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Notre espérance
doit être le Christ
Des trois
textes sacrés proposés à notre méditation aujourd’hui, celui
de la Transfiguration est peut-être le plus connu, tandis
que celui de la Genèse où Abraham s’entretient avec Dieu
Lui-même, est assez mystérieux.
L’évangile de la Transfiguration doit être mis dans le
contexte de l’Évangile de Luc : Jésus vient d’annoncer aux
Apôtres sa prochaine Passion, et leur a rappelé la nécessité
de “prendre sa croix chaque jour” (Lc 9:23), leur annonçant
aussi leur récompense finale pour leur fidélité (ibid., 24),
et même (ibid., 27) leur dit que certains d’entre eux “ne
goûteront pas la mort avant d’avoir vu le Royaume de Dieu”.
Cette
attitude de Jésus veut rassurer les Apôtres, car ils
pouvaient facilement être tentés, effrayés par l’annonce de
cette “Passion”. La souffrance n’est jamais une grande joie,
et le Christ aura le souci d'anticiper la participation de
ses Apôtres à Sa gloire, pour les aider à accepter les
souffrances qui la précéderont.
“Huit
jours après”, donc, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et
Jean, ceux -là mêmes qui seront avec lui au Jardin des
Oliviers. Les Douze ne sont pas tous là : le moment est très
solennel, très intense, et Jésus choisit ceux d’entre eux
qui pourront au mieux saisir l’importance de l’événement.
On
s’étonnera que ces trois Apôtres, au Thabor comme à
Gethsémani, soient “accablés de sommeil”, alors que leur
mission sera de témoigner plus tard de cette extraordinaire
Transfiguration, comme de l’Agonie de Jésus. Notons bien
qu’ils se sont réveillés, et qu’ils n’ont pas raconté (comme
les soldats qui gardaient le tombeau du Christ) que ces
événements eurent lieu “pendant qu’ils dormaient” (Mt
28:13). Pierre l’attestera dans son épître (2P 1:16).
Les
Apôtres voient et entendent donc Moïse et Élie, ceux qui,
par excellence, ont transmis et confirmé la Loi de Dieu au
peuple d’Israël. Ils sont là, avec Jésus, pour attester que
toute la Loi et les Prophètes trouvent leur accomplissement
en ce Jésus transfiguré ; et Dieu fait entendre Sa Voix :
“Écoutez-le”, comme pour dire : c’est bien ce Jésus de
Nazareth, qui vous a parlé pendant trois années, qui va
bientôt mourir à Jérusalem, puis ressusciter - c’est bien
Lui que vous devez suivre, imiter, prêcher.
On
imagine la stupéfaction des Apôtres. Pierre, avec sa
spontanéité coutumière, propose qu’on fasse trois “tentes”
pour abriter Jésus, Moïse et Élie ; il ne pensait pas à ce
que sont nos “tentes” de camping modernes, mais à une sorte
d’abri liturgique, où ces trois Personnages auraient été à
l’honneur, comme on le fait avec des niches pour mettre en
valeur des statues. Mais comment faire ces tentes, cher
Pierre, sur cette haute montagne, en pleine nuit ? En effet,
“il ne savait pas ce qu’il disait”, simplement il goûtait la
douceur de cette sainte présence, il était ravi en extase en
entendant parler Moïse et Élie avec Jésus. Qu’aurions-nous
trouvé à dire, nous autres, en pareille circonstance ?
A la
suite des Apôtres, Paul rappelle aux Philippiens que c’est
bien ce Jésus crucifié et glorifié qu’il faut suivre, Lui
qui introduira “notre corps de misère” dans sa propre gloire
céleste. Notre espérance doit être le Christ et son Royaume
céleste : indirectement, nous retrouvons la deuxième
tentation du Démon au désert (évangile de dimanche dernier),
où celui-ci présentait à Jésus tous les royaumes de la
terre, et Jésus lui répondait : Tu adoreras Dieu seul (Lc
4:8), de même qu’Il répondra à Pilate : “Mon Royaume n’est
pas de ce monde” (Jn. 18:36).
A notre
époque, on voit se multiplier les activités de
“body-building”, de “fitness”, les opérations plastiques, où
tant de gens vont modeler leur corps dans l’espérance de
trouver l’apparence “parfaite”. Fausse espérance ! Tant
d’efforts, tant d’argent, tant de temps pour ce “corps de
misère”, dont il ne restera rien dans peu de temps, alors
que la vraie Espérance nous conduit à l’autre Monde, dans la
Gloire de Dieu.
Paul fait
aussi allusion au “ventre”, qu’on peut interpréter en
plusieurs façons : soit la gourmandise, dont on parlait
aussi dimanche dernier, soit les innombrables “lois” juives
sur l’alimentation permise ou non, soit aussi à la gloire
qu’ils ont mise dans le rite de la circoncision, tombé en
désuétude depuis le saint rite du Baptême chrétien. Paul
rappelle que notre gloire n’est pas dans ces pratiques de la
terre, mais dans la Croix et la Résurrection du Christ.
Il nous
reste à comprendre ces mystérieux rites auxquels se livre
Abraham — qui s’appelle encore Abram — après avoir parlé
avec Dieu. Ils ont leur signification : les contractants
passaient entre les victimes et en appelaient sur eux le
sort en cas de transgression des engagements ; ici, Dieu
seul passe dans cette flamme de feu, car c’est Lui qui
s’engage dans la Promesse faite à Abram. C’est ce même feu
que contemplera Moïse dans le Buisson ardent, qui guidera
Israël dans la colonne de feu au désert, qui “fumera” sur le
Sinaï, et qui apparaîtra en langues au jour de la Pentecôte.
A la fidélité d’Abram, Dieu promet une longue descendance,
un saint héritage, toute la procession des Croyants, toute
l’Église future.
Dans
notre vie, il est très souvent difficile de rester en
contact avec cette Espérance ; notre attention est sans
cesse ramenée vers la terre. C’est pourquoi, pour “écouter
le Fils bien-aimé”, nous demandons aujourd’hui à Dieu de
“purifier notre regard, pour nous réjouir de contempler (Sa)
gloire”.
Père Charles
Marie de Roussy
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