VERBUM MUNDO
«Nul
n’a jamais vu Dieu; le Fils unique,
qui est tourné vers le sein du Père,
lui l’a fait connaître»
(Jn 1,18)
La Parole du Père et vers le Père
90. Saint Jean insiste
sur le paradoxe fondamental de la foi chrétienne: d’une part, il
affirme que «Nul n’a jamais vu Dieu» (Jn 1, 18; 1
Jn 4, 12). En aucune manière, nos images, nos concepts ou nos
mots ne peuvent définir ou mesurer la réalité infinie du Très-Haut.
Il reste le Deus semper maior. D’autre part, Jean affirme que
réellement «le Verbe s’est fait chair» (Jn 1, 14). Le Fils
unique qui est tourné vers le sein du Père, a révélé le Dieu que
«personne n’a jamais vu» (Jn 1, 18). Jésus-Christ vient chez
nous, «plein de grâce et de vérité» (Jn 1, 14) qui à travers
lui nous sont données (Jn 1, 17); en effet, «tous nous avons
eu part à sa plénitude, nous avons reçu grâce après grâce» (Jn
1, 16). De cette manière, l’évangéliste Jean, dans son Prologue,
contemple le Verbe, de son habitation en Dieu à son Incarnation,
jusqu’à son retour dans le sein du Père, emportant avec lui notre
humanité qu’il a assumée pour toujours. Par cette sortie du Père et
par ce retour à lui (cf. Jn 13, 3; 16, 28; 17, 8.10), il se
présente à nous comme le ‘Narrateur’ de Dieu (cf. Jn 1, 18).
Le Fils, en effet, affirme saint Irénée de Lyon, «est le Révélateur
du Père».
Jésus de Nazareth est, pour ainsi dire, l’‘exégète’ de Dieu que
«personne n’a jamais vu». «Il est l’image du Dieu invisible» (Col
1, 15). Ici, s’accomplit la prophétie d’Isaïe sur l’efficacité de la
Parole du Seigneur: comme la pluie et la neige qui descendent des
cieux pour irriguer et faire germer la terre, ainsi la Parole de
Dieu «ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce que je
veux, sans avoir accompli ma mission» (Is 55, 10s).
Jésus-Christ est cette Parole définitive et efficace qui est venue
du Père et qui est retournée à Lui, en réalisant parfaitement sa
volonté dans le monde.
Annoncer au monde le «Logos» de l’espérance
91. Le Verbe de Dieu
nous a communiqué la vie divine qui transfigure la face de la terre,
faisant toutes choses nouvelles (cf. Ap 21, 5). Sa Parole
fait de nous non seulement les destinataires de la Révélation
divine, mais aussi ses messagers. Lui, l’envoyé du Père pour faire
sa volonté (Jn 5, 36-38; 6, 38-40; 7, 16-18), nous attire à
lui-même par sa vie et par sa mission. L’Esprit du Ressuscité
habilite ainsi notre vie à l’annonce efficace de la Parole dans le
monde entier. C’est l’expérience de la première communauté
chrétienne qui voyait la Parole se répandre grâce à la prédication
et au témoignage (cf. Ac 6, 7). Je voudrais ici me référer
particulièrement à la vie de l’Apôtre Paul, un homme totalement
saisi par le Seigneur (cf. Ph 3, 12) – «je vis, mais ce n’est
plus moi, c’est le Christ qui vit en moi» (Ga 2, 20) – et par
sa mission: «malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile» (1
Co 9,16), conscient que tout ce qui est révélé dans le Christ,
est réellement le salut de tous les Gentils, la libération de
l’esclavage du péché pour entrer dans la liberté des fils de Dieu.
En effet, ce que
l’Église annonce au monde est le Logos de l’espérance (cf.
1 P 3, 15); l’homme a besoin de la ‘grande Espérance’ pour vivre
son présent, la grande Espérance qui est «Dieu qui possède un visage
humain et qui nous ‘aima jusqu’à la fin’ (Jn 13, 1)».
Pour cette raison, l’Église est missionnaire dans son essence. Nous
ne pouvons pas garder pour nous-mêmes les paroles de la vie
éternelle, qui nous ont été données dans la rencontre avec
Jésus-Christ: elles sont destinées à tous, à tout homme. Toute
personne de notre temps, qu’elle le sache ou non, a besoin de cette
annonce. Puisse le Seigneur lui-même, comme au temps du prophète
Amos, susciter dans les hommes une faim et une soif nouvelles des
paroles du Seigneur (cf. Am 8, 11). Notre responsabilité est
de transmettre à notre tour ce que nous avons reçu par grâce.
De la Parole de Dieu, vient la mission de
l’Église
92. Le Synode des
Évêques a insisté sur la nécessité de redonner vigueur dans l’Église
à la conscience missionnaire, présente au sein du Peuple de Dieu
depuis ses origines. Les premiers Chrétiens ont considéré l’annonce
missionnaire comme une nécessité dérivant de la nature même de la
foi: ils croyaient en un Dieu qui était le Dieu de tous, l’unique et
vrai Dieu qui s’était révélé dans l’histoire d’Israël et,
finalement, en son Fils, donnant ainsi la réponse qu’au fond
d’eux-mêmes tous les hommes attendent. Les premières communautés
chrétiennes ont compris que leur foi n’appartenait pas à une
tradition culturelle particulière – distincte suivant les peuples –,
mais au domaine de la vérité, qui concerne de manière égale tous les
hommes.
C’est encore saint Paul
qui, par sa vie, nous éclaire sur le sens de la mission chrétienne
et sur son universalité originelle. Pensons à l’épisode des Actes
des Apôtres sur l’Aréopage d’Athènes (cf. 17, 16-34).
L’Apôtre des Gentils entre en dialogue avec des hommes de cultures
diverses, en étant conscient que le Mystère de Dieu, Connu-Inconnu,
dont chaque homme a la perception, quoique confuse, s’est réellement
révélé dans l’histoire: «ce que vous vénérez sans le connaître,
voilà ce que, moi, je viens vous annoncer» (Ac 17, 23).
En effet, la nouveauté de l’annonce chrétienne est la possibilité de
dire à tous les peuples: «Il s’est montré, lui personnellement. Et à
présent, le chemin qui mène à lui est ouvert. La nouveauté de
l’annonce chrétienne ne réside pas dans une pensée, mais dans un
fait: Dieu s’est révélé».
La Parole et le Règne de Dieu
93. Par conséquent, la
mission de l’Église ne peut être considérée comme une réalité
facultative ou optionnelle de la vie ecclésiale. Il s’agit de
laisser l’Esprit Saint nous configurer au Christ même, en
participant ainsi à sa mission: «de même que le Père m’a envoyé, moi
aussi, je vous envoie» (Jn 20, 21), de manière à communiquer
la Parole par toute notre vie. La Parole elle-même, nous envoie vers
nos frères: c’est la Parole qui illumine, purifie et convertit; nous
ne sommes, nous, que des serviteurs.
Il est nécessaire donc,
de redécouvrir toujours davantage l’urgence et la beauté d’annoncer
la Parole, en vue de l’avènement du Règne de Dieu prêché par le
Christ lui-même. En ce sens, renouvelons en nous la conscience,
combien familière chez les Pères de l’Église, que l’annonce de la
Parole a comme contenu le Règne de Dieu (cf. Mc 1, 14-15),
qui est la personne même de Jésus (l’Autobasileia)
comme le rappelle bien Origène.
Le Seigneur offre le salut à tous les hommes de toute époque. Nous
comprenons tous combien il est nécessaire que la lumière du Christ
illumine tous les domaines de l’humanité: la famille, l’école, la
culture, le travail, le temps libre et les autres secteurs de la vie
sociale.
Il ne s’agit pas d’annoncer une parole de consolation, mais une
parole de rupture qui invite à la conversion, qui rend possible la
rencontre avec Dieu, germe d’une humanité nouvelle.
Tous les baptisés responsables de l’annonce
94. Puisque tout le
Peuple de Dieu est un peuple «envoyé», le Synode a réaffirmé que «la
mission d’annoncer la Parole de Dieu est le devoir de tous les
disciples de Jésus-Christ, comme conséquence de leur Baptême».
Aucun croyant dans le Christ ne peut se sentir étranger à cette
responsabilité qui provient de l’appartenance sacramentelle au Corps
du Christ. Cette conscience doit être réveillée dans chaque famille,
paroisse, communauté, association et mouvement ecclésial. L’Église,
comme Mystère de communion, est donc tout entière missionnaire et
chacun, selon son état de vie, est appelé à donner une contribution
décidée à l’annonce chrétienne.
Les Évêques et les
prêtres, selon la mission qui est la leur, sont appelés les
premiers à une existence liée par le service de la Parole, à
annoncer l’Évangile, à célébrer les Sacrements et à former les
fidèles dans la connaissance authentique des Écritures. Les
diacres sont aussi appelés à collaborer, selon la mission qui
leur est propre, à cette œuvre d’Évangélisation.
La Vie consacrée
brille dans toute l’histoire de l’Église par la capacité d’assumer
explicitement la tâche de l’annonce et de la prédication de la
Parole de Dieu, dans la mission ad gentes et dans les
situations les plus difficiles. Attentive aussi aux nouvelles
conditions de l’Évangélisation, elle ouvre avec courage et audace de
nouvelles voies et relève de nouveaux défis pour l’annonce efficace
de la Parole de Dieu.
Les laïcs sont
appelés à exercer leur mission prophétique, qui découle directement
de leur Baptême, et à témoigner de l’Évangile dans la vie
quotidienne partout où ils se trouvent. À ce propos, les Pères
synodaux ont exprimé «la plus vive estime, la reconnaissance et les
encouragements pour le service de l’Évangélisation que tant de
laïcs, en particulier les femmes, offrent avec générosité et esprit
d’engagement, dans les communautés dispersées à travers le monde, à
l’exemple de Marie-Madeleine, premier témoin de la joie pascale».
En outre, le Synode reconnaît avec gratitude que les mouvements
ecclésiaux et les communautés nouvelles sont, dans l’Église, une
grande force pour l’Évangélisation en notre temps, poussant l’Église
à développer de nouvelles formes d’annonce de l’Évangile.
La nécessité de
la «missio ad gentes»
95. En exhortant tous
les fidèles à l’annonce de la Parole divine, les Pères synodaux ont
réaffirmé la nécessité pour notre temps d’un engagement décidé dans
la «missio ad gentes» En aucune façon, l’Église ne peut se
limiter à une pastorale de l’«entretien» en faveur de ceux qui
connaissent déjà l’Évangile du Christ. L’élan missionnaire est un
signe clair de la maturité d’une communauté ecclésiale. Les Pères
ont, en outre, exprimé avec force la conscience que la Parole de
Dieu est la vérité salvatrice dont chaque homme a besoin en tout
temps. À cette fin, l’annonce doit être explicite. L’Église doit
aller vers tous avec la force de l’Esprit (cf. 1 Co 2, 5), et
continuer de manière prophétique à défendre le droit des personnes à
la liberté d’entendre la Parole de Dieu, en cherchant les moyens les
plus efficaces pour la proclamer, même au risque de la persécution.
L’Église se sent débitrice envers tous de l’annonce de la Parole qui
sauve (cf. Rm 1, 14).
Annonce et
Nouvelle Évangélisation
96. Le Pape
Jean-Paul II, dans le sillage
de ce que le Pape
Paul VI avait déjà exprimé
dans l’Exhortation apostolique
Evangelii nuntiandi, a
rappelé de bien des façons aux fidèles la nécessité d’une nouvelle
saison missionnaire pour tout le Peuple de Dieu.
À l’aube du troisième millénaire, non seulement tant de peuples ne
connaissent pas encore la Bonne Nouvelle, mais tant de Chrétiens ont
besoin que leur soit ré-annoncée de façon persuasive la Parole de
Dieu, afin qu’ils puissent expérimenter concrètement la force de
l’Évangile. Beaucoup de frères sont «baptisés mais pas suffisamment
évangélisés».
Souvent des nations, auparavant riches de foi et de vocations,
perdent leur propre identité sous l’influence d’une culture
sécularisée.
L’exigence d’une Nouvelle Évangélisation, ressentie avec tant de
force par mon vénérable Prédécesseur, doit être réaffirmée sans
peur, dans la certitude de l’efficacité de la Parole divine.
L’Église, sûre de la fidélité de son Seigneur, ne se lasse pas
d’annoncer la Bonne Nouvelle de l’Évangile et invite tous les
Chrétiens à redécouvrir combien il est beau de marcher à la suite du
Christ.
Parole de Dieu et témoignage chrétien
97. Les horizons
immenses de la mission ecclésiale, la complexité de la situation
présente demandent aujourd’hui des modalités nouvelles pour
communiquer de façon efficace la Parole de Dieu. L’Esprit Saint,
premier agent de toute Évangélisation, ne manquera jamais de guider
l’Église du Christ dans cette action. Il est important toutefois que
chaque forme d’annonce soit structurée par la relation intrinsèque
entre communication de la Parole de Dieu et témoignage chrétien.
De cela dépend la crédibilité même de l’annonce. D’une part, la
Parole est nécessaire pour communiquer ce que le Seigneur lui-même
nous a dit; d’autre part, il est indispensable de donner crédibilité
à cette Parole par le témoignage afin qu’elle n’apparaisse pas comme
une belle philosophie ou une utopie, mais plutôt comme une réalité
que l’on peut vivre et qui fait vivre. Cette réciprocité entre
Parole et témoignage rappelle la manière par laquelle Dieu lui-même
s’est communiqué dans l’Incarnation de son Verbe. La Parole de Dieu
rejoint les hommes «à travers la rencontre avec des témoins qui la
rendent présente et vivante».
En particulier, les nouvelles générations ont besoin d’être initiées
à la Parole de Dieu «à travers la rencontre et le témoignage
authentique de l’adulte, l’influence positive des amis et la grande
compagnie de la communauté ecclésiale».
Il y a un rapport
étroit entre le témoignage de l’Écriture, comme attestation que la
Parole de Dieu donne d’elle-même, et le témoignage de vie des
croyants. L’un implique l’autre et y conduit. Le témoignage chrétien
communique la Parole attestée dans les Écritures. Les Écritures, à
leur tour, expliquent le témoignage que les Chrétiens sont appelés à
donner dans leur propre vie. Ceux qui rencontrent des témoins
crédibles de l’Évangile sont ainsi amenés à constater l’efficacité
de la Parole de Dieu en ceux qui l’accueillent.
98. Dans ce va-et-vient
entre le témoignage et la Parole, nous comprenons l’affirmation du
Pape
Paul VI dans l’Exhortation
apostolique
Evangelii nuntiandi.
Notre responsabilité ne se limite pas à proposer au monde des
valeurs communes ; il faut arriver à l’annonce explicite de la
Parole de Dieu. C’est seulement ainsi que nous serons fidèles à la
mission du Christ: «La Bonne Nouvelle, proclamée par le témoignage
de la vie, devra donc être tôt ou tard proclamée par la Parole de
vie. Il n’y a pas d’Évangélisation vraie si le nom, l’enseignement,
la vie, les promesses, le Règne, le Mystère de Jésus de Nazareth,
Fils de Dieu, ne sont pas annoncés».
Le fait que l’annonce
de la Parole de Dieu demande le témoignage de la vie personnelle est
bien présent dans la conscience chrétienne depuis l’origine. Le
Christ lui-même est le témoin fidèle et vrai (cf. Ap 1, 5; 3,
14), témoin de la vérité (cf. Jn 18, 37). Je voudrais ici me
faire le porte-parole des innombrables témoignages que nous avons eu
la grâce d’entendre durant l’Assemblée synodale. Nous avons été
profondément touchés par les récits de ceux qui ont su vivre leur
foi et donner un témoignage lumineux de l’Évangile y compris sous
des régimes hostiles au Christianisme ou dans des situations de
persécution.
Tout ceci ne doit pas
nous faire peur. Jésus a dit lui-même à ses disciples «Le serviteur
n’est pas plus grand que son maître. Si l’on m’a persécuté, on vous
persécutera, vous aussi» (Jn 15, 20). Je désire donc élever
vers Dieu avec toute l’Église un hymne de louange pour le témoignage
de tant de frères et sœurs qui, encore à notre époque, ont donné
leur vie pour communiquer la vérité de l’amour de Dieu révélé dans
le Christ crucifié et ressuscité. J’exprime également la gratitude
de toute l’Église aux Chrétiens qui ne capitulent pas devant les
obstacles et les persécutions à cause de l’Évangile. En même temps,
nous nous tournons avec une affection profonde et solidaire vers les
fidèles de toutes ces communautés chrétiennes, en Asie et en Afrique
en particulier, qui, aujourd’hui, risquent leur vie ou la
marginalisation sociale à cause de la foi. Nous voyons ainsi réalisé
l’esprit des Béatitudes de l’Évangile pour ceux qui sont persécutés
à cause du Seigneur Jésus (cf. Mt 5, 11). En même temps, nous
ne cessons pas d’élever notre voix pour que les gouvernants des
nations garantissent à tous la liberté de conscience et de religion,
tout comme celle de pouvoir témoigner publiquement de sa propre foi.
Servir Jésus dans ces «petits qui sont ses
frères» (cf. Mt 25, 40)
99. La Parole divine
éclaire l’existence humaine et appelle la conscience de chacun à
revoir en profondeur sa propre vie, car toute l’histoire de
l’humanité est soumise au jugement de Dieu: «Quand le Fils de
l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il
siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront
rassemblées devant lui» (Mt 25, 31-32). À notre époque, nous
considérons souvent, de manière superficielle, la valeur de
l’instant qui passe, comme s’il était sans importance pour l’avenir.
Au contraire, l’Évangile nous rappelle que chaque instant de notre
existence est important et doit être vécu avec intensité, sachant
que chacun devra rendre compte de sa propre vie. Au chapitre 25 de
l’Évangile de Matthieu, le Fils de l’Homme juge comme fait ou comme
n’étant pas fait envers lui, ce que nous aurons fait ou n’aurons pas
fait à un seul de ces «petits qui sont mes frères» (25, 40.45):
«J’avais faim, et vous m’avez donné à manger; j’avais soif, et vous
m’avez donné à boire; j’étais étranger, et vous m’avez accueilli;
j’étais nu, et vous m’avez habillé; j’étais malade, et vous m’avez
visité; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi» (25,
35-36). C’est donc la Parole de Dieu elle-même qui nous rappelle la
nécessité de notre engagement dans le monde et notre responsabilité
face au Christ, Seigneur de l’Histoire. En annonçant l’Évangile,
encourageons-nous les uns les autres à accomplir le bien et à agir
pour la justice, la réconciliation et la paix.
La Parole de Dieu et l’engagement dans la
société en faveur de la justice
100. La Parole de Dieu
pousse l’homme à des relations animées par la droiture et par la
justice; elle atteste la valeur précieuse, face à Dieu, de tous les
efforts de l’homme pour rendre le monde plus juste et plus habitable.
C’est la Parole de Dieu elle-même qui dénonce sans ambiguïté les
injustices et qui promeut la solidarité et l’égalité.
À la lumière des paroles du Seigneur, reconnaissons donc «les signes
des temps» présents dans l’histoire, ne refusons pas de nous engager
en faveur de ceux qui souffrent et sont victimes de l’égoïsme. Le
Synode a rappelé que s’engager pour la justice et la transformation
du monde est une exigence constitutive de l’Évangélisation. Comme le
disait le Pape
Paul VI, il s’agit
«d’atteindre et comme de bouleverser par la force de l’Évangile les
critères de jugement, les valeurs déterminantes, les points
d’intérêt, les lignes de pensée, les sources inspiratrices et les
modèles de vie de l’humanité, qui sont en opposition avec la Parole
de Dieu et le dessein du salut».
Dans ce but, les Pères
synodaux ont eu une pensée particulière pour ceux qui sont engagés
dans la vie politique et sociale. L’Évangélisation et la diffusion
de la Parole de Dieu doivent inspirer leur action dans le monde à la
recherche du véritable bien de tous, dans le respect et dans la
promotion de la dignité de toutes les personnes. Certes, l’Église
n’a pas directement pour mission de créer une société plus juste,
même s’il lui revient le droit et le devoir d’intervenir sur les
questions éthiques et morales qui concernent le bien des personnes
et des peuples. C’est surtout les fidèles laïcs, formés à l’école de
l’Évangile, qui ont la tâche d’intervenir directement dans l’action
sociale et politique. C’est pourquoi le Synode recommande de
promouvoir une formation adéquate selon les principes de la Doctrine
sociale de l’Église.
101. De plus, je désire
attirer à nouveau l’attention de tous sur l’importance de défendre
et de promouvoir les droits humains de toutes les personnes,
fondés sur la loi naturelle inscrite dans le cœur de l’homme et qui,
comme tels, sont «universels, inviolables, inaliénables».
L’Église souhaite qu’à travers l’affirmation de ces droits, la
dignité humaine soit plus efficacement reconnue et universellement
promue,
comme un trait imprimé par Dieu créateur sur sa créature que
Jésus-Christ a pris sur lui et rachetée par son Incarnation, sa mort
et sa Résurrection. C’est pourquoi la diffusion de la Parole de Dieu
ne peut que renforcer l’affirmation et le respect des droits humains
de toutes les personnes.
L’annonce de la Parole de Dieu, la
réconciliation et la paix entre les peuples
102. Parmi les nombreux
chantiers où s’engager, le Synode a vivement recommandé la promotion
de la réconciliation et de la paix. Dans le contexte actuel, il est
plus que jamais nécessaire de redécouvrir la Parole de Dieu comme
source de réconciliation et de paix car, par elle, Dieu réconcilie
toutes choses en lui (cf. 2 Co5, 18-20; Ep 1, 10): le
Christ «est notre paix» (Ep 2, 14), c’est lui qui abat les
murs de séparation. Au Synode, de nombreux témoignages ont évoqué
les conflits, graves et sanglants, et les tensions présents sur
notre planète. Parfois ces hostilités semblent se présenter sous
l’aspect d’un conflit interreligieux. Encore une fois, je désire
répéter que la religion ne peut jamais justifier les intolérances ou
les guerres. On ne peut pas utiliser la violence au nom de Dieu!
Toutes les religions devraient inciter à un usage correct de la
raison et promouvoir des valeurs éthiques qui construisent la
coexistence civile.
Fidèles à l’œuvre de
réconciliation accomplie par Dieu en Jésus-Christ, crucifié et
ressuscité, les Catholiques et tous les hommes de bonne volonté
doivent s’engager à donner des exemples de réconciliation pour
construire une société juste et pacifiée.
N’oublions jamais que «là où les paroles humaines deviennent
impuissantes, car domine le fracas tragique de la violence et des
armes, la force prophétique de la Parole de Dieu est présente et
nous répète que la paix est possible, et que nous devons être des
instruments de réconciliation et de paix».
La Parole de Dieu
et la charité agissante
103. L’engagement pour
la justice, la réconciliation et la paix trouve sa racine ultime et
son accomplissement dans l’amour qui nous a été révélé dans le
Christ. En écoutant les témoignages présentés au Synode, nous sommes
devenus plus attentifs au lien qui existe entre l’écoute
bienveillante de la Parole de Dieu et le service désintéressé des
frères; tous les croyants doivent comprendre la nécessité «de
traduire en gestes d’amour la parole écoutée, car ainsi seulement
l’annonce de l’Évangile devient crédible, malgré les fragilités
humaines qui marquent les personnes».
Jésus est passé en ce monde en faisant le bien (cf. Ac 10,
38). La Parole de Dieu écoutée avec disponibilité dans l’Église,
éveille «la charité et la justice envers tous, surtout envers les
pauvres».
Il ne faut jamais oublier que «l’amour – caritas – sera
toujours nécessaire, même dans la société la plus juste [...]. Celui
qui veut s’affranchir de l’amour se prépare à s’affranchir de
l’homme en tant qu’homme».
J’encourage donc tous les fidèles à méditer fréquemment l’hymne à la
charité que l’Apôtre Paul a écrit, et à se laisser inspirer par lui:
«L’amour prend patience; l’amour rend service; l’amour ne jalouse
pas; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil; il ne fait rien
de malhonnête; il ne cherche pas son intérêt; il ne s’emporte pas;
il n’entretient pas de rancune; il ne se réjouit pas de ce qui est
mal, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai; il supporte tout,
il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout. L’amour
ne passera jamais» (1 Co 13, 4-8).
L’amour du prochain,
enraciné dans l’amour de Dieu, implique donc que nous soyons
constamment engagés en tant que personnes et en tant que communauté
ecclésiale, locale et universelle. Saint Augustin affirme: «Il est
fondamental de comprendre que la plénitude de la Loi, comme de
toutes les Écritures divines, c’est l’amour […]. Par conséquent,
ceux qui croient avoir compris les Écritures, ou au moins une partie
quelconque de celles-ci, sans s’engager à construire, à travers leur
intelligence, ce double amour de Dieu et du prochain, démontrent
qu’ils ne les ont pas encore comprises».
L’annonce de la Parole de Dieu et les
jeunes
104. Le Synode a
réservé une attention particulière à l’annonce de la Parole divine
aux nouvelles générations. Les jeunes sont dès à présent des membres
actifs de l’Église et ils en représentent l’avenir. En eux, nous
trouvons souvent une ouverture spontanée à l’écoute de la Parole de
Dieu et un désir sincère de connaître Jésus. C’est durant la
période de la jeunesse, en effet, qu’émergent de façon irrépressible
et sincère les questions sur le sens de la vie personnelle et
sur l’orientation à donner à sa propre existence. Seul Dieu sait
apporter une véritable réponse à ces questions. Cette attention au
monde des jeunes implique le courage d’une annonce claire; nous
devons aider les jeunes à acquérir une intimité et une familiarité
avec la Sainte Écriture, pour qu’elle soit comme une boussole qui
leur indique la route à suivre.
C’est pourquoi ils ont besoin de témoins et de maîtres, qui marchent
avec eux et qui les forment à aimer et à communiquer à leur tour
l’Évangile surtout aux jeunes de leur âge, devenant ainsi eux-mêmes
des annonciateurs authentiques et crédibles.
Il faut que la Parole
divine soit aussi présentée dans ses implications vocationnelles
afin qu’elle aide et oriente les jeunes dans leurs choix de vie, y
compris vers la consécration totale.
D’authentiques vocations à la Vie consacrée et au sacerdoce trouvent
un terrain propice dans le contact régulier avec la Parole de Dieu.
Je répète encore aujourd’hui l’invitation, faite au début de mon
pontificat, à ouvrir les portes au Christ: «Celui qui fait entrer le
Christ, ne perd rien, rien – absolument rien de ce qui rend la vie
libre, belle et grande. Non! Dans cette amitié seulement, s’ouvrent
largement les portes de la vie. Dans cette amitié seulement, se
libèrent réellement les grandes potentialités de la condition
humaine. […] Chers jeunes: n’ayez pas peur du Christ! Il n’enlève
rien, et il donne tout. Celui qui se donne à lui, reçoit le
centuple. Oui, ouvrez, ouvrez tout grand les portes au Christ – et
vous trouverez la vraie vie».
L’annonce de la Parole de Dieu et les
migrants
105. La Parole de Dieu
nous rend attentifs à l’histoire et à tout ce qui naît en elle de
nouveau. C’est pourquoi le Synode, au sujet de la mission
évangélisatrice de l’Église, a voulu aussi porter son attention sur
le phénomène complexe des mouvements migratoires, qui ont pris ces
dernières années des proportions inédites. Surgissent ici des
questions très délicates au sujet de la sécurité des nations
et de l’accueil à réserver à ceux qui cherchent un refuge, de
meilleures conditions de vie, la santé et un travail. De très
nombreuses personnes, qui ne connaissent pas le Christ ou qui en ont
une image erronée, s’installent dans des pays de tradition
chrétienne. Dans le même temps, des personnes appartenant à des
peuples profondément imprégnés par la foi chrétienne émigrent vers
des pays où l’annonce du Christ et une Nouvelle Évangélisation sont
nécessaires. Ces situations offrent de nouvelles possibilités pour
la diffusion de la Parole de Dieu. À ce propos, les Pères synodaux
ont affirmé que les migrants ont le droit d’entendre le kérygme, qui
leur est proposé et non imposé. S’ils sont chrétiens, ils ont besoin
d’une assistance pastorale adéquate pour renforcer leur foi et être
eux-mêmes porteurs de l’annonce évangélique. Conscients de la
complexité du phénomène, il est nécessaire que tous les diocèses
intéressés se mobilisent afin que les mouvements migratoires soient
aussi considérés comme une occasion de découvrir de nouvelles
modalités de présence et d’annonce. Ils doivent pourvoir, selon
leurs possibilités, à une animation et à un accueil adaptés de ces
frères, pour que touchés par la Bonne Nouvelle, ils deviennent
eux-mêmes des messagers de la Parole de Dieu et des témoins de Jésus
Ressuscité, espérance du monde.
L’annonce de la Parole de Dieu et les
personnes qui souffrent
106. Durant les travaux
synodaux, l’attention des Pères s’est souvent portée sur la
nécessité d’annoncer la Parole de Dieu à tous ceux qui se trouvent
également dans un état de souffrance physique, psychique ou
spirituelle. En effet, c’est lorsqu’il connaît la douleur que
naissent de manière plus aiguë dans le cœur de l’homme les
questions ultimes sur le sens de sa propre vie. Si la parole de
l’homme semble devenir muette devant le Mystère du mal et de la
souffrance et si notre société semble n’accorder de valeur à
l’existence que si elle correspond à certains niveaux d’efficacité
et de bien-être, la Parole nous révèle que ces circonstances sont
aussi mystérieusement «embrassées» par la tendresse de Dieu. La foi,
qui naît de la rencontre avec la Parole divine, nous aide à
considérer la vie humaine comme digne d’être pleinement vécue
même lorsqu’elle est brisée par le mal. Dieu a créé l’homme pour
le bonheur et pour la vie, tandis que la maladie et la mort sont
entrées dans le monde comme conséquence du péché (cf. Sg 2,
23-24). Mais le Père de la vie est le médecin par excellence de
l’homme et il ne cesse de se pencher avec tendresse sur l’humanité
souffrante. Nous contemplons le sommet de la proximité de Dieu avec
la souffrance de l’homme en Jésus lui-même qui est la «Parole
incarnée. Il a souffert avec nous et il est mort. Par sa passion et
sa mort, il a assumé en lui et a transformé jusqu’au bout notre
faiblesse».
La proximité de
Jésus à l’égard des personnes qui souffrent ne s’est pas interrompue:
elle se prolonge dans le temps grâce à l’action de l’Esprit Saint
dans la mission de l’Église, dans la Parole et dans les Sacrements,
dans les hommes de bonne volonté, dans les activités d’assistance
que les communautés promeuvent dans la charité fraternelle, en
dévoilant ainsi le vrai visage de Dieu et son amour. Le Synode rend
grâce à Dieu pour le témoignage lumineux, et souvent caché, de
nombreux Chrétiens – prêtres, religieux et laïcs – qui ont prêté et
continuent de prêter leurs mains, leurs yeux et leur cœur au Christ,
véritable médecin des corps et des âmes! Il exhorte encore à
continuer à avoir soin des personnes malades en leur apportant la
présence vivifiante du Seigneur Jésus, dans la Parole et dans
l’Eucharistie. Qu’elles soient aidées à lire l’Écriture et à
découvrir que, dans leur condition, elles peuvent participer d’une
façon particulière aux souffrances rédemptrices du Christ pour le
salut du monde (cf. 2 Co 4, 8-11. 14)!
L’annonce de la Parole de Dieu et les
pauvres
107. La Sainte Écriture
révèle la prédilection de Dieu pour les pauvres et les nécessiteux
(cf. Mt 25, 31-46). Souvent, les Pères synodaux ont rappelé
la nécessité que l’annonce évangélique, l’engagement des Pasteurs et
des communautés soient orientés vers ces frères. En effet, «les
premiers à avoir droit à l’annonce de l’Évangile sont précisément
les pauvres, qui ont besoin non seulement de pain, mais aussi de
paroles de vie».
La diaconie de l’amour, qui ne doit jamais faire défaut dans nos
Églises, doit toujours être unie à l’annonce de la Parole et à la
célébration des saints Mystères.
En même temps, il faut reconnaître et valoriser le fait que les
pauvres eux-mêmes sont aussi des agents d’Évangélisation. Dans la
Bible, le véritable pauvre est celui qui s’en remet totalement à
Dieu et Jésus lui-même ,dans l’Évangile, appelle bienheureux
ceux à qui «appartient le Royaume des Cieux» (Mt 5, 3; cf.
Lc 6, 20 ). Le Seigneur exalte la simplicité de cœur de celui
qui reconnaît en Dieu sa vraie richesse, qui met en lui, et non dans
les biens de ce monde, son espérance. L’Église ne peut décevoir les
pauvres: «Les Pasteurs sont appelés à les écouter, à apprendre
d’eux, à les guider dans leur foi et à les motiver pour qu’ils
soient des artisans de leur propre histoire».
L’Église sait aussi
qu’il existe une pauvreté qui est vertu, à cultiver et à
choisir librement, comme l’ont fait de nombreux saints, et qu’il
existe une misère qui est souvent le résultat d’injustices,
qui est provoquée par l’égoïsme, qui a pour symptôme l’indigence et
la faim et qui alimente les conflits. Quand l’Église annonce la
Parole de Dieu, elle sait qu’il faut favoriser un «cercle vertueux»
entre la pauvreté «à choisir» et la pauvreté «à combattre»,
redécouvrant «la sobriété et la solidarité, comme valeurs
évangéliques et, en même temps, universelles[…] Ce qui comporte des
choix de justice et de sobriété».
La Parole de Dieu et la sauvegarde de la
création
108. L’engagement dans
le monde, que requiert la Parole divine, nous pousse à regarder avec
des yeux nouveaux le cosmos tout entier, créé par Dieu et qui porte
déjà en lui les traces du Verbe, par lequel tout a été fait (cf.
Jn 1, 2). En effet, nous avons aussi, comme Chrétiens et
messagers de l’Évangile une responsabilité vis-à-vis de la création.
Si, d’un côté, la Révélation nous fait connaître le dessein de Dieu
sur le cosmos, de l’autre, elle nous amène aussi à dénoncer les
attitudes erronées de l’homme, quand il ne reconnaît pas toutes les
choses comme l’empreinte du Créateur, mais comme une simple matière
à manipuler sans scrupules. De cette manière, l’homme manque de
l’humilité essentielle qui lui permet de reconnaître la création
comme un don de Dieu qu’il doit accueillir et utiliser selon son
dessein. Au contraire, l’arrogance de l’homme qui vit ‘comme si Dieu
n’existait pas’, le porte à exploiter et à défigurer la nature, en
ne reconnaissant pas en elle une œuvre de la Parole créatrice. À
partir de cette vision théologique, je désire répéter les
affirmations des Pères synodaux, qui ont rappelé «qu’accueillir la
Parole de Dieu témoignée dans l’Écriture Sainte et dans la Tradition
vivante de l’Église, engendre une nouvelle manière de voir les
choses, en promouvant une authentique écologie, qui plonge sa racine
la plus profonde dans l’obéissance de la foi […], en développant une
sensibilité théologique renouvelée à la bonté de toutes les choses
créées dans le Christ».
L’homme a besoin d’être à nouveau éduqué à l’émerveillement et à
reconnaître la beauté authentique qui se manifeste dans les choses
créées.
La valeur de la culture pour la vie de
l’homme
109. L’annonce
johannique concernant l’Incarnation du Verbe révèle le lien
indissoluble qui existe entre la Parole divine et les
paroles humaines, à travers lesquelles elle se communique à
nous. C’est à partir de cette considération que le Synode des
Évêques s’est arrêté sur le rapport entre la Parole de Dieu et la
culture. En effet, Dieu ne se révèle pas à l’homme de façon
abstraite, mais en assumant des langages, des images et des
expressions liés aux différentes cultures. Il s’agit d’un rapport
fécond amplement attesté dans l’histoire de l’Église. Aujourd’hui,
ce rapport entre dans une nouvelle phase due à l’extension et à
l’enracinement de l’Évangélisation au sein des différentes cultures
et aux développements les plus récents de la culture occidentale.
Ceci implique avant tout la reconnaissance de l’importance de la
culture comme telle dans la vie de tout homme. Le phénomène de la
culture dans ses multiples aspects se présente, en effet, comme un
élément constitutif de l’expérience humaine: «L’homme vit toujours
selon une culture qui lui est propre, et qui, à son tour, crée entre
les hommes un lien qui leur est propre lui aussi, en déterminant le
caractère inter-humain et social de l’existence humaine».
La Parole de Dieu a
inspiré tout au long des siècles les différentes cultures en
engendrant des valeurs morales fondamentales, des expressions
artistiques de choix et des styles de vie exemplaires.
C’est pourquoi, dans la perspective d’une rencontre renouvelée entre
la Bible et les cultures, je voudrais répéter à tous les acteurs du
monde culturel qu’ils n’ont pas à craindre de s’ouvrir à la Parole
de Dieu, qui ne détruit jamais la vraie culture, mais qui constitue
un stimulant constant dans la recherche d’expressions humaines
toujours plus appropriées et significatives. Toute culture
authentique, pour être véritablement en faveur de l’homme, doit être
ouverte à la transcendance, et finalement à Dieu.
La Bible, un grand trésor pour les cultures
110. Les Pères synodaux
ont souligné combien il importe de favoriser chez les hommes de
culture une juste connaissance de la Bible, y compris dans les
milieux sécularisés et parmi les non-croyants;
l’Écriture Sainte contient des valeurs anthropologiques et
philosophiques qui ont influencé positivement l’humanité entière.
Il faut pleinement retrouver le sens de la Bible comme un grand
trésor pour les cultures.
La connaissance de la Bible dans les écoles
et les universités
111. L’école et
l’université constituent un cadre singulier de la rencontre
entre la Parole de Dieu et les cultures. Que les Pasteurs aient une
attention particulière à ces milieux, en promouvant une connaissance
profonde de la Bible de telle façon que les fécondes implications
culturelles, y compris pour notre temps, puissent être saisies! Que
les centres d’études dépendant des entités catholiques apportent une
contribution originale – qui doit être reconnue – à la promotion de
la culture et de l’instruction! Il ne faut pas non plus négliger
l’enseignement de la religion, en formant avec soin les
enseignants. Dans de nombreux cas, celui-ci représente pour les
étudiants une occasion unique de contact avec le message de la foi.
Il est bon que, dans cet enseignement, soit promue la connaissance
de l’Écriture Sainte, dissipant les préjugés, anciens et nouveaux,
et cherchant à faire connaître sa vérité.
La Sainte Écriture à travers les
différentes expressions artistiques
112. La relation entre
Parole de Dieu et cultures a trouvé une expression concrète dans
différents cadres, en particulier dans le monde de l’art.
C’est pourquoi la grande Tradition de l’Orient et de l’Occident a
toujours estimé les manifestations artistiques inspirées de
l’Écriture Sainte, telles que par exemple les arts figuratifs, ou
encore l’architecture, la littérature et la musique. Je pense aussi
à l’antique langage exprimé par les icônes qui, à partir de
la Tradition orientale, se diffuse progressivement partout dans le
monde. Avec les Pères synodaux, toute l’Église exprime sa
considération, son estime et son admiration envers les artistes
«épris de la beauté», qui se sont laissés inspirer par des textes
sacrés; ils ont contribué à la décoration de nos églises, à la
célébration de notre foi, à l’enrichissement de notre liturgie et,
en même temps, beaucoup d’entre eux ont aidé à rendre de quelque
façon perceptibles, dans le temps et dans l’espace, les réalités
invisibles et éternelles.[359]
J’exhorte les organismes compétents à promouvoir dans l’Église une
solide formation des artistes à l’égard de l’Écriture Sainte à la
lumière de la Tradition vivante de l’Église et du Magistère.
La Parole de Dieu
et les moyens de communication sociale
113. Au rapport entre
Parole de Dieu et cultures, est liée aussi l’importance de
l’utilisation attentive et intelligente des moyens de communication
sociale, anciens et nouveaux. Les Pères synodaux ont recommandé une
connaissance appropriée de ces instruments, en prêtant attention à
leur développement rapide et à leurs différents niveaux
d’interaction et en investissant plus d’énergies pour acquérir une
compétence dans les différents secteurs, en particulier dans ce que
l’on appelle les nouveaux médias, comme par exemple internet. Il
existe déjà une présence significative de l’Église dans le monde de
la communication de masse et le Magistère ecclésial s’est aussi
exprimé à plusieurs reprises sur ce thème depuis le
Concile Vatican II.
L’acquisition de nouvelles méthodes pour transmettre le message
évangélique fait partie de la tension évangélisatrice permanente des
croyants et, aujourd’hui, la communication étend un réseau qui
enveloppe tout le globe, donnant un sens renouvelé à l’appel du
Christ: «Ce que je vous dis dans l’ombre, dites-le au grand jour; ce
que vous entendez dans le creux de l’oreille, proclamez-le sur les
toits» (Mt 10, 27). La Parole divine, outre sa forme
imprimée, doit résonner aussi à travers les autres formes de
communication.
C’est pourquoi, avec les Pères synodaux, je désire remercier les
catholiques qui s’engagent avec compétence en vue d’une présence
significative dans le monde des médias, en souhaitant un engagement
encore plus large et plus qualifié.
Parmi les formes
nouvelles de communication de masse, un rôle croissant est
aujourd’hui reconnu à internet qui constitue un nouveau forum
sur lequel il faut faire résonner l’Évangile, avec la conscience,
toutefois, que le monde virtuel ne pourra jamais remplacer le monde
réel et que l’Évangélisation ne pourra profiter de la virtualité
offerte par les nouveaux médias pour instaurer des relations
significatives que si l’on arrive à un contact personnel qui
demeure irremplaçable. Dans le monde d’internet, qui permet à des
milliards d’images d’apparaître sur des millions d’écrans dans le
monde, devra apparaître le visage du Christ ainsi que la
possibilité d’entendre Sa voix, car «s’il n’y a pas de place pour le
Christ, il n’y a pas de place pour l’homme».
La Bible et l’inculturation
114. Le Mystère
de l’Incarnation nous fait savoir, d’une part, que Dieu se
communique toujours dans une histoire concrète, en assumant les
codes culturels inscrits en elle, mais que d’autre part, la même
Parole peut et doit se transmettre dans des cultures différentes, en
les transfigurant de l’intérieur, grâce à ce que le Pape
Paul VI appelait
l’Évangélisation des cultures.
La Parole de Dieu, comme du reste la foi chrétienne, manifeste ainsi
un caractère profondément interculturel, susceptible de rencontrer
et de faire se rencontrer les différentes cultures.
Dans ce contexte, on
comprend aussi la valeur de l’inculturation de l’Évangile.
L’Église est fermement persuadée de la capacité intrinsèque de la
Parole de Dieu de rejoindre toutes les personnes quel que soit le
contexte culturel qui est le leur: «cette conviction découle de la
Bible elle-même, qui, dès le Livre de la Genèse, prend une
orientation universelle (Gn 1, 27-28), la maintient ensuite
dans la bénédiction promise à tous les peuples grâce à Abraham et à
sa descendance (cf. Gn 12, 3; 18, 18) et la confirme
définitivement en étendant à “toutes les nations” l’Évangélisation».
C’est pourquoi l’inculturation ne doit pas être confondue avec des
processus superficiels d’adaptation et moins encore avec un
syncrétisme confus qui dilue l’originalité de l’Évangile pour le
rendre plus facilement acceptable.
L’authentique paradigme de l’inculturation est l’Incarnation même du
Verbe: «une “acculturation”, ou une “inculturation”, sera réellement
un reflet de l’Incarnation du Verbe, lorsqu’une culture, transformée
et régénérée par l’Évangile, (qui) produit à partir de sa propre
Tradition vivante des expressions originales de vie, de célébration
et de pensées chrétiennes»,
en germant à partir de la culture locale, en valorisant les
semina Verbi et tout ce qui est présent en elle de positif, en
l’ouvrant aux valeurs évangéliques.
Les traductions et la diffusion de la Bible
115. Si l’inculturation
de la Parole de Dieu fait partie de manière impérative de la mission
de l’Église dans le monde, la diffusion de la Bible à travers le
précieux travail de traduction dans les différentes langues est un
moment important de ce processus. À ce sujet, on doit toujours avoir
présent à l’esprit que le travail de traduction des Écritures a
commencé «dès le temps de l’Ancien Testament, lorsqu’on a traduit le
texte hébreu de la Bible oralement en araméen (Ne 8, 8.12)
et, plus tard, par écrit en grec. Une traduction, en effet, est
toujours plus qu’une simple transcription du texte original. Le
passage d’une langue à une autre comporte nécessairement un
changement de contexte culturel: les concepts ne sont pas identiques
et la portée des symboles est différente, car ils mettent en rapport
avec d’autres traditions de pensée et d’autres façons de vivre».
Pendant les travaux du
Synode, on a dû faire le constat que différentes Églises locales ne
disposent pas encore d’une traduction intégrale de la Bible dans
leurs propres langues. Combien de peuples ont aujourd’hui faim et
soif de la Parole de Dieu, mais malheureusement ne peuvent encore
avoir «un accès largement ouvert à la Sainte Écriture»
comme cela avait été souhaité au
Concile Vatican II! C’est
pourquoi le Synode considère qu’il est important avant tout de
former des experts qui se consacrent à la traduction de la Bible
dans les diverses langues.
J’encourage l’investissement de ressources en ce domaine. Je
voudrais en particulier recommander de soutenir l’engagement de la
Fédération biblique catholique afin que le nombre de traductions de
l’Écriture puisse s’accroître et leur diffusion progresser.
Il est bon que, en vertu de la nature même d’un tel travail,
celui-ci soit réalisé dans la mesure du possible en collaboration
avec les différentes Sociétés bibliques.
La Parole de Dieu dépasse les limites des
cultures
116. L’Assemblée
synodale, dans le débat autour de la relation entre la Parole de
Dieu et les cultures, s’est sentie poussée à réaffirmer ce que les
premiers Chrétiens ont pu expérimenter à partir du jour de la
Pentecôte (cf. Ac 2, 1-13). La Parole divine est capable de
pénétrer et de s’exprimer dans des cultures et des langues
différentes, mais cette même Parole dépasse les limites des cultures
particulières en créant une communion entre les divers peuples. La
Parole du Seigneur nous invite à aller vers une communion plus
large. «Nous sortons de l’étroitesse de nos expériences et entrons
dans la réalité qui est vraiment universelle. En entrant dans la
communion avec la Parole de Dieu, nous entrons dans la communion de
l’Église qui vit la Parole de Dieu. […] C’est sortir des limites de
chaque culture dans l’universalité qui nous relie tous, nous unit
tous, nous fait tous frères».
C’est pourquoi, annoncer la Parole de Dieu demande toujours, à nous
les premiers, un nouvel exode, d’abandonner nos cadres et nos
représentations limitées pour laisser place à la présence du Christ
en nous.
La valeur du dialogue interreligieux
117. Conscients que
Dieu Père, Fils et Saint-Esprit entre en dialogue avec l’humanité,
l’Église reconnaît comme une part essentielle de l’annonce de la
Parole, la rencontre avec tous les hommes de bonne volonté.
Aujourd’hui, l’Église, en évitant toute forme de syncrétisme et de
relativisme, recherche le dialogue avec les personnes appartenant
aux diverses traditions religieuses selon les lignes indiquées par
la Déclaration du
Concile Vatican II
Nostra aetate, développée
par le Magistère ultérieur des Souverains Pontifes.
Le rapide processus de la mondialisation offre la possibilité de
vivre dans un contact plus étroit avec des personnes de cultures et
de religions diverses. Il s’agit d’une opportunité providentielle
pour manifester comment un authentique sens religieux peut
promouvoir entre les hommes des relations de fraternité universelle.
Il est d’une grande importance que les religions puissent favoriser
dans nos sociétés, souvent sécularisées, un regard qui voit en Dieu
Tout-Puissant le fondement de tout bien, la source inépuisable de la
vie morale, le soutien d’un sens profond de la fraternité
universelle.
À titre d’exemple, dans
la Tradition judéo-chrétienne, on rencontre l’attestation claire de
l’amour de Dieu pour tous les peuples qu’il réunit, déjà dans
l’Alliance étroite avec Noé, en une grande et unique étreinte
symbolisée par l’«arc au milieu des nuages» (Gn 9, 13.14.16)
et que, selon les paroles des prophètes, il entend rassembler en une
unique famille universelle (cf. Is 2, 2ss; 42, 6; 66, 18-21;
Jr 4, 2; Ps 47). De fait, des témoignages du lien
intime existant entre le rapport avec Dieu et l’éthique de l’amour
pour tout homme se retrouvent dans de nombreuses grandes traditions
religieuses.
Le dialogue entre Chrétiens et Musulmans
118. Parmi les
différentes religions, l’Église regarde «aussi avec estime les
Musulmans, qui adorent le Dieu un».
Ces derniers se réfèrent à Abraham et rendent un culte à Dieu
surtout par la prière, l’aumône et le jeûne. Nous reconnaissons que
dans la tradition de l’Islam sont présents de nombreuses figures,
des symboles et des thèmes bibliques. Dans la continuité de l’œuvre
importante du Vénérable
Jean-Paul II, je souhaite que
les rapports inspirés par la confiance, qui se sont instaurés depuis
plusieurs années entre Chrétiens et Musulmans, se poursuivent et se
développent dans un esprit de dialogue sincère et respectueux.
Dans ce dialogue, le Synode a exprimé le souhait que puissent être
approfondis le thème du respect de la vie en tant que valeur
fondamentale, et celui des droits inaliénables de l’homme et de la
femme et de leur égale dignité. En tenant compte de la problématique
importante de la distinction entre l’ordre sociopolitique et l’ordre
religieux, les religions doivent apporter leur contribution au bien
commun. Le Synode demande aux Conférences épiscopales, là où cela
apparaît opportun et profitable, de favoriser des rencontres pour
que Chrétiens et Musulmans se connaissent mutuellement afin de
promouvoir les valeurs dont la société a besoin pour une coexistence
pacifique et positive.
Le dialogue avec les autres religions
119. En cette
circonstance, je voudrais par ailleurs manifester le respect de
l’Église pour les religions traditionnelles et les antiques
traditions spirituelles des différents continents qui contiennent
également des valeurs qui peuvent favoriser la compréhension entre
les personnes et les peuples.
Nous constatons fréquemment une syntonie avec des valeurs exprimées
aussi dans leurs Livres religieux, comme par exemple le respect de
la vie, la contemplation, le silence, la simplicité dans le
Bouddhisme; le sens de la sacralité, du sacrifice et du jeûne dans
l’Hindouisme; et encore les valeurs familiales et sociales dans le
Confucianisme. Nous découvrons avec satisfaction aussi dans d’autres
expériences religieuses, une attention sincère pour la transcendance
de Dieu, reconnu comme Créateur, tout comme le respect de la vie, du
mariage et de la famille et le sens fort de la solidarité.
Le dialogue et la liberté religieuse
120. Cependant, le
dialogue ne serait pas fécond s’il n’incluait pas aussi un respect
authentique envers chaque personne, afin qu’elle puisse adhérer
librement à sa religion. Le Synode, alors qu’il encourage la
collaboration entre les représentants des diverses religions,
rappelle donc également «la nécessité que soit assurée de manière
effective à tous les croyants la liberté de professer leur propre
religion en privé et en public, ainsi que la liberté de conscience»:
en effet, «le respect et le dialogue requièrent la réciprocité dans
tous les domaines, surtout en ce qui concerne les libertés
fondamentales et plus particulièrement la liberté religieuse. Ils
favorisent la paix et l’entente entre les peuples».
La Parole définitive de Dieu
121. Au terme de ces
réflexions par lesquelles j’ai voulu recueillir et approfondir la
richesse de la XIIe Assemblée Générale Ordinaire du
Synode des Évêques sur la Parole de Dieu dans la vie et la mission
de l’Église, je désire encore une fois exhorter le Peuple de Dieu
tout entier, les Pasteurs, les personnes consacrées et les laïcs à
s’engager pour devenir toujours plus familiers des Écritures
Saintes. Nous ne devons jamais oublier qu’à la base de toute
spiritualité chrétienne authentique et vivante, se trouve la
Parole de Dieu annoncée, écoutée, célébrée et méditée dans l’Église.
Cette intensification de la relation avec la Parole divine se
réalisera avec d’autant plus d’élan que nous serons davantage
conscients de nous trouver, dans l’Écriture comme dans la Tradition
vivante de l’Église, face à la Parole définitive de Dieu sur le
monde et sur l’histoire.
Comme nous le fait
contempler le Prologue de l’Évangile de Jean, tout ce qui est se
trouve sous le signe de la Parole. Le Verbe jaillit du Père et il
vient demeurer parmi les siens et puis il retourne dans le sein du
Père pour emporter avec lui toute la création qui, en lui et par
lui, a été créée. Aujourd’hui, l’Église vit sa mission dans
l’attente anxieuse de la manifestation eschatologique de l’Époux: «L’Esprit
et l’Épouse disent: ‘Viens!’» (Ap 22, 17). Cette attente
n’est jamais passive mais elle est une tension missionnaire dans
l’annonce de la Parole de Dieu qui purifie et rachète tout homme:
aujourd’hui encore Jésus ressuscité nous dit: «Allez dans le monde
entier. Proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création» (Mc
16, 15).
La Nouvelle Évangélisation et la nouvelle
écoute
122. En conséquence,
notre temps doit être toujours davantage le temps d’une nouvelle
écoute de la Parole de Dieu et d’une Nouvelle Évangélisation.
Redécouvrir le caractère central de la Parole divine dans la vie
chrétienne nous fait retrouver aussi le sens le plus profond de ce
que le Pape
Jean-Paul II a rappelé avec
force: continuer la missio ad gentes et entreprendre avec
toutes les forces la Nouvelle Évangélisation, surtout dans
les pays où l’Évangile a été oublié ou souffre de l’indifférence du
plus grand nombre en raison d’un sécularisme diffus. Que l’Esprit
Saint éveille chez les hommes la faim et la soif de la Parole de
Dieu et suscite de zélés messagers et témoins de l’Évangile!
À l’exemple du grand
Apôtre des Nations, qui fut transformé après avoir entendu la voix
du Seigneur (cf. Ac 9, 1-30), écoutons nous aussi la Parole
divine qui nous interpelle toujours personnellement, ici et
maintenant. Les Actes des Apôtres nous racontent que l’Esprit
Saint se réserva Paul et Barnabé en vue de la prédication et de la
diffusion de la Bonne Nouvelle (cf. 13, 2). Ainsi, aujourd’hui,
l’Esprit Saint ne cesse de susciter des auditeurs et des messagers
convaincus et persuasifs de la Parole du Seigneur!
La Parole et la joie
123. Plus nous saurons
être disponibles à la Parole divine, plus nous pourrons constater
que le Mystère de la Pentecôte est ‘en action’ aujourd’hui aussi
dans l’Église de Dieu. L’Esprit du Seigneur continue de répandre ses
dons sur l’Église afin que nous soyons conduits à la vérité tout
entière, nous ouvrant le sens des Écritures et faisant de nous des
messagers crédibles de la Parole du salut. Nous revenons ainsi à la
première Lettre de saint Jean. À travers la Parole de Dieu,
nous aussi, nous avons entendu, vu et touché le Verbe de vie. Nous
avons écouté par grâce l’annonce que la vie éternelle s’est
manifestée, afin que nous reconnaissions que nous sommes en
communion les uns avec les autres, avec ceux qui nous ont précédés
sous le signe de la foi et avec tous ceux qui, répandus à travers le
monde, écoutent la Parole, célèbrent l’Eucharistie, vivent le
témoignage de la charité. La communication de cette annonce – nous
rappelle l’Apôtre Jean – est donnée pour que «nous ayons la
plénitude de la joie» (1 Jn 1, 4).
L’Assemblée synodale
nous a permis d’expérimenter ce qui est contenu dans le message
johannique: l’annonce de la Parole crée la communion et
apporte la joie. Il s’agit d’une joie profonde qui jaillit du
cœur même de la vie trinitaire et qui se communique à nous dans le
Fils. Il s’agit de la joie, comme don ineffable, que le monde ne
peut donner. On peut organiser des fêtes, mais pas la joie. Selon
l’Écriture, la joie est un fruit de l’Esprit Saint (cf. Ga 5,
22), qui nous permet de pénétrer dans la Parole et de faire en sorte
que la Parole divine entre en nous en portant ses fruits pour la vie
éternelle. En annonçant la Parole de Dieu dans la force de l’Esprit
Saint, nous désirons communiquer aussi la source de la vraie joie,
non une joie superficielle et éphémère mais celle qui jaillit de la
conscience que seul le Seigneur Jésus a les paroles de la vie
éternelle (cf. Jn 6, 68).
«Mater Verbi et Mater laetitiae»
124. Cette relation
intime entre la Parole de Dieu et la joie est manifestée avec
évidence chez la Mère de Dieu. Rappelons les paroles de sainte
Élisabeth: «Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles
qui lui furent dites de la part du Seigneur» (Lc 1, 45).
Marie est bienheureuse parce qu’elle a la foi, qu’elle a cru, et que
dans cette foi, elle a accueilli dans son sein le Verbe de Dieu pour
le donner au monde. La joie provenant de la Parole peut maintenant
s’étendre à tous ceux qui, dans la foi, se laissent transformer par
la Parole de Dieu. L’Évangile de Luc nous présente à travers deux
textes ce Mystère d’écoute et de joie. Jésus affirme: «Ma mère et
mes frères, ce sont ceux qui entendent la Parole de Dieu, et qui la
mettent en pratique» (8, 21). Et, face à l’exclamation d’une femme
qui, au milieu de la foule, entend exalter le ventre qui l’a porté
et le sein qui l’a allaité, Jésus révèle le secret de la vraie joie:
«Heureux plutôt ceux qui entendent la parole de Dieu, et qui la
gardent!» (Lc 11, 28). Jésus indique la vraie grandeur de
Marie, en ouvrant ainsi à chacun de nous la possibilité de cette
béatitude qui naît de la Parole écoutée et mise en pratique. C’est
pourquoi, à tous les Chrétiens, je rappelle que notre relation
personnelle et communautaire avec Dieu dépend de l’accroissement de
notre familiarité avec la Parole divine. Enfin, je m’adresse à tous
les hommes, également à ceux qui se sont éloignés de l’Église, qui
ont abandonné la foi ou qui n’ont jamais entendu l’annonce du salut.
À chacun, le Seigneur dit: «Voici que je me tiens à la porte, et je
frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai
chez lui; je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi» (Ap
3, 20).
Que chacune de nos
journées soit donc façonnée par la rencontre renouvelée du Christ,
le Verbe du Père fait chair: il est à l’origine et à la fin et «tout
subsiste en lui» (Col 1, 17). Faisons silence pour écouter la
Parole du Seigneur et pour la méditer, afin que, par l’action
efficace de l’Esprit Saint, elle continue à demeurer, à vivre et à
nous parler tous les jours de notre vie. De cette façon, l’Église se
renouvelle et rajeunit grâce à la Parole du Seigneur qui demeure
éternellement (cf. 1 P 1, 25; Is 40, 8). Ainsi, nous
pourrons nous aussi entrer dans le grand dialogue nuptial par lequel
se clôt l’Écriture Sainte: «L’Esprit et l’Épouse disent: ‘Viens!’
[…] Celui qui témoigne de tout cela déclare: ‘Oui, je viens sans
tarder.’ – Amen! Viens, Seigneur Jésus!» (Ap 22, 17.20).
Donné à Rome, près
de Saint-Pierre, le 30 septembre 2010, mémoire de saint Jérôme, en
la sixième année de mon Pontificat.
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