Cuthbert de Lindisfarne Évêque

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Cuthbert de Lindisfarne
Évêque, Saint
† 687

Les Northumbriens ayant embrassé la foi, sous le règne du pieux Oswald, le saint évêque Aïdan fonda deux monastères, l'un à Mailros sur la Tweed, et l'autre dans l'île de Lindisfarne. Il les soumit tous deux à la règle de S. Colomban, et choisit le dernier pour le principal lieu de sa résidence. Ce fut dans le voisinage de Mailros que naquit S. Cuthbert. La première occupation de sa jeunesse fut de garder les troupeaux de son père sur les montagnes. La vie édifiante des moines de Mailros fit sur lui la plus vive impression, et il résolut de les imiter, en retraçant leurs pieuses pratiques, autant que cela lui serait possible. Une nuit que, selon sa coutume, il priait auprès de son troupeau, il vit monter au ciel, au milieu des anges, l'âme de S. Aïdan, qui venait de mourir dans l'île de Lindisfarne. De profondes réflexions sur la gloire que Dieu réserve à ses serviteurs le détachèrent entièrement du monde. Il alla prendre l'habit dans le monastère de Mailros, dont S. Eate était abbé, et S. Boisil prieur. Il étudia, sous le dernier, l'Écriture sainte, dont il acquit une parfaite connaissance. Ses progrès dans la perfection furent très-rapides, et il devint bientôt digne d'être proposé pour modèle à tous les frères.

Lorsqu'Eate alla prendre la conduite du monastère de Rippon, fondé par le roi Alecffid, il amena S. Cuthbert avec lui, et le chargea du soin de recevoir les hôtes. On sait que de tous les emplois monastiques, c'est là un des plus dangereux. Cuthbert s'en acquitta avec les plus saintes dispositions. Il lavait les pieds aux étrangers, qu'il servait ensuite avec une humilité et une douceur admirables, persuadé qu'on sert Jésus-Christ en servant ses membres. Mais il n'était pas de ces hommes que les occupations extérieures dissipent; son âme était toujours unie à Dieu par un parfait recueillement. Le gouvernement de l'abbaye de Rippon ayant été confié à S. Wilfrid, Cuthbert retourna à Mailros avec S. Eate, et succéda, dans la charge de prieur, à S. Boisil, qui mourut de la peste en 663.

Non content de former les moines à la perfection de leur état, et par ses discours et par ses exemples, il travaillait encore à détruire les restes de superstition que le peuple tenait de ses pères. Il sortait du monastère, dit le vénérable Bède, quelquefois à cheval, plus souvent à pied, pour ramener dans la voie du salut une multitude de malheureux qu'il regardait comme des brebis égarées. Les paysans vivaient alors dans une ignorance profonde des vérités de la foi, parce qu'il y avait peu d'églises paroissiales à la campagne. Mais quand ils savaient qu'un prêtre faisait des instructions dans quelque village, ils y couraient en foule ; et le ministre du Seigneur avait la consolation de les voir écouter ses discours avec attention, et conformer leur vie aux maximes évangéliques qu'il leur annonçait. Ce fut ce que Cuthbert éprouva. Aussi avait-il tout ce qu'il faut pour opérer des conversions. Son éloquence était des plus persuasives et des plus touchantes : ce qui,-joint à un certain éclat qui se répandait sur son visage, donnait à ses sermons une force merveilleuse. Personne ne pouvait lui résister* Tous ses auditeurs le regardaient comme Un ange envoyé du ciel pour leur enseigner la voie du salut ; ils se seraient reprochés la moindre réserve dans leur confiance ; ils allaient se jeter à ses pieds, afin d'y faire l'aveu de leurs fautes, et d'apprendre la manière de les expier.

Le saint visitait par préférence les villages et les hameaux situés sur des montagnes escarpées, dont les habitants, à demi sauvages, languissaient dans les ombres de la mort, faute de prédicateurs qui allassent les instruire.

Il y avait plusieurs années que Cuthbert édifiait ses frères par le spectacle de toutes les vertus, lorsque saint Eate, qui était tout à la fois abbé de Mailros et de Lindisfarne, l'envoya dans le dernier de ces monastères, avec la qualité de prieur. Il y continua son genre dévie ordinaire. C'était toujours la même assiduité aux exercices de la mortification et de la prière. Il possédait si éminemment l'esprit de contemplation, qu'on l'eût pris moins pour un homme que pour un ange. Souvent il passait les nuits entières en oraison ; quelquefois il travaillait ou se promenait, de peur que le sommeil ne l'empêchât de s'entretenir avec Dieu. Si quelqu'un se plaignait en sa présence de ce qu'on avait interrompu son sommeil, il disait ordinairement : « Que je saurais bon gré à relui qui m'éveillerait, puisque par là il me fournirait l'occasion de chanter les louanges de mon créateur, et de procurer sa gloire ! » La vue seule de son extérieur inspirait l'amour de la vertu. Son cœur était tellement pénétré de componction, qu'il ne pouvait célébrer la messe sans pleurer. Plus d'une fois les larmes abondantes qu'il versait dans le tribunal de la pénitence, en arrachèrent aux pécheurs les plus endurcis.

Cuthbert, qui voulait vivre dans une union encore plus intime avec Dieu, quitta son monastère, avec la permission de son abbé, et se retira dans la petite île de Farne, qui en est éloignée de neuf milles. C'était une solitude affreuse, où il n'y avait ni eau, ni arbres, ni blé. Le saint s'y bâtit un ermitage, qu'il environna d'un fossé, et l'on dit qu'il mérita, par la ferveur de ses prières, que Dieu lui fit trouver de l'eau dans sa propre cellule. Comme il avait apporté avec lui des instruments propres au labourage, il sema' d'abord du blé, qui ne vint point, puis de l'orge, qui, quoique semée hors de saison, rendit une abondante récolte. Il fit construire une maison à l'entrée de l'île, et du côté de Lindisfarne, afin d'y loger les frères qui le venaient voir. Il allait les y trouver pour les entretenir sur des matières spirituelles. Il prit ensuite la résolution de ne plus sortir de sa cellule, se contentant d'instruire par la fenêtre ceux qui le visitaient. Il consentit pourtant à avoir une entrevue avec une sainte abbesse, nommée Elflède. Elle était fille du roi Oswi, et avait été consacrée à Dieu dès sa naissance. En 680, elle succéda à sainte Hilde, dans le gouvernement de l'abbaye de Whitby. L'entrevue se passa dans l'île de Cocket, alors remplie de saints anachorètes.

Cuthbert fut élu évêque de Lindisfarne, dans un synode tenu par saint Théodore à Twiford, sur l'Aine, au royaume de Northumberland. Mais quand il fallut obtenir son consentement, on éprouva de grandes difficultés de sa part. On ne put l'arracher de sa solitude, malgré les lettres qu'on lui écrivit, et les députés qu'on lui envoya. Enfin le roi Egfrid, qui avait assisté au synode, l'alla trouver en personne avec le saint évêque Trumwin, et plusieurs autres personnes respectables par leur vertu. Tous ensemble se jetèrent à ses pieds, et le conjurèrent, par les plus pressants motifs, d'accepter une place où il pourrait procurer à Dieu une si grande gloire. Il se rendit à la fin, et sortit de sa cellule, mais en versant un torrent de larmes. Il fut sacré à Yorck, le jour de Pâque, par saint Théodore, assisté de six évêques.

Le saint, pour avoir changé d'état, ne diminua rien de ses austérités ordinaires. Il se regarda comme un homme dévoué au salut du prochain, et ne pensa plus qu'à travailler à la sanctification du troupeau qui avait été confié à ses soins. Il avait une tendre charité pour les pauvres, et pourvoyait en même temps à leurs besoins spirituels et corporels. Il prenait avec zèle le parti de la justice, mais sans rien perdre de la tranquillité de son âme. Accoutumé à voir Dieu en tout, il ne s'étonnait point des divers événements de la vie. Il était supérieur à toutes les épreuves, et y trouvait même une-source de joie. Le don des miracles, que Dieu lui accorda, le fit surnommer le Thaumaturge de la Grande-Bretagne. On rapporte, entre autres choses, qu'il guérit avec de l'eau bénite plusieurs personnes dont les maladies étaient réputées incurables. Il connut par révélation et découvrit le moment précis où le roi Egfrid fut défait et tué par les Pietés en 685.

Lorsqu'il sentit que sa fin approchait, il renonça à l'épiscopat, dont il avait exercé les fonctions pendant deux ans, et se retira dans l'île de Farve, pour se préparer à la mort. Deux mois après il tomba malade. Héréfrid, abbé de Lindisfarne, alla le visiter, et lui laissa deux de ses moines pour le servir et l'assister. La maladie paraissant incurable, il demanda le viatique du corps et du sang de Jésus-Christ, qu'il reçut des mains de l'abbé Héréfrid. Il mourut le 20 mars 687. Son corps fut porté au monastère de Saint-Pierre de Lindisfarne, et enterré à la droite du grand autel. Bédé rapporte qu'il se fit plusieurs miracles à son tombeau. 11 ajoute que les moines ayant levé de terre le corps du saint, onze ans après sa mort, ils le trouvèrent sans aucune marque de corruption; les jointures en étaient encore flexibles, et les vêtements dont on l'avait enveloppé paraissaient aussi entiers et aussi frais que le jour qu'on l'avait enterré '. On le mit dans un cercueil tout neuf, qui] fut élevé au-dessus de l'ancien tombeau. Quatre cent quinze ans après, on le trouva encore sans corruption à Durhain, où tout le inonde le voyait. Les moines de Lindisfarne l'emportaient avec eux toutes les fois qu'on était menacé de quelque incursion de la part des Danois. Enfin ils le déposèrent sur une montagne couverte de bois, et presque entièrement environnée de la Were, dans la persuasion que leur trésor serait en sûreté dans un lieu que la nature elle-même avait pris soin de fortifier. Ils y bâtirent une église, dont Aldhune, évêque de Lindisfarne, fit la dédicace en 998. On porta solennellement le corps du saint dans cette église ; et le siège épiscopal de Lindisfarne fût transféré à Dunelr ou Durhain, capitale du pays.

Plusieurs princes donnèrent des biens considérables au monastère et à la cathédrale de Durhani.que l'on avait bâtis en l'honneur de S. Cuthbert. Différents rois, par un motif de dévotion envers le| saint, accordèrent à l'évêque de Durham le titre de comte palatin, et une juridiction civile fort étendue °. Le plus grand bienfaiteur de l'église de Durham fut le roi Alfred, qui honorait S. Cuthbert comme son principal patron, et qui attribuait à son intercession la plupart des victoires qu'il avait remportées, ainsi que plusieurs autres grâces qu'il avait reçues.

Le corps du saint était encore entier, lorsque Henri VIII fit piller et détruire la châsse qui le renfermait. On le traita avec plus de respect que les autres corps saints, et il ne fut point brûlé comme ceux de S. Edmond, roi et martyr, de S. Thomas, etc. Les officiers du roi ayant emporté tout ce qui leur avait paru mériter leur attention, le laissèrent enterrer à l'endroit au-dessus duquel avait été la chasse. Le lord, vicomte Montaiguë, donna l'anneau du saint, dont la pierre était un saphir, à l'évêque de Chalcédoine, qu'il avait retiré chez lui durant la persécution suscitée contre les Catholiques. L'évêque de Chalcédoine en fit présent aux religieuses chanoinesses anglaises de Paris.

Lorsqu'on ouvrit son tombeau, on y trouva une copie de l'évangile selon S. Jean, faite d'après l'exemplaire de S. Boisil. Le comte de Litchfield, qui en était possesseur, en a fait présent à M. Thomas Philips, chanoine de Tongres, et missionnaire en Angleterre. On ne peut douter de l'authenticité de cette pièce, au rapport même des plus habiles antiquaires d'entre les Protestants, qui l'ont examinée avec soin.

SOURCE : Alban Butler : Vie des Pères, Martyrs et autres principaux Saints… – Traduction : Jean-François Godescard.

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