I
VIE
de Saint Cyrille d'Alexandrie
1. Avant l'épiscopat
Saint Cyrille
d' Alexandrie naquit vers 380. Nous ignorons tout de sa
jeunesse. Ses oeuvres témoignent de sa culture profane et
religieuse.
En 403, Saint
Cyrille d' Alexandrie assiste aux côtés de son oncle,
Théophile d'Alexandrie, au concile du Chêne où S. Jean
Chrysostome fut condamné. L'histoire nous trace un portrait
assez dur de l'évêque Théophile, on le dit ambitieux,
autoritaire, intrigant.
2. L'épiscopat (412-444)
Première
période : de 412 à 428
Le 17 octobre
412, Saint Cyrille d' Alexandrie succède à son oncle
Théophile sur le siège patriarcal
d'Alexandrie. Il sera
évêque trente-deux ans. Saint Cyrille d' Alexandrie
laissera à la postérité une oeuvre théologique immense et de
grande valeur.
Dès l'abord,
Saint Cyrille d' Alexandrie se montre intransigeant comme
le fut son oncle. Il témoigne certes d'un zèle pastoral
remarquable dont ses oeuvres exégétiques sont l'écho, mais
Saint Cyrille d' Alexandrie se dépense par tous les moyens
pour la sauvegarde de la vérité : il lutte contre les
novatiens schismatiques, il lutte contre les Juifs qu'il
chasse d'Égypte, Saint Cyrille d' Alexandrie lutte contre
les païens : serait-il vraiment responsable d'un meurtre
odieux et cruel, celui d'Hypatia, célèbre philosophe
platonicienne, qui fut sauvagement assassinée en 415 par une
bande de chrétiens conduite par un clerc?
Il n'est pas
sans intérêt de lire dès l'abord le jugement de Newman qui
connaissait si bien la période patristique :
Cyrille,
je le sais, est un saint. Il ne s'ensuit pas qu'il l'était
en 412. Je parle selon l'histoire... Je ne pense pas que
Cyrille lui même aimerait que ses actions historiques
fussent prises comme la mesure de sa sainteté, et il n'est
pas honnête de donner une entorse à l'histoire pour servir
quelque théorie gratuite. Théologiquement, il est grand et,
à cet égard, les catholiques de toutes les époques lui ont
été très redevables
Esquisses Patristiques, Paris, 1962, p.448
Sur le plan
théologique, Saint Cyrille d' Alexandrie poursuit la lutte
antiarienne il insista donc sur la divinité du Christ, Verbe
incarné. Héritier direct de la pensée d'Athanase (+373),
Saint Cyrille d' Alexandrie aima toujours s'en proclamer le
disciple.
Deuxième
période : la lutte contre Nestorius (428-444)
En 428,
Nestorius devint évêque de Constantinople, capitale de
l'empire. La faveur de l'empereur Théodose II l'appelait à
ce siège. Ce prêtre d'Antioche, prédicateur de renom, était
le disciple du plus grand exégète de l'école d'Antioche,
Théodore de Mopsueste, dont la préoccupation majeure fut
d'affirmer dans son enseignement l'humanité du Christ " afin
que soit assumé ce qui doit être sauvé ".
Nestorius
s'empressa de diffuser à Constantinople les conclusions les
plus hardies de l'école d'Antioche sur la distinction de la
nature humaine et de la nature divine dans le Christ. Marie
a enfanté un homme et, par conséquent, Nestorius refusait de
lui donner son titre traditionnel de Mère de Dieu,
Theotokos. Il choisissait de lui substituer celui de
Christotokos, Mère du Christ.
Entre Saint
Cyrille d' Alexandrie et Nestorius, la lutte doctrinale
allait s'engager. Dans cet affrontement théologique, deux
cités rivales combattaient : Alexandrie et Constantinople,
deux écoles aux tendances opposées mais complémentaires
aggravaient leurs divisions : Alexandrie et Antioche. La
lutte serait complexe : politico-religieuse, c'est vrai,
mais cependant il faut tenir que Saint Cyrille d'
Alexandrie sauva l'orthodoxie et combattit pour la foi.
Toujours, Saint Cyrille d' Alexandrie eut conscience du
point de départ de cette lutte longue et mouvementée :
Ignore-t-on le point de départ de toute cette dispute sur la
foi ? Elle n'a été engagée que parce que c'était notre ferme
conviction que la sainte Vierge est Mère de Dieu.
Dialogue sur la Trinité, PG 75, 940 A
Dès 429, Saint
Cyrille d' Alexandrie proteste donc dans son homélie
pascale, il évite encore de nommer Nestorius :
Ce n'est
pas un homme ordinaire que Marie a enfanté, c'est le Fils de
Dieu fait homme ; elle est donc bien mère du Seigneur et
mère de Dieu.
Homélie 17, PG 77, 776
Peu de temps
après, dans une longue lettre dogmatique, Saint Cyrille d'
Alexandrie y revient encore :
Faut-il
appeler Marie Theotokos ? Sans aucun doute, puisqu'elle a
conçu et enfanté le Dieu Verbe fait homme. Ce mot est
traditionnel, tous les Pères orthodoxes d'Orient et
d'Occident l'ont accepté.
Lettre aux moines d'Égypte, PG 77, 16
Saint Cyrille
d' Alexandrie écrit ensuite directement à Nestorius qui
répond avec dédain à celui qu'il appelle " l'Egyptien " ; de
part et d'autre, les deux théologiens en conflit
s'adressèrent à Rome.
En août 430,
dans un concile romain, le pape Célestin I condamna
Nestorius et il chargea Saint Cyrille d'Alexandrie de lui
notifier la sentence et de s'efforcer d'obtenir la
rétractation des thèses hérétiques.
Saint Cyrille
d' Alexandrie réunit les évêques d'Égypte et rédigea au
mois de novembre une Lettre synodale contre Nestorius
qui se terminait par les douze anathématismes [voit texte
dans Dictionnaire de Théologie Catholique, article
Cyrille d'Alexandrie, col. 2509-2511] rédigés dans la
terminologie de l'école théologique d'Alexandrie. Nestorius
était, sous peine d'excommunication, sommé d'y souscrire. A
travers Nestorius, Antioche se sentait menacée et la rupture
entre les Eglises semblait inévitable. L'empereur Théodose
II, très hostile à saint Cyrille d' Alexandrie, convoqua un
concile général à Ephèse en 431.
En ce troisième
concile oecuménique la doctrine de Nestorius fut condamnée.
La décision fut prise rapidement dès la première session.
L'affaire devait rebondir, les évêques syriens arrivèrent
avec cinq jours de retard et protestèrent :
Cyrille
est bien le neveu de Théophile ! Il l'imite dans ses
manières de voir et dans ses procédés. L'un a déchaîné sa
fureur contre Jean (Chrysostome), le porte-parole de Dieu;
celui-ci, malgré la grande différence qui sépare les deux
accusés, cherche à se faire un nom...
Actes
du Concile
Jean d'Antioche
et les évêques syriens lancèrent l'excommunication contre
saint Cyrille d' Alexandrie qui fut emprisonné par ordre de
Théodose : les adversaires étaient tous deux déposés de
leurs fonctions ! Cependant, les négociations se
poursuivirent, saint Cyrille d' Alexandrie fut remis en
liberté après trois mois ; en 433 l'union se fit entre les
Orientaux qui anathématisèrent la doctrine de Nestorius et
l'Église d'Alexandrie. Saint Cyrille d' Alexandrie avait
renoncé à exiger une reconnaissance signée des
Anathématismes dont le texte fut toujours discuté, les deux
partis acceptaient la formule d'un symbole d'union :
Nous
confessons... Notre Seigneur Jésus-Christ le Fils unique de
Dieu, Dieu parfait et homme parfait... engendré avant les
siècles par son Père selon la divinité, et dans les derniers
jours, le même à cause de nous et pour notre salut, engendré
de la Vierge Marie selon l'humanité ; le même consubstantiel
au Père par sa divinité et consubstantiel à nous par son
humanité. Car l'union des deux natures a eu lieu ; et c'est
pourquoi nous confessons un seul Christ, un seul Fils, un
seul Seigneur. Dans cette même pensée de l'union sans
mélange, nous confessons la sainte Vierge, Mère de Dieu
parce que le Dieu Logos s'est incarné.
PG 77, 176-177 29
Les discussions
se poursuivirent : saint Cyrille d' Alexandrie était suspect
encore parmi certains Orientaux qui l'accusaient
d'apollinarisme. A la suite dApollinaire ( + après 390), les
apollinaristes défendaient à un tel point la divinité du
Christ qu'ils mutilaient l'intégrité de sa nature humaine :
selon eux, la divinité du Christ lui tenait lieu d'âme
raisonnable. D'autre part, les alexandrins reprochaient à
saint Cyrille d' Alexandrie d'avoir renié la doctrine des
Anathématismes. Saint Cyrille d' Alexandrie s'attacha donc à
défendre sa doctrine aussi bien dans les dernières années de
sa vie qu'au coeur même de la lutte contre Nestorius. Saint
Cyrille d' Alexandrie mourut en l'an 444, le 27 juin.
II - ŒUVRES
de Saint Cyrille d'Alexandrie
L'oeuvre
littéraire de Saint Cyrille d'Alexandrie est immense : dix
volumes de la patrologie grecque de l 'abbé Migne. Ses
oeuvres sont exégétiques, dogmatiques ou polémiques. Nous ne
citons que les titres principaux.
1. Avant la controverse nestorienne
L'adoration et le culte de Dieu en esprit et en vérité
Saint
Cyrille d'Alexandrie commente un ensemble de textes du
Pentateuque selon la méthode allégorique alexandrine,
Saint Cyrille d'Alexandrie montre que l'Ancien Testament
prépare et préfigure le Nouveau.
Les
Glaphyres (le mot signifie : élégants commentaires)
Ces treize livres sont la suite directe des dix-sept livres
de l'ouvrage précédent.
Le
Commentaire sur Isaïe et le Commentaire sur les douze
petits prophètes
Le
Commentaire sur l'évangile de saint Jean
Grand ouvrage dogmatique. Le souci de réfuter les erreurs y
est très perceptible, l'ouvrage se situe cependant avant la
grande controverse. Il contient d'admirables développements
sur l'Eucharistie. Nous citons quelques extraits de cette
oeuvre importante:
L'incarnation
déificatrice :
Tous nous
étions dans le Christ, c'est la commune personne de
l'humanité qui se reforme en lui, le Logos a habité en tous
par un seul : un seul ayant été constitué Fils de Dieu en
puissance selon l'Esprit de sainteté, cette dignité se
communique à tout le genre humain.
Commentaire sur l'évangile de saint Jean. 1, PG 73,
161 C
Il est
faux que nous ne puissions être un avec Dieu que par un
accord de volonté. Car au-dessus de cette union, il en est
une autre plus sublime et de beaucoup supérieure qui s'opère
par une communication de la divinité à l'homme, lequel, tout
en conservant sa propre nature, est transformé pour ainsi
dire en Dieu, de même que le fer plongé dans le feu devient
igniforme, et tout en demeurant du fer semble changé en feu.
Commentaire sur l'évangile de saint Jean. PG 74, 5 5
3
La
participation du Saint-Esprit :
Il n'y a
d'union avec Dieu que par la participation du Saint Esprit,
nous infusant la sainteté de sa propre nature, remodelant
les âmes humaines en sa propre vie, il leur imprime une
ressemblance divine et sculpte en elles l'effigie de cette
substance qui est la plus parfaite des substances.
Commentaire sur l'évangile de saint Jean. , PG 74, 5
53
L'Eucharistie
nous fait participer au corps vivifiant du Ressuscité :
Parce que
le Christ vient en nous par sa chair, nous ressusciterons
vraiment. Il serait incroyable ou plutôt impossible que la
vie ne vivifiât pas ceux dans lesquels elle vient. De même
qu'on recouvre une étincelle de beaucoup de paille pour
conserver la semence du feu ; de même en nous Notre Seigneur
Jésus-Christ, par la chair, cache la vie au fond de notre
être ;il la dépose comme un germe d'immortalité qui doit
consumer toute la corruption qui est en nous.
Commentaire sur l'évangile de saint Jean. , 4, 2, PG
73, 581
Sur la sainte
et consubstantielle Trinité
Saint Cyrille
d'Alexandrie écrit deux ouvrages polémiques sur ce sujet,
il y réfute les objections des ariens.
2. La controverse nestorienne
Toutes les
oeuvres de saint Cyrille d'Alexandrie , à partir de 428,
sont consacrées à l'étude des problèmes christologiques.
Parmi toute une
suite d'écrits polémiques, citons
- Contre les
blasphèmes de Nestorius (vers 430)
- Sur la foi
orthodoxe, à l'empereur
- Sur la foi
orthodoxe, aux princesses et aux reines.
L'ouvrage
s'adresse aux soeurs de l'empereur et à l'impératrice
Eudoxie.
- Les douze
anathématismes (430)
- Une
explication et deux apologies des douze anathématismes.
3. Les dernières années
- Contre les
livres de l'athée Julien (de 433 à 44 1)
De ces trente
livres d'apologétique chrétienne, nous n'avons conservé que
les dix premiers.
Citons encore
les Lettres pascales, 29 nous sont parvenues sous le
nom d'Homélies pascales :
L'Esprit
nous rend parfaitement conformes au Christ, par sa vertu
sanctifiante. Il est en effet en quelque sorte la forme (la
parfaite ressemblance) du Christ notre Sauveur, et fi
inprim- en nous par lui-même la divine ressemblance.
Hom. pasc. 10
III - LA DOCTRINE
CHRISTOLOGIQUE
de Saint Cyrille d'Alexandrie
Saint Cyrille
d'Alexandrie est le théologien de l'unité de la personne du
Christ: dans le Verbe incarné, il reconnaît deux natures
distinctes mais unies. Marie est la Mère d'une personne
divine, car le Verbe incarné est la deuxième personne de la
sainte Trinité.
Parce que
l'école d'Antioche mettait l'accent sur la parfaite humanité
du Sauveur,
elle fut amenée à souligner la distinction des deux natures
humaine et divine ;
parce que l'école d'Alexandrie mettait l'accent sur la
divinité du Sauveur,
elle fut amenée à souligner l'unité des deux natures.
On accusa Saint
Cyrille d'Alexandrie d'avoir consenti des concessions aux
nestoriens et d'avoir varié dans ses positions dogmatiques :
mais la pensée du théologien fut toujours de rejeter la
division, la dualité des natures. On a parlé très justement
de " fermeté de pensée et de souplesse d'expression ". Le
vocabulaire technique de la christologie se cherchait
encore, il ne sera vraiment fixé qu'au concile de
Chalcédoine (451).
La doctrine de
Nestorius était vraiment dangereuse : entre l'homme Jésus et
le Verbe, il ne voyait qu'une conjonction morale, le concile
d'Éphèse insista, selon la pensée de Saint Cyrille
d'Alexandrie , sur l'unité divino-humaine du Christ.
Hélas, après la
mort de Saint Cyrille d'Alexandrie, les monophysites se
réclamèrent de son patronage. Certaines expressions très
fortes de Saint Cyrille d'Alexandrie, sorties du contexte de
sa pensée, pouvaient être interprétées dans ce sens. La
terminologie de Saint Cyrille d'Alexandrie n'était pas
toujours claire pour tous. Le risque de mutiler l'humanité
n'était pas illusoire ; Saint Cyrille d'Alexandrie qui
aimait de se référer à saint Athanase cite souvent cette
parole qu'il pensait à tort être de lui : " l'unique
nature du Verbe fait chair ". En fait, cette parole
était précisément d'Apollinaire, jugé à juste titre
hérétique parce u'il disait que le Verbe remplaçait dans le
Christ l'esprit humain. Saint Cyrille d'Alexandrie parle
souvent de la distinction des deux natures, il parle tout
autant de leur unité : il s'agit toujours dans sa pensée
d'une union sans confusion. Deux textes feront saisir à la
fois le flottement terminologique et la fermeté de la pensée
:
Le Verbe
s'est fait chair, comme dit Jean le Théologien. Alors se
sont mêlées pour ne faire qu'une, d'une manière aussi
inexplicable qu'inconnaissable, la nature divine qui vivifie
et la nature humaine qui est terrestre. Nous comprenons de
ce fait que des deux natures, un seul Emmanuel soit apparu,
qui n'est point sorti des limites de sa divinité à cause de
la chair qu'il avait revêtue, de même qu'il n'a pas repoussé
notre ressemblance en y faisant naître sa bonté essentielle.
Homélie pascale 18, PG 77, 802 -820
Malgré la
diversité des natures qui sont réunies dans une véritable
unité, il n'y a qu'un unique Christ et Fils. La différence
des natures n'est pas éliminée par l'unité, mais au
contraire ce sont la divinité et l'humanité qui constituent
l'unique Seigneur Jésus-Christ, par un concours mystérieux
et indicible.
Lettre 4, PG 77, 45 B
CONCLUSION
sur Saint Cyrille d'Alexandrie
Saint Cyrille
d'Alexandrie fut proclamé Docteur de l'Église par Léon XIII.
l'Église reconnaît en lui le Docteur de l'Incarnation. Saint
Cyrille d'Alexandrie est le plus grand successeur
d'Athanase sur le siège d'Alexandrie et sa maîtrise
théologique est remarquable.
Saint Cyrille
d'Alexandrie est penseur systématique et théologien de la
vie spirituelle, il sut tirer les conclusions du dogme.
Jamais le dogme ne fut pour Saint Cyrille d'Alexandrie une
abstraction, l'Incarnation dont Saint Cyrille d'Alexandrie
parlait sans cesse atteignait l'humanité entière, elle est
divinisatrice et vivificatrice. L'union de l'humanité au
Christ est réelle, physique : par le corps du Christ reçu
dans l'Eucharistie, les chrétiens deviennent concorporels
avec lui et entre eux.
Anastase le
Sinaïte (+ peu après 700) remarqua comment Saint Cyrille
d'Alexandrie avait recueilli tout l'héritage de la
tradition patristique dans l'élaboration de sa doctrine
trinitaire et il l'appela pour ce motif « le sceau des Pères
». Il clôt en quelque sorte l'époque de la patristique dans
le monde grec.
Le contact avec
la pensée de saint Cyrille d'Alexandrie renouvelle en nous
la conviction de l'importance vitale du dogme :
l'Église reste
redevable à saint Cyrille d'Alexandrie de la fermeté d'une
doctrine christologique que les siècles ultérieurs
fixeraient en un vocabulaire moins fluent.
SOURCE :
http://jesusmarie.free.fr/cyrille_d_alexandrie.html |