

Catherine Labouré
religieuse, voyante de la rue du Bac à Paris
1806-1876
Vers la fin de l'année
1841, un jeune banquier israélite, d'une famille distinguée de
Strasbourg, Alphonse Ratisbonne, s'arrête à
Rome
lors d'un voyage vers l'Orient. Ses dispositions religieuses sont
très hostiles à
l'Église catholique,
surtout depuis que son frère, Théodore, s'est converti au
catholicisme et a reçu le sacerdoce. Dans la Ville Sainte, il se
rend chez un ami, Gustave de Bussière. En l'absence de celui-ci, son
frère, Théodore de Bussière, catholique fervent, le reçoit. Au cours
de la conversation, Alphonse laisse éclater son animosité contre la
foi catholique et affirme son attachement inébranlable au judaïsme.
Sous l'inspiration de la grâce, M. de Bussière lui offre une
médaille miraculeuse, en disant: «Promettez-moi de porter toujours
sur vous ce petit cadeau que je vous supplie de ne pas refuser».
Alphonse accepte par politesse.
Quelques jours après,
le 20 janvier 1842, les deux amis se rendent à l'église Saint-André
delle Frate. M. de Bussière quitte un moment Alphonse pour
s'entretenir avec un prêtre. Lorsqu'il revient, il trouve le jeune
homme dans la chapelle de saint Michel, prosterné dans un profond
recueillement. Après un moment, Alphonse tourne vers lui un visage
baigné de larmes. «J'étais depuis un instant dans l'église,
dira-t-il plus tard, lorsque tout d'un coup je me suis senti saisi
d'un trouble inexprimable. J'ai levé les yeux; tout l'édifice avait
disparu à mes regards; une seule chapelle avait, pour ainsi dire,
concentré toute la lumière, et au milieu de ce rayonnement, a paru,
debout sur l'autel, grande, brillante, pleine de majesté et de
douceur, la Vierge Marie, telle qu'elle est sur ma médaille; une
force irrésistible m'a poussé vers elle. La Vierge m'a fait signe de
la main de m'agenouiller, elle a semblé me dire: C'est bien! Elle ne
m'a point parlé, mais j'ai tout compris». Le 31 janvier, Alphonse
reçoit le baptême. Plus tard, il deviendra prêtre. En attendant,
s'étant renseigné sur l'origine de la Médaille Miraculeuse, il
souhaite rencontrer Soeur Catherine Labouré, la religieuse qui en a
reçu la révélation. Mais c'est compter sans la profonde humilité de
cette dernière qui désire rester inconnue et refuse l'entrevue.
Où trouver la force ?
La religieuse si
discrète qui, elle aussi, a vu la Très Sainte Vierge, et que le Pape
Pie XII appellera la Sainte du silence, est née le 2 mai 1806 au
village de Fain-les-Moutiers (Bourgogne). Elle a reçu le lendemain,
à son baptême, le prénom de Catherine. Son père, Pierre Labouré, est
un cultivateur aisé. Catherine est la huitième de dix enfants. Elle
n'a que neuf ans lorsque sa mère meurt à 46 ans, le 9 octobre 1815.
Catherine grimpe sur une chaise, se hausse sur la pointe des pieds,
atteint la statue de la Très Sainte Vierge qui domine sur un meuble
et, tout en larmes, la supplie de lui tenir lieu de maman. Monsieur
Labouré rappelle l'aînée de ses filles, Marie-Louise, 20 ans, qui
est à Langres chez une tante, pour remplacer sa mère à la ferme.
Le 25 janvier 1818,
Catherine fait sa première communion avec beaucoup de ferveur.
Marie-Louise, constatant la maturité précoce de sa soeur, l'initie
aux travaux du ménage afin de réaliser sans plus attendre son projet
de se donner à Dieu. D'un ton décidé, Catherine dit alors à Tonine,
sa plus jeune sœur : « À nous deux, nous ferons marcher la
maison ». Voilà donc Catherine reine dans cette grande ferme. Le
matin, elle est la première levée. Sa principale fonction
quotidienne est de préparer et servir les trois repas. La fermière
est servante; elle paie de sa personne plus que tout autre. Il lui
faut aussi s'occuper des bêtes. Catherine trait les vaches, matin et
soir ; elle distribue le fourrage et conduit le troupeau à
l'abreuvoir municipal. Elle verse aux porcs une soupe épaissie,
ramasse les oeufs au poulailler, s'occupe des 700 à 800 pigeons qui
se posent familièrement sur elle alors qu'elle leur lance
généreusement du grain. Avec cela, elle va tirer l'eau au puits,
fait la lessive, pétrit la farine pour faire le pain, se rend le
jeudi au marché à Montbard (15 km), etc. Durant les longues soirées
d'hiver, la veillée se fait devant le feu de la cheminée :
nouvelles, souvenirs, contes, puis prière du soir. Le dimanche,
Catherine visite les pauvres et les malades.
D'où lui vient cette
capacité d'assumer une tâche écrasante ? Son secret est caché dans
ses échappées hors de la ferme. Elle disparaît un bon moment chaque
jour pour aller à l'église, toute proche, prier longuement sur les
dalles froides. Le tabernacle est vide, car le village est sans
prêtre depuis la Révolution. Mais la présence du Seigneur se révèle
au fond du coeur de la jeune fille. C'est là qu'elle trouve la force
de faire bon visage et bon service. « Les prières n'avancent pas
l'ouvrage, c'est du temps perdu », disent parfois les voisines.
Catherine ne s'en soucie guère ; elle prie, et le travail est fait à
temps. Son désir profond est d'être Religieuse.
Un rêve vient la
confirmer dans sa vocation. Elle voit un prêtre âgé, très bon, qui
la regarde avec insistance... puis elle se trouve, toujours en rêve,
au chevet d'une malade. Le vieux prêtre, encore présent, lui dit :
« Ma fille, c'est bien de soigner les malades... Un jour vous
viendrez à moi. Dieu a des desseins sur vous, ne l'oubliez pas ».
Cependant pour devenir Religieuse, il faudrait savoir lire et
écrire. Une cousine se propose de prendre Catherine à
Châtillon-sur-Seine dans un pensionnat réputé qu'elle dirige.
Tonine, qui a maintenant 16 ans, est capable d'assumer les tâches de
la ferme. Malgré ses réticences, M. Labouré laisse partir Catherine.
« Je ne change pas ! »
À Châtillon-sur-Seine,
la jeune fille rend visite aux Filles de la Charité, et elle
reconnaît avec étonnement sur un portrait le prêtre qui lui est
apparu en songe. « Qui est-ce ? demande-t-elle ― C'est notre bon
Père saint Vincent de Paul », lui répond une religieuse. Elle se
tait; mais cette fois elle est sûre que Dieu la veut Fille de la
Charité. Lorsqu'elle atteint l'âge de la majorité de l'époque, 21
ans, elle annonce à son père sa décision de se consacrer à Dieu. M.
Labouré s'y oppose formellement: il a déjà donné une fille à Dieu,
cela suffit. Et puis, Catherine est utile, elle est gaie, elle ne
boude pas les fêtes des villages des environs, et on l'a même
demandée en mariage. Mais la jeune fille est déterminée : « Je ne
veux pas me marier ». Tonine insiste, et Catherine lui répond :
« Je te l'ai dit, je ne me marierai jamais. Je suis fiancée à
Notre-Seigneur. -― Tu ne changes pas d'avis, alors, depuis tes douze
ans ? ― Non, je ne change pas ».
Après avoir patienté
quelques mois, Catherine obtient enfin l'accord de son père. Le 21
avril 1830, elle se rend rue du Bac, à Paris, pour y commencer son
noviciat chez les Filles de la Charité. Dès les premiers mois de sa
vie religieuse, elle est favorisée de grâces exceptionnelles : Jésus
se montre à elle dans le Saint-Sacrement pendant la Messe; le Coeur
de saint Vincent de Paul lui apparaît; elle a le pressentiment d'une
Révolution, toute proche. Elle relate tout à son confesseur, M.
Aladel, prêtre lazariste, qui, dubitatif, l'invite au calme et à
l'oubli.
Au cours de la nuit du
18 au 19 juillet, Soeur Catherine est réveillée par un appel :
« Ma Sœur ! Ma Sœur ! » Un petit enfant de 4 à 5 ans, habillé de
blanc, est là : « Levez-vous vite et venez à la chapelle, la
Sainte Vierge vous attend ! ― Mais on va m'entendre ! ― Soyez
tranquille, il est 11 heures et demie, tout le monde dort ».
Elle s'habille et suit l'enfant qui émet des rayons de lumière
partout où il passe. Dans la chapelle, tous les cierges et flambeaux
sont allumés. Au bout d'un moment, Soeur Catherine voit une grande
Dame qui, après s'être prosternée devant le Tabernacle, vient
s'asseoir dans un fauteuil. D'un bond elle est près d'elle, à
genoux, les mains appuyées sur les genoux de la Sainte Vierge :
« Mon enfant, lui dit Marie, le Bon Dieu veut vous charger
d'une mission qui vous causera bien de la peine... Il faudra tout
dire à votre confesseur. Des malheurs vont fondre sur la France...
Venez au pied de cet autel. Là, les grâces seront répandues sur
toutes les personnes qui les demanderont avec confiance et ferveur.
On croira tout perdu. Mais je serai là avec vous. Ayez confiance,
vous connaîtrez ma visite et la protection de Dieu, et celle de
saint Vincent sur vos communautés ». Quand Marie s'en va, vers 2
heures du matin, c'est comme une lumière qui s'éteint. Soeur
Catherine retourne se coucher sous la conduite du petit enfant. Elle
ne se rendort pas : cela prouve qu'elle n'a pas rêvé. M. Aladel,
informé, ne voit en tout cela qu'« illusion » et « imagination ». La
prophétie d'une nouvelle révolution lui paraît invraisemblable : la
France est prospère et en paix. Mais la révolution éclate soudain,
les 27 et 28 juillet. Les émeutiers poursuivent prêtres et
religieuses. Cependant, la violence s'arrête à la porte des Maisons
fondées par saint Vincent de Paul.
Le 27 novembre suivant,
pendant l'oraison du soir, Soeur Catherine voit apparaître un
tableau représentant la Sainte Vierge : Marie tend les bras vers
elle, et il sort de ses mains des rayons de lumière d'un éclat
ravissant. Au même instant, une voix se fait entendre : « Ces
rayons sont les symboles des grâces que Marie obtient aux hommes ».
Autour du tableau, Sœur Catherine lit, en caractères d'or,
l'invocation suivante : « Ô Marie, conçue sans péché, priez pour
nous qui avons recours à vous ». Puis le tableau se retourne et
au verso, paraissent la lettre M, initiale de « Marie », surmontée
d'une croix et, au bas, les saints Cœurs de Jésus et de Marie. La
voix précise très distinctement : « Il faut faire frapper une
médaille sur ce modèle, et les personnes qui la porteront
indulgenciée et qui feront avec piété cette courte invocation,
jouiront d'une protection toute spéciale de la Mère de Dieu ».
Sœur Catherine rapporte tout à M. Aladel qui la reçoit fort mal :
« Pure illusion ! Si vous voulez honorer Notre-Dame, imitez ses
vertus, et gardez-vous de l'imagination ! » Maîtresse
d'elle-même, la Sœur se retire, calme, et sans s'inquiéter
davantage. Mais le choc a été rude.
Des pierreries mystérieuses
En décembre 1830, Marie
apparaît une troisième fois à Soeur Catherine et lui montre le
tableau représentant la médaille. Aux doigts de la Très Sainte
Vierge brillent des pierreries d'où partent vers la terre des rayons
lumineux. Mais, de certaines pierreries il ne sort pas de rayons :
« Ces pierreries d'où il ne sort rien, ce sont les grâces que
l'on oublie de me demander », dit la Vierge Marie. Puis, elle
ajoute : « Vous ne me verrez plus, mais vous entendrez ma voix
pendant vos oraisons ». Sœur Catherine se trouve prise entre la
demande renouvelée de la Sainte Vierge et l'obéissance à son
confesseur qui ne veut plus entendre parler de ces «imaginations».
Notre-Dame n'ayant rien urgé, elle opte pour le silence.
Le 30 janvier 1831,
elle prend l'habit et on l'affecte à l'hospice d'Enghien, dans un
faubourg de Paris. Là, elle est à son affaire : le poulailler, le
jardin, les pigeons, plus tard les vaches. Mais la voix intérieure
la presse de faire frapper la médaille. M. Aladel, à nouveau
pressenti, soumet le « cas » à un confrère. Ils s'en rapportent tous
deux à Mgr de Quélen, archevêque de Paris. L'apparition de Marie
dans le mystère de son Immaculée Conception rencontre chez le prélat
un attrait profond : « Nul inconvénient à frapper la Médaille,
elle n'a rien que de conforme à la foi et à la piété. On n'a pas à
préjuger de la nature de la vision, ni à en divulguer les
circonstances. Qu'on diffuse cette médaille tout simplement. Et l'on
jugera de l'arbre à ses fruits ».
Dix millions de médailles
Rassuré, M. Aladel
commande des médailles à un graveur parisien, et il ébruite le récit
des Apparitions, sans nommer la Soeur qui en a été favorisée. Les
1500 premiers exemplaires de la médaille sont livrés le 30 juin
1832. Très rapidement les miracles se multiplient, au point que, dès
février 1834, la Médaille est couramment qualifiée de “miraculeuse”.
En 1839, plus de 10 millions d'exemplaires en ont déjà été répandus.
Des récits de guérisons arrivent des États-Unis, de Pologne, de
Chine, de Russie... Soeur Catherine est dans l'action de grâces; la
bonne nouvelle annoncée par Isaïe redevient actuelle : Les
aveugles voient, les boiteux marchent, les pauvres sont évangélisés.
La Médaille est une “Bible” des pauvres, le signe d'une présence,
celle de Marie, dans la lumière du Christ, à l'ombre de la Croix.
Les bienfaits de la protection mariale se font sentir d'une manière
toute spéciale dans les familles religieuses fondées par saint
Vincent de Paul, notamment par l'affluence des vocations.
Les succès
incomparables de la Médaille Miraculeuse manifestent le plaisir que
Notre-Seigneur prend à voir sa Mère ainsi honorée. Au jour de
l'Annonciation, l'ange Gabriel l'a saluée comme pleine de grâce
(Lc 1, 28). Dans l'expression pleine de grâce, qui a presque
la valeur d'un nom, le nom que Dieu donne à Marie, l'Église a
reconnu le privilège de l'Immaculée Conception, dogme proclamé
solennellement, en 1854, par le Pape Pie IX : « Nous déclarons,
nous prononçons et définissons que la doctrine qui affirme que la
Bienheureuse Vierge Marie, dès le premier instant de sa conception,
par grâce et par privilège spécial de Dieu tout-puissant, en
considération des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain,
fut préservée de toute tache du péché originel, est une doctrine
révélée par Dieu, et que, pour cette raison, elle doit être
fermement et constamment crue par tous les fidèles » (Bulle
Ineffabilis Deus, 8 décembre 1854).
Depuis la chute d'Adam,
le péché le plus grand de tous les maux, emporte l'humanité comme un
torrent ; cependant il s'arrête devant le Rédempteur et sa fidèle
Collaboratrice, Marie. Mais il y a une différence notable : le
Christ est totalement saint en vertu de la grâce qui, dans son
humanité, dérive de sa Personne divine ; Marie est toute sainte en
vertu de la grâce reçue par les mérites de Jésus-Christ. Celle qui
allait devenir Mère du Sauveur et Mère de Dieu devait être pure de
toute souillure. Ainsi, Marie a été rachetée d'une façon admirable :
non pas à travers la libération du péché, mais à travers la
préservation du péché. L'exemption du péché originel comporte comme
conséquence l'immunité de la concupiscence, tendance désordonnée qui
provient du péché et pousse au péché. La Très Sainte Vierge Marie,
fidèle à la grâce de sa conception immaculée, n'a cessé de grandir
en sainteté, sans jamais tomber dans aucune faute, même vénielle.
« C'est pour cela que Marie représente, pour les croyants, le signe
lumineux de la miséricorde divine et un guide sûr vers les hauts
sommets de la perfection évangélique et de la sainteté »
(Jean-Paul II, 19 juin 1996).
Les précautions de l'humilité
L'ascension vers les
« hauts sommets de la perfection » suppose la vertu d'humilité,
si chère à la Vierge Marie. Devant le torrent des grâces obtenues
par la Médaille Miraculeuse, Soeur Catherine se comporte elle aussi,
en vraie fille de saint Vincent, avec une humilité déconcertante.
Monseigneur de Quélen avait autorisé discrètement la diffusion de la
Médaille. Mais bientôt, il décide d'ouvrir un procès officiel afin
d'avaliser le mouvement de grâces qui s'est produit. Cependant,
lorsqu'il demande à voir Soeur Catherine, fût-ce le visage couvert,
il essuie un refus devant lequel il s'incline. « La répugnance de
la Sœur à comparaître est le fait de sa seule humilité », dira
M. Aladel. On se contentera donc du témoignage du confesseur,
lui-même autorisé par la voyante à révéler les faits. Quant à Sœur
Catherine, elle s'efforcera toute sa vie de garder l'incognito,
déjouant de son mieux par sa finesse paysanne, les questions
indiscrètes.
En attendant, elle
poursuit son travail, transformant peu à peu le jardin de la maison
d'Enghien en une petite ferme. Elle sert aussi à la cuisine, puis à
la lingerie et à la porterie, recevant les pauvres avec une grande
délicatesse, soignant leurs corps mais aussi leurs âmes, selon le
conseil de Monsieur Vincent. Cependant, sa principale fonction est
de s'occuper des vieillards-hommes. La tâche n'est certes pas
facile, car il lui faut tenir tête aux anciens gardes-chasse, valets
de chambre, maîtres d'hôtel, portiers, nostalgiques de leurs livrées
d'or. Elle s'applique surtout à aimer ses vieillards, laissant
paraître une certaine préférence pour les plus désagréables, comme
s'ils avaient droit à des attentions particulières.
En 1860, une nouvelle
et jeune supérieure, Sœur Dufès, est nommée à l'hospice d'Enghien.
Elle nourrit de grands projets qu'elle met en oeuvre avec vigueur
pour secourir l'immense misère du quartier. Sa jeunesse
entreprenante essouffle et bouscule la communauté, mais Soeur
Catherine apaise les Sœurs mécontentes. Pourtant Sœur Dufès ne la
ménage pas, lui faisant facilement des reproches. Cette attitude
sévère fait tache d'huile, et plusieurs religieuses tiennent pour
quantité négligeable cette Soeur fruste dont l'accent et le tablier
“sentent l'étable”. Humblement, Sœur Catherine se tait, bien que la
lutte intérieure soit parfois rude. Mais son humilité n'exclut pas
le courage ni même l'audace. En 1871, après la défaite de la France
contre la Prusse, la Commune de Paris se révolte contre l'ordre
social. La Sainte Vierge avait dit à Soeur Catherine : « Le
moment viendra où le danger sera grand. On croira tout perdu... mais
ayez confiance ». Un jour, les insurgés demandent aux Sœurs de
leur livrer deux gendarmes blessés qu'elles ont recueilli et qu'ils
veulent exécuter. Sœur Dufès, qui refuse, est menacée de prison.
Elle quitte discrètement la maison et se réfugie à Versailles. Sœur
Catherine, qui la supplée en son absence, se rend chez les
Communards pour plaider la cause de sa Supérieure. L'entrevue est
houleuse et le commandant du détachement va même jusqu'à brandir son
sabre contre elle. Mais finalement, elle obtient gain de cause et
rentre librement à l'hospice.
« Méchante guêpe ! »
Après ces événements
tragiques, Sœur Catherine reprend ses modestes emplois. Mais elle
vieillit et ses infirmités l'obligent à ralentir ses activités.
Toute sa vie elle a souffert d'arthrite et de rhumatismes, acceptant
ces douleurs avec une grande foi : « Lorsque la Sainte Vierge
envoie une souffrance, c'est une grâce qu'elle nous fait »,
disait-elle. Maintenant, usée par les travaux et par l'âge, elle est
à bout de forces et son coeur faiblit. Il lui reste une peine
profonde: la Sainte Vierge lui avait demandé de faire sculpter une
statue la représentant tenant un globe entre ses mains. Ses
confesseurs n'ont pas voulu tenir compte de cette demande, et M.
Aladel l'a même traitée de « méchante guêpe » lorsqu'elle a
insisté pour être exaucée. Soeur Catherine prie donc Marie pour
savoir si elle doit dire « son secret » à sa Supérieure; elle
perçoit un «oui» au fond de son coeur et raconte tout: elle
s'exprime avec tant de clarté et de facilité que sa Supérieure est
conquise, et bientôt la statue de la Vierge au globe est exécutée.
Sœur Catherine attend
dès lors la mort avec sérénité. De nombreuses fois, elle a prévenu
ses Sœurs qu'elle ne verrait pas l'année 1877. En effet, le 31
décembre 1876, vers sept heures du soir, après avoir récité les
prières des agonisants avec sa communauté, elle paraît s'assoupir.
Bientôt on se rend compte que doucement, sans bruit, comme elle a
vécu, elle est morte: son âme est portée en paradis par les mains de
la Sainte Vierge. « C'est à peine si nous pûmes nous apercevoir
qu'elle avait cessé de vivre, devait dire plus tard Sœur Dufès; je
n'ai jamais vu de mort si calme et si douce ».
« Certes, c'est une
chose digne de la plus grande admiration que de voir l'auguste Mère
de Dieu apparaître à l'humble jeune fille, disait le Pape Pie
XII lors de la canonisation de sainte Catherine Labouré (le 27
juillet 1947), mais bien plus dignes d'admiration encore nous
semblent les vertus qui ornent cette fille de saint Vincent».
Demandons à la Très Sainte Vierge Marie les grâces dont nous avons
besoin, nous aussi, pour devenir semblables au Christ, car comme en
témoignait Alphonse Ratisbonne, «les paroles manquent pour rendre ce
que renferment les mains de notre Mère, et pour redire les dons
ineffables qui en découlent... C'est la bonté, la miséricorde, la
tendresse, c'est la douceur et la richesse du Ciel qui se répandent
par torrents pour inonder les âmes qu'elle protège ».
Dieu le Père ayant
envoyé son Fils au monde par Marie, c'est aussi par Marie que les
hommes s'approchent de Jésus, obtiennent le pardon de leurs fautes
et mènent à bonne fin le travail de leur sanctification. Nous prions
la Très Sainte Vierge ainsi que saint Joseph, pour vous et tous ceux
qui vous sont chers, vivants et défunts.
Dom Antoine Marie osb,
abbé
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