Ercole Angelo Menni naît en 1841 à Milan, cinquième d'une
famille de quinze enfants. Son père est commerçant en bois. Le
petit 'Ercolino' porte bien son nom: il est beau et fort; c'est un lombard
intrépide.
Dans sa famille, on dit le chapelet en commun et l'on pratique la
charité. Devenu jeune homme, il dit son rosaire en entier et communie tous les
jours. Il est bien vu de tous. Mais à 16 ans, il quitte la banque où il
travaillait pour ne pas participer à des opérations qu'il réprouve. Son premier
appel à la vie religieuse, il le ressent en contemplant un tableau de la Madone
devant lequel il prie tous les jours. Le caractère marial marquera toute sa vie,
ainsi que la dévotion au Sacré-Cœur. Le premier nom qu'il donnera à la
Congrégation fondée par lui sera: 'Filles de Notre-Dame du Sacré-Cœur de Jésus'.
A 18 ans, en juin 1859, lorsque arrivent à Milan des blessés de la bataille de
Magenta, il se porte volontaire comme brancardier et cela décide de son
orientation. Il entre en 1860 chez les Frères de Saint Jean de Dieu à Milan où
il reçoit le nom de Fra Benedetto (ou Benito), c'est-à-dire Benoît. En 1865 il
demande au Général de l'Ordre de pouvoir achever ses études de théologie à Rome,
marquant ainsi sa dévotion au successeur de Pierre. "Ce que dit le Pape vient du
ciel" dit-il souvent. Il y reçoit l'ordination sacerdotale en 1866. Le Père
Général le choisit comme secrétaire et voyant sa valeur, dès 1867, il lui
demande, en accord avec le Pape, d'aller restaurer l'Ordre de Saint Jean de Dieu
en Espagne. Il a 26 ans et ne connaît pas l'Espagnol. Pie IX le bénit et lui
dit: "Va en Espagne, mon fils, avec la bénédiction du ciel; va restaurer l'Ordre
à son berceau même".
Il arrive dans un pays en pleine effervescence religieuse et
politique. Les lois anti-cléricales ont pratiquement détruit l'Ordre. Néanmoins,
dès octobre 1867, à Barcelone, il crée un petit asile-hôpital de 12 lits. Après
des péripéties de vie clandestine et d'expulsion, contrecoup de la Révolution et
de la 'guerre carliste', il crée en 1877 à Ciempozuelos près de Madrid un
hôpital psychiatrique d'avant-garde avec des équipements et des thérapies de
pointe. C'est là le berceau de la restauration de l'Ordre. Dans ses fondations,
il a soin de s'entourer de médecins et d'un personnel compétents. (Lui-même a
exercé la chirurgie.) Et surtout il crée un changement d'attitude vis-à-vis des
malades mentaux que l'on considérait comme des maudits. Il donne cette consigne:
"Soignez-les comme des enfants mais considérez-les comme des personnes". En
1881, avec deux jeunes filles originaires de Grenade (berceau primitif de
l'Ordre), il fonde à Ciempozuelos les 'sœurs hospitalières du Sacré-Cœur de
Jésus', car jusqu'ici on n'avait rien fait pour les femmes malades mentales. Les
débuts sont pauvres, austères. (La première Sœur, devenue supérieure, mourra
assassinée par une malade mentale.) Le travail est surabondant mais la joie
domine. Les fondations vont se multipliant tandis que les vocations de femmes et
d'hommes affluent: 15 fondations pour les Sœurs, 24 pour les Frères. Le
mouvement dépasse les frontières et s'étend au Portugal, en France et au
Mexique. Entre autres responsabilités, le Père est réélu 4 fois comme Provincial
d'Espagne. C'est un chef né qui se distingue par sa douceur, mais après avoir
pris conseil, prié et longuement réfléchi, ses décisions sont irréfragables.
Ainsi quand il constate de graves défaillances morales dans sa fondation de
Llobregat, il congédie tout le personnel malgré le tollé que cela provoque dans
la presse.
En 1911, par un 'Motu proprio', sans convocation préalable du
chapitre général, Pie X le nomme Général de l'Ordre. Une grave contestation,
préparée de longue date, se dresse contre lui tant à l'extérieur que parmi ses
'fils bien-aimés' qu'il continue de chérir. On ne recule pas devant le mensonge
et la calomnie. Dédaignant de prendre un avocat, le Père accepte tout avec un
esprit surnaturel et ne se départit pas de sa sérénité. De lui-même il donne sa
démission à l'assemblée générale des provinciaux convoquée par lui en 1912. Puis
il se rend à Rome pour remettre cette démission aux pieds du Saint-Père. Fixant
sur lui ses yeux d'une extrême douceur, Pie X lui dit: "Voilà, Père, le moment
est venu pour vous de prier et de conseiller…"; mais lui, qui a déjà été traîné
'devant tous les tribunaux de la terre', répond: "J'espère être absous par le
tribunal de Dieu et y trouver sa miséricorde". – "Vous la trouverez, vous la
trouverez!" lui dit le Pape. Exilé en France, à Paris, et déjà malade, on
continue à la persécuter. Ainsi, on lui donne comme assistant un frère illettré
pour l'empêcher d'entretenir de la correspondance. Puis on l'envoie à Dinan où
il meurt en 1914. La ferveur populaire se manifeste immédiatement. Il en est de
même à Ciempozuelos où son corps est ramené. C'est là qu'il repose près de la
maison-mère des Sœurs.
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