Bernard d'Offida

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Bernard d’Offida
Frère Lai capucin, Bienheureux
1604-1694

« La sainte simplicité, qui n'est jamais séparée de la prudence chrétienne, a brillé admirablement dans toutes les actions du B. Bernard d’Offida », dit le P. Caseli, depuis cardinal, en approuvant le livre qui retrace la vie de ce serviteur de Dieu.

Ce parfait religieux naquit en Italie, près du lieu dont il porte le nom, le 7 novembre 1604. Il eut pour parents Joseph Peroni et Dominique d’Appignano, honnêtes paysans remplis de piété, qui mirent tous leurs soins à inspirer à leurs fils de grands sentiments de religion. Le Seigneur bénit leurs efforts. Dominique (c’était le nom qu'il avait reçu au baptême et qu'il changea en celui de Bernard quand il prit l'habit de religion) était un enfant accompli. Sa docilité, sa douceur, son obéissance, étaient admirables. Il avait tant de charité pour ses frères que, lorsqu'il les voyait résister aux volontés de leurs parents, il disait à son père et à sa mère : « Je ferai ce que refuse de faire mon frère. S'il mérite d'être châtié, châtiez-moi. » Chargé dès l'âge de sept à huit ans de garder un troupeau, il se livrait à l'oraison avec cette facilité et cet attrait que l'Esprit-Saint donne aux âmes pures. Ses bons exemples entraînaient les autres pâtres, et tous avec lui s'occupaient à méditer quelque vérité du salut, ou à réciter le Rosaire.

Telle fut la conduite de Dominique dans son enfance et sa première jeunesse. Guidé par un sage directeur, qui lui avait enseigné le catéchisme, il s'habitua de bonne heure à maîtriser ses passions ; aussi les vanités du monde ne purent-elles le séduire; il aimait la solitude et n'en sortait que par nécessité. Toute son occupation le Dimanche était de visiter les églises, d'y prier avec assiduité et de se disposer à recevoir les sacrements, dont il s'approchait avec une ferveur angélique. Il supplia ses parents de ne point s'inquiéter ces jours-là de sa nourriture, mais de le laisser en liberté satisfaire sa piété ; elle l'attachait tellement à de saintes pratiques, que souvent il arrivait le soir à la maison sans avoir rien mangé du jour.

Dominique, qui désirait vivement connaître et suivre la volonté de Dieu, étudiait sa vocation avec un soin particulier. L'état religieux avait pour lui beaucoup d’attraits, et la vie édifiante des Capucins du couvent d'Offida lui donnait la pensée de se fixer parmi eux ; mais l'opposition de ses parents à l'exécution d'un semblable dessein, et la crainte de leur déplaire lui paraissaient des obstacles bien difficiles à surmonter. Le Seigneur tira son serviteur d'inquiétude ; son père, quoiqu'il l'aimât tendrement, lui conseilla d'embrasser l'état religieux. Dominique, plein de joie, vit dans les paroles de l'auteur de ses jours l'expression de la volonté divine, et désormais libre de suivre son attrait, il entra chez les Capucins de Corinaldo, où il commença son noviciat et où il prit l'habit le 15 février 1626. Exercé depuis longtemps à la pratique des vertus chrétiennes, il ne lui fut pas difficile d'acquérir les vertus religieuses ; aussi passa-t-il dans la ferveur tout le temps de son noviciat, et cette ferveur était si grande, que ses frères, surpris de cette perfection, se disaient : « Si tels sont ses commencements, que sera sa fin ? »

Bernard, ayant prononcé ses vœux à Camerino le 15 février 1627, fut envoyé au couvent de Fermo, ville de la Marche d'Ancône. 11 eut le bonheur de rencontrer dans le supérieur de la maison et dans le compagnon qui lui fut donné deux hommes solidement vertueux et bien propres à soutenir un jeune profès dans la perfection de son état. Mais si Bernard trouva près d'eux à s'édifier, de son côte il excita leur admiration, par la manière dont il remplissait ses devoirs. Entre autres occupations, il avait celle de soigner les religieux âgés et infirmes , dont les uns étaient impotents , les autres atteints de maladies ou couverts de plaies bien propres à donner de la répugnance : loin de montrer pour eux le moindre éloignement, il leur rendait tous les services qu'une ingénieuse charité peut inventer, et il le faisait avec un calme , une douceur que n'altéraient jamais ni la mauvaise humeur des malades , ni la longueur de leurs maux, ni les fatigues qu'un pareil travail lui causait. Placé successivement dans plusieurs maisons de son ordre, Bernard laissa partout après lui la bonne odeur de ses vertus. Enfin, lorsqu'il eut atteint l'âge de soixante ans, et que sa grande prudence bien connue de tous eut inspiré en lui une confiance entière, il fut chargé dans le couvent d'Offida de l'emploi de quêteur. Cet emploi est très-pénible chez les Capucins et en même temps très-dangereux pour la vertu, car la règle de ce saint ordre voulant que les religieux ne vivent que d'aumônes, il faut que chaque jour un frère lui aille faire la quête , qu'il ait par conséquent des relations habituelles avec les séculiers, qu'il entre dans les maisons, et qu'il s'expose ainsi à perdre l'esprit de son état, s'il n'y est pas bien affermi. Cette épreuve ne fut pour le bienheureux qu'une occasion dans laquelle Dieu se plut à manifester sa sainteté. Ses compatriotes, qui se rappelaient la sagesse qu'il avait montrée dans son jeune âge, l'observaient avec curiosité, lors de son retour à Offida ; mais bientôt ils purent se convaincre qu'il n'avait fait que croître en perfection. Ils le voyaient pendant le temps de sa quête marcher les yeux baissés, la contenance modeste, en inspirant la vénération par sa figure angélique. Il n'entrait dans les maisons que pour voiries bienfaiteurs malades. S'il rencontrait quelque pauvre qui fût souffrant, il l'assistait avec la plus touchante charité. Le respect pour lui était général, et ce ne fut qu'avec une vive douleur que les habitants apprirent que Bernard quittait son pays pour aller, par l'ordre de ses supérieurs, au couvent d'Ascoli. Ils ne se bornèrent pas à des regrets stériles en cette circonstance. Ils s'adressèrent aux supérieurs pour obtenir qu'on leur rendit le saint frère, et leur demande fut écoutée. Il revint donc à Offida, où son retour causa une joie universelle. Il y reprit son emploi de quêteur, qui était pour lui très pénible, car pour recueillir les aumônes il allait dans les environs de la ville jusqu'à la distance de quatre lieues, souvent par des chemins très- mauvais, ou par une chaleur excessive. Toutes ces courses se faisaient à pied, et ce qui les lui rendait encore plus fatigantes, c'est qu'il avait une grave infirmité, et qu'il était constamment couvert d'un rude cilice. Lorsqu'il rentrait accablé de lassitude, on l'entendait s'écrier : « Paradis, Paradis. » Ou bien : « Ce mauvais corps ne veut-il pas souffrir ? S’il veut jouir, il faut bien qu'il souffre. »

En sollicitant les secours temporels, Bernard donnait à toute la contrée qu'il habitait des secours spirituels, mille fois plus précieux ; il consolait les pauvres et les affligés ; instruit par une lumière surnaturelle du secret des cœurs, il remettait par ses conseils l'ordre dans des consciences criminelles ; il empêchait qu'on offensât Dieu, et surtout il avait un talent admirable pour apaiser les différends et rétablir l'union dans les familles. Aussi, lorsque son trépas priva le peuple de sa présence, l'on disait : « II est mort celui qui mettait fin aux discordes, qui réunissait les cœurs, qui faisait régner la bonne harmonie entre les parents ! Ah ! si frère Bernard revenait ! »

Lorsque les infirmités toujours croissantes du saint religieux ne lui permirent plus d'exercer l'emploi de quêteur, ses supérieurs le chargèrent de remplir celui de portier. Ce ne fut pour lui qu'un nouveau moyen de pratiquer la charité envers le prochain. Les pauvres accouraient à lui en foule, il les assistait ; les affligés venaient lui raconter leurs peines, il les consolait. Des enfants mal élevés mettaient souvent sa patience à l'épreuve par leurs espiègleries ; il les supportait, sans jamais montrer la moindre vivacité. Les ignorants excitait surtout son zèle, il les instruisait des vérités de la religion et les disposait à la réception des sacrements. Enfin, l'idée que sa vie sainte donnait de sa vertu était si bien établie, qu'ou venait lui demander des miracles et qu'on les obtenait de lui. Une mère lui apporta un jour son fils, en bas âge et dangereusement malade ; elle le lui remit entre les mains pour qu'il obtînt sa guérison, mais l'enfant mourut aussitôt. Alors cette femme, égarée par sa douleur, se mit à crier que frère Bernard avait tué son fils, et voyant qu'il se retirait, elle le retint par son habit en lui disant : « Je ne vous laisserai point aller que vous ne me l'ayez rendu vivant. » Le saint homme, attendri, versa des pleurs avec elle, puis entrant dans l’église, il alla devant l'autel de saint Félix de Cantalice, auquel il avait une grande dévotion, il déposa l'enfant sur cet autel, et se mettant à genoux, il dit avec une simplicité admirable : « Voici le moment de m'assister, mon bon saint Félix. » Il pria ensuite quelques instants. 0 prodige ! L’enfant revint à la vie, fut guéri, et sourit à sa mère. Celle-ci, consolée et pleine de joie, demanda à l'homme de Dieu pardon des injures qu'elle lui avait dites.

Il semblait qu'il eût manqué quelque chose à la perfection du Bienheureux, s'il n'avait pas eu à supporter des calomnies et des humiliations. Sa sollicitude pour les besoins des pauvres et les peines qu'il se donnait pour les soulager déplurent à quelques religieux, qui en firent des plaintes aux supérieurs et représentèrent frère Bernard comme dépourvu de discrétion dans la distribution des aumônes et capable de nuire ainsi au couvent. Le père provincial étant venu à Offida, manda le prétendu coupable, et le traita très-rudement devant la communauté assemblée. Bernard se jeta humblement à genoux, et par l'air tranquille et joyeux avec lequel il reçut cette réprimande, il montra quelle estime il faisait des contradictions. Son innocence, qui fut bientôt reconnue, contribua encore à augmenter l'admiration qu'on avait pour sa vertu.

C'est en donnant ainsi l'exemple d'une sainteté parfaite que ce vénérable religieux parvint jusqu'à l'âge de quatre-vingt-dix ans. Il avait parcouru cette longue carrière, lorsque, dans le mois d'août 1694, il se sentit saisi d'une fièvre violente ; son premier soin, dès qu'il se vit malade, fut de se préparer à une confession générale. Quoiqu'il eût passé sa vie dans l’innocence, il la fit avec beaucoup de larmes, et une componction aussi vive que s'il avait été un grand pécheur. Le mal augmentant, il reçut avec une grande ferveur le saint Viatique, après lequel il tomba en extase. Revenu à lui, et se trouvant près de sa fin, il dit à son supérieur, avec cette aimable simplicité qui était son caractère distinctif : « Père gardien, donnez-moi votre bénédiction, afin que je m'en aille en paradis. » Le gardien ne voulut lui accorder cette grâce qu'après qu'il lui eut à lui-même donné la sienne et à tous les assistants. Bernard le fit par obéissance, en se servant du crucifix qu'il tenait entre ses mains. Ce fut sa dernière action. Il rendit tranquillement son âme à son Créateur, le matin du Dimanche 22 Août 1694. Le bruit de sa mort ne se fut pas plus tôt répandu, qu'on vit arriver au couvent une grande multitude, non-seulement d’Offida, mais des villes environnantes. On fut obligé de le garder trois jours exposé, avant de pouvoir le mettre en terre. Il s'opéra dès-lors des miracles par son intercession ; ces miracles et ses vertus ont porté le Saint-Siège à travailler à sa béatification, qui fut prononcée par le Pape Pie VI, le 19 mai 1795. Ce Pontife s'exprime ainsi, dans le décret qu'il publia à cette occasion :

« Bernard d'Offida passa son enfance et les jours dangereux de sa jeunesse sous la chaume de son père, dans l'innocence et la sainteté. Ensuite, inspiré d'en-haut, il chercha à s'approcher plus près de Dieu, par une vie plus austère, et dans cette vue il entra chez les Capucins. Depuis ce moment jusqu'à sa mort, il ne cessa de combattre les convoitises de la chair, et il parvint à la réduire en servitude par des jeûnes et des mortifications continuelles. Il témoignait la plus grande charité aux pauvres et à tous ceux qui éprouvaient des besoins. Bien qu'il fût doué de grâces merveilleuses et particulièrement de l'esprit de prophétie, il pensait humblement de lui-même, paraissait n'avoir pas l'idée des grandes choses qu'il avait faites et n'aspira jamais à la célébrité. Il atteignit ainsi un si haut degré de vertu, que toute sa communauté, ainsi que les étrangers, le révéraient comme un Saint déjà en possession de l'héritage céleste. Nous avons donc jugé, en remplissant le saint ministère que Jésus-Christ, le Prince des pasteurs, a, par son infinie clémence, voulu nous imposer, que dans ces jours mauvais, où l'orgueilleuse philosophie semble égarer impunément le monde entier, rien n'était plus à propos que de montrer aux fidèles cet exemple de patience et d'humilité chrétienne, en l'élevant assez pour qu'il pût briller au loin et diriger vers le sentier de la paix ceux qui marchent encore dans les ténèbres et les ombres de la mort. »

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