Bernard naquit
dans le Ponthieu, vers l'an 1046, et étudia avec succès la grammaire
et la dialectique. Le désir
de
mener une vie plus parfaite l'engagea à quitter son pays et sa
famille pour se retirer au monastère de Saint-Cyprien dans le
Poitou, où il ne tarda pas à se distinguer par toutes les vertus qui
font un bon religieux. Gervais, moine de Saint-Cyprien, ayant été
fait abbé du monastère de Saint-Savin, ne voulut accepter cette
charge qu'à condition qu'on lui donnât Bernard pour prieur : mais
ils ne tardèrent pas à se brouiller au .sujet d'une église que
Gervais voulût acquérir, à quoi Bernard s'opposa, parce qu'il
craignait la simonie. Gervais abandonna son monastère, et entreprit
le pèlerinage de Jérusalem, où il fut dévoré par un lion dans la
Palestine. Alors les moines de Saint-Savin élurent Bernard pour leur
abbé, mais celui-ci prit la fuite et alla trouver un saint ermite
nommé Pierre des Étoiles, qui le reçut avec joie et le conduisit
dans les forêts du Craon, où Robert d'Arbrisselles, Vital de
Mortain, et Raoul de La Fustaye menaient alors la vie solitaire.
Pour ne pas être reconnu, Bernard prit le nom de Guillaume, et
surpassa bientôt tout le monde par ses austérités. Il priait sans
cesse et méditait continuellement la loi de Dieu. Mais, au bout de
trois ans, il fut découvert par les moines de Saint-Savin qui
l'avaient cherché partout. Bernard résolut de passer la mer, et se
cacha dans l'île de Chaussée près de Cou tances; mais Pierre des
Étoiles alla l'y trouver, l'assurant que les moines de Saint-Savin
avaient élu un autre abbé, et le ramena dans sa première solitude.
Rainauld, abbé de Saint-Cyprien, alla le voir, et, usant d'une ruse
innocente, le ramena dans son monastère, où les moines le reçurent
comme un saint, lui ôtèrent ses haillons et lui coupèrent la barbe.
Rainauld, qui pensait à en faire son successeur, pria l'évêque de
Poitiers de lui défendre d'abandonner dans la suite son monastère,
ce que le prélat fit avec plaisir. A la mort de Rainauld, Bernard
fut élu abbé; mais il s'éleva de graves difficultés : les religieux
de Glunv, prétendant que le monastère de Saint-Cyprien leur était
soumis, obtinrent des lettres du pape Pascal II, par lesquelles
Bernard fut, interdit de toutes les fonctions, s'il refusait de se
soumettra, à Cluny. Alors Bernard quitta l'abbaye, et alla se
joindre à Robert
d'Arbrisselles et à Vital de Mortain, qui faisaient des missions
apostoliques dans le Maine. Bernard prêcha avec zèle contre
l'incontinence des prêtres, et en convertit plusieurs. Les moines de
SaintCyprien, munis des lettres de l'évêque de Poitiers, vinrent le
conjurer d'aller à Rome plaider leur cause et la sienne, afin de
pouvoir gouverner leur monastère. Bernard se rendit à leurs vœux,
et fit le voyage de Rome
sur un âne, et obtint la permission de retourner à l'abbaye de
Saint-Cyprien : mais bientôt ses propres moines, qu'il voulait
ramener à la régularité, cabalèrent contre lui ;
il retourna à Rome, où le crédit des moines de Cluny avait prévenu
le pape contre lui. Bernard eut de la peine à triompher de ces
préventions ; mais enfin il y réussit ;
le pape voulut même le faire cardinal. De retour à Saint-Cyprien, il
éprouva de nouvelles difficultés: alors il quitta pour toujours ce
monastère, et se retira dans son île de Chaussée. Rotrou, comte de
Perche, lui abandonna une partie de la forêt de Tiron, où Bernard
bâtit un monastère qui fut bientôt peuplé de nombreux disciples.
Yves, évêque de Chartres, célébra la première messe dans cette
maison, le jour de Pâques de l'an 1109. Dans cette nouvelle demeure,
le saint abbé mena une vie angélique, et jouit enfin de la paix
après une vie si traversée d'orages. Louis le Gros, roi de France,
Henri Ier,
roi d'Angleterre, et David, roi d’Écosse,
firent de grandes libéralités à Tiron, qui eut jusqu'à cent prieurés
dépendant de lui. Bernard mourut le 14
avril 1117.
SOURCE : Alban Butler : Vie
des Pères, Martyrs et autres principaux Saints… – Traduction :
Jean-François Godescard. |