Boniface de Mayence Archevêque

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Boniface de Mayence
Archevêque de Mayence, Martyr, Saint
680-754

Entre plusieurs grands et saints personnages que le royaume d'Angleterre a produits, saint Boniface est l'un des principaux, car par sa vie et par sa doctrine il convertit une infinité de peuples idolâtres à la lumière de l'Évangile. Ses parents l'élevèrent soigneusement. Son père eût bien désiré de l'avancer dans le monde : mais plus il s'efforçait de l'y engager, plus il s'en éloignait. Finalement, son père reconnaissant que c’était là sa vocation, il lui accorda de se mettre dans un monastère pour y servir Dieu plus librement, selon sou désir. Le saint jeune homme y demeura quelques années, pour apprendre la science et la vertu, mais n'y trouvant pas d'assez bans maîtres, avec la licence de son abbé, il alla eu un autre couvent, où il s'en faisait un meilleur exercice. Il apprit là les sciences convenables à sa profession, et l'excellence de sa doctrine, jointe à l'intégrité de sa vie, le mit eu grand crédit.

Il fut fait prêtre à l'âge de trente-huit ans, et après que l'abbé du cou veut où il était fut décédé, tous les religieux le prièrent d'être leur supérieur, ce qu'il refusa, s'en jugeant indigne par humilité et parce que Dieu l'appelait ailleurs, et lui donnait un désir véhément d'annoncer l'Évangile aux Gentils, et de confirmer sa prédication de son propre sang. Il s'en découvrit aux religieux, qui y acquiescèrent, voyant que c'était la volonté de Dieu. Il prit donc congé d'eux, et alla trouver l'évêque du lieu, nommé Daniel, pour lui faire entendre l'intention qu'il avait d'aller à Rome, en dévotion de visiter les corps des saints apôtres saint Pierre et saint Paul : et ayant reçu sa bénédiction avec des lettres testimoniales au pape Grégoire II, il sortit d'Angleterre accompagné de plusieurs serviteurs qui désiraient de le suivre.

Étant venu à Rome, après avoir fait ses dévotions, il baisa les pieds du Pape, et lui dit le sujet de son voyage. Grégoire en fut bien aise, et ayant lu les lettres de l'évêque, il reconnut que c'était une affaire de Dieu, et alors il traita plus familièrement avec lui de diverses choses. Enfin il le fit prédicateur apostolique, lui donna un bref favorable pour prêcher l'Évangile aux infidèles par tout le monde, lui enjoignant de suivre toujours l'ordre et la règle de l'Église romaine, et il l'avertit de tout ce qu'il devait faire dans une si haute entreprise.

Boniface reçut la bénédiction de Sa Sainteté, avec un grand trésor de reliques qu'il avait demandées, et s'achemina vers l'Allemagne. Passant par la Lombardie, il vit Luitprand, roi des Lombards, qui le reçut très-favorablement : de là il entra en Bavière par les Alpes, et vint jusqu'en Thuringe en Allemagne, où il commença à jeter la semence du ciel, gagnant les cœurs des princes séculiers, et exhortant les prêtres à réformer leurs mœurs : mais ayant su la mort de Radbod, roi des Frisons, cruel ennemi des catholiques, et destructeur des églises, il y passa, en espérance d'y trouver une plus riche moisson, et d'augmenter beaucoup, en souffrant, la gloire de Jésus-Christ. Notre-Seigneur le favorisa en cette sainte entreprise, où il gagna plusieurs ail>es sur les païens, et les amena comme des brebis égalées à leur vrai et premier pasteur.

Il était si humble, qu'il ne voulut pas exercer lui-même la charge apostolique, que le Pape lui avait commise : mais il se joignit avec saint Willebrod, évêque d'Utrecht, homme très-saint, qui travaillait à ce même dessein, et le servit trois ans avec toute humilité, obéissance et charité. Le saint évêque se voulant retirer, à cause de sa vieillesse, il pria Boniface d'accepter l'évêché, et de prendre le soin de cette Église; à quoi il ne put le réduire; au contraire, désirant continuer la prédication de l'Évangile, dont le Pape l'avait chargé, et éclairer les Gentils, il retourna en Allemagne, laissant en Frise un monastère de religieux qu'il avait fondé.

Il convertit et baptisa un grand nombre d'infidèles dans la province de Hesse, qui confine à celle des Saxons, faisant fleurir de jour en jour la Religion en ces pays, où le diable se faisait adorer. On abattait les temples des faux dieux, on en bâtissait au vrai Dieu, on fondait des monastères pour ceux qui aspiraient à la perfection. Tant de gens venaient trouver Boniface pour être instruits, qu'il eut besoin d'appeler du secours d'Angleterre, d'où il fit venir des religieux et des femmes dévotes et bien instruites, afin d'avoir soin de celles qui se convertissaient et des monastères qu'on leur bâtissait.

Comme il désirait être conduit par le Saint-Siège, de peur de faillir, il envoya à Rome Bina, l'un de ses plus familiers, pour informer Sa Sainteté de l'état de cette nouvelle Église, et la supplier de l'éclairer sur les doutes qu'il lui proposerait. Le Pape reçut avec beaucoup de contentement l'ambassade de Boniface, et il lui fit une réponse, portant commandement de le venir trouver à Rome : ce qu'il fit comme enfant d'obéissance. Sa Sainteté, voyant par les effets que c'était un homme de Dieu, le sacra évêque, et au lieu du nom de Winfrind qu'il portait, le Pape lui imposa celui de Boni- face, recevant son serment d'obéissance au Saint-Siège. Il lui donna des lettres adressées au duc Charles-Martel, qui gouvernait alors la monarchie des François, et aux autres princes chrétiens d'Allemagne, mettant Boniface sous leur protection. Il écrivit aussi au clergé et au peuple de Thuringe, avec des brefs particuliers aux principaux, même aux peuples infidèles de Saxe : le saint Pontife se montrant Pasteur universel, Père amoureux, et jaloux de la gloire du souverain Pasteur.

Saint Boniface retourna très-content en Allemagne, après avoir reçu la bénédiction du Saint-Père, et ses brefs apostoliques ; il fut bien accueilli des princes auxquels ces brefs s'adressaient, de sorte qu'il mit incontinent la main à l'œuvre, défrichant cette terre épineuse avec toutes sortes de fatigues et de travaux, en une extrême pauvreté, même des choses nécessaires. Il trouvait plusieurs grandes difficultés, qu'il s'efforçait de surmonter par ses prières continuelles et celles de ses amis qui étaient serviteurs de Dieu, il résolut un jour d'arracher un haut chêne, qu'ils appelaient l'arbre de Jupiter, à cause qu'il était dédié aux démons. Encore que les païens accourussent pour l'en empêcher, et le tuer comme ennemi de leurs dieux, néanmoins il persista et le jeta par terre en quatre pièces, du premier coup de cognée qu'il lui donna. Les gentils voyant ce miracle se convertirent, et au lieu même il y bâtit un oratoire sous le nom de l'apôtre saint Pierre, auquel il était fort dévot.

Il écrivit à l'abbesse Eddeburge, en Angleterre, pour la prier de faire écrire les épitres de saint Pierre en lettres d'or, et de les lui envoyer, afin qu'il les portât sur soi, comme un précieux trésor, puisque le successeur de saint Pierre lui avait commandé de prêcher l'Évangile.

Ce saint ne se contenta pas d'éclairer les infidèles, au nombre de plus de cent mille; mais aussi il eut soin d'extirper les vices qui naissaient entre les chrétiens, eu quoi il eut beaucoup à souffrir, résistant aux persécutions de ceux qui le travaillaient par leurs péchés, et à certains hérétiques, qui sous le masque de catholiques semaient la zizanie de leurs erreurs parmi le bon grain de Notre- Seigneur.

Entre les églises qu'il bâtit en Thuringe, il y en eut une du nom de Saint-Michel; à cause qu'étant en oraison au bord d'une rivière, saint Michel lui apparut tout éclatant de lumière, et l'encouragea de continuer comme il avait commencé.

Pendant qu'il s'occupait en ces exercices, éclairant comme un soleil les nuits obscures de la gentilité, Grégoire II décéda à Rome, le 2 île février l'an 731. Grégoire III lui succéda. Boniface députa incontinent vers lui, tant pour rendre l'obéissance au vicaire de Jésus-Christ, que pour l'avertir du fruit qu'il faisait en Allemagne, et avoir la résolution de quelques doutes qui lui survenaient en l'établissement de cette nouvelle Église. Le Pape se réjouit d'entendre ces bonnes nouvelles, et lui accorda ce qu'il demandait, satisfaisant à ses questions et à d'autres choses qu'il ne prétendait pas : car il le fit archevêque, et lui envoya le pallium, lui prescrivant d'ordonner des évoques partout où il y en aurait besoin.

Ces grâces du Saint-Siège encouragèrent davantage saint Boni- face, qui érigea deux églises : l'une en l'honneur de saint Pierre, l'autre de saint Michel Archange; et deux monastères auprès, afin que les religieux louassent continuellement Dieu. De là il passa eu la province de Bavière, qu'il éclaira de sa prédication ; puis il s'achemina à Rome accompagné de plusieurs François, Anglais et Allemands, qui allaient en dévotion aux tombeaux des apôtres saint Pierre et saint Paul : mais Boniface y allait pour connaître le nouveau Pape, et conférer avec lui de ce qui concernait les infidèles déjà convertis, ou en voie de se réduire : comme aussi pour extirper les abus et les corruptions qui s'étaient introduites parmi les gens d'Église. Tout succéda au désir de saint Boniface; le Pape lui donna sa bénédiction, avec plusieurs reliques, et écrivit aux princes, aux évêques et aux communautés d'Allemagne.

Eu s'en retournant il visita le roi de Lombardie, à cause du corps de saint Augustin qui est en la ville de Pavie. Il demeura quelques jours avec le roi; mais le duc de Bavière Utilon l'ayant convié de retourner, il prêcha dans sa province, et y ordonna trois évêques pour bannir ceux qui eu usurpaient faussement la qualité. Il fit assembler un concile (parce qu'il n'en avait point été célébré aucun depuis quatre-vingts ans), afin de remédier aux inconvénients innombrables des provisions qui se faisaient en laveur des séculiers ignorants et débauchés, lesquels étant promus à la prêtrise et à la prélature, vivaient de façon dissolue, au scandale du peuple et au déshonneur de la dignité sacerdotale. A ce concile, saint Boniface présida, comme légat du Saint-Siège apostolique, et on y ordonna plusieurs choses utiles au service divin, ainsi qu'au bien de l'Église. Saint Boniface avait été mis par le Pape Zacharie à la place de l'archevêque de Mayence, qui fut déposé pour avoir tué un homme. Mais Boniface écrivit à Sa Sainteté; il la supplia d'y mettre un autre archevêque, et d'envoyer en Allemagne quelqu'un de plus capable que lui pour être légat du Saint-Siège. Il demanda ceci parce qu'il avait entendu dire que quelques envieux l'avoient calomnié envers Sa Sainteté. Zacharie, comme un saint et bénin pasteur, lui fit une honnête réponse, l'exhortant à continuer ce qu'il avait bien commencé, et l'assurant qu'il n'enverrait point d'autre légat, ni d'autre archevêque de Mayence que lui, de son vivant. Depuis il lui commanda de couronner Pépin, roi de France, à la place de Chilpéric, qui fut renfermé dans un monastère : ce que Boni face exécuta de point en point. Il obtint du même Pépin la confirmation des privilèges que son père avait octroyés au monastère de Fulda, fondé par Boniface, pour le repos de sa vieillesse : ce que Pépin lui accorda volontiers en l'honneur du glorieux apôtre saint Pierre. Boniface fut ensuite averti que les Frisons qu'il avait convertis, étaient retombés dans leurs anciennes superstitions et idolâtries; il eu fut très-marri, et ayant eu révélation que Dieu le voulait bientôt retirer de ce monde, il résolut d'aller auparavant en Frise, pour rétablir les dommages que le diable y avait causés.

Pour cet effet, il laissa à sa place à Mayence, du consentement du Pape Etienne III, successeur de Zacharie, un sien disciple nommé Lulle, homme selon son cœur, plein de prudence et de zèle. Il recommanda au roi Pépin tous ses compagnons et les ouvriers évangéliques qui l'avoient aidé à planter et à cultiver la vigne de Jésus-Christ. Il ordonna que son corps fût enterré dans le monastère de Fulda, auprès de celui d'une sainte religieuse (qu'il avait fait venir d'Angleterre pour la conduite des vierges sacrées), désirant que leurs corps attendissent en un même lieu le jour de la résurrection, puisque leurs esprits avoient travaillé en même temps à la gloire de Notre-Seigneur. Après avoir ainsi ordonné le tout, il passa en Frise, accompagné de trois prêtres, trois diacres et quatre religieux, qui méritèrent tous la couronne du martyre, avec leur capitaine saint Boniface, ce qui arriva ainsi.

Sa venue consola fort les bons chrétiens ; il releva plusieurs qui étaient déchus, et éclaira les aveugles par sa prédication. Mais il y eut des obstinés qui s'endurcirent au lieu de s'amollir, et déterminèrent de le tuer, comme ennemi et destructeur de leur fausse religion. En effet, comme le saint était avec ses compagnons sur le bord d'une rivière, attendant que ceux qui avoient été baptisés vinssent recevoir le sacrement de Confirmation, ces barbares et ces gentils survinrent à l'improviste, armés, et donnant furieusement jusqu'où était le saint, ils le massacrèrent, ainsi que ceux qui étaient avec lui, sans aucune résistance : puis ils pillèrent les livres et les coffres des reliques, pensant y trouver de grands trésors, ce qui fut cause qu'en partageant, ils s'entretuèrent des mêmes armes dont ils avoient assassiné les saints. Ceux qui restèrent en vie ne trouvèrent que des reliques et des livres : entre autres le Nouveau Testament que saint Boniface portait toujours sur lui, lequel se trouva transpercé d'un coup d'estoc, sans qu'il y eût une seule lettre coupée, ce qui hit tenu pour un prodige.

Quand les chrétiens de Frise surent la mort de leur apôtre et de leur pasteur, ils entrèrent à main armée sur les terres de ces païens, qu'ils ruinèrent, et tuèrent les meurtriers du saint. Depuis le clergé d'Utrecht enleva le corps de saint Boniface du lieu où il fut martyrisé, et l'ensevelit fort honorablement dans son église. Mais l'archevêque Lulle, sachant l'heureux martyre de son maître, et se ressouvenant de ce qu'il lui avait commandé, fit solennellement transporter ce corps saint de l'église d'Utrecht en celle de Mayence, et de là à Fulda, Notre-Seigneur faisant de grands miracles par son intercession. Le vénérable Bède rapporte qu'il y eut cinquante-trois des compagnons de saint Boniface martyrisés avec lui.

La vie de saint Boniface a été écrite par Guillebaud, son disciple. Rutard, écolier de Raban, a décrit son martyre en vers héroïques. Les Martyrologe ; de Bède, d'Usuard, d'Adon, et d'autres font mention de lui le 5 de juin. Le cardinal Baronius en parle eu ses Annotations et au neuvième tome de ses Annales.

Saint Boniface fut martyrisé l'an de Notre-Seigneur sept cent -cinquante-cinq, selon Trithème en la Chronique d'Hirsang ; mais selon Bède en l'Épitome, Sigebert et Baronius, l'an sept cent cinquante-quatre. Il est rapporté dans le décret et au concile de Tivoli, que saint Boniface, parlant des prêtres et des calices anciens au prix de ceux de son temps, disait que les prêtres d'or se servaient de calices de bois, et (1ue les prêtres de bois usaient de calices d'or. Sitôt qu'on sut le martyre de saint Boniface, on en fit mémoire, comme d'un saint martyr, spécialement au royaume de France.

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