre de l’Esprit Saint (…) suggère au cœur de chacun tout ce qui,
dans la proclamation de la Parole de Dieu, est prononcé pour
l’assemblée des fidèles dans son ensemble; et tandis qu’elle
renforce l’unité de tous, elle ravive aussi la diversité des
charismes et pousse à l’action sous des formes multiples».
Par conséquent, il faut
comprendre et vivre la valeur essentielle de l’action liturgique par
la compréhension de la Parole de Dieu. En un certain sens,
l’herméneutique de la foi sur la base des Saintes Écritures, doit
toujours avoir comme point de référence la liturgie, où la
Parole de Dieu est célébrée comme une parole actuelle et vivante:
«Ainsi, dans la liturgie, l’Église suit-elle fidèlement la manière
de lire et d’interpréter l’Écriture qui fut celle du Christ, lui
qui, depuis l’ ‘aujourd’hui’ de sa venue, exhorte à scruter
attentivement toutes les Écritures».
Ici, se manifeste la
sage pédagogie de l’Église qui proclame et écoute la Sainte Écriture
en suivant le rythme de l’année liturgique. Cette dilatation de la
Parole de Dieu dans le temps advient particulièrement dans la
célébration eucharistique et dans la Liturgie des Heures. Au centre
de tout, resplendit le Mystère pascal auquel sont liés tous les
Mystères du Christ et de l’histoire du salut, qui s’actualisent
sacramentalement: «Tout en célébrant ainsi les Mystères de la
Rédemption, elle [l’Église] ouvre aux fidèles les richesses de la
puissance et des mérites de son Seigneur de telle sorte que ces
Mystères sont en quelque sorte rendus présents tout le temps et que
les fidèles sont mis en contact avec eux et remplis de la grâce du
salut».
J’exhorte les Pasteurs de l’Église et les assistants pastoraux à
faire en sorte que tous les fidèles soient éduqués à goûter le sens
profond de la Parole de Dieu qui se déploie dans la liturgie tout au
long de l’année, en manifestant les Mystères fondamentaux de notre
foi. La juste approche de la Sainte Écriture en dépend aussi.
La Sainte Écriture et les Sacrements
53. En abordant le
thème de la valeur de la liturgie pour la compréhension de la Parole
de Dieu, le Synode des Évêques a voulu souligner aussi la relation
entre la Sainte Écriture et l’action sacramentelle. Il est très
opportun d’approfondir le lien entre la Parole et le Sacrement,
aussi bien dans l’action pastorale de l’Église que dans la recherche
théologique.
Il est certain que «la liturgie de la Parole est un élément décisif
dans la célébration de chacun des Sacrements de l’Église»;
néanmoins, dans l’action pastorale, les fidèles ne sont pas toujours
conscients de ce lien et ne perçoivent pas toujours l’unité entre le
geste et la parole. «Il appartient aux prêtres et aux diacres,
surtout lorsqu’ils administrent les Sacrements, de mettre en lumière
l’unité que Parole et Sacrement forment dans le ministère de
l’Église».
En effet, dans le rapport entre la Parole et le geste sacramentel,
l’action même de Dieu dans l’histoire est manifestée sous la forme
liturgique à travers le caractère performatif de la Parole.
Dans l’histoire du salut en effet, il n’existe pas de séparation
entre ce que Dieu dit et fait; sa Parole même est vivante et
efficace (cf. He 4, 12), comme le traduit bien l’expression
hébraïque ‘dabar’. De même dans l’action liturgique, nous
sommes mis en présence de sa Parole qui réalise ce qu’elle dit. En
éduquant le Peuple de Dieu à découvrir le caractère performatif de
la Parole de Dieu dans la liturgie, on l’aide aussi à percevoir
l’action de Dieu dans l’histoire du salut et dans l’histoire
personnelle de chacun de ses membres.
La Parole de Dieu et l’Eucharistie
54. Ce qui vient d’être
affirmé de façon générale sur la relation entre la Parole et les
Sacrements, s’approfondit quand nous nous référons à la célébration
eucharistique. D’ailleurs, l’unité intime entre la Parole et
l’Eucharistie se base sur le témoignage scripturaire (cf. Jn
6; Lc 24), attesté par les Pères de l’Église et réaffirmé par
le
Concile Vatican II.
À ce sujet, nous pensons au grand discours de Jésus sur le pain de
vie dans la synagogue de Capharnaüm (cf. Jn 6, 22-69), qui
est sous-tendu par la comparaison entre Moïse et Jésus, entre celui
qui s’est entretenu avec Dieu face à face (cf. Ex 33, 11) et
celui qui révéla Dieu (cf. Jn 1, 18). Le discours sur le
pain, en effet, renvoie au don de Dieu, que Moïse a obtenu pour son
Peuple avec la manne dans le désert et qui est en réalité la
Torah, la Parole de Dieu qui fait vivre (cf. Ps 119;
Pr 9, 5). Jésus accomplit en sa personne la figure antique: «Le
pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au
monde… Moi, je suis le pain de vie» (Jn 6, 33.35). Ici, «la
Loi est devenue Personne. Dans la rencontre avec Jésus, nous nous
nourrissons pour ainsi dire du Dieu vivant lui-même, nous mangeons
vraiment “le pain venu du ciel”».
Le Prologue de Jean trouve un approfondissement dans le discours de
Capharnaüm: si là le Logos de Dieu devient chair, ici cette
chair devient «pain» donné pour la vie du monde (cf.
Jn 6, 51), faisant ainsi allusion au don que Jésus fera de
lui-même dans le Mystère de la Croix, qui est confirmé par
l’affirmation sur son Sang donné «pour être bu» (cf. Jn 6,
53). De cette manière, est manifesté dans le Mystère de
l’Eucharistie quelle est la vraie manne, le vrai pain du ciel: c’est
le Logos de Dieu qui s’est fait chair, et qui s’est offert
lui-même pour nous dans le Mystère pascal.
Le récit de Luc sur les
disciples d’Emmaüs nous permet de progresser dans la réflexion sur
le lien entre la Parole et la fraction du pain (cf. Lc 24,
13-35). Jésus alla à leur rencontre le jour après le sabbat, écouta
l’expression de leur espérance déçue, et, devenant leur compagnon de
route, «il leur expliqua, dans toute l’Écriture, ce qui le
concernait» (24, 27). Les deux disciples commencent à scruter d’une
manière nouvelle les Écritures en présence de ce voyageur qui, de
façon inattendue, se montre si proche de leur vie. Ce qui est arrivé
en ces jours-là n’apparaît plus comme un échec, mais comme un
accomplissement et un nouveau départ. Toutefois, ces paroles ne
semblent pas encore satisfaire les disciples. L’Évangile de Luc nous
dit que «leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent» (24, 31),
seulement quand Jésus prit le pain, dit la bénédiction, le rompit et
le leur donna, alors qu’auparavant, «leurs yeux étaient aveuglés, et
ils ne le reconnaissaient pas» (24, 16). La présence de Jésus,
d’abord à travers ses paroles, puis avec le geste de la fraction du
pain, a permis aux disciples de le reconnaître; ils purent éprouver
d’une manière nouvelle ce qu’ils avaient précédemment vécu avec lui:
«Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous
parlait sur la route, et qu’il nous faisait comprendre les
Écritures?» (24, 32).
55. Ces récits montrent
comment l’Écriture elle-même conduit à appréhender son lien
indissoluble avec l’Eucharistie. «C’est pourquoi il faut toujours
avoir présent à l’esprit que la Parole de Dieu, lue et annoncée par
l’Église dans la liturgie, conduit au sacrifice de l’Alliance et au
banquet de la grâce, c’est-à-dire à l’Eucharistie».
La Parole et l’Eucharistie sont corrélées intimement au point de ne
pouvoir être comprises l’une sans l’autre: la Parole de Dieu se fait
chair sacramentelle dans l’événement eucharistique. L’Eucharistie
nous ouvre à l’intelligence de la Sainte Écriture, comme la Sainte
Écriture illumine et explique à son tour le Mystère eucharistique.
En effet, sans la reconnaissance de la présence réelle du Seigneur
dans l’Eucharistie, l’intelligence de l’Écriture demeure incomplète.
C’est pourquoi, «la Parole de Dieu et le Mystère eucharistique ont
toujours et partout reçu de l’Église non pas le même culte mais la
même vénération. C’est ce qu’elle a établi, poussée par l’exemple de
son Fondateur, en ne cessant jamais de célébrer son Mystère pascal,
en se réunissant pour “lire dans toute l’Écriture, ce qui le
concernait” (Lc 24, 27), et pour réaliser l’œuvre du salut
par le mémorial du Seigneur et les Sacrements».
La sacramentalité de la Parole
56. En rappelant
le caractère performatif de la Parole de Dieu dans l’action
sacramentelle et l’approfondissement de la relation entre la Parole
et l’Eucharistie, nous sommes conduits à poursuivre avec un thème
important, relevé durant l’Assemblée du Synode, concernant la
sacramentalité de la Parole.
À ce propos, il est utile de rappeler que le Pape
Jean-Paul II avait fait
référence à «la perspective sacramentelle de la Révélation
et, en particulier, au signe eucharistique dans lequel l’unité
indivisible entre la réalité et sa signification permet de saisir la
profondeur du Mystère».
De là, nous comprenons que le Mystère de l’Incarnation est vraiment
à l’origine de la sacramentalité de la Parole de Dieu: «le Verbe
s’est fait chair» (Jn 1, 14), la réalité du Mystère révélé
nous est offerte dans la «chair» du Fils. La Parole de Dieu se rend
perceptible à la foi par le «signe» des paroles et des gestes
humains. La foi, donc, reconnaît le Verbe de Dieu, en accueillant
les gestes et les paroles par lesquels il se présente lui-même à
nous. La perspective sacramentelle de la Révélation indique, par
conséquent, la modalité historico-salvifique par laquelle le Verbe
de Dieu entre dans le temps et l’espace, devenant l’interlocuteur de
l’homme, qui est appelé à accueillir dans la foi le don qui lui est
fait.
La sacramentalité de la
Parole se comprend alors par analogie à la présence réelle du Christ
sous les espèces du pain et du vin consacrés.
En nous approchant de l’autel et en prenant part au banquet
eucharistique, nous communions réellement au Corps et au Sang du
Christ. La proclamation de la Parole de Dieu dans la célébration
implique la reconnaissance que le Christ lui-même est présent et
s’adresse à nous
pour être écouté. Sur l’attitude à avoir aussi bien envers
l’Eucharistie qu’envers la Parole de Dieu, saint Jérôme affirme:
«Nous lisons les Saintes Écritures. Je pense que l’Évangile est le
Corps du Christ; je pense que les Saintes Écritures sont son
enseignement. Et quand il dit: si vous ne mangez pas la chair du
Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang (Jn 6,
53), ses paroles se réfèrent au Mystère [eucharistique], toutefois,
le Corps et le Sang du Christ sont vraiment la Parole de l’Écriture,
c’est l’enseignement de Dieu. Quand nous nous référons au Mystère
[eucharistique] et qu’une miette de pain tombe, nous nous sentons
perdus. Et quand nous écoutons la Parole de Dieu, c’est la Parole de
Dieu et le Corps et le Sang du Christ qui tombent dans nos oreilles
et nous, nous pensons à autre chose. Pouvons-nous imaginer le grand
danger que nous courons?».
Le Christ, réellement présent dans les espèces du pain et du vin,
est présent analogiquement dans la Parole proclamée dans la
liturgie. Approfondir le sens de la sacramentalité de la Parole de
Dieu, peut donc favoriser une compréhension plus unifiée du Mystère
de la Révélation se réalisant «par des actions et des paroles
intrinsèquement liées entre elles»,
qui profitera à la vie spirituelle des fidèles et à l’action
pastorale de l’Église.
La Sainte Écriture et le Lectionnaire
57. En soulignant le
rapport entre la Parole et l’Eucharistie, le Synode a voulu
justement rappeler certains aspects de la célébration, qui sont
inhérents au service de la Parole. Je voudrais faire référence
surtout à l’importance du Lectionnaire. La réforme voulue par le
Concile Vatican II
a montré ses fruits en élargissant l’accès à la Sainte Écriture qui
est abondamment proposée, surtout dans la liturgie dominicale. La
structure actuelle, en plus de présenter fréquemment les textes les
plus importants de l’Écriture, favorise la compréhension de l’unité
du dessein divin, à travers la corrélation entre les lectures de
l’Ancien et du Nouveau Testament, «dont le centre est le Christ
célébré dans son Mystère pascal».
Les quelques difficultés qui persistent dans la compréhension des
relations entre les lectures des deux Testaments, doivent être
considérées à la lumière de la lecture canonique, c’est-à-dire à la
lumière de l’unité intrinsèque de toute la Bible. Là où le besoin
s’en fait sentir, les organes compétents peuvent pourvoir à la
publication de matériel didactique qui facilitera la compréhension
du lien entre les lectures proposées par le Lectionnaire, lesquelles
doivent être toutes proclamées à l’assemblée liturgique, comme le
prévoit la liturgie du jour. Les autres problèmes éventuels et les
difficultés doivent être notifiés à la
Congrégation pour le Culte divin et la
Discipline des Sacrements.
En outre, nous ne
devons pas oublier que le Lectionnaire actuel du rite latin revêt
aussi un sens œcuménique, car il est utilisé et apprécié également
par des confessions qui ne sont pas encore en pleine communion avec
l’Église catholique. Le problème du Lectionnaire dans les liturgies
des Églises catholiques orientales se pose différemment; le Synode
demande qu’il «soit analysé de manière autorisée»
selon les traditions propres et les compétences des Églises sui
iuris en tenant compte, là aussi, du contexte œcuménique.
Proclamation de la Parole et ministère du
lectorat
58. Durant l’Assemblée
synodale sur l’Eucharistie, il avait déjà été demandé qu’un plus
grand soin soit apporté dans la proclamation de la Parole de Dieu.
Comme on le sait, tandis que l’Évangile est proclamé par le prêtre
ou le diacre, la première et la seconde lectures, dans la Tradition
latine, sont proclamées par le lecteur choisi, homme ou femme. Je
voudrais ici me référer aux Pères synodaux qui, encore en cette
circonstance, ont souligné la nécessité de soigner par une formation
adéquate
l’exercice du munus du lecteur dans la célébration liturgique
et, de manière particulière le ministère du lectorat qui, comme tel
dans le rite latin, est un ministère laïc. Il est nécessaire que les
lecteurs chargés d’un tel service, même s’ils n’ont pas été
institués, soient vraiment aptes et préparés avec soin. Une telle
préparation doit être aussi bien biblique et liturgique que
technique: «La formation biblique doit permettre aux lecteurs de
situer les lectures dans leur contexte propre et de comprendre, à la
lumière de la foi, le point central du message révélé. La formation
liturgique doit fournir aux lecteurs la possibilité de saisir le
sens et la structure de la liturgie de la Parole et de comprendre
les liens entre celle-ci et la liturgie eucharistique. La
préparation technique doit rendre les lecteurs toujours plus
compétents dans l’art de lire devant le peuple, soit directement,
soit en utilisant les moyens modernes qui amplifient la voix».
L’importance de
l’homélie
59. «Les fonctions et
les charges qui reviennent à chacun par rapport à la Parole de Dieu
sont également variées: ainsi, les fidèles écoutent et méditent
cette Parole, tandis que, seuls, la présentent ceux qui ont reçu,
par l’Ordination, la charge du Magistère, ou ceux à qui l’exercice
de ce même ministère a été confié»,
à savoir les Évêques, les prêtres et les diacres. À partir de là, on
comprend l’attention que le Synode a donnée au thème de l’homélie.
Déjà dans l’Exhortation apostolique post-synodale
Sacramentum caritatis, je
rappelais qu’ «en relation avec l’importance de la Parole de Dieu,
il est nécessaire d’améliorer la qualité de l’homélie. Elle “fait
partie de l’action” liturgique; elle a pour fonction de favoriser
une compréhension plus large et plus efficace de la Parole de Dieu
dans la vie des fidèles».
L’homélie est en effet une actualisation du message scripturaire, de
telle sorte que les fidèles soient amenés à découvrir la présence et
l’efficacité de la Parole de Dieu dans l’aujourd’hui de leur vie.
Elle doit aider à la compréhension du Mystère qui est célébré,
inviter à la mission, en préparant l’assemblée à la profession de
foi, à la prière universelle et à la liturgie eucharistique. Par
conséquent, que ceux qui, en vertu de leur ministère spécial, sont
députés à la prédication, prennent à cœur ce devoir. On doit éviter
les homélies vagues et abstraites, qui occultent la simplicité de la
Parole de Dieu, comme aussi les divagations inutiles qui risquent
d’attirer l’attention plus sur le prédicateur que sur la substance
du message évangélique. Il doit être clair pour les fidèles que ce
qui tient au cœur du prédicateur, c’est de montrer le Christ, sur
lequel l’homélie est centrée. Pour ce faire, il convient que les
prédicateurs aient une familiarité et un contact assidu avec le
texte sacré;
qu’ils se préparent pour l’homélie dans la méditation et la prière
afin de pouvoir prêcher avec conviction et passion. L’Assemblée
synodale a exhorté à considérer les questions suivantes: «Que disent
les lectures proclamées? Que me disent-elles à moi personnellement?
Que dois-je dire à la communauté, en tenant compte de sa situation
concrète?».
Le prédicateur doit «être le premier à être interpellé par la Parole
de Dieu qu’il annonce»,
car, comme le dit Saint Augustin: «qui prêche extérieurement la
Parole de Dieu et ne l’écoute pas intérieurement ne peut pas porter
du fruit».
Qu’on prenne particulièrement soin de l’homélie du dimanche et des
solennités; mais qu’on n’omette pas aussi durant les Messes cum
populo en semaine, si possible, d’offrir de brèves réflexions
appropriées à la situation, pour aider les fidèles à accueillir et
faire fructifier la Parole qu’ils ont écoutée.
L’opportunité
d’un Directoire homilétique
60. Prêcher d’une
manière juste en s’appuyant sur le Lectionnaire est véritablement un
art qui doit être cultivé. C’est pourquoi, dans la continuité avec
ce qui a été demandé par le Synode précédent,
je prie les autorités compétentes, en se référant au Compendium
eucharistique,
de penser aussi aux instruments et aux moyens appropriés pour aider
les Ministres à assurer le mieux possible leur ministère, en
élaborant par exemple un Directoire sur l’homélie de façon que les
prédicateurs y puissent trouver une aide précieuse pour se préparer
à l’exercice de leur ministère. Comme nous le rappelle saint Jérôme,
la prédication doit enfin être accompagnée par le témoignage de sa
propre vie: «Que tes actions ne trahissent pas tes paroles, pour
qu’il n’advienne pas que, quand tu prêches dans l’église, quelqu’un
commente intérieurement: “Pourquoi donc n’agis-tu pas toi-même
ainsi?” […] L’esprit et la parole doivent s’accorder dans le prêtre
du Christ».
Parole de Dieu, Réconciliation et Onction
des malades
61. Si l’Eucharistie se
trouve sans aucun doute au centre de la relation entre la Parole de
Dieu et les Sacrements, il est bon de souligner aussi l’importance
de la Sainte Écriture pour les autres Sacrements, en particulier
ceux qui apportent une guérison, le Sacrement de la Réconciliation,
ou de la Pénitence, et le Sacrement de l’Onction des malades. La
référence à la Sainte Écriture y est souvent négligée, alors qu’il
faut lui donner la place qui lui revient. En effet, on ne doit
jamais oublier que «la Parole de Dieu est parole de réconciliation
parce qu’en elle Dieu réconcilie en lui toute chose (cf. 2 Co
5, 18-20; Ep 1, 10). Le pardon miséricordieux de Dieu,
incarné en Jésus, relève le pécheur».
La Parole de Dieu «éclaire le croyant pour lui faire discerner ses
péchés, l’invite à la conversion et à la confiance en la miséricorde
de Dieu».
Afin de percevoir davantage la puissance de réconciliation que
possède la Parole de Dieu, on recommande à chaque pénitent de se
préparer à la confession en méditant un passage adapté de la Sainte
Écriture et de commencer sa confession par la lecture ou l’écoute
d’une exhortation biblique, selon ce que prévoit son rite propre.
Puis, quand il manifeste sa contrition, il est bon que le pénitent
prenne «une prière formée de paroles tirées de la Sainte Écriture»
prévue par le rite. Quand cela est possible, il est bon qu’à
certains moments de l’année ou quand l’occasion s’en présente, la
confession individuelle des pénitents se fasse dans le cadre de
célébrations pénitentielles, selon ce que prévoit le rituel, dans le
respect des différentes traditions liturgiques, pour pouvoir donner
toute sa place à la célébration de la Parole par l’usage de lectures
appropriées.
En ce qui concerne le
Sacrement de l’Onction des malades, qu’on n’oublie pas que «la force
de guérison de la Parole de Dieu est un appel puissant à une
continuelle conversion personnelle de celui qui l’écoute».
La Sainte Écriture contient de nombreuses pages qui montrent le
réconfort, le soutien et la guérison donnés par l’intervention de
Dieu. Qu’on se souvienne en particulier de la proximité de Jésus à
l’égard de ceux qui souffrent: Lui-même, le Verbe de Dieu incarné,
s’est chargé de nos douleurs et il a souffert par amour pour
l’homme, en donnant ainsi un sens à la maladie et à la mort. Il est
bon que, dans les paroisses et surtout dans les hôpitaux, on célèbre
en communauté, selon les circonstances, le Sacrement des malades.
Qu’on donne en ces occasions une large place à la célébration de la
Parole et qu’on aide les fidèles malades à vivre avec foi leur état
de souffrance, en union au sacrifice rédempteur du Christ qui nous
délivre du mal.
Parole de Dieu et Liturgie des Heures
62. Parmi les formes de
prière qui exaltent la Sainte Écriture, il y a sans aucun doute la
Liturgie des Heures. Les Pères synodaux ont affirmé qu’elle
constitue «une forme privilégiée d’écoute de la Parole de Dieu parce
qu’elle met en contact les fidèles avec l’Écriture Sainte et avec la
Tradition vivante de l’Église».
On doit avant tout rappeler la dignité théologique et ecclésiale de
cette prière. En effet, «dans la Liturgie des Heures, l’Église,
exerçant la fonction sacerdotale de son Chef, offre à Dieu
“incessamment” (1 Th 5, 17) le sacrifice de louange,
c’est-à-dire le fruit des lèvres qui confessent son nom (cf. He
13, 15). Cette prière est “la voix de l’Épouse elle-même qui
s’adresse à son Époux; et mieux encore, c’est la prière du Christ
que celui-ci, avec son Corps, présente au Père”».
À ce sujet, le
Concile Vatican II avait
affirmé: «Tous ceux qui assurent cette charge accomplissent l’office
de l’Église et, en même temps, participent de l’honneur suprême de
l’Épouse du Christ, parce qu’en s’acquittant des louanges divines,
ils se tiennent devant le trône de Dieu au nom de la Mère Église».
Dans la Liturgie des Heures, prière publique de l’Église, apparaît
l’idéal chrétien de sanctification de toute la journée, rythmée par
l’écoute de la Parole de Dieu et par la prière des Psaumes, si bien
que toute activité trouve son point de référence dans la louange
offerte à Dieu.
Ceux qui sont tenus par
leur état de vie à la récitation de la Liturgie des Heures doivent
vivre cet engagement en faveur de toute l’Église. Les Évêques, les
prêtres et les diacres ordonnés en vue du sacerdoce, qui ont reçu de
l’Église la mission de la célébrer, ont l’obligation d’acquitter
chaque jour toutes les Heures.
Dans les Églises catholiques orientales sui iuris, cette
obligation sera respectée en fonction des indications données par
leur droit propre.
En outre, j’encourage les communautés de Vie consacrée à être
exemplaires dans la célébration de la Liturgie des Heures, au point
de constituer une référence et une source d’inspiration pour la vie
spirituelle et pastorale de toute l’Église.
Le Synode a exprimé le
désir de voir se diffuser plus largement dans le Peuple de Dieu ce
genre de prière, surtout la récitation des Laudes et des Vêpres. Un
tel développement ne pourra que faire grandir parmi les fidèles la
familiarité avec la Parole de Dieu. On doit souligner aussi la
valeur de la Liturgie des Heures prévue pour les premières Vêpres du
dimanche et des solennités, notamment dans les Églises catholiques
orientales. C’est pourquoi je recommande que, là où c’est possible,
les paroisses et les communautés de vie religieuse favorisent cette
prière en y associant les fidèles.
La Parole de Dieu et le Livre des
Bénédictions
63. Dans l’usage du
Livre des Bénédictions, on prêtera attention à la place prévue
pour la proclamation, l’écoute et l’explication de la Parole de
Dieu, grâce à de brèves monitions. En effet, dans les cas prévus par
l’Église et à la demande des fidèles, le geste de la bénédiction
n’est pas à isoler, mais à relier à la vie liturgique du Peuple de
Dieu selon sa nature propre. En ce sens, la bénédiction, véritable
signe sacré, «puise son sens et son efficacité de la proclamation de
la Parole de Dieu».
Il est donc important de profiter aussi de ces occasions pour
raviver chez les fidèles la faim et la soif de toute parole qui sort
de la bouche de Dieu (cf. Mt 4, 4).
Suggestions et propositions concrètes pour
l’animation liturgique
64. Après avoir rappelé
quelques éléments fondamentaux de la relation entre liturgie et
Parole de Dieu, je désire maintenant reprendre et mettre en valeur
quelques propositions et suggestions faites par les Pères synodaux
pour favoriser dans le Peuple de Dieu une familiarité toujours plus
grande avec la Parole de Dieu dans le cadre des actions liturgiques
ou du moins de ce qui s’y rapporte.
a) Célébrations
de la Parole de Dieu
65. Les Pères synodaux
ont exhorté tous les Pasteurs à diffuser dans les communautés qui
leur sont confiées les moments de célébration de la Parole.
Il s’agit d’une occasion privilégiée de rencontre avec le Seigneur.
C’est pourquoi une telle pratique ne peut qu’apporter une grande
aide aux fidèles et il faut y voir un élément de valeur de la
pastorale liturgique. Ces célébrations ont une importance
particulière pour la préparation de l’Eucharistie dominicale, afin
de donner aux croyants la possibilité de pénétrer davantage dans la
richesse du Lectionnaire pour méditer et prier la Sainte Écriture,
surtout dans les temps forts de la liturgie, l’Avent et Noël, le
Carême et Pâques. La célébration de la Parole de Dieu est fortement
recommandée dans les communautés qui, par manque de prêtres, ne
peuvent célébrer le sacrifice eucharistique aux fêtes d’obligation.
En tenant compte des indications déjà exprimées dans l’Exhortation
apostolique post-synodale
Sacramentum caritatis
sur les assemblées dominicales en l’absence de prêtre,
je recommande que les autorités compétentes élaborent des rituels,
en valorisant l’expérience des Églises particulières. C’est ainsi
que seront favorisées, dans ces situations, des célébrations de la
Parole qui puissent nourrir la foi des croyants, en évitant
néanmoins de les confondre avec les célébrations eucharistiques;
«elles devraient plutôt être des occasions privilégiées de prière
adressée à Dieu pour qu’il envoie de saints prêtres selon son cœur».
En outre, les Pères
synodaux ont invité à célébrer aussi la Parole de Dieu à l’occasion
des pèlerinages, des fêtes particulières, des missions populaires,
des retraites spirituelles et des jours spéciaux de pénitence, de
réparation et de pardon. En ce qui concerne les différentes formes
de piété populaire, bien qu’il ne s’agisse pas d’actes liturgiques
et qu’il faille éviter toute confusion avec les célébrations
liturgiques, il est bon qu’elles s’en inspirent et, surtout,
qu’elles donnent une juste place à la proclamation et à l’écoute de
la Parole de Dieu; en effet, «la piété populaire trouvera dans la
Sainte Écriture une source inépuisable d’inspiration, des modèles de
prière inégalables et des propositions particulièrement fécondes de
thèmes».
b) La Parole et
le silence
66. De nombreuses
interventions des Pères synodaux ont insisté sur la valeur du
silence en lien avec la Parole de Dieu et sa réception dans la vie
des fidèles.
En effet, la Parole ne peut être prononcée et entendue que dans le
silence, extérieur et intérieur. Notre temps ne favorise pas le
recueillement et, parfois, on a l’impression qu’il y a comme une
peur à se détacher, même momentanément, des moyens de communication
de masse. C’est pourquoi il est nécessaire aujourd’hui d’éduquer le
Peuple de Dieu à la valeur du silence. Redécouvrir le caractère
central de la Parole de Dieu dans la vie de l’Église veut dire
redécouvrir le sens du recueillement et de la paix intérieure. La
grande Tradition patristique nous enseigne que les Mystères du
Christ sont liés au silence;
par lui seul, la Parole peut faire en nous sa demeure, comme chez
Marie, qui est inséparablement la femme de la Parole et du silence.
Nos liturgies doivent faciliter cette écoute authentique:
Verbo
crescente, verba deficiunt.
Que cette valeur
resplendisse particulièrement dans la liturgie de la Parole, qui
«doit se célébrer de manière à favoriser la méditation».
Le silence, quand il est prévu, est à considérer «comme une partie
de la célébration».
C’est pourquoi j’exhorte les Pasteurs à encourager les moments de
recueillement, par le moyen desquels, avec l’aide de l’Esprit Saint,
la Parole de Dieu est reçue dans le cœur.
c) Proclamation
solennelle de la Parole de Dieu
67. Le Synode a fait
une autre suggestion: solenniser, surtout dans les fêtes liturgiques
importantes, la proclamation de la Parole, spécialement l’Évangile,
en utilisant l’évangéliaire porté en procession pendant le rite
d’entrée, puis placé sur l’ambon par le diacre ou par un prêtre pour
être proclamé. C’est ainsi qu’on aide le Peuple de Dieu à
reconnaître que «la lecture de l’Évangile constitue le sommet de
cette liturgie de la Parole».
En suivant les indications de la Présentation générale du
Lectionnaire de la Messe, il est bon de mettre en valeur la
proclamation de la Parole de Dieu par le chant, notamment
l’Évangile, surtout en certaines solennités. Il serait bon de
chanter le salut, l’annonce initiale «Évangile de …» et la fin
«Acclamons la Parole de Dieu», pour souligner l’importance de ce qui
est lu.
d) La parole de
Dieu dans l’église
68. Pour favoriser
l’écoute de la Parole de Dieu, il ne faut pas négliger les moyens
qui peuvent aider les fidèles à avoir une plus grande attention. Il
est nécessaire pour cela qu’on ne néglige jamais l’acoustique des
édifices sacrés, dans le respect des normes liturgiques et
architectoniques. «Lors de la construction d’églises, les Évêques,
dûment aidés, doivent être attentifs à ce que celles-ci soient des
lieux adaptés à la proclamation de la Parole, à la méditation et à
la célébration eucharistique. Les espaces saints, qui présentent le
Mystère chrétien en relation avec la Parole de Dieu, doivent le
faire de manière éloquente, même en dehors des célébrations
liturgiques».
Une attention
particulière sera réservée à l’ambon en tant que lieu
liturgique depuis lequel est proclamée la Parole de Dieu. Il doit
être placé en un endroit bien visible qui attire spontanément
l’attention des fidèles pendant la liturgie de la Parole. Il est bon
qu’il soit fixe, établi comme un élément sculpté en harmonie
esthétique avec l’autel, de manière à représenter visiblement
aussi le sens théologique des deux tables de la Parole et de
l’Eucharistie. Depuis l’ambon, on proclame les lectures, le
Psaume responsorial et l’annonce de la Pâque; on peut également y
faire l’homélie et y dire la prière des fidèles.
Les Pères
synodaux suggèrent en outre que, dans les églises, il y ait un lieu
privilégié où l’on place la Sainte Écriture même
en-dehors de la
célébration.
En effet, il est bon que le livre qui contient la Parole de Dieu
soit dans un endroit visible et honorable à l’intérieur du temple
chrétien, sans pour autant priver de sa place centrale le tabernacle
qui contient le Très Saint Sacrement.
e) Exclusivité
des textes bibliques dans la liturgie
69. En outre, le Synode
a fortement insisté sur ce qui, d’ailleurs, a déjà été fixé par la
norme liturgique de l’Église:
les lectures tirées de la Sainte Écriture ne doivent jamais être
remplacées par d’autres textes, aussi significatifs soient-ils du
point de vue pastoral ou spirituel: «Aucun texte de spiritualité ou
de littérature ne peut atteindre la valeur et la richesse contenues
dans les Saintes Écritures qui sont la Parole de Dieu».
Il s’agit d’une règle antique de l’Église qui doit être conservée.
Face à certains abus, le Pape
Jean-Paul II avait déjà
rappelé l’importance du fait de ne jamais remplacer la Sainte
Écriture par d’autres lectures.
Souvenons-nous que le Psaume responsorial est une Parole de Dieu,
par laquelle nous répondons à la voix du Seigneur, et qu’il ne doit
donc pas être remplacé par d’autres textes, et qu’il est tout à fait
opportun de le chanter.
f) Chant
liturgique bibliquement inspiré
70. Dans le cadre de la
valorisation de la Parole de Dieu durant la célébration liturgique,
on fera aussi attention au chant retenu pour les moments prévus
selon chaque rite, favorisant celui qui est clairement inspiré par
la Bible et qui exprime, par l’accord harmonieux des paroles et de
la musique, la beauté de la Parole divine. En ce sens, il est bon de
mettre en valeur les chants que la Tradition de l’Église nous a
livrés et qui respectent ce critère. Je pense en particulier à
l’importance du chant grégorien.
g) Attention
particulière aux aveugles et aux sourds
71. Dans ce contexte,
je voudrais aussi rappeler que le Synode a recommandé que l’on fasse
particulièrement attention à ceux qui, à cause de leur état, ont des
difficultés à participer activement à la liturgie, comme par exemple
ceux qui ne voient pas ou n’entendent pas. J’encourage les
communautés chrétiennes à prévoir, dans la mesure du possible, des
outils adaptés pour venir en aide aux frères et aux sœurs qui
souffrent de ces difficultés, afin qu’il leur soit donné, à eux
aussi, la possibilité d’un contact vivant avec la Parole du Seigneur.
Rencontrer la Parole de Dieu dans la Sainte
Écriture
72. S’il est vrai que
la liturgie est le lieu privilégié pour la proclamation, l’écoute et
la célébration de la Parole de Dieu, il est tout aussi vrai que
cette rencontre doit être préparée dans le cœur des fidèles et
surtout être approfondie et assimilée par eux. En effet, la vie
chrétienne est caractérisée essentiellement par la rencontre avec
Jésus-Christ qui nous appelle à le suivre. C’est pourquoi le Synode
des Évêques a réaffirmé plusieurs fois l’importance de la pastorale
dans les communautés chrétiennes comme cadre dans lequel parcourir
un itinéraire personnel et communautaire par rapport à la Parole de
Dieu, de sorte que celle-ci soit vraiment au fondement de la vie
spirituelle. Avec les Pères du Synode, j’exprime le vif désir que
fleurisse «une nouvelle saison de plus grand amour pour la Sainte
Écriture, de la part de tous les membres du Peuple de Dieu, afin que
la lecture orante et fidèle dans le temps leur permette
d’approfondir leur relation avec la personne même de Jésus».
Dans l’histoire de
l’Église, les recommandations des saints sur la nécessité de
connaître l’Écriture pour grandir dans l’amour du Christ ne manquent
pas. C’est un fait particulièrement évident chez les Pères de
l’Église. Saint Jérôme, grand «amoureux» de la Parole de Dieu se
demandait: «Comment pourrait-on vivre sans la science des Écritures,
à travers lesquelles on apprend à connaître le Christ lui-même, qui
est la vie des croyants?».
Il était bien conscient que la Bible est l’instrument «par lequel
Dieu parle chaque jour aux croyants».
Il conseille ainsi Leta, une matrone romaine, pour l’éducation de sa
fille: «Assure-toi qu’elle étudie chaque jour un passage de
l’Écriture… À la prière fais suivre la lecture, et à la lecture, la
prière… Plutôt que les bijoux et les vêtements de soie, qu’elle aime
les Livres divins».
Ce que saint Jérôme écrivait au prêtre Neposianus vaut aussi pour
nous: «Lis fréquemment les divines Écritures; et même, que le Livre
Saint ne soit jamais enlevé de tes mains. Apprends-y ce que tu dois
enseigner».
À l’exemple du grand saint qui consacra sa vie à l’étude de la Bible
et qui donna à l’Église sa traduction latine, la Vulgate, et
de tous les saints qui ont placé au centre de leur vie spirituelle
la rencontre avec le Christ, renouvelons notre engagement à
approfondir la Parole que Dieu a donnée à l’Église. De cette façon
nous pourrons tendre à ce «haut degré de la vie chrétienne
ordinaire»,
souhaité par le Pape
Jean-Paul II au commencement
du troisième millénaire chrétien, qui se nourrit constamment de
l’écoute de la Parole de Dieu.
L’animation
biblique de la pastorale
73. Dans cette ligne,
le Synode a invité à un engagement pastoral particulier pour faire
ressortir la place centrale de la Parole de Dieu dans la vie
ecclésiale, recommandant «d’intensifier “la pastorale biblique” non
en la juxtaposant à d’autres formes de la pastorale, mais comme
animation biblique de toute la pastorale».
Il ne s’agit donc pas d’ajouter quelques rencontres dans la paroisse
ou dans le diocèse, mais de s’assurer que, dans les activités
habituelles des communautés chrétiennes, dans les paroisses, dans
les associations et dans les mouvements, on ait vraiment à cœur la
rencontre personnelle avec le Christ qui se communique à nous dans
sa Parole. Ainsi, si «l’ignorance des Écritures est ignorance du
Christ»,
l’animation biblique de toute la pastorale ordinaire et
extraordinaire conduira à une plus grande connaissance de la
personne du Christ, Révélateur du Père et plénitude de la Révélation
divine.
J’exhorte donc les
Pasteurs et les fidèles à tenir compte de l’importance de cette
animation: ce sera aussi la meilleure façon de faire face à certains
problèmes pastoraux mis en évidence au cours de l’Assemblée synodale
liés, par exemple, à la prolifération des sectes qui
répandent une lecture déformée et instrumentalisée de la Sainte
Écriture. Là où les fidèles ne se forment pas à une connaissance de
la Bible selon la foi de l’Église dans le creuset de sa Tradition
vivante, on laisse de fait un vide pastoral dans lequel des réalités
comme les sectes peuvent trouver un terrain pour prendre pied. C’est
pourquoi il est nécessaire de pourvoir aussi à une préparation
adéquate des prêtres et des laïcs afin qu’ils puissent instruire le
Peuple de Dieu dans une approche authentique des Écritures.
En outre, comme cela a
été souligné durant les travaux synodaux, il est bon que dans
l’activité pastorale soit favorisé le développement de petites
communautés, «composées de familles, enracinées dans les
paroisses ou liées aux divers mouvements ecclésiaux ou nouvelles
communautés»,
dans lesquelles seront encouragées la formation, la prière et la
connaissance de la Bible selon la foi de l’Église.
Dimension
biblique de la catéchèse
74. Un temps important
de l’animation pastorale de l’Église, où l’on peut avec sagesse
redécouvrir le caractère central de la Parole de Dieu, est la
catéchèse qui, dans ses diverses formes et phases, doit toujours
accompagner le Peuple de Dieu. La rencontre des disciples d’Emmaüs
avec Jésus décrite par l’évangéliste Luc (cf. Lc 24, 13-35)
représente, en un certain sens, le modèle d’une catéchèse au centre
de laquelle se trouve «l’explication des Écritures», que seul le
Christ est en mesure de donner (cf. Lc 24, 27-28), en
montrant leur accomplissement dans sa personne.
C’est ainsi que renaît l’espérance, plus forte que tout échec, qui
fait de ces disciples des témoins convaincus et crédibles du
Ressuscité.
Dans le
Directoire général pour la catéchèse,
nous trouvons des indications précieuses pour l’animation biblique
de la catéchèse et j’y renvoie volontiers.
Ici, je désire surtout souligner que la catéchèse «doit s’imprégner
et se pénétrer de la pensée, de l’esprit et des attitudes bibliques
et évangéliques par un contact assidu avec les textes eux-mêmes; ce
qui veut aussi rappeler que la catéchèse sera d’autant plus riche et
efficace qu’elle lira les textes avec l’intelligence et le cœur de
l’Église»
et qu’elle s’inspirera de la réflexion et de la vie deux fois
millénaire de l’Église. On doit encourager de cette façon la
connaissance des figures, des événements et des expressions
fondamentaux du texte sacré; à cette fin, une mémorisation
intelligente de certains passages bibliques – particulièrement ceux
qui parlent des Mystères chrétiens – peut aussi être profitable.
L’activité catéchétique implique toujours de rapprocher les
Écritures de la foi et de la Tradition de l’Église, de sorte que ces
paroles soient perçues comme vivantes, tout comme le Christ est
vivant aujourd’hui là où deux ou trois se réunissent en son nom (cf.
Mt 18, 20). Elle doit communiquer de façon vitale l’histoire
du salut et les contenus de la foi de l’Église, afin que tout fidèle
reconnaisse que son contexte personnel de vie appartient aussi à
cette histoire.
Dans cette perspective,
il est important de souligner le lien entre la Sainte Écriture et le
Catéchisme de l’Église catholique, comme l’a affirmé le
Directoire général pour la catéchèse:
«En effet, l’Écriture Sainte, “Parole de Dieu mise par écrit sous
l’inspiration de l’Esprit Saint” et le
Catéchisme de l’Église catholique,
expression actuelle de la Tradition vivante de l’Église et norme
sûre pour l’enseignement de la foi, sont appelés, chacun à sa façon,
et selon son autorité spécifique, à féconder la catéchèse dans
l’Église contemporaine».
Formation
biblique des chrétiens
75. Pour atteindre le
but souhaité par le Synode de donner un caractère plus fortement
biblique à toute la pastorale de l’Église, il est nécessaire qu’il y
ait une formation convenable des chrétiens et, en particulier, des
catéchistes. À cet égard, il faut porter attention à l’apostolat
biblique, méthode très valable pour cette finalité, comme le
montre l’expérience ecclésiale. Les Pères synodaux ont, de plus,
recommandé que, si possible par la valorisation de structures
académiques déjà existantes, soient établis des centres de formation
pour laïcs et pour missionnaires, où l’on apprenne à comprendre, à
vivre et à annoncer la Parole de Dieu, et que, là où on en voit la
nécessité, soient constitués des instituts spécialisés dans les
études bibliques pour former des exégètes qui aient une solide
compréhension théologique et qui soient sensibles aux contextes de
leur mission.
La Sainte
Écriture dans les grands rassemblements ecclésiaux
76. Parmi les multiples
initiatives qui peuvent être prises, le Synode suggère que, dans les
rassemblements, aussi bien au niveau diocésain que national ou
international, l’importance de la Parole de Dieu, de son écoute et
de la lecture croyante et orante de la Bible soit soulignée le plus
possible. Par conséquent, dans les congrès eucharistiques, nationaux
et internationaux, aux Journées Mondiales de la Jeunesse et dans les
autres rencontres on pourra avec raison trouver de plus amples
espaces pour des célébrations de la Parole et pour des moments de
formation biblique.
Parole de Dieu et
vocations
77. Le Synode, en
soulignant l’exigence intrinsèque de la foi d’approfondir la
relation avec le Christ, Parole de Dieu parmi nous, a voulu aussi
mettre en évidence le fait que cette Parole appelle chacun en termes
personnels, révélant ainsi que la vie elle-même est vocation
par rapport à Dieu. Cela veut dire que plus nous approfondissons
notre relation avec le Seigneur Jésus, plus nous nous apercevons
qu’il nous appelle à la sainteté, au moyen de choix définitifs par
lesquels notre vie répond à son amour, assumant des tâches et des
ministères pour édifier l’Église. Dans cette perspective se
comprennent les invitations faites par le Synode à tous les
chrétiens d’approfondir leur relation avec la Parole de Dieu en tant
que baptisés, mais aussi en tant qu’appelés à vivre selon les divers
états de vie. Ici nous touchons l’un des points cardinaux de la
doctrine du
Concile Vatican II qui a
souligné la vocation à la sainteté de tout fidèle, chacun dans son
propre état de vie.
C’est dans la Sainte Écriture que se trouve révélée notre vocation à
la sainteté: «Vous serez saints parce que je suis Saint» (Lv
11, 44; 19, 2; 20, 7). Saint Paul en souligne, à son tour, la racine
christologique: dans le Christ, le Père «nous a choisis avant la
création du monde, pour que nous soyons, dans l’amour, saints et
irréprochables sous son regard» (Ep 1, 4). Ainsi pouvons-nous
entendre comme adressé à chacun de nous son salut aux frères et aux
sœurs de la communauté de Rome: «À tous les bien-aimés de Dieu … aux
saints par vocation, à vous grâce et paix de par Dieu notre Père et
le Seigneur Jésus-Christ.» (Rm 1, 7).
a) Parole de Dieu
et Ministres ordonnés
78. Avant tout, en
m’adressant maintenant aux Ministres ordonnés de l’Église, je leur
rappelle ce qu’a affirmé le Synode: «La Parole de Dieu est
indispensable pour former le cœur d’un bon Pasteur, Ministre de la
Parole».
Évêques, prêtres, diacres ne peuvent en aucune façon penser vivre
leur vocation et leur mission sans un engagement ferme et renouvelé
de sanctification qui trouve l’un de ses piliers dans le contact
avec la Bible.
79. Pour ceux qui sont
appelés à l’épiscopat, et qui sont les premiers annonciateurs
autorisés de la Parole, je désire réaffirmer ce qui a été dit par le
Pape
Jean-Paul II dans
l’Exhortation apostolique post-synodale
Pastores gregis. Pour
nourrir et faire progresser sa vie spirituelle, l’Évêque doit
toujours mettre «à la première place la lecture et la méditation de
la Parole de Dieu. Tout Évêque devra toujours se confier et se
sentir confié “à Dieu et à son message de grâce, qui a le pouvoir de
construire l’édifice et de faire participer les hommes à l’héritage
de ceux qui ont été sanctifiés” (Ac 20, 32). C’est pourquoi,
avant d’être un transmetteur de la Parole, l’Évêque, avec ses
prêtres et comme tout fidèle, bien plus comme l’Église elle-même,
doit être un auditeur de la Parole. Il doit être comme “à
l’intérieur” de la Parole, pour se laisser garder et nourrir par
elle, comme dans le sein maternel».
À l’imitation de Marie, Virgo audiens et Reine des Apôtres,
je recommande à tous mes frères dans l’épiscopat la lecture
personnelle fréquente et l’étude assidue de la Sainte Écriture.
80. À l’attention des
prêtres aussi, je voudrais rappeler les paroles du Pape
Jean-Paul II qui, dans
l’Exhortation apostolique post-synodale
Pastores dabo vobis, a
rappelé que «le prêtre est avant tout Ministre de la Parole de Dieu.
Il est consacré et envoyé pour annoncer à tous l’Évangile du
Royaume, appelant tout homme à l’obéissance de la foi et conduisant
les croyants à une connaissance et à une communion toujours plus
profonde du Mystère de Dieu, à nous révélé et communiqué par le
Christ. C’est pourquoi le prêtre lui-même doit tout d’abord acquérir
une grande familiarité avec la Parole de Dieu. Il ne lui suffit pas
d’en connaître l’aspect linguistique ou exégétique, ce qui est
cependant nécessaire. Il lui faut accueillir la Parole avec un cœur
docile et priant, pour qu’elle pénètre à fond dans ses pensées et
ses sentiments et engendre en lui un esprit nouveau, “la pensée du
Christ” (1 Co 2, 16)».
Ainsi, ses paroles, et plus encore ses choix et ses attitudes seront
toujours plus transparents à l’Évangile, l’annonceront et en
rendront témoignage. «C’est seulement “en demeurant” dans la Parole
que le prêtre deviendra parfait disciple du Seigneur, connaîtra la
vérité et sera vraiment libre».
En définitive, l’appel
au sacerdoce demande d’être consacrés «dans la vérité». Jésus
lui-même formule cette exigence à l’égard de ses disciples:
«Consacre-les par la vérité: ta parole est vérité. De même que tu
m’as envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés dans le
monde» (Jn 17, 17-18). Les disciples sont en un certain sens
«attirés dans l’intimité de Dieu par leur immersion dans la Parole
de Dieu. La Parole de Dieu est, pour ainsi dire, le bain qui les
purifie, le pouvoir créateur qui les transforme dans l’être de Dieu».
Et puisque le Christ lui-même est la Parole de Dieu faite chair (Jn
1, 14), qu’il est «la vérité» (Jn 14, 6), alors la prière de
Jésus au Père «Consacre-les par la vérité» veut dire au sens le plus
profond: «Fais qu’ils ne soient qu’un avec moi, le Christ.
Attache-les à moi. Attire-les en moi. Et, de fait, il n’existe qu’un
seul prêtre de la Nouvelle Alliance, Jésus-Christ lui-même».
Il est donc nécessaire que les prêtres renouvellent toujours plus
profondément leur conscience de cette réalité.
81. Je voudrais me
référer aussi à la place de la Parole de Dieu dans la vie de ceux
qui sont appelés au diaconat, non seulement comme degré
précédant l’ordre du presbytérat, mais comme service permanent. Les
Normes fondamentales pour la formation des diacres permanents
affirment que de «l’identité théologique du diaconat, dérivent avec
clarté les traits de sa spiritualité spécifique, qui se présente
essentiellement comme une spiritualité du service. Le modèle par
excellence est le Christ serviteur, qui a vécu totalement au service
de Dieu pour le bien des hommes».
Dans cette perspective on comprend que, dans les différentes
dimensions du ministère diaconal, «un élément caractéristique de la
spiritualité diaconale est la Parole de Dieu, dont le diacre est
appelé à être l’annonciateur autorisé, en croyant ce qu’il proclame,
en enseignant ce qu’il croit, en vivant ce qu’il enseigne».
Je recommande donc que les diacres nourrissent leur vie d’une
lecture croyante de la Sainte Écriture avec l’étude et la prière.
Qu’ils soient introduits à «la Sainte Écriture et à sa juste
interprétation; à la théologie de l’Ancien et du Nouveau Testament;
au rapport réciproque entre l’Écriture et la Tradition; en
particulier à l’usage de l’Écriture dans la prédication, dans la
catéchèse et dans l’activité pastorale en général».
b) La Parole de
Dieu et les candidats à l’Ordination
Le Synode a accordé une
importance particulière au rôle décisif de la Parole de Dieu dans la
vie spirituelle des candidats au sacerdoce ministériel: «Les
candidats au sacerdoce doivent apprendre à aimer la Parole de Dieu.
Que l’Écriture soit donc l’âme de leur formation théologique, en
soulignant la circularité indispensable entre exégèse, théologie,
spiritualité et mission».
Les aspirants au sacerdoce ministériel sont appelés à une profonde
relation personnelle avec la Parole de Dieu, en particulier dans la
Lectio divina, pour que leur vocation elle-même se nourrisse
de cette relation: c’est dans la lumière et dans la force de la
Parole de Dieu que chacun peut découvrir, comprendre, aimer et
suivre sa vocation propre et accomplir sa mission, faisant grandir
dans le cœur les pensées de Dieu, de sorte que la foi, en tant que
réponse à la Parole, devienne le nouveau critère de jugement et
d’évaluation des hommes et des choses, des événements et des
problèmes.
Cette attention à la
lecture priante de l’Écriture ne doit en aucune façon alimenter une
dichotomie par rapport à l’étude exégétique demandée au temps de la
formation. Le Synode a recommandé que les séminaristes soient aidés
concrètement à voir la relation entre l’étude biblique et la
prière avec l’Écriture. Étudier les Écritures doit rendre plus
conscient du Mystère de la Révélation divine et nourrir une attitude
de réponse priante au Seigneur qui parle. De même, une authentique
vie de prière ne pourra que faire grandir dans l’âme du candidat le
désir de connaître toujours plus le Dieu qui s’est révélé dans sa
Parole comme amour infini. Par conséquent, on devra apporter le plus
grand soin à cultiver dans la vie des séminaristes cette
réciprocité entre étude et prière. Dans ce but, il faut que les
candidats soient initiés à une étude de la Sainte Écriture par des
méthodes qui en favorisent une telle approche intégrale.
c) Parole
de Dieu et Vie consacrée
83. En ce qui concerne
la Vie consacrée, le Synode a rappelé avant tout qu’elle «naît de
l’écoute de la Parole de Dieu et accueille l’Évangile comme règle de
vie».
Vivre à la suite du Christ, chaste, pauvre et obéissant, est ainsi
une «“exégèse” vivante de la Parole de Dieu».
L’Esprit Saint, grâce auquel la Bible a été écrite, est le même
Esprit qui éclaire «d’une lumière nouvelle la Parole de Dieu aux
fondateurs et aux fondatrices. D’elle tout charisme est né et
d’elle, toute règle veut être l’expression»,
en donnant vie à des itinéraires de vie chrétienne caractérisés par
la radicalité évangélique.
Je voudrais rappeler
que la grande Tradition monastique a toujours considéré la
méditation de l’Écriture Sainte comme un élément constitutif de sa
spiritualité propre, en particulier sous la forme de la Lectio
divina. Aujourd’hui encore, les anciennes et nouvelles réalités
de consécration particulière sont appelées à être de véritables
écoles de vie spirituelle où les Écritures sont lues selon l’Esprit
Saint dans l’Église, afin que tout le Peuple de Dieu puisse en
bénéficier. Le Synode recommande donc que dans les communautés de
Vie consacrée, ne manque jamais une formation solide à la lecture
croyante de la Bible.
Je désire encore me
faire l’interprète de la sollicitude et de la gratitude que le
Synode a exprimées à l’égard des formes de vie contemplative
qui, en vertu de leur charisme spécifique, consacrent une grande
partie de leurs journées à imiter la Mère de Dieu, qui méditait
assidûment les paroles et les gestes de son Fils (cf. Lc 2,
19. 51), et Marie de Béthanie qui, assise aux pieds du Seigneur,
écoutait sa parole (cf. Lc 10, 38). Ma pensée se tourne en
particulier vers les moines et moniales cloîtrés qui, par leur
séparation du monde, se trouvent plus intimement unis au Christ,
cœur du monde. Plus que jamais, l’Église a besoin du témoignage de
ceux qui s’engagent à «ne rien préférer à l’amour du Christ».
Le monde actuel est souvent trop absorbé par les activités
extérieures dans lesquelles il risque de se perdre. Les
contemplatifs et les contemplatives, par leur vie de prière,
d’écoute et de méditation de la Parole de Dieu nous rappellent que
l’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort
de la bouche de Dieu (cf. Mt 4, 4). Par conséquent, tous les
fidèles doivent bien se souvenir qu’une telle forme de vie «indique
au monde d’aujourd’hui la chose la plus importante, et c’est même en
fin de compte la seule chose décisive: il existe une ultime raison
pour laquelle il vaut la peine de vivre, qui est Dieu et son amour
impénétrable».
d) La Parole de
Dieu et les fidèles laïcs
84. Le Synode a très
souvent tourné son attention vers les fidèles laïcs, les remerciant
de leur généreux engagement dans la diffusion de l’Évangile dans les
différents milieux de leur vie quotidienne, au travail, à l’école,
en famille et dans l’éducation.
Cette tâche, qui vient du Baptême, doit pouvoir se développer à
travers une vie chrétienne toujours plus consciente, capable de
rendre raison de l’espérance qui est en nous (cf. 1 P
3, 15). Jésus, dans l’Évangile de Matthieu, indique que
«le champ c’est le monde; le bon grain, ce sont les fils du Royaume»
(13, 38). Ces paroles s’appliquent particulièrement aux laïcs
chrétiens qui vivent leur vocation personnelle à la sainteté dans
une existence selon l’Esprit qui s’exprime «de façon particulière
dans leur insertion dans les réalités temporelles et dans
leur participation aux activités terrestres».
Ils ont besoin d’être formés pour discerner la volonté de Dieu
grâce à une familiarité avec la Parole de Dieu, lue et étudiée dans
l’Église, sous la conduite des Pasteurs légitimes. Ils peuvent tirer
cette formation des écoles de grandes spiritualités ecclésiales, à
la racine desquelles se trouve toujours l’Écriture Sainte. Que selon
leurs possibilités, les diocèses eux-mêmes fassent, en ce sens, des
offres de formation aux laïcs ayant des responsabilités ecclésiales
particulières.
e) La Parole de
Dieu, le mariage et la famille
85. Le Synode a éprouvé
la nécessité de souligner aussi le rapport entre la Parole de Dieu,
le mariage et la famille chrétienne. En effet, «en annonçant la
Parole de Dieu, l’Église révèle à la famille chrétienne sa véritable
identité, autrement dit ce qu’elle est et ce qu’elle doit être selon
le dessein du Seigneur».
Il faut donc ne jamais perdre de vue que la Parole de Dieu est à
l’origine du mariage (cf. Gn 2, 24) et que Jésus
lui-même a voulu inclure le mariage parmi les institutions de son
Royaume (cf. Mt 19, 4-8), faisant un Sacrement de ce qui
était inscrit à l’origine dans la nature humaine. «Dans la
célébration sacramentelle, l’homme et la femme prononcent une parole
prophétique de don mutuel, d’être “une seule chair”, signe du
Mystère de l’union du Christ et de l’Église (cf. Ep 5,
31-32)».
La fidélité à la Parole de Dieu amène également à constater
qu’aujourd’hui cette institution est attaquée sous de nombreux
aspects par la mentalité ambiante. Face au désordre général des
sentiments et à l’apparition de modes de pensée qui banalisent le
corps humain et la différence sexuelle, la Parole de Dieu réaffirme
la bonté originelle de l’être humain, créé homme et femme, et appelé
à l’amour fidèle, réciproque et fécond.
Du grand Mystère
nuptial, provient une incontournable responsabilité des parents à
l’égard de leurs enfants. En effet, c’est à la paternité et à la
maternité vécues de façon authentique qu’il revient de communiquer
et de témoigner du sens de la vie dans le Christ: à travers leur
fidélité et l’unité de la vie de famille, les époux sont pour leurs
enfants les premiers messagers de la Parole de Dieu. La communauté
ecclésiale doit les soutenir et les aider à développer la prière en
famille, l’écoute de la Parole et la connaissance de la Bible. C’est
pourquoi le Synode souhaite que chaque foyer ait sa Bible et
la conserve dignement, afin de pouvoir la lire et l’utiliser dans la
prière. L’aide nécessaire peut être fournie par les prêtres, les
diacres ou les laïcs bien préparés. Le Synode a recommandé aussi la
création de petites communautés composées de familles, où l’on
pratique la prière et la méditation commune de passages choisis des
Écritures.
Que les époux se rappellent, en outre, «que la Parole de Dieu est
aussi un précieux soutien dans les difficultés de la vie conjugale
et familiale».
Dans ce contexte, je
désire souligner encore ce que le Synode a recommandé au sujet de la
tâche des femmes à l’égard de la Parole de Dieu. La
contribution du «génie féminin» – comme l’appelait le Pape
Jean-Paul II, – à
la connaissance de l’Écriture et à la vie entière de l’Église, est
plus grande aujourd’hui que par le passé et touche aussi désormais
le domaine des études bibliques elles-mêmes. Le Synode s’est arrêté
en particulier sur le rôle indispensable des femmes dans la famille
et dans l’éducation, dans la catéchèse, dans la transmission des
valeurs. En effet, elles «savent susciter l’écoute de la Parole, la
relation personnelle avec Dieu et transmettre le sens du pardon et
du partage évangélique»,
comme elles savent aussi être porteuses d’amour, modèles de
miséricorde et artisans de paix, communicatrices de chaleur et
d’humanité dans un monde qui, trop souvent, juge les personnes selon
les critères froids de l’exploitation et du profit.
La lecture orante de la Sainte Écriture et
la ‘Lectio divina’
86. Le Synode a
insisté à plusieurs reprises sur l’exigence d’une approche priante
du texte sacré comme élément fondamental de la vie spirituelle de
tout croyant, dans les divers ministères et états de vie, en se
référant notamment à la
Lectio divina.
La Parole de Dieu est, en effet, à la
base de toute spiritualité chrétienne authentique. Les Pères
synodaux se sont ainsi mis en syntonie avec ce qu’affirme la
Constitution dogmatique
Dei Verbum: «Que
les fidèles (…) approchent de tout leur cœur le texte sacré
lui-même, soit par la sainte liturgie, qui est remplie des paroles
divines, soit par une pieuse lecture, soit par des cours faits pour
cela ou par d’autres méthodes qui, avec l’approbation et le soin
qu’en prennent les Pasteurs de l’Église, se répandent de manière
louable partout de notre temps. Mais la prière – qu’on se le
rappelle – doit accompagner la lecture de la Sainte Écriture».
La réflexion conciliaire entendait reprendre la grande Tradition
patristique qui a toujours recommandé d’approcher l’Écriture en
établissant un dialogue avec Dieu. Comme le dit saint Augustin: «Ta
prière est ta parole adressée à Dieu. Quand tu lis, c’est Dieu qui
te parle; quand tu pries, c’est toi qui parles avec Dieu».
Origène, l’un des maîtres de cette lecture de la Bible, soutient que
l’intelligence des Écritures demande, plus encore que l’étude,
l’intimité avec le Christ et la prière. Il est convaincu, en effet,
que la voie privilégiée pour connaître Dieu est l’amour, et que l’on
n’acquiert pas une authentique scientia Christi sans
s’éprendre de Lui. Dans la Lettre à Grégoire, le grand
théologien d’Alexandrie recommande: «Applique-toi principalement à
la lecture des divines Écritures: applique-toi bien à cela (…) En
t’appliquant à les lire avec l’intention de croire et de plaire à
Dieu, frappe, dans ta lecture, à la porte de ce qui est fermé, et il
t’ouvrira, le portier dont Jésus a dit: “À celui-là le portier
ouvre”. En t’appliquant à cette divine lecture, cherche avec
droiture et avec une confiance inébranlable en Dieu le sens des
divins Écrits, caché au grand nombre. Ne te contente pas de frapper
et de chercher, car il est absolument nécessaire de prier pour
comprendre les choses divines. C’est pour nous y exhorter que le
Sauveur a dit non seulement: “Frappez et l’on vous ouvrira” et
“Cherchez et vous trouverez”, mais aussi: “Demandez et l’on vous
donnera”».
Toutefois, à ce propos,
il faut éviter le risque d’une approche individualiste, en se
rappelant que la Parole de Dieu nous est précisément donnée pour
construire la communion, pour nous unir dans la vérité durant notre
marche vers Dieu. C’est une Parole qui s’adresse à chacun
personnellement, mais c’est aussi une Parole qui construit la
communauté, qui construit l’Église. C’est pourquoi le texte sacré
doit toujours être abordé dans la communion ecclésiale. En
effet, «il est très important d’effectuer une lecture communautaire
(…), car le sujet vivant de l’Écriture Sainte c’est le Peuple de
Dieu, c’est l’Église. (…) L’Écriture n’appartient pas au passé, car
son sujet, le Peuple de Dieu inspiré par Dieu lui-même, est toujours
le même, et la Parole est donc toujours vivante dans le sujet
vivant. C’est pourquoi il est important de lire l’Écriture Sainte et
d’entendre l’Écriture Sainte dans la communion de l’Église,
c’est-à-dire avec tous les grands témoins de cette Parole, en
commençant par les premiers Pères jusqu’aux saints d’aujourd’hui,
jusqu’au Magistère actuel».
Par conséquent, dans la
lecture orante de l’Écriture Sainte, le lieu privilégié est la
liturgie, l’Eucharistie en particulier, durant laquelle,
en célébrant le Corps et le Sang du Christ présent dans le
Sacrement, se rend présente parmi nous la Parole elle-même. En un
certain sens, la lecture priante, personnelle et communautaire, doit
toujours être vécue en relation avec la célébration eucharistique.
Comme l’adoration eucharistique prépare, accompagne et continue la
célébration eucharistique,de
même la lecture priante, personnelle et communautaire, prépare,
accompagne et approfondit ce que l’Église célèbre en proclamant la
Parole, dans le cadre liturgique. En mettant en aussi étroite
relation Lectio et liturgie, on peut mieux saisir les
critères qui doivent guider cette lecture dans le contexte de la
pastorale et de la vie spirituelle du Peuple de Dieu.
87. Dans les documents
qui ont préparé et accompagné le Synode, on a parlé de diverses
méthodes pour approcher avec fruit et dans la foi les Écritures
Saintes. Toutefois, l’attention la plus grande a été portée sur la
Lectio divina, qui «est capable d’ouvrir au fidèle le
trésor de la Parole de Dieu, et de provoquer ainsi la rencontre avec
le Christ, Parole divine vivante.».
Je voudrais rappeler brièvement ici ses étapes fondamentales: elle
s’ouvre par la lecture (lectio) du texte qui provoque une
question portant sur la connaissance authentique de son contenu:
que dit en soi le texte biblique? Sans cette étape, le texte
risquerait de devenir seulement un prétexte pour ne jamais sortir de
nos pensées. S’en suit la méditation (meditatio) qui pose la
question suivante: que nous dit le texte biblique? Ici,
chacun personnellement, mais aussi en tant que réalité
communautaire, doit se laisser toucher et remettre en question, car
il ne s’agit pas de considérer des paroles prononcées dans le passé
mais dans le présent. L’on arrive ainsi à la prière (oratio)
qui suppose cette autre question: que disons-nous au Seigneur en
réponse à sa Parole? La prière comme requête, intercession,
action de grâce et louange, est la première manière par laquelle la
Parole nous transforme. Enfin, la Lectio divina se termine
par la contemplation (contemplatio), au cours de laquelle
nous adoptons, comme don de Dieu, le même regard que lui pour juger
la réalité, et nous nous demandons: quelle conversion de
l’esprit, du cœur et de la vie le Seigneur nous demande-t-il?
Saint Paul, dans la Lettre aux Romains affirme: «Ne prenez
pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en
renouvelant votre façon de penser pour savoir reconnaître quelle est
la volonté de Dieu: ce qui est bon, ce qui est capable de lui
plaire, ce qui est parfait» (12, 2). La contemplation, en effet,
tend à créer en nous une vision sapientielle de la réalité, conforme
à Dieu, et à former en nous «la pensée du Christ» (1 Co 2,
16). La Parole de Dieu se présente ici comme un critère de
discernement: «elle est vivante, (…) énergique et plus coupante
qu’une épée à deux tranchants; elle pénètre au plus profond de
l’âme, jusqu’aux jointures et jusqu’aux moelles; elle juge des
intentions et des pensées du cœur» (He 4, 12). Il est bon,
ensuite, de rappeler que la Lectio divina ne s’achève pas
dans sa dynamique tant qu’elle ne débouche pas dans l’action (actio),
qui porte l’existence croyante à se faire don pour les autres
dans la charité.
Ces étapes se trouvent
synthétisées et résumées de manière sublime dans la figure de la
Mère de Dieu, modèle pour tous les fidèles de l’accueil docile de la
Parole divine. Elle «conservait avec soin toutes ces choses, en
les méditant dans son cœur» (Lc 2, 19; cf. 2, 51), elle
savait trouver le lien profond qui unit les événements, les faits et
les réalités, apparemment disjoints, dans le grand dessein de Dieu.
Je voudrais rappeler en
outre ce qui a été recommandé durant le Synode en ce qui concerne
l’importance de la lecture personnelle de l’Écriture, aussi comme
pratique pénitentielle, qui prévoit la possibilité, selon les
dispositions habituelles de l’Église, d’acquérir l’indulgence, pour
soi ou pour les défunts.
La pratique de l’indulgence
implique la doctrine des mérites infinis du Christ – que l’Église,
comme Ministre de la Rédemption, dispense et applique, mais implique
également celle de la communion des saints et nous dit «combien nous
sommes unis intimement dans le Christ les uns avec les autres et
combien la vie surnaturelle de chacun peut bénéficier aux autres».
Dans cette perspective, la lecture de la Parole de Dieu nous
soutient dans notre itinéraire de pénitence et de conversion, nous
permet d’approfondir le sens de notre appartenance ecclésiale et
nous soutient dans une familiarité plus grande avec Dieu. Comme
l’affirmait saint Ambroise: lorsque nous prenons en main avec foi
les Écritures Saintes et les lisons avec l’Église, l’homme revient
se promener avec Dieu dans le paradis.
La Parole de Dieu et la prière mariale
88. Rappelant le
lien indissociable entre la Parole de Dieu et Marie de Nazareth,
j’invite, en union avec les Pères synodaux, à promouvoir parmi les
fidèles, surtout dans leur vie de famille, les prières mariales
comme une aide pour méditer les saints Mystères racontés par
l’Écriture. Un moyen très utile est, par exemple, la récitation
personnelle ou communautaire du
saint Rosaire,
qui reprend avec Marie les Mystères de
la vie du Christ,
que le Pape
Jean-Paul II a voulu enrichir
avec les Mystères lumineux.
Il est opportun que l’énonciation des différents Mystères soit
accompagnée de brefs passages de la Bible relatifs au Mystère
annoncé, afin de favoriser la mémorisation de certaines expressions
significatives de l’Écriture relatives aux Mystères de la vie du
Christ.
Par ailleurs, le Synode
a recommandé d’encourager parmi les fidèles la récitation de la
prière de l’Angelus Domini. Il s’agit d’une prière
simple et profonde qui, en union avec la Mère de Dieu, nous permet
de nous «remémorer chaque jour le Mystère du Verbe incarné».
Il est opportun que le Peuple de Dieu, les familles et les
communautés de personnes consacrées soient fidèles à cette prière
mariale que la Tradition nous invite à réciter à l’aurore, à midi et
au coucher du soleil. Dans la prière de l’Angelus Domini,
nous demandons à Dieu, par l’intercession de Marie, qu’il nous soit
donné d’accomplir comme elle la volonté de Dieu et d’accueillir en
nous sa Parole. Cette pratique peut nous aider à approfondir en nous
un authentique amour pour le Mystère de l’Incarnation.
Diverses prières
anciennes de l’Orient chrétien qui, par leur référence à la
Theotokos, à la Mère de Dieu, retracent toute l’histoire du
salut, méritent d’être connues, appréciées et répandues aussi. Nous
pensons en particulier à l’Akathistos et à la Paraklesis.
Il s’agit d’hymnes de louange chantés sous forme de litanies,
imprégnés de la foi ecclésiale et de références bibliques, qui
aident les fidèles à méditer avec Marie les Mystères du Christ. En
particulier, l’hymne sacré à la Mère de Dieu, dit Akathistos – c’est-à-dire
que l’on chante debout –, représente l’une des expressions les plus
élevées de la piété mariale de la Tradition byzantine.
Prier en utilisant ces mots dilate l’âme et la dispose à la paix qui
vient d’en-haut, de Dieu, à cette paix qui est le Christ lui-même,
né de Marie pour notre salut.
La Parole de Dieu et la Terre Sainte
89. En nous souvenant
du Verbe de Dieu qui se fait chair dans le sein de Marie de
Nazareth, notre cœur se tourne, à présent, vers cette Terre où s’est
accompli le Mystère de notre Rédemption et depuis laquelle la Parole
de Dieu s’est répandue jusqu’aux confins de la terre. En effet, par
l’action de l’Esprit Saint, le Verbe s’est incarné en un moment
précis et en un lieu déterminé, sur un coin de terre aux confins de
l’empire romain. C’est pourquoi, plus nous voyons l’universalité et
l’unicité de la Personne du Christ, plus nous considérons avec
gratitude cette Terre où Jésus est né, a vécu et s’est donné
lui-même pour nous tous. Les pierres sur lesquelles notre Rédempteur
a marché demeurent pour nous riches de souvenirs et continuent à
«crier» la Bonne Nouvelle. C’est pourquoi les Pères synodaux ont
rappelé l’heureuse expression qui désigne la Terre Sainte, «le
cinquième Évangile».
Combien il est important qu’en ces lieux se trouvent des communautés
chrétiennes, malgré les nombreuses difficultés! Le Synode des
Évêques exprime sa profonde proximité à tous les chrétiens qui
vivent sur la Terre de Jésus, en témoignant leur foi dans le
Ressuscité. Là, les chrétiens sont appelés à servir non seulement
comme «un phare de la foi pour l’Église universelle, mais aussi
comme un levain d’harmonie, de sagesse et d’équilibre dans la vie
d’une société qui, traditionnellement, a été et continue d’être
pluraliste, multiethnique et multi-religieuse».
La Terre Sainte reste
encore aujourd’hui un but de pèlerinage du Peuple chrétien, comme
démarche de prière et de pénitence, ainsi qu’en témoignaient, déjà
dans l’antiquité, des auteurs comme saint Jérôme.
Plus nous tournons notre regard et notre cœur vers la Jérusalem
terrestre, plus s’embrasent en nous le désir de la Jérusalem
céleste, véritable but de tout pèlerinage, et la passion pour que le
nom de Jésus, en qui seul réside le salut, soit reconnu par tous
(cf. Ac 4, 12).
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