Bronislas (Bronislaw
en polonais) Komorowski naquit en 1889 près de Skorcz non loin de
Dantzig (Danzig en allemand, aujourd’hui Gdansk) qui faisait partie
de la Poméranie appartenant à la Prusse occidentale
rattachée
à l’Empire allemand après avoir appartenu à l’Ordre teutonique.
Elle était
autrefois le berceau des Goths sans doute de souche danoise (
Gotiskandza=Gdansk) et de populations prussiennes baltiques. Des
Slaves poméraniens y cohabitaient le long des côtes et furent petit
à petit "polonisés. "
Une vraie "
macédoine " de peuples que le christianisme allait tenter
d’unifier...
Après son veuvage
sa mère épousa en 1892 un patriote polonais de Poméranie Jean
Fankidejski qui fit connaître au jeune garçon l’histoire de la
Pologne. Il étudia au Collegium Marianum (créé au début du XIXème
siècle) à Pelpin où il eut comme professeur Félix Bolt (1860-1940)
futur sénateur de la république polonaise. Le jeune homme
appartenait à la société secrète des Philarètes qui réunissait des
cercles d’études pour les jeunes patriotes polonais (physique-mathématiques,
médecine, lettres, droit). Il poursuivit ses études à Chelmno (Culm
en allemand) ancienne ville hanséatique créée par les Chevaliers
teutoniques au XIIIème siècle et intégrée à la Prusse occidentale.
Elle comprenait au recensement de 1905 : 5 131 Allemands (dont 285
Juifs) majoritairement protestants et 6 534 Polonais catholiques. Le
patriotisme du jeune homme lui fit alors découvrir le chemin du
séminaire. Il avait compris que le catholicisme devait être défendu
dans le contexte du Kulturkampf mené par Berlin depuis l’époque de
Bismarck (1815-1898).
Il fut ordonné en
1914 et devint vicaire à Praust (aujourd’hui Pruszcz) dans les
faubourgs de Dantzig. L’agglomération connaissait une
industrialisation rapide et faisait venir de la main d' oeuvre de
différentes nationalités dont des Polonais.
La guerre allait
faire combattre des Polonais dans différentes armées opposées
(russe, autrichienne, allemande, et certains engagés dans les armées
occidentales) ce qui fut une déchirure, mais aussi le moment
historique d’une renaissance du pays plus au sud.
Il fut nommé à la
paroisse Saint-Nicolas de Dantzig en 1915. Dantzig était alors
majoritairement peuplée de Prussiens allemands avec une minorité
polonaise. La ville libre hanséatique, puis capitale de la Prusse
occidentale avait été rattachée au Zollverein en 1867 et à l’Empire
allemand en 1871. Elle était le symbole de l’économie prussienne.
Dans cette paroisse d’expression polonaise il organisait des cours
d’histoire de la Pologne, ce qui témoignait de la force de ses
convictions alors qu’il se trouvait en plein coeur de la Prusse
protestante, et en pleine guerre !
D' après le
Traité de Versailles de 1919, la ville prussienne évacuée par les
troupes allemandes en novembre 1918 et occupée par les forces de l'
Entente acquit en 1920 le statut de ville libre et formait une
région autonome, avec son propre sénat, mais économiquement
rattachée à l' Allemagne.
Cependant des
troupes anglaises et polonaises (comme les Français dans la Ruhr)
tenaient la ville selon les résolutions de la Société des Nations.
Les Polonais avaient investi la caserne de Westerplatte. En 1923 la
ville et sa région ( Danziger Landkreis ) était à presque 96 %
allemande et 4% polonaise soit un peu moins de 350 000 Allemands, 12
000 Polonais, 2500 Russes et Ukrainiens, plus des Cachoubes (
minorité slave poméranienne ) et 600 Juifs.
Le ressentiment
anti-polonais était fort chez les vaincus qui avaient perdu la
nationalité allemande pour une ville prétendument libre représentée
à l’étranger par la Pologne. Celle-ci avait fait renaître une jeune
république polonaise à l’hiver 1919 au sud. Elle était sortie
victorieuse de conflits contre la Russie bolchevique, et deux jeunes
pays nouvellement apparus l’Ukraine (avant son absorption dans
l’URSS) et la Lituanie. Les Polonais tenaient les douanes, la poste
et les communications de la ville avec le reste de l’Allemagne.
Dantzig était coupée par le fameux couloir de son poumon économique
à l’Ouest, et avait aussi une frontière avec le reste de la Prusse à
l’Est. Le Traité de Versailles portait en germe des raisons de
multiples conflits et pas uniquement ici...
En 1924 il fut
nommé à Langfuhr (aujourd’hui Wrzeszcz) faubourg populaire de
Dantzig où il fit construire une église. L’école technique abritait
une forte population d’étudiants polonais qui furent obligés de
quitter Dantzig en 1939. En attendant l' abbé Komorowski s’occupait
de leurs âmes...
En 1933-1934 il
fut élu au Volkstag de Dantzig dans le parti polonais et prit la
succession en 1935 d'un député qui prit la nationalité polonaise et
s'établit en Pologne. A partir de 1935 il n' y eut plus d'élections.
Depuis la prise
de pouvoir d'Hitler en 1933 la question de Dantzig était souvent
soulevée. La ville après la crise de 1929 avait retrouvé une
certaine aisance économique et souhaitait se réunir au reste du
pays, tandis que la minorité polonaise se sentait attirée par la
jeune république du sud jusqu' à y émigrer.
Mais des lois
anti-catholiques furent prises à partir de 1936-1937.
L'évêque de
Dantzig Mgr O'Rourke (ancien évêque de Riga) opposé aux
nationaux-socialistes qui avaient de plus en plus d’influence (il
était de lointaine ascendance irlandaise issu d’une famille émigrée
en Russie anoblie par l'Empereur de Russie) créa pour lui en 1937
une paroisse personnelle comme celle de l'abbé Rogaczewski. Elle
avait la charge des Polonais disséminés dans la ville libre et ses
environs. Sous la pression des nationaux-socialistes, l’évêque fut
obligé en 1938 de quitter Dantzig pour Rome.
Depuis 1934 le
Comité Central des Catholiques Polonais dans lequel l' abbé
Komorowski était actif tissait des liens sportifs, culturels et de
formation religieuse entre les Polonais. Mais des actes terroristes
sous l’influence d'Albert Forster membre du NSDAP menaçaient la vie
quotidienne de ceux-ci.
Le 1er septembre
1939 jour de l’invasion de la Pologne par les Allemands, il y eut
une opération de “ratissage” de la part des nationaux-socialistes de
la ville qui arrêtèrent 1 500 personnes essentiellement dans l’élite
religieuse et intellectuelle polonaise. La citadelle de Westerplatte
fut bombardée par les Allemands : ce fut le prétexte de la seconde
guerre mondiale... Le lendemain la ville votait son rattachement au
Reich.
Emprisonné à la
Viktoriaschule, il fut déporté à Sutthof où il mourut le 22 mars
1940.
Dantzig fut rasée
à 90% à l’issue de la guerre et perdit 100 000 habitants soit près
d’un tiers ! 90% des survivants soit la totalité des Allemands
furent expulsés par l’Armée rouge. Elle fut rattachée à la Pologne
en 1945.
Bronislas
Komorowski fut béatifié le 13 juin 1999 par Jean-Paul II à Varsovie
avec 107 autres martyrs de la seconde guerre mondiale dont l'abbé
Marian Gorecki (1903-1940) apôtre de la jeunesse polonaise de
Dantzig arrêté le même jour et mort le même jour à Stutthof.
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