Cette vierge est une
gloire des Chanoinesses Régulières de l’Ordre de Saint Augustin.
Elle naquit le 1er
mai 1531, à Valledemuza, dans l’île de Majorque, aux Baléares. Elle
fut l’avant-dernière des
sept enfants de Jacques, modeste
travailleur.
À l’âge de trois ans,
Catherine avait déjà appris à réciter le chapelet, ce qu’elle
faisait régulièrement, cachée dans n’importe quel coin tranquille de
la maison. Quand elle ne disposait pas du chapelet, elle comptait
les Ave en se servant des feuilles d’une branche d’olivier. À quatre
ans elle connaissait déjà tout le catéchisme et était très heureuse
de se faire appeler par ses petites compagnes de jeu, de “petite
vieille”.
L’enfance terminée,
Catherine ressentit un grand attrait pour la pénitence. Par amour
pour Jésus, elle portait un cilice cranté, se flagellait et, pieds
nus, marchait sur les ronces et autres épineux des champs. Et le
Seigneur la récompensa lui accordant plusieurs visions du Paradis.
La tradition rapporte que sainte Catherine, vierge et martyre, lui
serait apparue à plusieurs reprises pour la consoler dans les peines
et pour la défendre contre les insidieuses suggestions du démon qui,
sous des formes horribles, la tentait à faire le mal et lui
insufflait dans l’âme des sentiments de désespoir quant à son salut
éternel.
Elle n’avait que sept
ans quand elle devint orpheline : ses parents décédèrent à peu de
temps d’intervalle.
Certains de ses oncles
eurent compassion d’elle et l’accueillirent pendant onze années dans
leur ferme de “Son Gallard”, lui confiant la tâche de faire paître
leur troupeau. Et, comme l’église était loin de la ferme, elle a dû
se contenter de ne la fréquenter qu’aux moments des fêtes. En
contrepartie, dans la solitude des champs, elle trouvait la manière
de donner libre cours à sa piété, restant de longues heures en
prière devant les petits autels qu’elle se construisait elle-même au
pied des oliviers. Ce fut pendant cette période de sa vie qu’elle
subit grand nombre d’épreuves et de terribles tentations. Bien
qu’elle fuissent les bales et les vanités féminines, il y en eut qui
s’évertuèrent à la faire changer et à la pousser à des actions
malhonnêtes. Mais son envie et sa décision de conserver sa candeur
baptismale prirent toujours le dessus. Elle répondit un jour, avec
un accent mélangé de dédain et de piété, à l’un de ceux qui
cherchait à l’en détourner : “Sais-tu que je préfèrent voir mon
corps coupé en morceaux plutôt que de céder à tes propositions ?”
La rencontre avec le
Père Antonio Castaneda fut pour Catherine providentielle.
Ce prêtre s’était
installé dans le collège voisin de Miramar, après quarante-deux
années de pénitence dans le couvent de la Très Sainte Trinité de
Majorque.
Il venait de temps à
autre mendier son pain dans la ferme “Son Gallard” et, lors des
entretiens qu’il a pu avoir avec la fidèle bergère, il comprit
qu’elle n’était pas faite pour rester toute sa vie dans le monde.
Toutefois, lorsque Catherine manifesta à sa famille son désir
d’entrer dans un monastère, ils s’y opposèrent, lui rappelant
qu’elle était analphabète et qu’elle n’avait pas les moyens pour se
constituer une dote ; ils ont même tout fait pour lui trouver un
mari. Mais elle leur dit avec fermeté : “J’appartiens à Dieu à qui
rien n’est impossible. Même au prix de ma vie je maintiendrai la
parole donnée”.
Le Père Castaneda se
chargea d’aplanir toutes les difficultés. Il la plaça à Palma de
Majorque, comme domestique, au sein de la noble famille de Matthieu
Zaforteza, où elle apprit à lire, à écrire et à broder. Ses progrès
dans la vertu et dans la pénitence furent continuels. Suites aux
veilles régulières et au port d’un silice fait de la peau d’un porc
e pique, et un carême entier à ne vivre que de pain et d’eau, elle
finit par détériorer gravement sa santé. Lorsqu’elle en guérit, son
directeur spirituel obtint qu’elle entre comme choriste (1533), bien
que privée de dote, dans le Monastère de Sainte Marie-Madeleine,
érigé à Palma sous le règle de saint Augustin, à la place de
l’hospice construit à cet endroit, aussitôt après le départ des
maures (1229), local appartenant alors à Jacques d’Aragon.
Nous ignorons pour
quelle raison Catherine resta deux ans et sept mois au noviciat. Il
n’est pas impossible que les religieuses se soient méfiés des
phénomènes extraordinaires dont la jeune novice bénéficiait
toujours. Il se peut également que ce soit à cause de ses jeûnes
fréquents au pain et à l’eau, de l’utilisation des silices et des
disciplines que celle-ci s’imposait et qui la mirent dans un état
cadavérique. Pour se donner un peu de “couleur”, il lui arrivait de
mâcher très lentement quelques poivrons très épicés. Il y avait,
probablement, un peu de tout cela, mais elle dût se soumettre aux
ordres de sa supérieure qui lui imposa l’obéissance : là encore elle
fut extraordinaire, en obéissant scrupuleusement aux ordres qui lui
étaient donnés.
La maîtresse des
novices, la voyant souvent concentrée sur elle-même, l’envoyait
tantôt à la roue, tantôt dans la cuisine, tantôt encore dans
l’infirmerie, pour la distraire. Catherine obéit toujours
prestement, car la voix de sa supérieure représentait pour elle la
volonté même de Dieu.
Le démon naturellement
fulminait et continuait de la tourmenter en suscitant dans sa pensée
des imaginations impures, en faisant apparaître sur les murs de la
cellule des figures obscènes, en lui apparaissant sous la forme d’un
beau jeune homme, ou alors des animaux qui la frappaient et
l’attachaient avec des chaînes, la traînant par terre, ou encore en
jetant pas terre la vaisselle, lorsqu’elle se trouvait dans la
cuisine. Un jour, pour lui faire perdre patience, le démon lui vola
la clé du four et la jeta dans le puits du monastère. Catherine
sortit toujours triomphante de toutes ces attaques diaboliques, car
elle demandait avec ferveur et foi la protection et l’aide de la
Sainte Vierge. Un peu pour rassurer les autres sœurs, témoins de ces
attaques diaboliques, elle disait : “Ne craignez rien, mes
sœurettes, le Christ est avec nous !”
Sœur Catherine prononça
ses trois vœux religieux le 24 août 1555. Elle put alors s’exclamer
comme l’épouse du Cantique des Cantiques : “J’ai trouvé l’amour de
mon âme ; je l’ai embrassé et plus jamais je ne le quitterai !” (Ct.
3, 4). À compter de ce jour-là le désir de sa propre sanctification
grandit en elle encore davantage encore. Elle choisit pour elle la
plus petite et la plus misérable que toutes les cellules et les
vêtements que ses soeurs ne voulaient plus mettre. Jamais elle
n’accepta de cadeaux car, comme sainte Thérèse d’Avila, elle était
convaincue que “qui possède Dieu n’a besoin de rien d’autre”.
Elle ne s'exempta
jamais des actes de communauté, même si pour aller dans le chœur ou
au réfectoire où l'appelait la cloche, elle devait souvent
s'appuyer, à cause de ses infirmités, à un bâton ou aux murs des
couloirs. Son obéissance était sans faille, même lorsqu’elle se
trouvait enlevée en extase. L'évêque de Majorque, Mgr. Jean-Baptiste
Campegio, venait lui demander conseil lorsqu’il la savait dans cet
état. Un jour il lui ordonna même de descendre avec lui au parloir
tout en restant en extase, et elle lui obéit toujours.
Sœur Catherine
éprouvait une grande répugnance envers la grille parce qu'elle
craignait de perdre sa ferveur religieuse en la fréquentant.
Toutefois elle s’y rendait sans la moindre hésitation chaque fois
que l’obéissance le demandait, que l’urbanité l’exigeait ou la
charité le conseillait. Ses paroles étaient comme des flèches
enflammées d’amour qui atteignaient les cœurs tièdes et ceux des
pécheurs pour lesquels elle priait et se mortifiait. Pendant ses
ravissements, Dieu lui donnait souvent la connaissance des besoins
spirituels de personnes vivant loin du monastère, afin qu’elle prie
pour elles. Son confesseur, le Père Salvador Abrines, avait raison
de dire du haut de sa chaire : “Vous, pécheurs, vous oubliez Dieu
et piétinez avec mépris la sainte loi ; mais il y a une personne
qui, quoiqu’innocente, pleure amèrement vos fautes et souffre par
d’indicibles douleurs les peines que vous auriez dû souffrir à cause
de vos péchés”.
Méditant la Passion du
Seigneur, causée par l'iniquité des hommes, Sœur Catherine ne
pouvait contenir ses pleurs. Un jour Jésus crucifié lui apparut tout
ensanglanté et lui dit: « Regarde, ma fille, ce que tu me
coûtes. Ceci je l’ai supporté par amour pour toi ! » Depuis lors
la sainte versant tant de larmes, que ce soit dans sa cellule, dans
le chœur ou au réfectoire, que ses sœurs craignirent qu’elle ne
devienne aveugle.
Elle nourrissait une
très grande dévotion envers Jésus Eucharistique. Elle allait souvent
le visiter, aussi souvent que lui permettait le règlement et
l’obéissance scrupuleuse aux règles de son Ordre. Quant elle
communiait, elle passait toute la journée en extase et priait pour
tous les besoins des hommes, pour le triomphe de l’Église sur les
Turcs et pour les erreurs des protestants, mais tout
particulièrement pour le soulagement des âmes du purgatoire. C’est
pourquoi, certainement, Dieu permit que plusieurs âmes lui
apparaissent et lui demandent de prier pour elles ou de faire
célébrer des Messes par leurs familles.
D'ordinaire soeur
Catherine se mettait en communication avec les âmes des défunts
pendant les extases. Dans les premiers temps de vie religieuse elles
duraient jusqu'à trois jours, mais les années s’écoulant, elles
devinrent de plus en plus longues et de plus en plus fréquentes.
L’extase dont elle était favorisée chaque année lors de la fête de
sa patronne, sainte Catherine, pouvait durer jusqu’à quinze jours.
Lors de certains
ravissements Dieu lui montrait le triste sort des pécheurs et des
damnés et alors elle gémissait douloureusement. D’autres fois Il la
faisait participer aux joies éternelles et alors sa joie se
manifestait par des soupirs amoureux.
Lorsque l’extase
terminée, elle revenait à elle, Catherine embrassait les sœurs avec
tendresse et les invitait à aimer chaque jour davantage le Seigneur
des Miséricordes.
Elle aurait aimer
cacher ces états mystiques, mais elle ne réussissait pas toujours à
se réfugier à temps dans sa cellule.
Les extases ne
l’empêchaient pas d’accomplir les tâches fixées par sa Supérieure,
tels que broder ou coudre. Pendant ces mêmes extases Dieu lui
montrait ce qui se passait dans le monastère, lui révélait les
secrets des cœurs, lui permettait d’entendre les sermons que son
confesseur prononçait dans la cathédrale et assister aux Messes
qu’il célébrait.
La nouvelle des extases
de Sœur Catherine ne resta pas longtemps enfermée entre les mure du
monastère. Beaucoup sont venus pour la voir, pour se recommander à
ses prières et pour lui demander des conseils. La sainte s'en
alarma, et pour conjurer le danger qu'il menaçait son humilité, elle
résolut de se montrer à tous un peu diminuée. Aux objections de ses
sœurs elle répondait : « Je fais ainsi pour que tous me prennent
pour ce que je suis : une idiote, une folle ». Elle ne souffrait pas
de ne pas recevoir de la part des gens des signes de gratitude. De
temps en temps elle disait : « Oh ! si vous pouviez comprendre
combien est méprisable et mesquine la créature que vous voulez
honorer ! » Elle croyait, en effet, avoir tous les défauts, et elle
les mettait en-avant dans le but de faire croire que ses extases
n’étaient qu’imaginaires.
Comme prix de cette
vertu d’humilité Dieu lui accorda le don de prophétie et de faire
des miracles. Deux fois on la trouva les habits complètement
trempés. Interrogée sur les causes de cet état, elle répondit
qu’elle venait de sauver l’architecte du monastère qui se noyait
dans la mer. La deuxième fois elle avoua être allée secourir des
matelots qui étaient en train de chavirer et qui l’avaient appelée à
leur secours. Elle guérit instantanément plusieurs personnes.
Sœur Catherine
considéra toujours sa vie terrestre comme une prison qui empêchait
son âme de s’envoler au ciel. Souvent elle s’exclamait, en
pleurant : « Oh, vie triste et affligée, quand finiras-tu ? Oh !
douloureuse captivité, combien dureras-tu encore ? Quand arrivera
pour moi l'instant bienheureux et si anxieusement désiré dans
lequel, les chaînes de la chair cassées, mon âme s’envolera vers
l’éternelle mansion de mon divin époux ? » Le don des larmes
chez elle dura jusqu'à la mort, mort dont elle fut informée bien
longtemps à l’avance. Ses larmes creusèrent deux sillons bien
visibles sur son visage.
Elle rendit sa belle
âme à Dieu le 5 avril 1574, après avoir recommandé à ses sœurs
d’être toujours très charitables. Quatre ans après sa mort son corps
fut retrouvé intacte, exempt de toute corruption.
Pie VI la béatifia le 3
août 1792 et Pie Xi la canonisa le 22 juin 1930.
Sa dépouille est
vénérée dans le monastère des Chanoinesses Régulières de saint
Augustin à Palma de Majorque (Baléares).
Alphonse Rocha |